Notes au radiodiffuseur
La radio, plus que tout autre médium, parle le langage des agriculteurs. Les agriculteurs comptent sur la radio pour obtenir les informations dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin. Et les agriculteurs veulent être inclus par la radio dans les discussions portant sur la meilleure façon de faire pousser les cultures qui nourrissent leurs familles et sur le moyen de gagner un peu d‘argent au marché.
Trop souvent, la radio déçoit les agriculteurs. Ils quittent l’antenne lorsque les renseignements les plus importants ne sont pas donnés ou lorsque les exposés faits par des professeurs, des politiciens et des promoteurs couvrent les voix des agriculteurs.
Il n’est pas impératif de fonctionner ainsi. En Afrique, les radiodiffuseurs peuvent réaliser de meilleures émissions pour les agriculteurs. Ils peuvent répondre aux besoins des agriculteurs, impliquer les agriculteurs et rendre les diffusions plus intéressantes. Ce qu’il faut, c’est mettre en lumière les bonnes pratiques et les partager à travers toute l’Afrique.
En 2010, Radios Rurales Internationales a recueilli des informations sur les émissions radiophoniques agricoles de stations de radio au Cameroun, au Ghana, au Kenya, en Tanzanie et au Malawi. Nous avons rendu visite à 20 stations et à deux maisons de production et écouté leurs émissions agricoles. Nous avons posé des centaines de questions aux personnes qui faisaient les émissions et aux gens qui les écoutaient. Suite à nos constatations, nous publions une liste de conseils destinés aux radiodiffuseurs qui souhaitent améliorer leurs émissions agricoles à compter de maintenant!
Un changement positif survient rarement du jour au lendemain – mais il débute par un pas en avant. Nous avons regroupé ces conseils dans trois catégories : les solutions rapides, les améliorations moyennes et les gros changements. Nous vous encourageons à envisager de mettre en œuvre les ‘solutions rapides’. Si elles fonctionnent, passez à des améliorations plus complexes. Avant longtemps, vous aurez une émission radiophonique transformée – plus efficace et plus divertissante – avec une plus grande satisfaction professionnelle aussi!
Pour le présent ensemble de ressources, nous avons choisi nos « douze meilleurs » remèdes, dont quelques-uns dans chaque catégorie du document original. Pour lire le document complet, allez à http://frrp.wpengine.com/fr/broadcaster-resources1/ressources-speciales/.
Une note à propos du titre : nous serons contents lorsque « Soixante-quinze façons d’améliorer votre émission agricole » deviendra « Quatre-vingt-dix-neuf façons d’améliorer votre émission agricole »! Mais cela dépend de vous. Communiquez avec nous et faites-nous part de vos idées pour améliorer les émissions agricoles et des pièges à éviter. Nous citerons chaque personne qui fournira des suggestions que nous utiliserons dans la prochaine édition. Communiquez avec nous par courriel à l’adresse info@farmradio.org et inscrivez « Soixante-quinze » à la ligne Objet de votre message.
Et bonne chance à vous toutes et à vous tous!
Texte
1. Rédigez une introduction qui oblige les auditeurs à rester à l’écoute Vous devez gagner la loyauté de vos auditeurs avec chaque épisode d’une émission. Les auditeurs vous accorderont quelques minutes au début pour les convaincre de continuer à vous écouter. À cause de cela, votre introduction devrait être l’une des choses les plus réfléchies que vous préparez. Et ne vous contentez pas de donner une liste d’épicerie. Faites appel à la curiosité et à l’intérêt personnel de l’auditeur. Donnez à l’auditeur une raison émotionnelle d’écouter. Par exemple, ne dites pas simplement « Nous allons parler à un expert au sujet de telle maladie ». Dites plutôt « Les chèvres de Betty Mumo meurent de telle maladie. Nous allons parler à un vétérinaire qui vous dira comment empêcher que cela arrive à votre troupeau ».
2. Parlez aux femmes invitées avec la même dignité qu’aux hommes (7) Pourquoi faut-il qu’un radiodiffuseur déclare « Je m’entretiens avec le Dr Stanley Lubo du collège d’agriculture ». Mais lorsqu’il se rend dans les champs, il se contente de dire « Bonjour, maman ». Pourquoi ne dit-il pas « Je m’entretiens avec l’agricultrice Maria Smith à Luganda village » et pourquoi dit-il « Je m’entretiens avec une très jolie femme au marché de Zomba », alors que cela ne lui viendrait jamais à l’idée de dire « Je m’entretiens avec un homme très élégant au marché de Zomba »?
3. Peignez des images avec des mots (26) Lorsque vous vous rendez dans un village pour parler d’une maladie du maïs, vous devriez être en premier lieu les yeux de l’auditeur. Décrivez le « tableau complet » lorsque vous pénétrez dans le village – des enfants qui jouent, des anciens assis dehors et tout ce qui distingue ce village en particulier – un bâtiment, une rivière, une boutique, un temple. Ensuite « zoomez » et peignez avec des mots une image du champ précis et de l’agriculteur et aussi du maïs infecté. Cela garde les auditeurs à vos côtés et stimule leur intérêt.
4. Une histoire, une histoire, une histoire (29) Tout le monde aime une histoire et la radio est à son mieux quand elle en raconte. Une histoire implique généralement une personne intéressante qui fait face à un problème et le surmonte. Apprenez comment utiliser des histoires pour attirer et garder vos auditeurs. Les histoires peuvent être « factuelles », comme dans un reportage, ou « représentatives » comme dans une mini-dramatique. Les deux vont très bien.
5. Collaborez avec d’autres médias (44) La radio peut faire beaucoup, mais elle ne peut pas tout faire! Si un enjeu agricole peut être communiqué uniquement par des photos, trouvez un moyen de faire parvenir les photos aux agriculteurs. Elles peuvent être utilisées comme documents de référence pour les agriculteurs en tout temps, à la différence d’une émission radiophonique qui est diffusée une fois ou deux. Peut-être que le Département de vulgarisation peut donner des photos à l’école à distribuer aux élèves pour les emporter chez eux. Peut-être que les photos peuvent être affichées au marché et que votre émission peut aiguiller les gens vers elles. Peut-être que votre station a une salle de ressources ou une bibliothèque où les gens de la collectivité peuvent voir les photos d’une pratique agricole dont vous avez parlé en ondes.
6. Rejoignez les agriculteurs dans leurs villages (46) Trop d’émissions agricoles sont tributaires d’un studio et elles en souffrent. Les téléphones cellulaires peuvent combler le fossé entre l’agriculteur et le radiodiffuseur, mais cela ne suffit pas. Le transport coûte cher, mais vous devez vous rendre dans les champs et les maisons des agriculteurs. Ils vous respecteront davantage s’ils savent que vous avez regardé le vent éparpiller les sols arides, attendu des heures pour le traversier, été pris dans la boue sur la route qui conduit au marché et entendu les gémissements de la chèvre malade. Vous pouvez ne pas être en mesure de voyager toutes les semaines, mais peut-être que d’autres radiodiffuseurs le peuvent – un reporteur de nouvelles, par exemple, et l’agent de vulgarisation assurément. Lorsque nous avons évalué les vingt-deux émissions dans l’Analyse des émissions des radios rurales africaines (ARRPA), nous avons constaté que les émissions qui comportaient des visites dans les champs étaient de bien meilleure qualité que les autres. Trouvez les ressources pour vous y rendre. Et, entre-temps, rendez-vous sur les marchés proches pour y interviewer des agriculteurs.
7. Planifiez, planifiez, planifiez (49) Une émission agricole devrait sembler spontanée et détendue. Mais derrière cette impression confortable et informelle, il devrait y avoir un plan sérieux. Cet épisode répondra-t-il à l’objectif global de l’émission? Fera-t-il avancer la discussion et la résolution d’un problème profondément enraciné? Présente-t-il des agriculteurs discutant d’importantes questions agricoles? Notre revue du marché couvre-t-elle de façon fiable les marchés qu’utilisent les agriculteurs? Ce sont là les questions que l’animatrice ou le réalisateur doit se poser chaque semaine, et ensuite faire le travail exigé pour livrer le contenu – et faire en sorte que le tout semble facile en ondes!
8. Créez un énoncé d’objectif (58) Lorsqu’une station décide de faire une émission agricole, trop souvent elle affecte simplement un réalisateur-animateur et il lui incombe de décider quoi faire. Ce n’est pas juste pour le réalisateur, ni pour les agriculteurs. Rédigez un énoncé d’objectif clair et utile avec votre directeur. En voici un bon échantillon.
« Les agriculteurs d’abord » contribue à doter les agriculteurs de la région de Tembe des outils nécessaires pour faire pousser les aliments les plus appropriés pour leurs familles et pour le marché et à renforcer une collectivité rurale dynamique. « Les agriculteurs d’abord » est une émission hebdomadaire divertissante qui fournit aux agriculteurs les informations dont ils ont besoin, en provenance de sources fiables, et quand ils en ont besoin. Elle donne aussi aux agriculteurs une occasion de discuter de choses importantes pour eux.
9. Établissez un partenariat avec les services de vulgarisation (59) La radio dessert principalement les agriculteurs à partir d’un endroit central. Les agents de vulgarisation se rendent régulièrement dans les villages. Les deux peuvent améliorer leur service aux agriculteurs s’ils collaborent. (Cela exigera probablement un contrat officiel ou un protocole d’entente qui précise qui fait quoi.)
10. Amenez les agriculteurs à discuter des questions importantes en ondes (63) Il n’y aura pas de développement économique et social efficace dans votre secteur à moins que les agriculteurs ne participent à la discussion sur ce développement. Votre émission peut fournir un « espace » confortable où ces discussions peuvent débuter et où elles peuvent être approfondies et où elles peuvent inclure de plus en plus les agriculteurs des deux sexes.
11. Ne « dénigrez » jamais les agriculteurs (69) Nous avons entendu des émissions durant lesquelles l’animateur traitait les agriculteurs comme des enfants irresponsables. Nous avons entendu des agents de vulgarisation blâmer les agriculteurs pour ne pas adopter de nouvelles pratiques qu’ils préconisaient. Nous avons entendu des animateurs dont les éloges exagérés à l’intention des agriculteurs sonnaient creux et faux. Parfois, les radiodiffuseurs pensent qu’ils ont été élevés « au-dessus » des agriculteurs et, consciemment ou inconsciemment, ils les « dénigrent ». Les meilleurs radiodiffuseurs agricoles savent que les agriculteurs travaillent dur et de longues heures pour améliorer la santé de leurs familles. Ces radiodiffuseurs agricoles comprennent qu’ils ont une énorme responsabilité pour utiliser la radio au service des agriculteurs et pour le faire avec respect.
12. N’exagérez pas! (75) Certains radiodiffuseurs doivent penser que leur émission est comme une brouette : plus ils peuvent la remplir, mieux c’est. Ce n’est pas vrai. L’émission est une relation verbale entre l’animateur et l’auditeur. Les auditeurs ne sont pas motivés par une tonne d’informations qu’on déverse sur eux. Ils sont motivés lorsqu’ils sont mobilisés et guidés à travers de la documentation à un rythme et selon un volume qu’ils peuvent absorber. Si vous les surchargez d’informations, beaucoup d’agriculteurs se considéreront eux-mêmes incompétents (sans que cela soit de leur faute) et ils décrocheront.
Acknowledgements
Contribution de : Marvin Hanke (Blantyre, Malawi) et Doug Ward (Ottawa, Canada)
Adaptation française : Jean-Luc Malherbe, Société Ardenn, Ottawa, Canada.
À propos des auteurs
Marvin Hanke a travaillé pour la Malawi Broadcasting Corporation comme réalisateur d’émissions pendant 24 ans (1975–1999) et il était bien connu pour la réalisation d’une dramatique radiophonique primée intitulée Theatre of the Air. En 1999, il fut le co-fondateur avec Pamela Brooke de Story Workshop, ONG de médias pour le développement mettant l’accent sur la communication radio, où il a travaillé comme directeur des médias, puis comme directeur général. Sa réalisation d’un feuilleton radiophonique intitulé Zimachitika a remporté le Prix du Commonwealth pour l’action contre le VIH et le sida. Il fut producteur délégué de deux émissions radiophoniques portant sur le développement rural (une série dramatique sur les bonnes pratiques agricoles et une émission de type magazine sur la sécurité alimentaire qui dura six ans). Il prit volontairement sa retraite en 2008 et il dirige actuellement sa propre entreprise privée de médias audio, Audio Clinic Productions, et il donne des conseils en techniques de production radiophonique. Il siège comme vice-président au Farm Radio Malawi Board et il en préside le Comité des programmes. On peut le joindre à l’adresse marvinhanke54@yahoo.com.
Doug Ward est le président du Conseil de Radios Rurales Internationales. À titre de vice-président de la Canadian Broadcasting Corporation, Doug a dirigé les plus de soixante-dix centres régionaux de production radiophonique et télévisuelle de CBC. Auparavant, Doug fut directeur du CBC Northern Service, fournissant une programmation radiophonique dans neuf langues autochtones à, pour et par des autochtones du Nord canadien. Il fut producteur délégué au sein de l’équipe qui créa As It Happens – populaire tribune radiophonique de CBC Radio – actuellement dans sa 43e année. À Radios Rurales Internationales, Doug a conçu la méthodologie des campagnes radiophoniques participatives (CRP), qui contribue à mobiliser les petits exploitants agricoles pour adopter des pratiques agricoles améliorées qu’ils jugent importantes pour la sécurité alimentaire de leurs familles. Doug est aussi décideur public au sein du Conseil canadien des normes de la radiotélévision, qui traite toutes les plaintes concernant la radiotélévision commerciale au Canada. On peut le joindre à l’adresse dougward@magma.ca.
Projet réalisé avec l’appui financier du gouvernement du Canada accordé par l’entremise de l’Agence canadienne de développement international (ACDI)