Stratégies paysannes pour l’adaptation au changement climatique

Environnement

Notes au radiodiffuseur

L’adaptation au changement climatique est un défi majeur dans les pays africains, notamment au Niger. À l’instar d’autres pays, le Niger développe et met en œuvre des programmes d’adaptation au changement climatique. Cependant, pour élaborer de bonnes politiques d’adaptation, le gouvernement a besoin des meilleures informations sur les changements climatiques qui surviendront et les risques qu’ils comportent. Actuellement, le monde paysan dispose de très peu de renseignements sur les meilleurs moyens d’adaptation aux nouvelles conditions climatiques dans lesquelles il se retrouvera.

Afin de combler ce manque de connaissances, l’Institut allemand de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique a réalisé une étude scientifique approfondie sur les éventuels changements climatiques qui pourraient survenir durant les prochaines décennies. L’étude a permis de recueillir des renseignements sur ces changements et leurs répercussions sur les agriculteurs et les agricultrices.

Outre l’analyse du changement qui pourrait se produire à l’échelle climatique au Niger, l’étude a également permis d’examiner les types de pratiques agricoles pouvant offrir au monde paysan nigérien de meilleurs moyens d’adaptation aux futurs changements climatiques.

Le présent texte radiophonique est une conversation fictive entre deux animateurs de radio. L’animateur 2 présente l’étude scientifique de l’Institut de Potsdam. L’animateur 1 pose des questions sur les conclusions de l’étude et l’animateur 2 réagit. Les deux discutent de la façon dont les changements climatiques pourraient survenir au Niger. Ils décrivent également quatre sortes de pratiques agricoles susceptibles d’aider le mieux les agriculteurs et les agricultrices nigériens à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques.

Vous pourriez vous inspirer de ce texte radiophonique pour réaliser votre propre émission sur le changement climatique et la façon dont le monde paysan de votre région peut mieux s’y adapter. Voici quelques façons dont vous pouvez partager ces informations pour permettre à votre auditoire de comprendre et d’appliquer les informations qu’il entend :

  • Vous pourriez inviter une personne spécialisée en climat ou en l’agriculture pour discuter des prévisions de l’étude concernant le changement climatique et ses répercussions sur les agriculteurs et les agricultrices nigériens.
  • Vous pourriez demander à un expert ou une experte de l’agriculture de venir expliquer  une ou plusieurs de pratiques recommandées par l’étude scientifique, expliquer pourquoi celles-ci offrent tant de potentiel et répondre ensuite aux questions concernant la façon dont les agriculteurs et les agricultrices peuvent appliquer au mieux les pratiques, y compris résoudre les difficultés liées à leur application.

Durée estimée du texte radiophonique : 25 minutes, avec la musique d’intro et de sortie.

Texte

ANIMATEUR.TRICE1:
Bonjour, chers auditeurs et auditrices.

ANIMATEUR.TRICE2:
Bonjour, tout le monde. Aujourd’hui, nous parlerons des conditions météorologiques qui changent, ou du changement climatique.

ANIMATEUR.TRICE1:
C’est exact. Et une des prévisions les plus sûres que l’on puisse faire concernant le changement climatique c’est que, désormais, chaque agriculteur et agricultrice d’Afrique a une idée de ce que c’est!

ANIMAEUR.TRICE2:
(RIRES) En effet, c’est le cas! Et ces personnes vivent probablement ce changement climatique qui se produit dans leur environnement. Le changement climatique est une réalité quotidienne au Niger. Les producteurs et les productrices réalisent déjà qu’il fait très chaud durant la journée, de même que la nuit. De plus, la température annuelle moyenne au Niger a augmenté de 0,43o Celsius, soit près d’un demi-degré, entre 1988 et 2006.

ANIMATEUR.TRICE2:
Bien, aujourd’hui, nous verrons les changements susceptibles de se produire au niveau du climat nigérien, et ce, à cause du changement climatique au cours des 30 prochaines années et au-delà. Nous présenterons également certaines méthodes agricoles qui pourraient aider le monde paysan nigérien à s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques.

ANIMATEUR.TRICE1:
Nous savons qu’à l’instar d’autres pays d’Afrique subsaharienne, le Niger est très vulnérable au changement climatique. Les conditions climatiques fluctuent déjà relativement et le pays manque de moyens pour gérer ou s’adapter facilement au changement climatique. Le Niger est très tributaire de l’agriculture et de l’élevage qui dépendent des conditions météorologiques favorables. De plus, la dégradation des sols et la désertification constituent des problèmes majeurs pour la production agricole. Par conséquent, le changement climatique ne fera qu’accroître ces stresses.

ANIMATEUR.TRICE2:
Pour examiner ces questions, l’Institut allemand de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique a réalisé une étude scientifique visant à répondre à deux questions: premièrement, quels changements le climat du Niger pourrait-il subir pendant les 30 prochaines années et au-delà? Et deuxièmement, comment les agriculteurs et les agricultrices nigériens peuvent-ils changer de pratiques agricoles pour mieux s’adapter aux nouveaux phénomènes climatiques, tout en s’assurant d’avoir suffisamment de nourriture et de revenus pour leurs besoins familiaux?

ANIMATEUR.TRICE1:
Ce sont deux questions très importantes. Vous avez dit que les spécialistes avaient étudié comment le climat du Niger changera. Alors, selon l’étude, quel sera l’impact du changement climatique sur les conditions météorologiques du Niger durant les 30 prochaines années?

ANIMATEUR.TRICE2:
Selon les prévisions, plusieurs changements météorologiques surviendront: les températures augmenteront, les épisodes de températures extrêmes se multiplieront, les précipitations annuelles seront plus abondantes et les chutes de pluie extrêmes plus fréquentes, et des changements se produiront au niveau de la disponibilité des eaux de surface. Le changement climatique aura une incidence sur le rendement des cultures, ainsi que la capacité de certaines régions à produire des cultures spécifiques.

ANIMATEUR.TRICE1:
Commençons par la température. Quels changements se produiront au niveau des températures durant les 30 prochaines années au Niger?

ANIMATEUR.TRICE2:
Au Niger, les températures moyennes pourraient enregistrer une hausse variant de 1,3 à 19 degrés d’ici 2050.

ANIMATEUR.TRICE1:
Et qu’en est-il de la pluviométrie?

ANIMATEUR2:
La moyenne de la quantité des précipitations annuelles devrait augmenter, de même que le nombre de phénomènes météorologiques extrêmes dans certaines localités du pays.

ANIMATEUR.TRICE1:
Que voulez-vous dire par « phénomènes météorologiques extrêmes »?

ANIMATEUR.TRICE2:
Les phénomènes météorologiques extrêmes sont des conditions météorologiques imprévues, inhabituelles, violentes ou exceptionnelles. Au Niger, cela pourrait inclure des pluies fortes pouvant causer des inondations. Selon les prévisions, toutes les régions du Niger connaîtront des épisodes de précipitations abondantes plus intenses et plus fréquentes d’ici 2050. Cependant, à l’instar d’autres projections, ce qui se produira réellement dépendra du nombre d’actions qui seront menées à travers le monde dans un avenir proche en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre qui provoquent le changement climatique.

ANIMATEUR.TRICE1:
D’accord. Vous avez dit que la température moyenne pourrait subir une hausse de 1,3 à 1,9 degré d’ici 2050. Cela fera-t-il une grande différence? Je ne suis pas sûr que je remarquerai si une journée moyenne est plus chaude d’un ou de deux degrés. Cela fera-t-il une différence pour le secteur agricole?

ANIMATEUR.TRICE2:
À vrai dire, 1,3 à 1,9 degré peuvent faire une grande différence. Cette hausse de chaleur, par exemple, réduit le rendement des cultures, bien que ce ne soit pas toutes les cultures qui seront touchées de la même manière. En fait, au Niger, les rendements de certaines cultures pourraient augmenter, du moins jusqu’en 2050.

ANIMATEUR.TRICE1:
D’accord, alors il semble que d’ici 2050, il fera en moyenne plus chaud. Il y aura plus de journées et de nuits extrêmement chaudes, et les précipitations augmenteront. Quel sera l’impact de l’augmentation des précipitations sur les agriculteurs et les agricultrices.

ANIMATEUR.TRICE2:
Le monde paysan nigérien dépend énormément des pluies et des eaux de surface. Le débit des fleuves du pays devrait augmenter, y compris celui du fleuve Niger et dans la vallée de Dallo Bosso. Selon les prévisions, le débit du fleuve Niger augmentera durant l’année, notamment en octobre et en novembre. Pour la vallée de Dallo Bosso, le débit du fleuve devrait augmenter en août et en septembre.

Les scientifiques de l’Institut de Potsdam prévoient, qu’à cause de ces changements, certaines régions du pays se prêteront plus à la culture du sorgho, et que les rendements du sorgho augmenteront jusqu’en 2050 et au-delà.

Seule une petite partie du Niger se prête actuellement à la culture du maïs. La situation devrait rester la même, quoique dans les régions du sud comme à Zinder et Maradi, la production du maïs pourrait augmenter jusqu’en 2050, et baisser par la suite.

Les études stipulent que la production du millet devrait s’étendre aux régions du nord, ce qui rendra la région de Tahoua plus propice à cette culture.

Enfin, environ 10% du pays se prête à la culture du niébé. Cela devrait rester inchangé, mais il y aura des fluctuations d’une région à l’autre. Par exemple, la région de Zinder sera moins propice, et les régions de Tahoua et de Tillabery s’y prêteront plus.

ANIMATEUR.TRICE1:
Je me réjouis de ce que le tout ne soit pas que de mauvaises nouvelles pour le secteur agricole nigérien.

Vous avez mentionné que l’étude scientifique avait examiné les types de pratiques que les agriculteurs et les agricultrices nigériens peuvent adopter pour s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques. Quelles sont celles que les scientifiques ont jugées les plus utiles pour l’adaptation au changement climatique?

ANIMATEUR.TRICE2:
Il existe plusieurs pratiques agricoles qui peuvent aider le monde paysan à s’adapter au changement climatique. Mais les scientifiques en ont identifié quatre qui semblent particulièrement prometteuses pour le monde agricole nigérien.

Il s’agit de: l’agroforesterie, et notamment la régénération naturelle des arbres gérée par les agriculteurs, la gestion intégrée de la fertilité des sols ou GIFS, l’irrigation pour l’agriculture de contre saison et la gestion améliorée du fourrage et des aliments pour le bétail. Je devrais ajouter un autre point: lorsque les agriculteurs et les agricultrices utilisent ces stratégies en association, ils et elles pourraient engranger plus de succès.

ANIMATEUR.TRICE1:
Vous voulez dire, par exemple, pratiquer l’agroforesterie et l’irrigation ensemble? Ou utiliser la gestion améliorée du fourrage et des aliments pour animaux avec la gestion intégrée de la fertilité des sols?

ANIMATEUR.TRICE2:
Exactement.

ANIMATEUR.TRICE1:
D’accord. Alors, commençons par l’agroforesterie et la régénération naturelle des arbres gérée par les agriculteurs. Premièrement, que signifie « agroforesterie »?

ANIMATEUR.TRICE2 :
L’agroforesterie permet une interaction entre les cultures et les arbres qui se trouvent dans le champ d’un agriculteur ou d’une agricultrice. Au Niger, l’agroforesterie est surtout pratiquée sous forme de régénération naturelle assistée ou RNA. La RNA est une forme d’agroforesterie où, plutôt que de planter de jeunes plants d’arbres sur les terres agricoles, les agriculteurs et les agricultrices choisissent des arbres et des arbustes champêtres présents déjà sur la terre à cultiver et les protègent activement pour leur permettre de continuer à pousser.

Avec la RNA, les arbres peuvent être protégés sur les terres où les agriculteurs et les agricultrices produisent des cultures annuelles, et font aussi paître leur bétail. Les arbres fournissent de nombreux produits dont les agriculteurs et les agricultrices peuvent tirer profit et utiliser ou vendre sur les marchés locaux, notamment les fruits, les noix, le bois de charpente et le bois de feu. Les arbres permettent également aux cultures et au bétail sensibles aux températures élevées de moins sentir le stress de chaleur. Ils servent de brise-vent, et permettent de lutter contre l’érosion du sol causée par les vents et les inondations.

Si les agriculteurs et les agricultrices adoptent l’agroforesterie au Niger, cela devrait faire augmenter les rendements du sorgho, du millet et du niébé, surtout dans les régions où l’on utilise moins d’engrais.

ANIMATEUR.TRICE1:
Y a-t-il des défis à l’adoption de l’agroforesterie, en particulier la RNA, au Niger?

ANIMATEUR.TRICE2:
Bon, il est important que les arbres ne fassent pas trop ombrage aux cultures. De plus, il pourrait avoir une concurrence pour la terre entre l’agroforesterie et d’autres utilisations, telles que le pâturage. Les agriculteurs et les agricultrices peuvent mieux éviter ces problèmes en planifiant bien et en travaillant avec des bergers pour créer des corridors pour le bétail.

L’autre défi c’est qu’il y a un écart de plusieurs années entre le moment où les producteurs et les productrices commencent à pratiquer l’agroforesterie et celui où celle-ci génère un rendement financier pour eux.

Cependant, la pratique de la RNA n’est pas coûteuse, car elle ne nécessite presque pas d’intrants externes. L’agroforesterie est abordable, facile à mettre en œuvre, procure de nombreux avantages et évolue depuis des décennies au Niger. Par conséquent, il y a un grand intérêt et un grand potentiel pour sa mise à l’échelle à travers le pays.

ANIMATEUR.TRICE1:
Merci. La deuxième des quatre pratiques que vous avez mentionnées est la gestion intégrée de la fertilité des sols, ou GIFS. Que voulez-vous dire exactement par GIFS?

ANIMATEUR.TRICE2:
La GIFS est un ensemble de pratiques agricoles visant à améliorer la fertilité des sols et à arrêter la dégradation des sols et l’épuisement des éléments nutriments. Elle comprend différentes pratiques, ainsi que les connaissances sur l’adaptation de ces pratiques pour les conditions, même jusqu’au niveau des parcelles, tout en maintenant ou en améliorant la production.

Il est très important de conserver les ressources en eau et les sols du Niger pour plusieurs raisons. Dans ce pays, l’agriculture est de plus en plus pratiquée sur des terres peu productives et dégradées à cause de la croissance démographique rapide et la disponibilité limitée de terres fertiles. L’érosion par l’eau et le vent, l’épuisement des éléments nutritifs, la salinisation et le croûtage du sol détériorent tous actuellement les sols. Et l’humidité insuffisante du sol limite la production agricole dans plusieurs localités.

Pour résumer les avantages des pratiques de la GIFS, nous dirons qu’elle a quatre objectifs: 1) maximiser le captage des eaux de pluie et diminuer le ruissellement de surface, 2) réduire l’érosion par l’eau et le vent, 3) gérer les ressources organiques limitées et 4) appliquer de façon stratégique les engrais minéraux.

ANIMATEUR.TRICE1:
Pouvez-vous citer des exemples de pratiques de GIFS qui peuvent être utilisées au Niger?

ANIMATEUR.TRICE2:
Bien sûr. La liste des pratiques de GIFS courantes au Niger inclut les trous de tassa, également appelé zaï, les demi-lunes, les cordons pierreux, les bandes enherbées et le paillage.

ANIMATEUR.TRICE1:
Merci. Pouvez-vous expliquer ce qu’on entend par trous de tassa et demi-lunes?

ANIMATEUR2:
Le trou de tassa est une méthode de récupération d’eau traditionnelle suivant laquelle les agriculteurs et les agricultrices creusent de petits trous de semis dont le diamètre mesure 20 à 30 centimètres et la profondeur 20 à 25 centimètres, et qui sont espacés les uns des autres d’environ un mètre. Les demi-lunes sont des trous en forme de croissant d’environ deux mètres de diamètre et 15 à 20 centimètres de profondeur. Il y a environ huit mètres entre les demi-lunes.

Ces deux trous de semis traditionnels permettent d’accumuler et de retenir, d’améliorer l’humidité du sol pour permettre aux agriculteurs et aux agricultrices de cultiver dans les trous. Parfois, les cultivateurs et les cultivatrices ajoutent de la paille de millet, du fumier de bovin ou du fumier composté dans les trous. En procédant ainsi, cela permet de réhabiliter les sols dégradés non seulement par l’amélioration de l’humidité de sol, mais également l’augmentation des éléments nutritifs dans les sols. Cela contribue à l’amélioration des rendements de cultures produites dans les tassa et les demi-lunes. Au Niger, le millet est surtout cultivé dans les tassa et les demi-lunes, bien que certaines personnes cultivent un mélange de millet et de sorgho.

ANIMATEUR.TRICE1:
D’accord. Pouvez-vous expliquer ce qu’est un cordon pierreux et en quoi ils aident les agriculteurs et les agricultrices à s’adapter au changement climatique?

ANIMATEUR.TRICE2 :
Les cordons pierreux sont également appelés bandes caillouteuses. On les associe souvent avec les tassa le long du contour d’une pente pour permettre à une plus grande quantité d’eau de s’infiltrer dans le sol, et réduire l’érosion du sol et l’envasement des tassa. Les cordons pierreux consistent à empiler des pierres autour des lignes de contour. Pour commencer, les agriculteurs et les agricultrices extraient 10 à 15 centimètres de terre sur la ligne où le cordon pierreux sera érigé. Les cordons ont une hauteur de 20 à 30 centimètres. La distance entre les cordons pierreux varie de 20 à 20 centimètres en fonction de l’inclinaison du terrain.

Les cordons pierreux ont parfois une durée de plus de 20 ans. Au fil du temps, des sédiments s’accumulent derrière les cordons, créant ainsi des terrasses.

ANIMATEUR.TRICE1:
Ces pratiques fonctionnent-elles vraiment? Permettent-elles d’accroître les rendements?

ANIMATEUR.TRICE2:
Si. Selon l’Institut de Potsdam, l’utilisation des tassa pourrait augmenter les rendements du millet de 1500%, notamment au sud du Niger. C’est pourquoi ils l’ont identifié comme une stratégie très prometteuse pour l’adaptation au changement climatique. Voici un autre exemple: dans un projet de huit ans réalisé à Tahoua, près de 6 000 hectares de terres fortement dégradées ont retrouvé leur productivité grâce aux pratiques de GIFS.

La GIFS aide les producteurs et les productrices à être plus résilients face à la sécheresse et aux pénuries de nourriture. Cela est très important au Niger, où la croissance démographique rapide exerce une pression sur le peu de terres disponibles pour l’agriculture.

ANIMATEUR.TRICE1:
La construction et l’entretien de ces structures nécessitent-ils beaucoup de travail?

ANIMATEUR.TRICE2:
Il faut moins d’une demi-journée aux agriculteurs et aux agricultrices pour concevoir les diguettes en courbe de niveau et être formés là-dessus une fois par an. Les diguettes en courbe ont besoin d’être entretenues seulement tous les deux ans. Il a fallu six jours durant la première année de construction des diguettes en courbe pour collecter des galets et des pierres pour cela, et seulement deux jours les années suivantes. Les tassa doivent être reconstitués chaque année. Les agriculteurs et les agricultrices ont besoin de cinq à six jours par an pour tout le travail de préparation et de creusage des tassa sur un hectare. Ainsi, pour en creuser sur une parcelle de deux hectares, il leur faudra 10 à 12 jours par an.

ANIMATEUR.TRICE1:
Cette quantité de temps et de travail est-elle rentable pour les agriculteurs et les agricultrices?

ANIMATEUR.TRICE2:
Les pratiques de GIFS comme celles-ci ne coûtent pas cher. Lorsque vous additionnez la main-d’œuvre et le temps, l’augmentation des rendements leur permet de réaliser un bénéfice dès la deuxième année.

ANIMATEUR.TRICE1:
Formidable! Parlons de la troisième mesure d’adaptation dont vous avez parlé: l’irrigation en saison morte.

ANIMATEUR.TRICE2:
Pour l’irrigation en saison morte ou saison sèche, les producteurs et les productrices laissent les terres reposer pendant quelques semaines à la fin de la saison pluvieuse et plantent ensuite des cultures de contre saison telles que l’oignon, la tomate et le piment. L’eau utilisée pour l’irrigation provient de puits, d’étangs et de forages. Cette stratégie leur permet d’éviter des pénuries alimentaires et de varier leur alimentation durant cette période de l’année.

Les systèmes d’irrigation de coût modique qui ne nécessitent pas trop d’entretien peuvent être utilisés partout où il y a de l’eau.

ANIMATEUR.TRICE1:
L’agriculture irriguée en saison morte comporte-t-elle des défis?

ANIMATEUR.TRICE2:
L’eau est une denrée rare, et il est important d’éviter de la surexploiter, notamment pour éviter une baisse de la nappe phréatique. Il est également important de trouver des moyens efficaces et fiables pour gérer les conflits entre les utilisateurs en amont et en aval.

De plus, il faut parfois 20 à 25 ans aux agriculteurs et aux agricultrices pour récupérer les investissements qu’ils et elles font dans l’agriculture irriguée de contre-saison.

ANIMATEUR.TRICE1:
C’est un grand défi. Vous avez dit que la gestion améliorée du fourrage et des aliments pour bétail constituait la quatrième approche qui pourrait aider le monde agricole nigérien à s’adapter au changement climatique. De quelles sortes d’amélioration de la gestion des aliments et du fourrage parlez-vous?

ANIMATEUR.TRICE2:
Il existe plusieurs types d’amélioration qui sont prometteuses, y compris les nouvelles espèces fourragères. Par exemple: l’essai d’une nouvelle variété de sorgho appelée Fada a permis d’accroître la production fourragère de 10 à 80% dans différentes régions du Niger, avec des augmentations considérables dans le nord, tandis que la production a presque doublé à Agadez.

Une autre approche consiste à cultiver de la luzerne. La luzerne permet d’avoir du fourrage en saison sèche lorsqu’elle est irriguée. Par conséquent, elle constitue une meilleure solution pour les éleveurs et les éleveuses qui ont constamment besoin d’une quantité suffisante de fourrage à cette période de l’année. Les producteurs et les productrices peuvent également vendre le surplus de luzerne pour avoir un revenu, ou même l’utiliser pour l’embouche et vendre ensuite les animaux nourris en étables.

Cependant, la luzerne offre plusieurs autres avantages. Lorsqu’on la cultive surtout à grande échelle, elle augmente le couvert végétal, et contribue ainsi à protéger et à restaurer les sols dégradés.

Un autre avantage c’est que les femmes et les jeunes contribuent généralement plus que les hommes à la satisfaction des besoins de leurs familles et à l’obtention de revenus grâce à la production et la gestion du fourrage. Donc, la production de la luzerne, par exemple à travers la création de banques de fourrage de luzerne, peut procurer des emplois aux femmes et aux jeunes.

Comparativement à d’autres cultures fourragères, la luzerne est une source de protéines bon marché et une bonne source de plusieurs autres nutriments importants. Le bétail la digère facilement, elle produit beaucoup et elle résiste relativement bien à la sécheresse à cause de ses racines profondes. La luzerne fixe également l’azote, ce qui fait qu’elle joue un rôle important en matière de rotation de cultures.

ANIMATEUR.TRICE1:
La production de la luzerne et de nouvelles espèces fourragères semble être un moyen d’adaptation prometteur au changement climatique. Quels sont les obstacles à l’extension de la production de luzerne?

ANIMATEUR.TRICE2:
La luzerne est facile à cultiver, mais nécessite une irrigation. Par conséquent, il est nécessaire d’avoir accès à des installations d’irrigation ou des terres irriguées pour produire de la luzerne. Toutefois, même si les agriculteurs et les agricultrices ont accès à des terres irriguées, plusieurs n’ont pas les moyens d’en louer, ou d’installer des systèmes d’irrigation sur leurs propres terres. En plus, comme nous l’avons souligné plus tôt, il est important d’éviter les conflits liés à l’utilisation du peu de ressources en eau disponibles. Cela signifie, par exemple, que la production de fourrage doit être bien planifiée pour éviter qu’il y ait des conflits avec l’irrigation des cultures vivrières.

Un autre défi, c’est qu’il n’est pas facile ou abordable de conditionner et de transporter du fourrage au Niger. Cependant, un projet récent a créé une nouvelle presse à foin manuelle qui réduit le coût de conditionnement et de transport. Un travail supplémentaire sur la création d’un matériel de production et de stockage de fourrage bon marché et qui exige peu d’entretien pourrait améliorer cette situation.

L’accroissement de la production de luzerne pourrait entraîner une augmentation du nombre d’animaux, ce qui aggraverait les émissions de gaz à effet de serre et, par conséquent, le changement climatique.

Enfin, les femmes et les jeunes n’ont pas accès et n’exerce aucun contrôle sur les ressources relatives à la production de fourrage et d’aliments pour animaux. Généralement les femmes ont accès à la terre lorsqu’elles sont mariées. Lorsque la terre qu’elles cultivent ne leur appartient pas, elles sont généralement exclues des prises de décision. En renforçant les droits des femmes et leur participation aux prises de décision, cela pourrait leur permettre de mieux bénéficier de la chaîne de valeur de la production fourragère et d’être mieux équipées pour s’adapter au changement climatique.

Mais, malgré ces défis, la culture de nouvelles espèces fourragères et la production de la luzerne pourront éventuellement renforcer la capacité des agriculteurs et des agricultrices à s’adapter au changement climatique. Et, à l’instar des pratiques de GIFS, ils et elles ne devront pas attendre trop longtemps pour rentabiliser leurs investissements. La production de cultures fourragères comme la luzerne peut commencer à être rentable financièrement dès la deuxième année.

ANIMATEUR.TRICE1:
Merci. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion. Si je peux résumer, premièrement vous nous avez expliqué les changements climatiques qui pourraient survenir au Niger durant les 30 prochaines années, jusqu’en 2050 et au-delà. Vous avez déclaré que les températures augmenteront, qu’il pleuvra plus et que les épisodes de températures et de pluie extrêmes se multiplieront. Ensuite, vous avez décrit les stratégies que les agriculteurs et les agricultrices pourraient adopter pour mieux s’adapter à ces changements de températures et de pluviométrie. Vous avez décrit quatre sortes de pratiques qui se montrent les plus prometteuses pour aider les producteurs et les productrices nigériens à s’adapter au changement climatique. Il s’agit des pratiques agroforestières, et en particulier de la régénération naturelle assistée, la gestion intégrée de la fertilité des sols, ou GIFS, l’agriculture irriguée de contre saison et la gestion améliorée des aliments et du fourrage pour animaux.

ANIMATEUR.TRICE2:
En effet, ce sont les conclusions tirées par les scientifiques de l’Institut allemand de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique. Ce sont les changements attendus au niveau du climat et les pratiques recommandées aux agriculteurs et aux agricultrices.

Mais, bien évidemment, il est toujours préférable pour eux de s’adresser aux spécialistes locaux et régionaux lorsqu’ils veulent protéger les arbres de leurs champs, utiliser les trous tassa, produire des cultures irriguées de contre-saison ou cultiver de nouvelles espèces fourragères. Les recommandations précises les plus efficaces pour chaque agriculteur et agricultrice dépendront de son lieu de résidence et de sa situation exacte.

Néanmoins, quel que soit le lieu où vous habitez, ce sont des recommandations que les producteurs et les productrices devraient prendre soigneusement en compte, et envisager de les appliquer rapidement.

ANIMATEUR.TRICE1:
Merci infiniment pour ces informations. Nous serons de retour la semaine prochaine pour en savoir plus de [titre de l’émission]. Je vous reparlerai à ce moment.

ANIMATEUR.TRICE2:
Au revoir et à bientôt.

 

Acknowledgements

Remerciements

Rédaction : Vijay Cuddeford, rédacteur en chef, Radios Rurales Internationales

Révision : Carla Cronauer, assistante de recherche à l’Institut allemand de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique