Yayablé n’est pas fou : Comment un mari a appris à traiter sa femme et ses enfants avec respect

Égalité des genres

Notes au radiodiffuseur

En Afrique, en général, et au Mali, en particulier, des attitudes et des pratiques préjudiciables liées au genre persistent dans certaines communautés, sinon toutes. Ces attitudes et ces pratiques marginalisent les femmes et les filles dans la société, et violent leurs droits. Cette situation doit changer pour permettre aux femmes et aux filles de s’épanouir et de participer pleinement à la société.

Le feuilleton suivant traite de la répartition inéquitable des rôles entre les hommes et les femmes.

Dans le village de Tènèbougou, vivait un homme du nom de Yayablé. Depuis le bas-âge, il a assimilé tout ce qui, selon lui, devrait caractériser un homme. Il s’évertue à appliquer ces valeurs dans son foyer. Sa philosophie était « à chaque genre son devoir ». Cette année, avec la rareté des pluies, les récoltes n’ont pas été fructueuses et sa famille risque de connaître la famine. Alors, sa femme Djôminè lui propose de vendre des bois de chauffe pour subvenir aux besoins de la famille. Mais Yayablé est offensé par cette proposition, car il estime que la vente du bois de chauffe est le travail des femmes. Juste à temps, Zanzou, frère aîné de Djôminè et ami de Yayablé, vient à la rescousse de Djôminè et fait entendre raison à Yayablé. Ce dernier est touché et commence à améliorer ses relations avec sa femme et sa famille.

Ce feuilleton scindé en trois scènes peut être interprété par des comédiens et des comédiennes professionnels et enregistré pour être diffusé par les stations de radios. Sinon, les animateurs et les animatrices pourraient prêter leurs voix aux personnages pendant leurs émissions. Ce feuilleton vise à aider les auditeurs et les auditrices à considérer différemment les rôles des femmes, des hommes, des garçons et des filles en famille et dans la communauté.

Les radiodiffuseurs et les radiodiffuseuses pourraient également s’inspirer du feuilleton pour réaliser des émissions similaires. Dans le cadre des recherches qu’ils mèneront pour ces émissions, ils et elles devraient poser ces exemples de questions :

Elle est aussi une esquisse pour les utilisateurs et les utilisatrices futurs dans la réalisation d’émissions similaires. Pour ce faire, des questions en lien avec les tâches quotidiennes des hommes et des femmes pourraient être posées. Par exemple :

  • Entre l’homme et la femme, qui doit aller au champ?
  • Que font les femmes à la maison? Que font les hommes à la maison ?
  • Comment les hommes peuvent-ils aider leur mère, leurs sœurs et leurs épouses avec les travaux à la maison?
  • Quels avantages y a-t-il à répartir les différentes responsabilités entre les hommes et les femmes?

Durée du feuilleton, avec l’intro et l’extro : 25 minutes.

Texte

PERSONNAGES PRINCIPAUX

Yayablé: Chef de famille, mari de Djôminé et notable de Tènèbougou

Djôminè: Épouse de Yayablé

Sidi: Premier enfant et fils de Yayablé et de Djôminè

Dôdô: Deuxième enfant et fille de Yayablé et de Djôminè

Zanzou: Ami de Yayablé et frère de Djôminè

Le narrateur ou la narratrice

 

SCÈNE1: Yayablé et ses valeurs

 

NARATEUR.TRICE:
Yayablé éduque ses enfants en leur faisant croire que les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes rôles dans le foyer. Il enseigne à ses enfants sa philosophie de l’être humain.

DODO :
Sidi mon frère, viens piler le mil avec moi.

SIDI :
Comment peux-tu me demander de piler le mil? Est-ce un travail d’homme?

DODO:
Dis simplement que tu ne veux pas m’aider. Je te connais, tu es juste trop paresseux.

SIDI :
Ce n’est pas moi qui dis que c’est un travail pour les femmes, c’est Baya qui le dit (Note de la rédaction : Ils appellent leur père Baya, par respect.) Tiens, le voilà qui arrive.

YAYABLÉ:
Qu’est-ce qui se passe ici?

SIDI :
Rien! Je disais à Dôdô que piler du mil n’est pas un travail d’homme.

YAYABLÉ:
Tout à fait. Dans la vie, les hommes et les femmes ont des rôles différents. Le devoir premier de l’homme c’est de nourrir sa famille et piler du mil relève de la responsabilité de la femme.

DODO:
(RiANT) Alors, la femme vient au monde pour manger ce que l’homme rapporte?

YAYABLÉ:
Exactement, tu as tout compris. La femme est celle qui a le moins de responsabilités dans ce monde et c’est comme ça.

DODO:
Baya, dans les familles où il n’y a pas d’homme, qui prend les femmes en charge?

YAYABLÉ:
(AGACÉ) Tu n’as jamais vu une famille sans homme. Laisse-moi tranquille.

SIDI :
Baya a raison. S’il y avait une famille sans homme, c’est que les femmes vont toutes mourir de faim. (RIRES)

YAYABLÉ:
Je vous dis que Dieu a créé l’homme pour faire tout ce qui est dur. Il ne doit donc pas vivre aux crochets de la femme. Est-ce qu’un couteau peut couper un fagot ?

SIDI :
Non, il faut un coupe-coupe ou une hache.

YAYABLÉ:
Eh bien l’homme, c’est le coupe-coupe ou la hache. Et la femme, c’est le couteau.

SIDI :
C’est-à-dire que l’homme est plus fort que la femme ?

YAYABLÉ:
C’est l’œuvre de Dieu que la femme soit plus faible que l’homme.

DODO:
(se met À pleurer) Pourquoi Dieu n’a pas fait de moi un homme ?

YAYABLÉ:
(D’UNE VOIX APAISANTE) Ça va aller, ma fille. Je n’ai pas tout dit. Tu vas être contente d’être née femme.

SIDI :
(ÉtonnÉE) Vraiment? Quel est l’avantage d’être une femme, Baya?

YAYABLÉ:
Le rôle principal d’une femme est de prendre soin de la famille. Tout ce qui est dur comme aller au champ, faire la guerre, ou affronter un serpent, revient à l’homme.

SIDI :
Est-ce pour cela que lorsque tu parles maman garde le silence?

YAYABLÉ:
Elle doit garder le silence parce que quand l’homme parle, la femme ne doit pas répondre. Garde tout cela à l’esprit, car ton bien-être futur en dépend.

DODO:
Si c’est ça le rôle d’une femme dans la famille, Dieu a mal fait le partage.

YAYABLÉ:
Ne parle pas comme ça Dodo. Dieu peut-il se tromper? Depuis que le monde existe, l’homme prend soin de la femme. Qu’est-ce que tu veux de plus?

SIDI :
(Riant) Petite sœur, tu dois donc me respecter parce que je suis ton protecteur.

DODO:
Laisse-moi tranquille.

YAYABLÉ:
Tu n’as pas à avoir honte, Dôdô. Selon nos ancêtres, les garçons doivent être à l’image de leur père et les filles doivent imiter leur mère. C’est comme ça depuis l’aube des temps.

DODO:
Et bien, je pense que cela doit changer.

YAYABLÉ:
Assez Dôdô! Je ne peux plus t’entendre parler. Tu n’es ni la première ni la dernière à se plier à nos valeurs!

DjÔMINÈ :
(vient àu micro) En tout cas, j’ai eu la chance d’être née femme. Au moins je ne passe pas tout mon temps à dormir… comme certaines personnes ici.

YAYABLÉ:
(Surpris) Djôminè! Je ne savais pas que tu étais là-bas. Tu m’épiais donc?

DJÔMINÈ:
Je n’ai pas le temps de t’épier. Je suis trop occupée pour ça. Je n’ai dit que la triste vérité.

YAYABLÉ:
D’accord! Mais ne répète plus ce que tu viens de dire. Car, je n’ai pas parlé de toi.

DJÔMINÈ:
Mais il faut enseigner la justice aux enfants. Penses-tu réellement que c’est juste qu’un garçon s’asseye et regarde sa mère et sa sœur travailler sans les aider ?

YAYABLÉ:
Comme ça, tu m’humilies devant mes enfants ?

DJÔMINÈ:
Si je t’ai offensé, pardonne-moi.

 

SCÈNE2: Les mésaventures de la famille de Yayablé

 

NARATEUR.TRICE:
La famille de Yayablé vit au rythme de sa philosophie « à chaque genre ses devoirs. » Djôminè et Dôdô sont continuellement au four et au moulin, sans répit. Après le travail au champ, Yayablé et son fils Sidi passent l’essentiel de leurs temps à dormir et à manger. Quand Sidi sort, il ne retourne en famille que pour manger. Après le repas, c’est Dôdô qui lave les ustensiles, balaie la cour, et ce, tous les jours. Une fois, Sidi ayant pris pitié pour sa sœur se décida à balayer la cour. La réaction de son père ne se fit pas attendre. On aurait dit que le garçon avait commis une faute irréparable. Djôminè excédée se mit à pleurer et à implorer son pardon.

SIDI :
Dôdô, tu es fatiguée, laisse le balai. Dès que Baya sort, je vais nettoyer la cour.

DODO:
Non, ce n’est pas un travail d’homme.

SIDI :
Je m’en fous. J’ai mal au cœur en te voyant faire toutes ces tâches toute seule.

DODO:
Et alors, que veux-tu? Ce sont des tâches de femmes selon Baya n’est-ce pas?

SIDI :
À supposer que je voyage et que je ne sois pas à côté d’une femme. Comment vais-je faire si je ne connais rien de ces tâches dites pour femmes?

DODO:
Tu vas nager dans la saleté (Rigolades).

SIDI :
Eh bien, que faire avec toutes ces règles et restrictions que Baya impose ?

DJÔMINÈ:
Baya est à l’image des autres hommes de notre village. Il est très fréquent de voir les hommes dormir pendant que les femmes travaillent.

DODO:
C’est vraiment une question de conscience.

SIDI :
C’est pour cela que je te dis de me laisser balayer la cour rien qu’aujourd’hui, Dodo.

YAYABLÉ:
(ÉNERGIQUEMENT) Sidi, j’ai tout entendu et tu me déçois. Ce n’est pas cela que je t’ai enseigné.

DJÔMINÈ:
Baya, nous n’avons rien dit de mal.

YAYABLÉ:
Pourquoi le défends-tu? N’est-ce pas toi qui leur dis que je suis un détraqué mental ?

DJÔMINÈ:
(Surprise et apeurÉe) Baya!

YAYABLÉ:
Sidi, ton comportement me déçoit et démontre que tu n’as aucun respect pour mes règles.

DODO:
(PEINÉ) Baya, pardonne-nous. Jusqu’à la mort, nous te suivrons.

YAYABLÉ:
(ÉnervÉ) Hors de ma vue. Tu te crois plus docile que lui? Tant que vous écouterez les paroles de votre mère, je ne serais pas d’accord avec vous. L’éducation des enfants n’est pas une affaire de femme.

SIDI :
Baya, s’il te plaît, je suis désolé. Je vais avoir un comportement d’homme et je te ferai honneur.

YAYABLÉ:
Donc vous devez suivre et respecter mes règles, car ils émanent de mes aïeux. Mon devoir, c’est de vous donner les leçons de la vie.

SIDI :
Nous te suivrons Baya, pardonne-nous cette fois.

YAYABLÉ :
(Soupir, fait une pause) Je n’ai rien à te pardonner fiston. Je sais seulement que dans la vie « à chaque genre son devoir ». Mais… j’ai réfléchi sur ce que Dodo a dit.

DODO :
(EFFRAYÉE) Baya, ai-je dit quelque chose de grave ?

YAYABLÉ:
Non, tu n’as rien dit de grave si ce n’est une vérité amère.

DODO :
(HÉsitante), Quand j’ai dit que la discrimination entre homme et femme devait changer ?

YAYABLÉ:
Voilà, c’est ça. Je n’ai pas le droit de condamner nos us et coutumes, mais lorsque tu as pleuré il y a quelques jours, ma fille, j’ai senti… J’ai senti…

DODO :
Baya… je sais que tu m’aimes. Ce n’est pas toi qui as créé les coutumes tu ressens juste le besoin de les suivre.

YAYABLÉ:
(chuchotant, comme s’il se parlait À lui-mÊme) D’après ce que l’on dit, le monde n’était pas comme ça. Peut-être que les choses changeront un jour. Mais le temps est seul et meilleur juge.

DJÔMINÈ :
(SYMPATHIQUE) Yayablé

YAYABLÉ:
(FACHÉ, EMBARASSÉ) Ne me regardez pas comme ça! Dodo, retourne au travail! Sidi, que je ne te surprenne plus à faire du travail de femme! Et je ne veux plus entendre parler de ça.

EFFETS SONORES:
PORTES QUI CLAQUENT

 

SCÈNE3: Larmes de Djôminè et joie de Djôminè

 

NARRATEUR.TRICE:
Les récoltes n’ayant pas été fructueuses, Djôminè suggère à son mari de vendre le bois de chauffe pour subvenir aux besoins de sa famille. Une bagarre s’en suit. Heureusement Zanzou, le frère de Djôminè et ami de Yayablé arrive. La discussion est tendue. Mais Zanzou réussit à raisonner et à calmer son ami. Finalement, Yayablé accepte de vendre du bois. Profondément satisfaite de la décision de son mari, Djôminé exprime sa joie.

DJÔMINÈ:
Baya, il reste très peu de grain dans le grenier. Nous atteindrons difficilement deux semaines avec ce qu’il y a…

YAYABLÉ:
Cela va sans dire puisque vous ne faites que manger toute la journée sans rien produire. Malgré tout, tu me manques de respect. Un adage dit que celui qui apprend à beaucoup manger doit se préparer à beaucoup souffrir. Alors, ce moment semble être arrivé.

DJÔMINÈ:
Baya! Il n’est pas nécessaire de parler de manière impolie. Je t’ai juste prévenu pour que nous prenions des dispositions afin de faire face à la situation.

YAYABLÉ:
(L’Interrompant) Quelles dispositions? Si notre réserve est finie, alors attendons-nous à la famine. Et Dieu seul sait quand ça finira. Je n’ai aucune solution.

DJÔMINÈ:
Mon devoir est de t’informer. Le reste ne me concerne pas. C’est toi-même qui nous as enseigné que le rôle de l’homme, c’est d’apporter à manger à sa famille.

YAYABLÉ:
Dans la mesure du possible!

DJÔMINÈ:
Baya, (RESPIRE PROFONDÉMENT) nous savons tous que les récoltes n’ont pas été fructueuses cette année. Donc, personne n’est à blâmer. Je pense que si nous joignons nos efforts, nous pourrions gérer cette situation.

YAYABLÉ:
À quoi penses-tu au juste?

DJÔMINÈ:
(HÉsitante) Eh bien… je voulais te suggérer de… et bien de m’aider à vendre des bois de chauffe pour subvenir aux besoins de la famille en ces temps difficiles.

YAYABLÉ:
(FâchÉ) Comment oses-tu dire une chose pareille? Cette fois, tu es allée trop loin Djôminé!

DJÔMINÈ:
Yayablé, j’ai juste dit ça pour ton bien. Notre famille a besoin de manger!

YAYABLÉ:
(HAUSSANT LA VOIX) Non. J’ai bien compris ton intention, Djôminé. Je ne suis pas né de la dernière pluie! Tu me demandes de faire le travail d’une femme puisque je ne suis plus homme, n’est-ce pas?

DJÔMINÈ:
(INQUIÈTE) Baya, je jure que ce n’est pas ce…

YAYABLÉ :
(CRIANT). Au nom de Dieu, je ne tolèrerai pas tes insultes! (IL COMMENCE À CRIER SUR DJÔMINÈ ET À L’INSULTER)

NARRATEUR.TRICE:
Zanzou qui venait rendre visite à Yayablé tente de le calmer.

ZANZOU :
(CHOQUÉ) Yayablé! Arrête!

YAYABLÉ:
Qui t’a appelé?

ZANZOU :
Mon ami, si tu n’aimes plus ta femme, libère-la plutôt que de l’humilier devant ses enfants !

YAYABLÉ:
C’est parce qu’elle est ta sœur que tu parles de la sorte? Sors de chez moi tout de suite.

ZANZOU :
Calme-toi, Yayablé! S’il te plaît! Elle est ma sœur et toi tu es mon ami. Notre amitié est plus vieille que votre mariage.

DJÔMINÈ:
(EN LARMES) Je n’ai rien fait de mal. Je n’ai fait que le conseiller et voilà comment il répond. Je n’en peux plus…

ZANZOU :
Je suis navré Djôminè. Je sais que c’est difficile pour toi. Mais crois-moi, je ferai en sorte de t’éviter de tels affronts à l’avenir. Ton mari reviendra à la raison.

DJÔMINÈ:
Comment peut-il me traiter de la sorte juste pour l’avoir conseillé?

ZANZOU :
Qu’as-tu dit pour le conseiller?

DJÔMINÈ:
Si je le répète, il va m’insulter plus.

YAYABLÉ:
(AVEC UN TTON FERME) Alors, moi je vais te le dire. Écoute bien : Elle a eu le culot de me dire de faire le travail d’une femme parce que je ne suis plus homme. Voilà, est-ce une chose polie à dire ?

ZANZOU :
Djôminè c’est ce que tu as dit?

DJÔMINÈ:
Oh, mon Dieu, non! Tu penses que j’oserais prononcer de telles choses à l’endroit de mon mari? Non ! Comme les récoltes n’ont pas bien donné, je lui ai suggéré de m’aider à vendre des bois de chauffe pour que notre famille puisse manger. Voilà tout.

ZANZOU :
Je vois… Yayablé, je suis déçu. Si j’étais à ta place mon ami, je n’aurais pas réagi de la sorte.

YAYABLÉ:
(AVEC AMERTUME) Ah! Tu allais faire pire que moi!

ZANZOU :
Non, Yayablé, je ne suis plus le même Zanzou. J’ai beaucoup appris à l’étranger. J’ai compris que toutes les brimades que subissent nos femmes et nos enfants ne sont que de l’abus.

YAYABLÉ:
Et après? Ce sont nos réalités.

ZANZOU :
Elles ne sont pas obligées d’être ainsi. On peut et on doit faire quelque chose à ce sujet.

YAYABLÉ:
Quoi? Tu es revenu de l’étranger et tu veux me faire la morale? Ces pratiques existaient dans nos communautés avant notre naissance. On doit suivre la voie déjà toute tracée de nos aïeux.

ZANZOU :
Vraiment, Yayablé? Même lorsque leur héritage est abusif et ne vise qu’à maintenir les femmes sous notre contrôle.

YAYABLÉ:
(SE MOQUE) Et que veux-tu dire par là?

ZANZOU :
Je veux dire que nous devons traiter les femmes comme nos égales! Ta femme est censée être ta partenaire dans la vie. Vous êtes censés former une équipe! Comment peut-elle vivre heureuse si tu la domines? Comment votre famille peut-elle s’épanouir?

YAYABLÉ:
Mais…

ZANZOU:
Non, Yaya, écoute. Tu l’as dit toi-même, tu ne sais pas comment ta famille va manger. Ta femme a trouvé une solution. Alors tu préfères que ta famille meure de faim? Tu dois changer d’avis sur ce que les femmes ou les hommes doivent faire ou ne pas faire, sans quoi ta famille mourra de faim!

DODO:
(NERVEUX) Baya, tu te souviens de ce que j’ai dit l’autre jour? Et tu as dit que tu étais d’accord… Je sais que tu étais d’accord pour dire que maman et moi ne devrions pas avoir à nous occuper de tout à la maison!

SIDI:
(RÉVOLTÉ) Baya, tu dois vraiment arrêter de traiter maman de la sorte. Vas-tu poser la main sur elle encore?

YAYABLÉ:
Tu la fermes! Ce n’est pas à toi de me dire ce que je dois faire.

ZANZOU :
Non, il a raison. Il ne devrait pas voir sa mère pleurer tout le temps !

YAYABLÉ:
C’est à sa mère d’être correcte, c’est tout. Au lieu de faire l’avocate du diable, elle a intérêt à apprendre à être une bonne femme. (PAUSE) Mais Zanzou… Si tu ne domines pas ta femme et tes enfants, la gestion de ta famille t’échappera pour de bon, n’est-ce pas? C’est le monde à l’envers!

ZANZOU :
(TROUBLÉ) Balivernes! C’est comme ça que nous abusons de nos femmes. On ne peut jamais aimer une femme en essayant de la contrôler. Regarde ce que tu viens de faire, ton propre fils te demande de te calmer et voilà ta réaction.

YAYABLÉ:
(HÉSITANT) Et bien… il l’a cherché! Un enfant… un enfant ne doit pas se mêler des affaires des parents…

ZANZOU :
Non, Yayablé. C’est de l’abus et cela empêche l’épanouissement de la femme et des enfants. Il faut changer d’attitude.

YAYABLÉ:
Nous ne pouvons pas changer notre culture, Zanzou.

ZANZOU :
Bien sûr, mais nous pouvons tous changer notre propre comportement.

YAYABLÉ:
Si tu n’as pas de problème avec ta femme, c’est qu’elle t’écoute!

ZANZOU :
J’ai dû apprendre à l’écouter aussi. Alors, fais comme moi et tu verras.

YAYABLÉ:
Toutes les femmes ne sont pas pareilles, Zanzou.

ZANZOU :
Elles sont toutes des humaines. Si ça a marché pour moi, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas chez toi. Tu n’as qu’à essayer. C’est mon voyage qui m’a permis de comprendre beaucoup de choses et de changer mon comportement. C’est pourquoi je ne prends plus aucune décision sans ma femme.

YAYABLÉ:
Toi et moi sommes différents. Si tu as été influencé ailleurs, c’est ton problème.

ZANZOU :
Ce n’est pas une question d’influence, mais de conscience. Inclus-la à tes décisions et ta vie s’améliorera.

YAYABLÉ:
Pourquoi inclure Djôminè dans mes décisions?

ZANZOU :
Pour que vous viviez heureux.

YAYABLÉ:
Je ne suis pas malheureux! Et ce que tu me demandes n’est pas possible.

ZANZOU :
Laisse ton égo de côté et aide Djôminè à vendre du bois. Tu ne regretteras pas.

YAYABLÉ:
Certes, la situation exige que nous fassions quelque chose, mais pas au point de… de…

ZANZOU :
Vendre du bois n’a rien de méprisant Yayablé, surtout que tu gagneras de l’argent.

YAYABLÉ:
Alors pourquoi ne le fais-tu pas toi aussi? Ta récolte a-t-elle été meilleure que la mienne?

ZANZOU :
Nous utilisons nos réserves. Mais si ma femme me l’avait proposé, je n’hésiterais pas. Mieux vaut vendre du bois et être un homme responsable que de ne pas pouvoir nourrir sa femme et ses enfants.

YAYABLÉ:
(CONTRARIÉ) Mais aucun homme n’a vendu du bois dans ce village ! C’est un travail réservé aux femmes.

ZANZOU :
Ne te préoccupe pas de cela. Pense plutôt à nourrir ta famille.

YAYABLÉ:
(RICANANT) Zanzou, j’ai failli frapper mon garçon Sidi pour avoir voulu balayer la cour. Si je peux m’abaisser à cela, qui sait où cela me mènera?

ZANZOU :
Assez de ces histoires de « travail de femme » et « travail d’homme. » C’est quelque chose du passé, mon ami. Vend du bois pour nourrir ta famille, et que cela s’arrête là.

SIDI:
(MURMURANT) Baya, veux-tu qu’on meure de faim? Peux-tu passer une journée sans manger? Tout ce que maman te demande, c’est de soutenir ses efforts.

YAYABLÉ:
(UN MOMENT DE SILENCE) Je vais y réfléchir.

ZANZOU :
Ce sera sage. Au revoir, Yayablé, Djôminè, prend soin de toi ma sœur. On se parle bientôt. (IL SORT)

DJÔMINÈ:
Baya… si ce que j’ai dit t’a blessé, je te demande pardon.

YAYABLÉ:
(APRÈS UN SILENCE) Apporte-moi la hache.

DJÔMINÈ:
Baya, que dis-tu ?

YAYABLÉ:
Je te dis de m’apporter la hache. Si vendre du bois fait gagner de l’argent, alors il n’en manquera plus jamais dans cette maison.

SIDI :
Baya, tu vas vraiment faire… ?

YAYABLÉ:
Sidi, mon devoir c’est de vous nourrir. Et si pour cela je dois vendre du bois, je vais le faire.

NARRATEUR.TRICE :
Deux semaines après, Baya vend du bois avec succès.

DJÔMINÈ:
Sidi, vendre du bois n’est pas juste pour les femmes. Le voici qui arrive avec un gros tas. Bonne arrivée Baya!

YAYABLÉ:
Merci! Tiens, prends-moi cette pile, Sidi! Je reviendrai bientôt avec d’autres.

DJÔMINÈ:
(Joyeuse) Qui l’eût cru ! Ma famille renoue avec la joie. Yayablé n’était pas fou. Il était victime de la tradition.

DODO :
Sidi, Baya t’a grondé pour avoir voulu balayer et il fait pire que toi aujourd’hui. Qu’est-ce qui lui arrive ?

SIDI :
Shuut ! Il va t’entendre !

YAYABLÉ:
Dôdô, tout le monde peut vendre du bois. Nous sommes une famille, nous devons tous nous entraider. Ta mère et moi coopérons ces jours-ci pour le bien de toute la famille.

NARRATEUR.TRICE:
Zanzou arrive rendre visite à son ami Yayablé. Il ne le voit pas surplace, mais trouve sa sœur contente et satisfaite de son mari.

ZANZOU:
Bonjour, Djôminè, où est ton mari ?

DJÔMINÈ:
(SOURIANTE) Bonjour, Zanzou, il est parti en brousse.

ZANZOU:
À cette heure? (RIGOLADE) Il est fou en fin de compte.

DJÔMINÈ:
Ce n’est pas de la folie. C’est son nouveau programme quotidien. Il ne se repose presque plus.

ZANZOU:
Je t’avais dit qu’il changerait.

DJÔMINÈ:
(SOURIANTE) Tout à fait. Tu vois les gros tas de bois? D’ici la fin de la journée, tout sera vendu. La demande est fréquente et il a à peine le temps de se reposer.

ZANZOU:
Il faut que tu l’aides à bien gérer les fonds!

DJÔMINÈ:
Il peut compter sur moi.

ZANZOU :
Tu mérites le bonheur, Djôminè. En tout cas, mon ami fait des progrès.

DJÔMINÈ:
Tu as raison, car nous ne manquons de rien depuis qu’il m’aide. Je suis la caissière et nous avons déjà fait des provisions pour les mois à venir.

ZANZOU:
Formidable. Et le voici qui arrive!

YAYABLÉ :
Eh, Zanzou, comment vas-tu ?

ZANZOU :
Je vais bien.

YAYABLÉ:
Ah, Zanzou, je suis occupé maintenant avec le travail. La demande de bois est si forte que j’ai à peine le temps.

ZANZOU :
Djôminè m’a dit! Je suis très content pour vous.

YAYABLÉ:
Ta sœur a eu raison. Vendre du bois procure vraiment de l’argent!

ZANZOU :
Je suis content de l’entendre. C’est important pour vous de vous faire mutuellement confiance et de travailler ensemble. Comme de véritables partenaires.

DODO:
Qui l’aurait cru? La vie est remplie de surprises!

SIDI :
C’est vrai! Et Dieu merci! Maintenant nous pouvons vivre en paix.

Acknowledgements

Rédaction : Drissa Fomba, Président d’AMTRAD (Association Mali Traditionnel), Bamako, Mali

Révision : Maimounatou Touré, spécialiste en genre à Marie Stopes Mali.

 

La présente nouvelle a été produite grâce à l’initiative « HÉRÈ — Bien-être des femmes au Mali » qui vise à améliorer le bien-être des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et reproductive et à renforcer la prévention et la réponse aux violences basées sur le genre dans les régions de Sikasso, Ségou, Mopti et le district de Bamako au Mali. Le projet est mis en œuvre par le Consortium HÉRÈ – MSI Mali, en partenariat avec Radios Rurales Internationales (RRI) et Women in Law and Development in Africa (WiLDAF) grâce au financement d’Affaires mondiales Canada.