Notes au radiodiffuseur
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Lorsque nous parlons d’eau, nous parlons de vie. Nos corps ont besoin d’eau. Nos corvées domestiques quotidiennes ont besoin d’eau. Les animaux, domestiques ou sauvages, ont besoin d’eau. Les plantes aussi ont besoin d’eau. Il y a également des machines qui ont besoin d’eau pour fonctionner. Sans eau, il n’y a donc pas de vie.
Localiser des sources d’eau constitue parfois un gros problème pour certaines collectivités, généralement en raison des grandes distances à parcourir à la recherche d’eau. Et, souvent, il n’y en a pas suffisamment pour combler tous les besoins quotidiens d’une collectivité. C’est pour cette raison que certaines collectivités amorcent des projets d’approvisionnement en eau pour résoudre leurs problèmes de manque d’eau et améliorer leur qualité de vie. Le texte qui suit nous raconte comment une collectivité de l’ouest du Kenya a résolu son problème d’eau en lançant et en poursuivant depuis plus de 10 ans un projet d’approvisionnement en eau.
Ce texte est basé sur une interview réelle, menée dans l’ouest du Kenya. Pour la production de ce texte sur votre station, vous pouvez choisir d’utiliser les voix d’acteurs pour jouer le rôle des participants à l’interview, et changer la formulation du texte pour l’adapter à votre situation locale. Dans ce cas, veuillez vous assurer d’informer votre auditoire dès le début de l’émission que les voix sont celles d’acteurs, pas celles des personnes interrogées à l’origine, et que le programme a été adapté à votre auditoire local mais se base sur une vraie interview.
Texte
Indicatif musical pour amorcer l’émission
ANIMATEUR :
Bienvenue, chers auditeurs et auditrices, à notre émission d’aujourd’hui. Nous allons visiter un projet communautaire d’approvisionnement en eau dans le district de Kericho, à 300 kilomètres au nord-ouest de Nairobi, au Kenya. Le district de Kericho est bien connu pour sa production de thé, qui représente une importante source de devises étrangères pour le Kenya. Toutefois, la pauvreté est encore élevée, avec des niveaux estimés à environ 58 pour cent.
Comme dans beaucoup d’autres régions du Kenya, les ménages ruraux de ce district n’ont pas l’eau courante. Même si de nombreux ménages se trouvent à une distance raisonnable de sources d’eau, comme des sources et des rivières, la culture du thé et l’élevage laitier peuvent exiger une forte densité de main d’œuvre. Cela signifie que le temps et l’attention doivent être partagés entre ces activités et la collecte de l’eau à la fois pour la consommation domestique et pour le bétail. Les résidents du village de Kiptegan savent que l’eau est la clé de leur survie et de leur subsistance et ils ont choisi de ne pas attendre que le gouvernement amène l’eau courante dans leur collectivité. Ils ont plutôt décidé d’agir par eux-mêmes. Maintenant, plus de 40 ménages ont l’eau courante dans leurs exploitations familiales. Aujourd’hui, nous allons rencontrer M. Reuben Tanui, trésorier du Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot, pour avoir une meilleure idée de ce projet.
Chers auditeurs et auditrices, après une courte pause nous écouterons M. Tanui. Restez à l’écoute.
Pause musicale
ANIMATEUR :
Pourquoi avez-vous amorcé le Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot?
REUBEN :
L’eau est un droit humain fondamental. Nous avons de nombreuses sources d’eau autour de ce village et nous ne pouvons donc pas vraiment dire que nous avions de grandes distances à parcourir pour aller chercher de l’eau. Mais, au fil du temps, les activités agricoles ont changé. Les petits exploitants agricoles se tournent vers l’élevage laitier et consacrent une plus grande surface à la culture du thé. En outre, nous cultivons aussi des pommes de terre blanches. Auparavant, on mettait surtout l’accent sur les troupeaux traditionnels. La tendance est dorénavant en faveur de familles plus petites et les activités agricoles exigent toujours plus de main d’œuvre. Nous souhaitions réduire le temps mis pour nous rendre jusqu’aux sources d’eau en amenant l’eau plus près, voire à l’intérieur, de nos maisons.
ANIMATEUR :
Donnez-nous un bref historique du projet.
REUBEN :
Le Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot remonte à 1997, lorsque des agriculteurs du village en visite d’échange dans la région de Sosiot, située dans le district, ont rencontré un agriculteur qui avait l’eau courante. Cette eau coulait de la source à sa maison par gravité. En 1998, un groupe de cinq villageois de Kiptegan se rencontrèrent pour trouver une solution à leur problème d’eau, inspirés par ce qu’ils avaient vu à Sosiot. Nous avons pris en considération toutes les sources d’eau que nous avions, à savoir les rivières et les cours d’eau. Le défi rencontré consistait à trouver un moyen de pomper l’eau vers l’amont, ce qui aurait entraîné des coûts supplémentaires. Heureusement, nous avons trouvé une source en terrain plus élevé et, la même année, nous avons lancé une campagne de financement pour protéger la source. Nous avons commencé par installer quelques tuyaux dans la source; ils acheminent l’eau en aval vers l’endroit où nous avons construit un grand réservoir d’eau en 2004. Il a fallu deux ans pour poser les tuyaux pour rejoindre les maisons. Notre travail a été inspiré par une résolution des membres à l’effet que, d’ici Noël 2000, tous les membres auraient de l’eau dans leurs maisons.
ANIMATEUR :
Quand vous parlez d’un « grand réservoir d’eau », quelle est sa taille exacte?
REUBEN :
Le réservoir a une capacité d’environ 35 000 litres. Il dessert les 40 ménages qui sont impliqués dans le projet.
ANIMATEUR :
Presque tous les deux jours, nous lisons et nous entendons des nouvelles au sujet de conflits pour des sources d’eau. Avez-vous des conflits avec des non-membres?
REUBEN :
Certainement. Nous avons eu beaucoup de conflits avec la collectivité. D’abord, quand le processus a traîné pendant deux ans, on a dit beaucoup de choses. Les membres du comité ont même été accusés d’avoir amorcé ce projet pour rouler la collectivité. Lorsque nous avons protégé la source d’eau avec du ciment et installé deux tuyaux, l’accusation disait « wametumalizia maji » (Note de la rédaction : en Swahili, cela signifie « vous avez stoppé l’eau pour nous »). Tout cela en dépit du fait que nous avons même installé un troisième tuyau pour permettre aux non-membres de continuer d’avoir accès à l’eau. Toutefois, avec le temps, la collectivité a réalisé que nos intentions étaient honnêtes et le projet a été de plus en plus accepté dans la collectivité, ce qui a fait augmenter le nombre de membres.
ANIMATEUR :
C’est un projet communautaire et la plupart des projets communautaires ont un problème de pérennité à long terme. Comment le Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot a-t-il survécu au cours de la dernière décennie?
REUBEN :
Au début, nous nous sommes rencontrés pour nous pencher sur l’ensemble du projet. Nous avons convenu que les membres devraient assumer l’intégralité du coût. Nous avons donc des frais d’adhésion de 1 000 shillings kenyans (Note de la rédaction : environ 13 $US ou dix euros) et des frais mensuels de 50 shillings (2/3 $US ou 1/2 euro). Heureusement, nous n’avons aucun coût permanent de matériel ou d’entretien, puisque l’eau coule par gravité en provenance de terrains plus élevés. Étant donné que les membres ont été impliqués dès le début et ont assumé la responsabilité des coûts du projet, ils éprouvent un fort sentiment d’appartenance. Ils considèrent le projet comme le leur, plutôt que celui d’un donateur ou d’un bailleur de fonds de l’extérieur.
ANIMATEUR :
En quoi ce projet a-t-il ajouté de la valeur à la vie dans le village?
REUBEN :
La qualité de vie s’est améliorée considérablement. L’eau est une substance précieuse et nous devions consacrer beaucoup de temps pour y accéder. À l’heure actuelle, nous avons de l’eau dans nos propres exploitations familiales – et en tournant simplement un robinet! Vous savez que les vaches laitières, comme les Frisonnes et les Ayrshires, boivent beaucoup d’eau. Nous n’avons plus à subir le stress de la corvée d’eau à la rivière, ni à conduire les vaches à la rivière pour boire. L’eau destinée au bétail est facilement accessible au robinet. Nous pouvons également faire pousser des cultures comme le chou vert frisé, les tomates, les pommes de terre blanches, surtout pendant la saison sèche. Cela vient ajouter quelques sous à nos revenus familiaux.
Des membres ont également démarré leurs propres pépinières de thé, qui fournissent des plantules pour remplacer les théiers détruits. Nous nous sommes lancés dans l’apiculture. Tout cela ajoute une immense valeur à la qualité de vie à Kiptegan, en particulier pour les membres du Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot.
Pause musicale
ANIMATEUR:
Quel est le statut juridique du groupe et celui du projet?
REUBEN :
Le groupe est enregistré au Département des services sociaux comme groupe d’entraide. À cause de cette démarche, nous pouvons ouvrir et gérer un compte bancaire au nom du groupe. Nous sommes également enregistrés auprès du Ministère de la mise en valeur de l’eau et ce Ministère nous a aidés en offrant des conseils techniques.
ANIMATEUR :
Plus tôt, vous avez parlé de conflits dans la collectivité. Ces conflits ont-ils menacé d’une façon quelconque la cohésion du groupe, au point qu’un autre groupe semblable pourrait naître et gérer un projet semblable dans la même région?
REUBEN :
Les conflits n’ont pas menacé de diviser l’organisation. La plupart des problèmes ont été soulevés par des non-membres. Cependant, je pense qu’il vaudrait la peine de mentionner un autre projet exécuté dans le village. Il s’agit du projet d’approvisionnement en eau de Kiptegan, qui dessert la moitié du village. Ce projet a débuté environ cinq ans après le nôtre. Il ajoute également une réelle valeur à la qualité de vie de ses membres. L’écoulement d’eau de ce projet est différent du Projet de Chesilot; l’eau s’écoule directement de la source vers les ménages, car aucun réservoir n’a été installé.
ANIMATEUR :
Combien a coûté jusqu’à présent le Projet de Chesilot? Avez-vous bénéficié de subventions externes ou de dons pour le projet?
REUBEN :
Le projet nous a coûté plus d’un million de shillings (Note de la rédaction : environ 13 000 $US ou 10 000 euros). Ce montant a été recueilli par les contributions des membres et par les frais mensuels de 50 shillings kenyans (2/3 $US ou 1/2 euro) qui sont facturés à chaque membre. Le Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot n’a pas reçu de financement de sources externes. L’an dernier, nous avons demandé des montants au Fonds de développement de la circonscription, mais nous avons échoué. On nous a dit que notre demande avait été reçue après la date limite et on nous a conseillé de réessayer plus tard. Le député de la région a visité le projet et nous espérons réussir. Toutefois, nous sommes un peu réticents à demander des fonds publics et l’appui des politiciens car cela pourrait entraîner une politisation du projet.
ANIMATEUR :
Beaucoup de groupes semblent avoir des luttes de pouvoir et un fort pourcentage de ces groupes tombe après quelques années. Votre projet a survécu pendant dix ans. Comment avez-vous fait?
REUBEN :
Nous reconnaissons que tous les individus ont des opinions, des priorités, des intentions et des points de vue différents. C’est un facteur sur lequel nous devons d’abord tous nous entendre. Ensuite, le Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot est composé de gens vivant dans une partie du village et nous nous connaissons depuis longtemps, depuis notre enfance ou depuis l’école. Nous avons donc une très bonne connaissance des capacités de chacun. Les luttes de pouvoir ne sont pas vraiment un gros souci, même si je dois admettre que des problèmes surgissent à l’occasion. Nous les réglons au fur et à mesure. Mais nous avons bien géré le dossier.
Notre principal défi a été le manque de renouvellement au niveau du leadership. Par exemple, je suis le trésorier du groupe depuis 1998, tandis que le président, Richard Kiget, a occupé le même poste durant toute cette période. Toutefois, je suis heureux de signaler que nous allons bientôt confier la direction du projet à de nouvelles personnes, lors de la tenue d’une élection dans quelques semaines.
Pause musicale
ANIMATEUR :
Pour conclure, Reuben, dites quelques mots à nos auditeurs et auditrices.
REUBEN :
Ce que je peux dire, c’est que le succès de projets communautaires ne peut arriver que grâce à la détermination. Le nôtre a réussi jusqu’à présent, même si nous n’avons pas toujours marché sur un lit de roses. Nous avons eu des défis et nous avons encore des défis, mais nous maintenons le cap.
REUBEN :
Merci de m’avoir invité dans votre studio pour partager mon expérience sur le Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot.
ANIMATEUR :
Chers auditeurs et auditrices, nous avons visité aujourd’hui le Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot, dans le district de Kericho, situé dans les hautes terres de l’ouest du Kenya. Il s’agit d’un projet communautaire d’approvisionnement en eau qui a apporté de l’eau dans 40 exploitations familiales depuis 1998. Le projet a été conçu par les membres de la collectivité et entièrement financé par la collectivité. Il s’agit d’une déclaration ferme de ce que la collectivité peut faire pour elle-même si tous les membres en ont la volonté. L’eau est un droit fondamental et, de fait, nous savons tous que l’eau c’est la vie. Nous devons cesser de supposer que le gouvernement est la seule autorité qui peut apporter de l’eau dans nos maisons. Nous ferions bien mieux de prendre le taureau par les cornes, tout comme les 40 familles du village de Kiptegan l’ont fait, il y a 10 ans, et apprécient maintenant d’avoir l’eau courante dans leurs maisons. Nous nous sommes entretenus avec Reuben Tanui, membre fondateur et trésorier sortant du projet de Chesilot, au sujet de cette initiative communautaire. D’après l’émission d’aujourd’hui, nous pouvons confirmer que la patience est payante. Nous constatons un certain nombre d’avantages que la collectivité de Kiptegan a obtenus en utilisant l’eau pour des activités domestiques et agricoles. Nous constatons également que le groupe est bien organisé en s’enregistrant auprès du Département des services sociaux. Enfin, leurs qualités en matière de leadership ont maintenu le projet sur ses rails. Nous espérons que, grâce à cet exposé, vous aurez appris quelque chose et que vous pourrez les imiter. Merci et bonne continuation. Au revoir.
Montée de la musique puis sortie en fondu enchaîné
Acknowledgements
Rédaction : Damas Ogwe, Centre de ressources communautaires d ‘Ugunja, Kenya, un partenaire radio de Radios Rurales Internationales.
Révision : Alan Etherington, expert-conseil indépendant en eau, en assainissement et en promotion de l’hygiène, et ex-employé de WaterAid.
Information sources
Entrevue avec M. Reuben Tanui, trésorier du Projet d’approvisionnement en eau de Chesilot, le 6 septembre 2008.
Kenya Vision 2030