Notes au radiodiffuseur
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Les produits agrochimiques tels que les pesticides sont de plus en plus utilisés pour protéger les vergers contre les ravageurs. Mais leur utilisation peut être une menace pour l’environnement et pour la santé humaine. Le texte ci-dessous nous fait découvrir un planteur d’arbres fruitiers qui innove en utilisant des fourmis rouges contre les insectes nuisibles des fruits, tels que les mouches de fruits, les acariens et les mineuses des feuilles. Depuis que ce planteur a découvert les effets bénéfiques des fourmis rouges, il ne s’en passe plus.
Ce texte est basé sur une authentique interview. Il pourrait vous servir d’inspiration pour conduire une recherche ou pour écrire un autre texte sur un sujet similaire touchant votre région. Alternativement, vous pourriez choisir de produire ce texte dans votre station, en ayant recours aux voix d’acteurs pour représenter les personnages. Le cas échéant, veuillez vous assurer d’informer l’auditoire, au début de l’émission, que les voix sont celles d’acteurs, et non les personnages impliqués dans l’interview originale.
Texte
PERSONNAGES
Animateur de l’émission: Félix Sèdègnon Houinsou
Planteur – innovateur: Ibrahim Wallis Zoumarou
Montée de l’indicatif musical pour commencer l’émission. L’indicatif musical est fondu après 20 secondes et enchaîné sous la voix de l’animateur.
ANIMATEUR :
Chers amis auditeurs de Radio Immaculée Conception, bonjour! Soyez les bienvenus à votre émission préférée consacrée à l’agriculture. Au micro: votre humble serviteur, Félix Sèdègnon Houinsou.
L’émission d’aujourd’hui discutera comment utiliser des fourmis rouges pour protéger les arbres fruitiers contre les insectes nuisibles. À ce propos, je suis allé rencontrer M. Ibrahim Wallis Zoumarou dans son verger. Il est planteur d’arbres fruitiers, dans le nord du Bénin. Je vous invite à découvrir comment il lutte contre les ravageurs.
Chants d’oiseaux avec crépitement des herbes et des feuilles mortes sous les pas du planteur
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Je m’appelle Ibrahim Wallis Zoumarou. Je suis soldat retraité. Cinq ans avant de prendre ma retraite, j’ai installé cette plantation. Elle s’étend à perte de vue sur une grande superficie. Il y pousse des manguiers de ce côté, et de l’autre côté des anacardiers. J’ai installé cette plantation afin de pouvoir faire face aux charges familiales. Ma pension de retraite, en tant que militaire, ne suffit pas, à elle seule, pour couvrir toutes mes dépenses. Mais très tôt, mes illusions se sont effondrées.
ANIMATEUR :
Comment vos illusions se sont-elles effondrées?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
L’entretien de la plantation s’est avéré beaucoup plus exigeant que je n’avais pensé.
ANIMATEUR :
Qu’est-ce qui vous faire dire ça?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Pour désherber et nettoyer cette vaste plantation, j’ai dépensé beaucoup d’argent en frais de main d’œuvre. J’investissais et, au moment de la récolte des fruits, je me retrouvais avec des problèmes de chauves-souris et de maraudeurs. Pire encore, il y avait de petits insectes qui gâtaient les fruits. À cause de cela, je n’obtenais pas les bénéfices escomptés. Mais, cependant, depuis plus de dix ans, je m’en sors très bien.
ANIMATEUR :
Est-ce parce que vous avez trouvé des solutions à ces différents problèmes?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Oui, du moins, j’ai trouvé une solution pour lutter contre les petits insectes. Ces insectes constituaient le plus grave de mes problèmes.
ANIMATEUR :
Avant de continuer, marquons une pause en musique. Juste après cela, Mr Ibrahim Wallis Zoumarou va nous parler des dommages causés par les insectes nuisibles.
Pause musicale
ANIMATEUR :
Après cette pause, Mr Ibrahim Wallis Zoumarou, dites-nous: quels dommages les insectes causaient à votre plantation.
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
(
Rires) Beaucoup de dommages. Ces insectes sont d’espèces diverses. Certains attaquent les fleurs des arbres fruitiers et les détruisent. Ils arrêtent le processus de transformation de la fleur en fruit. D’autres insectes, par exemple les mouches des fruits, attaquent les fruits à l’étape mûre. Dans les deux cas, je subis une énorme perte.
ANIMATEUR :
Qu’avez-vous donc fait pour lutter contre tous ces insectesnuisibles?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Auparavant, j’utilisais les mêmes pesticides que pour le traitement des champs de coton. Mais ils sont très toxiques et endommagent la qualité des fruits. Ils peuvent aussi être un poison pour l’Homme.
Par ailleurs, ces produits coûtaient trop chers. Je ne faisais que m’endetter. Au bout d’un certain temps, je n’en pouvais plus.
J’en étais là, lorsqu’un jour j’ai entendu, à la radio, que les fourmis rouges contribuent beaucoup à la protection des fruits contre les insectes nuisibles. L’émission parlait du Vietnam, où les fourmis rouges aident les producteurs d’agrumes à produire des fruits de qualité supérieure.
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Oui, les fourmis rouges. Elles sont très utiles pour lutter contre les insectes nuisibles. Dès que j’ai appris cela, j’en ai moi-même fait l’essai.
ANIMATEUR :
Et quels ont été les résultats?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Très bons. Il y a eu une nette amélioration. Les insectes nuisibles ont commencé par disparaître. Les fruits avaient de moins en moins tendance à pourrir. Il y avait aussi de moins en moins de dégâts au niveau des mangues.
Les fruits protégés par les fourmis rouges sont de bonne qualité. Ils sont aussi plus juteux et plus sucrés.
ANIMATEUR :
Alors, vous avez pris la résolution d’adopter cette innovation?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Absolument! Les résultats obtenus m’ont prouvé que les fourmis rouges protègent effectivement les fruits contre les ravageurs. Depuis lors, j’ai des fourmis rouges dans toute ma plantation.
ANIMATEUR :
Comment vous avez introduit les fourmis rouges dans votre plantation?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Je n’ai pas eu besoin de le faire. Les fourmis rouges sont un don de la nature. Il y en avait déjà beaucoup dans ma plantation. Mais je n’y prêtais pas attention. Par ignorance, je les tuais chaque fois que je pulvérisais des pesticides et chaque fois que je brûlais les herbes de la plantation.
ANIMATEUR :
Mais maintenant, il y a des fourmis rouges partout sur votre plantation. Comment avez vous réussi à faire cela?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Aussitôt que j’ai eu l’information à la radio, je suis allé directement observer les fourmis rouges, sur les anacardiers de ma plantation. Parce que je ne traite pas souvent les anacardiers avec des pesticides, il y a beaucoup de fourmis rouges là-dessus. J’ai constaté que les fruits étaient brillants et bien sucrés. Ce qui n’était pas le cas des mangues auparavant.
Après avoir observé cela, j’ai cherché, sur les anacardiers, des branches où il y avait beaucoup de fourmis. J’ai ensuite coupé ces branches. J’ai enfin déposé les branches sur quelques manguiers.
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Oui, ça a marché. Petit à petit, les fourmis se sont installées. Par la suite, elles ont envahi toute la plantation.
ANIMATEUR :
Merci pour ces explications. Écoutons encore un peu de musique avant de revenir dans ce studio pour la suite.
Pause musicale
ANIMATEUR :
Alors, M. Wallis Zoumarou, que faites-vous pour favoriser la proliférationdes fourmis rouges dans votre verger?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
J’évite de pulvériser le verger avec des pesticides. J’évite également de brûler les mauvaises herbes dans la plantation.
ANIMATEUR :
Que mangent les fourmis rouges pour survivre?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
(
Crissement d’herbe et de feuilles sous les pas des personnages) Venez voir
(Il s’abaisse pour ramasser une chenille par terre). Je prends cette chenille. Je la dépose sur ce manguier, où il y a des fourmis rouges. Observez vous-même la réaction des fourmis.
(Quelques secondes de silence)
Que constatez-vous?
ANIMATEUR :
Les fourmis accourent vers la chenille pour l’attraper.
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Une fois que les fourmis rouges attrapent la chenille, elles la mangent. En observant attentivement les différents manguiers de la plantation, vous verrez que les fourmis rouges perturbent, chassent ou attaquent directement une multitude d’insectes nuisibles qu’elles mangent pour survivre.
ANIMATEUR :
Les fourmis rouges sont donc friandes des insectes?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Oui, elles sont très friandes des insectes. Elles aiment aussi manger de la viande! Il existe une autre technique pour favoriser la dissémination des fourmis. On place des intestins de volaille non cuits sur des arbres. Ensuite, on utilise des ficelles pour relier ces arbres aux arbres où sont les fourmis rouges. Attirées par l’odeur des intestins, les fourmis envahissent très rapidement ces arbres.
ANIMATEUR :
L’usage des fourmis rouges ne vous coûte pas cher?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Non, pas du tout. Ça ne me coûte rien. C’est un don de la nature. Contrairement aux pesticides, les fourmis rouges me font économiser de l’argent. Et elles travaillent toutes seules. Les fourmis rouges se nourrissent de ravageurs et leur population s’agrandit. Elles gèrent ma plantation tranquillement toute seules. Je les respecte beaucoup maintenant.
ANIMATEUR :
Leur présence ne gêne-t-elle pas au moment de la récolte?
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Ça gêne bien sûr. À cause de la morsure des fourmis rouges, ce n’est pas aisé de cueillir les fruits quand elles sont présentes sur un arbre.
C’est d’ailleurs cela qui fait des fourmis rouges de bons gendarmes. Les maraudeurs et les chauves-souris n’aiment plus s’approcher de mon verger maintenant, parce qu’ils ont peur de se faire mordre. Même les serpents ont peur des fourmis rouges.
Par contre, les femmes vendeuses de fruits préfèrent les fruits des vergers gardés par les fourmis rouges.
ANIMATEUR :
Parce que les fruits de ces vergers sont de meilleure qualité?
ANIMATEUR :
Votre dernier mot pour conclure cet entretien, s’il vous plaît.
IBRAHIM WALLIS ZOUMAROU:
Je dirais que les fourmis rouges jouent un rôle très important dans la protection des arbres fruitiers contre les ravageurs. Contrairement aux pesticides, les fourmis rouges participent à la conservation de l’environnement. Elles permettent aux planteurs de faire pousser des fruits de bonne qualité et d’économiser de l’argent. Pour cette raison, je demande à tous les planteurs de ne plus tuer les fourmis.
Je les invite plutôt à utiliser les fourmis rouges pour protéger leurs plantations contre les ravageurs!
Annonce de l’indicatif de fin pendant 10 secondes puis fondu enchaîné sous la voix de l’animateur
ANIMATEUR :
Chers amis auditeurs, nous espérons que vous avez suivi avec un grand intérêt l’histoire de Mr. Ibrahim Wallis Zoumarou sur les fourmis rouges. Retenez que les fourmis rouges protègent les fruits contre les ravageurs. Elles sont toujours présentes dans le verger, et vous les verrez si vous êtes attentif. C’est un don de la nature très utile que vous avez peut-être ignoré jusque là. Mais dès à présent, faites attention à ces fourmis en leur créant un environnement favorable. N’allumez surtout pas de feu dans vos plantations, sinon vous risquez de les détruire. C’est donc tout pour l’émission d’aujourd’hui. Merci de l’avoir suivie. À la prochaine.
Montée de l’indicatif pour terminer l’émission
Acknowledgements
Rédaction : Félix Sèdègnon Houinsou, animateur d’émission consacrée à l’agriculture, Radio Immaculée Conception, Bénin, un partenaire radiodiffuseur de Radios Rurales Internationales.
Révision : Paul Van Mele, chercheur et spécialiste des fourmis rouges, Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice)
Des remerciements très particuliers sont adressés aux organisations suivantes : Commonwealth of Learning (COL), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le gouvernement du Canada par le biais de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), La Fondation canadienne Donner, l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC), Inter Press Service (IPS) Afrique et le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA), pour leur appui du concours de rédaction de textes radiophoniques sure les innovations des petits exploitants agricoles.
Information sources
Ibrahim Wallis Zoumarou, planteur de fruitiers au Bénin, interview accordée en octobre 2009
Paul Van Mele, chercheur et spécialiste des fourmis rouges, Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice)
Jean François Vayssières, Chercheur et chef programme de lutte intégrée contre les nuisibles des fruitiers, Centre international pour la recherche en agriculture durable (CIRAD)
Paul Van Mele & Nguyen Thi Thu Cuc, 2008. Nos amies les fourmis.