Notes au radiodiffuseur
Dans la production alimentaire en Afrique, les pertes après la récolte constituent un problème très grave et le secteur des pêches ne fait pas exception. Les pertes après capture dans les petites entreprises de pêche africaines sont extrêmement élevées, avec des estimations variant entre 20 et 50 % des prises. La majorité des pertes sont dites ‘économiques’, ce qui signifie que les marchands perdent de l’argent car les poissons qu’ils vendent sont de moindre qualité parce qu’ils sont infestés par des insectes ou brisés. Le fardeau des pertes complique énormément la vie des personnes qui sont tributaires de la pêche et de la transformation du poisson pour assurer leurs moyens de subsistance.
à travers toute l’Afrique, des projets abordent le problème des pertes après capture dans les pêches. Le présent texte raconte l’histoire de trois femmes dans trois pays différents. Elles sont toutes les trois impliquées dans des projets qui mettent l’accent sur l’utilisation de séchoirs solaires pour sécher le poisson. Ces histoires découlent de projets gérés par le Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche (PMEDP), partenariat international oeuvrant dans 25 pays de l’Afrique occidentale et centrale. Le PMEDP, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et d’autres organismes collaborent avec les collectivités pour réduire le fardeau des pertes après capture dans le domaine des pêches
Texte
Personnages :
Animateur
Pêcheuse 1 (de Sao Tomé et Principe)
Pêcheuse 2 (du Nigeria)
Pêcheuse 3 (du Congo)
Animateur :
Bonjour et bienvenue à notre émission très spéciale d’aujourd’hui. Dans quelques instants, nous nous entretiendrons avec trois femmes issues de communautés de pêche de trois pays différents : Sao Tomé et Principe, le Nigeria et le Congo. Ces femmes ont toutes bénéficié de l’arrivée de séchoirs solaires à poisson dans leurs collectivités. Les séchoirs solaires ont fait augmenter leurs revenus et ont engendré beaucoup d’autres avantages. Mais j’ai déjà assez parlé! Je vais laisser la parole à ces trois dames qui vont tout vous dire sur ce sujet. De Sao Tomé et Principe, nous avons la Pêcheuse 1. Du Nigeria, nous avons la Pêcheuse 2. Et enfin, mais non des moindres, du Congo nous avons la Pêcheuse 3. Bienvenue toutes les trois à cette émission! Pêcheuse 1, je vais commencer par vous. Dites moi comment le poisson est traditionnellement séché dans votre collectivité.
Pêcheuse 1 :
Eh bien, comme vous le savez probablement, les femmes font tout le travail difficile dans les communautés de pêche!
(Rires généralisés). La pratique traditionnelle consiste à étaler le poisson sur des claies horizontales placées à environ un mètre au dessus du sol. Les claies sont des cadres en bois avec une couverture confectionnée à base de bambous, de petites branches d’arbres ou d’une natte de feuilles de palmier ou de brindilles, le tout recouvert ensuite d’un filet de pêche. Après avoir étalé le poisson sur les claies, nous le laissons simplement sécher au soleil.
Animateur :
Les pratiques traditionnelles sont elles semblables au Nigeria, Pêcheuse 2?
Pêcheuse 2 :
Oui, assez identiques. Le poisson est étalé sur des nattes et même parfois sur le sol pour sécher.
Pêcheuse 1 :
Oui, il y a encore beaucoup de femmes qui font aussi sécher le poisson sur le sol à Sao Tomé.
Animateur :
Qu’en est il au Congo, Pêcheuse 3?
Pêcheuse 3 :
Oui, les choses sont assez semblables. Il y a beaucoup de gros poissons au Congo, si bien que nous devons tenir compte de leurs poids lorsque nous fabriquons les cadres.
Animateur :
J’aimerais savoir quels genres de changements vous avez apportés aux pratiques traditionnelles dans vos pays respectifs, et quels en sont les avantages? Pêcheuse 3, je vais commencer par vous.
Pêcheuse 3 :
Très bien, maintenant nous utilisons toutes des séchoirs solaires pour le poisson et cela a constitué un énorme avantage. Les séchoirs que nous utilisons au Congo sont assez grands car, comme je l’ai déjà mentionné, nos poissons sont très gros. Et nous en avons beaucoup! Nos séchoirs mesurent environ quatre mètres de long, quatre mètres de large et deux mètres de haut, avec deux étages et un bac de salage. On m’a dit qu’ils ressemblaient un peu à des serres.
Animateur :
Pouvez vous m’expliquer comment sont fabriqués ces séchoirs solaires, Pêcheuse 2?
Pêcheuse 2 :
Certainement! Les poissons sont étalés sur deux étages de claies fabriquées avec des languettes de bambous reposant sur des moustiquaires. Une feuille de plastique transparent recouvre la structure de bois et des évents sont percés, c’est à dire des trous le long de la partie inférieure et de la partie supérieure de la feuille de plastique pour assurer la ventilation. Nous fabriquons le cadre et nous achetons le filet à moustiquaire et les feuilles de plastique. Au début, nous avions une feuille de polyéthylène noir à la base du séchoir pour mieux absorber l’énergie solaire. Mais nous avons changé cela.
Animateur :
Avez vous apporté d’autres changements à la construction du séchoir?
Pêcheuse 2 :
Eh bien, dans notre collectivité, nous avons beaucoup discuté avec les commanditaires du projet au sujet de la méthode de construction des séchoirs. Nous leur avons dit que nous voulions remplacer la feuille de plastique noir par des roches recouvertes d’une teinture noire de fabrication locale. En outre, même si leur idée consistait à bâtir le cadre en métal, nous les avons convaincus d’utiliser du bois disponible sur place. Nous avons dû effectuer également un autre changement. Nous avons augmenté la taille des évents après un certain temps parce que l’intérieur du séchoir était tout simplement trop humide.
Animateur :
Et les séchoirs solaires vous ont ils avantagées, Pêcheuse 1?
Pêcheuse 1 :
Absolument! Sinon, pourquoi serais je ici pour vous en parler
(Rires)? Au fait, nous avons également constaté qu’il fallait augmenter la taille des trous de ventilation. Et nous avons incliné le séchoir pour tirer profit de la direction habituelle du vent.
(Pause) Vous voyez, le principal problème avec les méthodes traditionnelles de séchage, c’est que le poisson n’est pas couvert. Ainsi, il se recouvre de poussière et de sable et il est infesté par des insectes et des bactéries. étant donné que le poisson est couvert dans le séchoir solaire, ce genre de contamination est beaucoup moins probable. La qualité du poisson que nous vendons est donc nettement meilleure.
Pêcheuse 3 :
Et cela signifie qu’il y a moins de poisson gâté qu’il faut jeter. étant donné que l’on perd moins de poisson, on constate une augmentation de sa qualité et de sa quantité. Nous les femmes, nous recevons donc plus d’argent. Au Congo, certaines femmes ont doublé leurs revenus grâce aux séchoirs solaires. L’un de nos grands séchoirs peut produire 400 kilos de poisson salé et séché tous les mois. Nous en vendons une partie sur le marché local et nous envoyons le reste vers d’autres villes du Congo.
Pêcheuse 1 :
à Sao Tomé, nous pouvons vendre le poisson à un prix plus élevé parce qu’il est de meilleure qualité. Auparavant, un kilo nous rapportait environ quatre dollars américains, mais maintenant nous le vendons jusqu’à six dollars américains (radiodiffuseur : utilisez la devise locale).
Pêcheuse 2 :
Avec les méthodes traditionnelles, un autre problème réside dans le fait qu’il faut rentrer le poisson à l’intérieur lorsqu’il pleut. Et le séchoir solaire est aussi beaucoup plus rapide. Le poisson séché dans le séchoir solaire peut être stocké jusqu’à quatre semaines, et parfois même davantage. Mais le poisson séché de la façon traditionnelle se conserve seulement de trois à huit jours. Cela signifie que nous pouvons saler et sécher le poisson que nous ne vendons pas, même pendant la saison des pluies.
Animateur :
Donc, Pêcheuse 2, les séchoirs solaires du Nigeria sont plus petits que ceux du Congo?
Pêcheuse 1 :
Oui, nous avons deux tailles : un grand séchoir qui mesure environ trois mètres de long par un mètre et demi de large, et un séchoir individuel qui a deux mètres de long et un mètre de large. Mais de nombreuses femmes trouvent que le séchoir individuel est trop petit – il limite la quantité de poisson que l’on peut faire sécher. à Sao Tomé et Principe, il y a de nouveaux projets qui utilisent uniquement le plus grand séchoir.
Animateur :
Je crois comprendre qu’il y a également des avantages environnementaux à utiliser le séchoir solaire.
Pêcheuse 2 :
Dans le nord du Nigeria, comme ailleurs, la déforestation – l’abattage d’arbres – constitue un grave problème. étant donné que nous n’utilisons pas de bois de chauffe pour fumer le poisson, nous diminuons la déforestation.
Animateur :
Qu’en est il du coût? Le prix du séchoir solaire ne constitue t il pas un obstacle à son utilisation dans les communautés de pêche pauvres?
Pêcheuse 3 :
Au Congo, les commanditaires du projet ont arrangé des prêts pour les femmes qui participaient au projet. Chacune d’elles a reçu 840 $US pour acheter le séchoir et les matières premières. Jusqu’à présent, 70 % des femmes sont à jour avec leurs remboursements et les autres n’ont que quelques semaines de retard.
Pêcheuse 1 :
à Sao Tomé, les plus jeunes femmes ont reçu un prêt d’environ 27 $US pour mettre sur pied leur entreprise et les autres ont reçu des prêts pour étendre leurs activités. Elles ont utilisé les prêts pour acheter du poisson et comme fonds de roulement pour gérer convenablement l’entreprise familiale. Mais ne pensez surtout pas que cet argent suffit. Les femmes ont vraiment besoin de prêts plus importants – entre 60 et 120 $US. à Sao Tomé, le séchoir solaire ne coûte pas trop cher, c’est à dire environ 90 $US.
Pêcheuse 3 :
Au Congo, nous voulons utiliser des matériaux locaux, comme le bois d’eucalyptus, pour construire le séchoir. Cela devrait en faire baisser considérablement le coût.
Animateur :
Eh bien, vous m’avez impressionné toutes les trois – ainsi que vos initiatives. Je vous souhaite beaucoup de chance dans vos projets.
Pêcheuse 3 :
Alors, mesdames, souvenez vous maintenant de ce que nous avons répété… un, deux, trois…
Animateur :
Merci d’avoir été à l’écoute. Ici votre animateur _____________ qui vous dit au revoir.
Acknowledgements
- Rédaction : Vijay Cuddeford, d’après un article paru dans le Bulletin de liaison 13 du Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche (PMEDP).
- Révision : Joseph Ndenn, Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche
Information sources
S. Braguy, 2003. Séchage du poisson : une technologie modulable. Bulletin de liaison 13 du PMEDP, juillet décembre 2003.