Réhabilitation et replantation des mangroves

Solutions fondées sur la nature

Notes au radiodiffuseur

Pour lutter contre la disparition des mangroves, les producteurs agricoles, les pêcheurs, les mareyeuses et les défenseurs de la nature se mobilisent pour la replantation de palétuviers.

Malheureusement, les mangroves disparaissent ces dernières années dans la zone côtière du département de Grand-Lahou, capitale du département de Grand-Lahou dans le sud-est de la Côte d’Ivoire. Ce département est menacé par l’érosion côtière, qui était auparavant ralentie par les mangroves. Dans le passé, les mangroves étaient utilisées pour fumer le poisson frais. Ces mangroves abritaient également des poissons et d’autres créatures aquatiques et leur permettaient de se reproduire.

Les femmes sont les principales bénéficiaires des mangroves à Grand-Lahou. La régénération des mangroves est cruciale pour la restauration des ressources halieutiques et la survie des communautés locales.

Ce texte radiophonique permet de comprendre l’impact des mangroves sur la survie socio-économique des communautés et surtout des femmes. Il prend appui sur des interviews avec cinq invités. Il s’agit de Laurentine Akin, commerçante de poisson frais ; Alphonse Akadié, président du Comité parc et bois et mangroves de Lahou Kpanda ; Michel Ségui, président de la Coopérative simplifiée des artisans pêcheurs « Walè » ; Serge Sougohi, président de l’ONG Afrique Verte et Professeur Koffi Kan, expert sur les sujets relatifs aux mangroves. Ce dernier est enseignant-chercheur à l’unité de formation et de recherche à l’université Alassane Ouattara.

Pour produire ce texte sur votre station de radio, vous pouvez utiliser des voix d’acteurs.trices pour jouer le rôle des experts et/ou l’adapter à votre situation locale. Dans ce cas, veuillez-vous assurer d’informer votre auditoire dès le début de l’émission que les voix sont celles d’acteurs.trices, et non pas celles des personnes interrogées à l’origine ou expliquez que le programme a été adapté pour les auditeurs locaux, mais est basé sur des entretiens réels.

Si vous souhaitez créer des programmes sur la réhabilitation et la replantation des mangroves, parlez aux personnes dont les moyens de subsistance dépendent des mangroves, et aux experts scientifiques. Vous pourriez poser les questions suivantes à vos interlocuteurs :

  • Qu’appelle-t-on mangroves et en quoi sont-elles importantes pour les femmes?
  • Qu’est-ce qui engendre la disparition des mangroves?
  • Comment procéder à la réhabilitation et à la replantation des mangroves?Durée de l’émission, y compris l’intro et l’extro : 25 à 30 minutes.

Texte

Montée de l’indicatif musical, puis fondu enchaîné

Animateur.TRICE :
Bonjour et bienvenue à nos fidèles auditeurs. Le thème du programme d’aujourd’hui est les Solutions Fondées sur la Nature, avec un focus sur la régénération des mangroves dans les villages côtiers de Grand-Lahou en Côte d’Ivoire. Il aborde tous les aspects des villages de cette zone géographique, incluant les femmes, les hommes, et les conservateurs de la nature.

Pour parler de cela, nous accueillons cinq invités. Laurentine Akin est une commerçante. Alphonse Akadié est président du Comité du Parc, du Bois et de la Mangrove de Lahou Kpanda. Michel Ségui est président de la Société coopérative simplifiée des artisans pêcheurs « Walè ». Serge Sougohi est président de l’ONG Afrique Verte. Et le Professeur Koffi Kan est un expert en mangroves, ainsi qu’enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké, dans le centre-nord de la Côte d’Ivoire. Bonjour à tous, et merci d’avoir accepté notre invitation !

Montée de la musique instrumentale, puis fondu enchaîné

Animateur.TRICE :
Ma première question s’adresse à Laurentine. Pourriez-vous nous expliquer en quoi les mangroves sont importantes pour les femmes?

LAURENTINE AKIN:
J’ai 35 ans et je travaille comme commerçante de poisson. Avant, il y avait beaucoup de poissons à Grand-Lahou. Mais la disparition des mangroves a changé la donne. Du coup, je dois parcourir au moins trois villages, pour un total de 27 kilomètres, à pieds et sur des moto-taxis, très tôt le matin, pour espérer avoir du poisson frais pour mon commerce. De nombreuses femmes de notre département vivent du poisson. Or, il est devenu rare.

Animateur.TRICE:
Et pourquoi le poisson est-il devenu rare?

LAURENTINE AKIN:
C’est dû à la destruction des mangroves. Avant, on accusait les génies, des forces mystiques invisibles, qui habiteraient la mer ou la lagune. Or, c’est la destruction des mangroves qui en est la principale cause. En conséquence, les jeunes pêcheurs ont dû se tourner vers d’autres travaux.

Animateur.TRICE
Quel est l’impact dans les familles?

LAURENTINE AKIN:
Mon mari travaille dans les champs et je vends du poisson afin que nous puissions prendre soin de nos quatre enfants qui vont à l’école. Sans poisson, sans agriculture, nous ne pouvons pas nous nourrir, nous ne pouvons pas subvenir à nos besoins. Certaines femmes portent le poids de leur famille parce que leurs maris, qui étaient auparavant pêcheurs, ne peuvent plus attraper de poisson. Entre 2011 et 2020, les vendeurs de poisson frais achetaient un kilogramme de poisson entre 2 000f et 5 000f (US $3,30-$8,25). Nous réalisions un bénéfice entre 100 % et 200 %, donc entre 4 000f et 8 000f (US $6,60-$13,20) par kilogramme. Nous vendions entre 10 et 15 kg quand les choses allaient bien, donc nous gagnions entre 28 000f et 56 000f (US $46-$92) chaque semaine. Depuis 2021, le prix du poisson a augmenté à cause du prix demandé par les pêcheurs. C’est le double de ce que c’était, entre 5 000 et 10 000 CFAF (US $8,25-$16,50).

Animateur.TRICE:
Que faites-vous pour favoriser le retour des mangroves?

LAURENTINE AKIN:
A Aboudam et Adreguidon, des villages où je vais chercher du poisson, les jeunes ont commencé à planter les mangroves. On nous a fait savoir qu’ils permettent la multiplication des poissons. Il est même interdit d’y toucher sous peine de sanctions sévères.

Interlude musical de six secondes, puis fondu soutenu sous la voix de l’animateur

Animateur.TRICE:
La question de survie que pose Madame Laurentine nous permet de nous tourner vers Michel Segui. Vous êtes président de la Société coopérative simplifiée des artisans pêcheurs, « Walè. » Quelles sont les difficultés de votre coopérative?

MICHEL SEGUI:
Nous sommes soumis aux difficultés de tous ordres, notamment celles ayant trait à notre activité économique, c’est-à-dire la pêche. Notre coopérative compte 75 membres.

Animateur.TRICE:
Pourquoi êtes-vous concernés par la sauvegarde des mangroves?

MICHEL SEGUI:
Les mangroves sont le milieu naturel de développement de nos ressources de vie. Les mangroves attirent les poissons pour qu’ils viennent y pondre. Les alevins se développent en sécurité dans les racines des palétuviers car les gros poissons prédateurs ne peuvent les atteindre.

Animateur.TRICE:
Et que fait votre organisation pour sauver les mangroves?

MICHEL SEGUI:
Si on retrouve le bois de chauffe sec avec une personne, celle-ci paiera une amende de 100.000 FCFA (US $165) et sa pirogue sera confisquée. En effet, les jeunes coupent les bois des palétuviers pour les vendre aux mareyeuses qui, elles, les utilisent pour fumer le poisson. Elles disent que le bois de palétuvier donne une certaine luisance au poisson. Donc, nous pêcheurs membres de la coopérative Scoop-Hozalem et les autres habitants du village ayant compris l’intérêt des mangroves, avons décidé de faire une «police spéciale» de dissuasion pour empêcher les jeunes de toucher à la mangrove.

Animateur.TRICE:
Quel est le rapport entre la destruction des mangroves et les rendements de la pêche d’aujourd’hui?

MICHEL SEGUI:
Avant que les mangroves ne commencent à régresser dans notre village, la coopérative pêchait environ 100 kg de poissons par jour. Entre 2013 et 2017, ce chiffre a baissé à seulement 15-20 kg. Mais grâce aux mangroves plantées, on pêche maintenant entre 55 et 70 kg par jour.

ANIMATEUR.TRICE:
Bonne nouvelle! Participez-vous à la plantation des mangroves?

MICHEL SEGUI:
Oui! En tant que président, j’ai mobilisé tous les membres de mon organisation pour participer à la plantation de mangroves dans notre village. Car, nous en sommes les premiers bénéficiaires. L’ONG de M. Sougohi nous a éduqués à la sauvegarde de la mangrove. On nous a expliqué comment les mangroves favorisent la reproduction des poissons.

ANIMATEUR.TRICE:
Et depuis que votre coopérative a commencé à planter des mangroves, quels résultats avez-vous obtenus, à part la quantité de poisson que vous capturez ?

MICHEL SEGUI:
Les jeunes qui avaient quitté les villages pour Abidjan, la capitale économique ivoirienne, à une centaine de kilomètres d’ici, reviennent au village pour reprendre la pêche. La régénération des mangroves a pour conséquence directe le retour des poissons. En prenant ces mesures, nous aidons à réduire l’exode rural et créons de la richesse pour toute la communauté.

Interlude musical de six secondes, puis fondu soutenu sous la voix de l’animateur

ANIMATEUR.TRICE:
A présent, nous allons nous tourner vers Monsieur Alphonse Akadié. Il est le président du Comité parc et bois et mangroves de Lahou Kpanda. Avec lui, nous allons en apprendre plus sur la plantation des mangroves. Mais avant, c’est quoi la mangrove?

MICHEL SEGUI:
Les mangroves sont des palétuviers qui poussent dans l’eau salée, bien que certaines espèces de Côte d’Ivoire puissent seulement tolérer une eau faiblement salée. Il existe trois types de palétuviersqui produisent les mangroves rouges, blanches et noires. C’est la plantation de palétuviers qui donne donc la mangrove. Naturellement, les palétuviers poussent sur le Littoral. Ils se produisent dans des régions plates où les eaux salées des marées se mêlent aux eaux douces des rivières. Les forêts de mangroves poussent non seulement près de la mer, mais aussi dans les eaux saumâtres, là où la rivière rencontre l’océan.

ANIMATEUR.TRICE:
Comment planter des palétuviers pour obtenir une mangrove?

ALPHONSE AKADIE:
Il existe plusieurs manières de planter des mangroves, selon les conditions du sol : lorsque l’endroit est boueux, nous faisons des pépinières. Chez nous, pour les endroits que nous voulons occuper, si le coin n’est pas boueux, nous avons du sable au fond, donc nous plantons la graine qui va germer. Dans les zones boueuses, nous utilisons des pépinières pour commencer la croissance des mangroves, puis les transplantons dans les zones où nous les voulons. Dans les endroits avec un sol sablonneux, nous plantons directement les graines dans le sol, où elles vont germer. Pour les pépinières, nous replantons. Nous creusons des trous et utilisons des cordes de mesure pour nous assurer qu’il y a un mètre et demi entre les mangroves. Pour protéger les nouvelles plantes contre la force du courant de l’eau, nous les sécurisons avec des piquets. Des trous sont creusés, des piquets sont faits avec des cordes pour mesurer la distance entre deux trous – 1,5 m d’écart – et lorsque le courant de l’eau tire, des piquets sont placés pour soutenir la nouvelle plante. La graine de mangrove est longue et possède un capuchon d’où émergent les fleurs. Les racines, fixées dans le sol, filtrent l’eau et protègent les poissons qui viennent se reproduire au pied de la plante. Lorsque l’eau se retire à marée basse et que le niveau de l’eau change, nous plantons rapidement les graines sont rapidement plantées.

ANIMATEUR.TRICE:
Après la plantation, que faites-vous d’autres?

ALPHONSE AKADIE:
Nous avons décidé de surveiller les eaux de la lagune, de réguler la taille des ouvertures dans les mailles des filets et de renforcer la protection des mangroves. Tout le village a participé. Nous avons interdit la coupe des mangroves et l’utilisation de produits toxiques tels que les pesticides et autres produits phytosanitaires non recommandés pour la pêche. En conséquence, la pêche illégale dans la zone a cessé. Cette surveillance a sauvé les mangroves dans tous les établissements et 30 grands villages sur la lagune.

ANIMATEUR.TRICE:
Quelle importance revêt pour vous et vos compatriotes les mangroves?

ALPHONSE AKADIE:
C’est sous les mangroves que les poissons se reproduisent, alors elles abritent des réserves de poissons. On a constaté que les mangroves étaient utilisées comme des bois de chauffe. Au début, les coupeurs de bois m’ont combattu. Beaucoup de gens ne voulaient pas entendre parler de la sauvegarde. Aujourd’hui, tout le monde défend la cause. Les femmes et les hommes surveillent les mangroves.
Nous ne sommes pas pêcheurs. Mais nous voyions les pêcheurs gagner beaucoup d’argent grâce aux mangroves. Elles facilitaient l’élevage de poissons. La pêche était bonne et rapportait pas moins de 50 000 francs CFA (83 dollars US) par semaine en bénéfice net.

ANIMATEUR.TRICE:
Quand avez-vous débuté la reconstitution des mangroves?

ALPHONSE AKADIE:
On avait débuté par nous-mêmes, dans les années 2000. Il y a un grand nombre de mangroves reboisées. Dans le cadre d’un projet de réhabilitation des zones côtières en Afrique de l’Ouest, nous avons bénéficié de sessions de sensibilisation. Nous avons reboisé 15 hectares, même si le projet ne nous a pas encore octroyé du financement. Les lieux ont été choisis suite à une formation technique. Nous avons fait les pépinières et reçu du matériel. Nous avons réalisé des pépinières dans les villages de Brafèdon, Lahou Kpanda, Groguida et Likpilassié.

ANIMATEUR.TRICE:
Comment évalueriez-vous cette initiative ?

ALPHONSE AKADIE:
Le bilan largement positif pour notre coopérative Scoop-Hozalem avec une quinzaine de femmes travaillant ensemble. Il y a neuf femmes sur vingt personnes sur le projet mangrove. Une dizaine de jeunes gens du village sont revenus à la pêche. Je leur ai dit qu’on va faire des cages flottantes. Ces dispositifs permettent de surveiller des mangroves. Les cages flottantes sont composées de tiges de bambou avec un filet qui permettent de pêcher. Les poissons y sont emprisonnés car le bas est fermé. Et quand ils entrent par le haut, un mécanisme referme le piège. Cela permet de faire un tri afin de relâcher les alevins.

Interlude musical de six secondes, puis fondu soutenu sous la voix de l’animateur

ANIMATEUR.TRICE:
Après ces explications, nous donnons la parole à Monsieur Serge Sougohi, président de l’ONG Afrique Verte Environnement. Que pensez-vous des initiatives de conservation des mangroves développées par ces communautés locales ?

SERGE SOUGOHI:
Avant de répondre à vos questions permettez-moi de dire que notre organisation, Afrique Verte Environnement a été créée en 2012 en premier lieu pour contribuer à stopper la dégradation des mangroves. Depuis 2020, elle a été reconnue par les autorités administratives suite à un processus qui a commencé avec le sous-préfet et l’organisation a été autorisée par le Ministère de l’Intérieur. Cette autorisation accorde à l’association, une reconnaissance formelle officielle et une liberté de fonctionnement. En effet, les initiatives qui visent à restaurer les mangroves sont louables et à encourager au regard de l’importance de ces écosystèmes naturels.

ANIMATEUR.TRICE:
Quel est le rôle des mangroves?

SERGE SOUGOHI:
Les mangroves rendent d’énormes services écosystémiques entre autres en servant de maternité et de garde-manger aux poissons. Les mangroves protègent les côtes contre l’érosion et les tsunamis. Elles permettent la dépollution de l’eau des déchets que les hommes y déversent. Elles absorbent le CO2 de l’atmosphère et le stockent profondément dans le sol, aidant à lutter contre le réchauffement climatique. Des études récentes montrent qu’elles peuvent stocker jusqu’à 10 fois plus de carbone par hectare que les forêts. Elles sont également d’importants sites d’écotourisme, où vous pouvez observer des espèces animales emblématiques telles que les hippopotames, les lamantins et de nombreuses espèces d’oiseaux aquatiques.

Le bois de mangrove est utilisé comme bois de chauffe et sert à fabriquer des poteaux et des couvertures de toit. En produisant des feuilles de mangrove tombées, des branches et d’autres matières végétales, ces arbres contribuent au régime alimentaire des animaux marins, y compris plusieurs espèces commercialement importantes. C’est pourquoi ces dernières ne devraient pas être considérées uniquement comme des forets mais aussi comme des sources d’aliments (crabes, poissons et crevettes). Elles jouent également un rôle culturel pour les communautés riveraines. Les populations locales ont compris l’importance des mangroves d’où elles tirent des ressources substantielles.

ANIMATEUR.TRICE:
Selon vous, que faut-il faire pour soutenir les initiatives locales et mieux protéger les mangroves?

Il faut créer des activités génératrices de revenus alternatives en faveur des populations qui vivent de la coupe et de la vente de palétuviers. 500 hectares de terre ont besoin d’être restaurés. Il faut aussi construire des fours améliorés pour les femmes qui utilisent le bois de palétuviers pour fumer le poisson. Ces fours utilisent peu de bois de chauffe et maintiennent la chaleur pendant la cuisson. Dans le village de Niani, nous avons mené la sensibilisation et la formation. Nous avons insisté sur les informations concernant les mangroves en montrant la corrélation entre la coupe des mangroves et la raréfaction des poissons. Le projet d’Initiative de Pêche Côtière a été lancé dans cet esprit.

ANIMATEUR.TRICE:
Comment impliquer les communautés locales?

SERGE SOUGOHI:
Il est important de former des équipes d’éco-gardes issues des communautés concernées. Nous devons créer des plantations d’espèces à croissance rapide comme l’acacia qui peuvent remplacer les mangroves pour le bois de chauffage. Si nous mettons en œuvre un projet qui prend en compte les intérêts de la population locale, celle-ci sera réceptive.

ANIMATEUR.TRICE:
Pourquoi estimez-vous que ces populations seront réceptives aux initiatives de sensibilisation?

SERGE SOUGOHI:
La dégradation des mangroves touche aujourd’hui directement les femmes. Avant, en moins de 1h, le pêcheur avait au moins 20 kg de poissons en bonne période contrairement à aujourd’hui où l’on atteint difficilement 10 à 15 Kg. Et pour cause, la mer ronge les côtes et avance. La navigabilité est devenue difficile pour les pirogues et les villages ont dû être déplacés.

Interlude musical de SIX secondes, puis fondu soutenu sous la voix de l’animateur

ANIMATEUR.TRICE:
Alors Professeur Koffi Kan, en tant que géographe spécialisé dans les paysages de zone humide, qu’est-ce que vous pensez de tout ce qui a été dit jusqu’à maintenant?

PROF KOFFI KAN:
Les mangroves sont des végétations qui poussent sur les sols des vases côtières soumises aux marées. Elles sont constituées d’arbres de mangroves, des plantes vivant dans l’eau, avec de longues racines. Malheureusement, ces écosystèmes sont menacés de disparition, à cause de l’exploitation humaine et de l’urbanisation.

ANIMATEUR.TRICE:
En 2023, le gouvernement a mis en vigueur une décision pour le repos biologique qui consacre la suspension des activités de pêche artisanale, semi-industrielle et industrielle afin de faciliter la reproduction des poissons. Cette décision peut-elle être considérée comme bénéfique pour cet écosystème ?

PROF KOFFI KAN:
La décision de l’Etat ivoirien est la bienvenue car elle permet de diminuer la pression exercée sur ces végétations qui sont utilisées comme bois de séchage du poisson sur la côte. Cette décision est bonne mais insuffisante pour une préservation durable de la mangrove. Il faudrait un renforcement du dispositif de surveillance des mangroves en Côte d’Ivoire. Avec la tenue de la 15ème Conférence des Nations unies sur la lutte contre la désertification et la sécheresse (COP 15) en Côte d’Ivoire, c’est un message que le gouvernement ivoirien a envoyé au monde dans sa volonté à concourir à la préservation environnementale.

Il faut aller plus loin que les intentions. Surtout, sur la bande côtière dont la population ressent les effets de la variabilité climatique de façon féroce. On a recensé des dégâts à Grand-Bassam, des villages côtiers de Grand-Lahou disparaissent avec l’avancée des eaux. La multiplication des mangroves et leur protection par les services des Eaux et Forêts devraient aider les populations qui vivent de pêche et freiner l’érosion marine.

Par ailleurs, l’interdiction a permis une reproduction massive des poissons et des ressources halieutiques. La réouverture de la pêche a eu lieu le 1er août 2023. Mais cela n’a pas été désastreux à en croire les pêcheurs eux-mêmes qui se disent satisfaits de cette décision du gouvernement.

ANIMATEUR.TRICE:
En quoi est-ce que cet écosystème est-il important pour les poissons et l’économie locale?

PROF KOFFI KAN:
Les mangroves servent de zones de reproduction et d’abri pour les poissons, qui se nourrissent des algues et du plancton trouvés dans les mangroves. Les poissons se cachent parmi les mangroves lorsqu’ils doivent pondre leurs œufs, loin des poissons plus gros. Les racines des arbres de mangrove sont touffues et offrent un lieu de cachette. Leurs longues racines contiennent des algues dont se nourrissent les poissons. Les racines serrées empêchent les gros poissons de passer, et les jeunes poissons y trouvent leur nourriture. Lorsqu’ils émergent, ils sont déjà assez grands, et certains sont même forcés de partir car ils ne peuvent plus se faufiler entre les racines.

ANIMATEUR.TRICE:
Quel est le lien entre les écosystèmes de mangroves et la gestion du carbone ou de l’oxygène nécessaire au bien-être des poissons et autres ressources halieutiques?

PROF KOFFI KAN:
Les palétuviers contribuent à la séquestration du carbone et au rejet de l’oxygène grâce à la photosynthèse. Ce qui favorise l’amélioration de la qualité de l’air et de l’eau. Les mangroves participent aussi à la purification des déchets humains ou industriels rejetés dans les eaux saumâtres au travers des épurations naturelles.

ANIMATEUR.TRICE:
Le réchauffement climatique a-t-il un impact sur les mangroves ?

PROF KOFFI KAN:
L’élévation du niveau de la mer entraîne l’érosion côtière, qui conduit à la destruction des mangroves. Il y a aussi la sédimentation, qui perturbe l’équilibre des écosystèmes dans les habitats pour des animaux tels que les poissons et les crevettes. Plus important encore, l’élévation du niveau de la mer peut littéralement submerger les forêts de mangroves, perturbant gravement les écosystèmes côtiers.

ANIMATEUR.TRCE:
C’est sur ces mots du professeur Koffi Kan que nous clôturons ces échanges. Merci à vous chers invités d’avoir répondu à nos questions.

Les écosystèmes de mangrove jouent un rôle important dans l’équilibre de l’environnement marin. La solution trouvée par tous les acteurs concernés est de créer une combinaison d’actions pour régénérer et protéger ces écosystèmes. Cela inclut la sensibilisation et l’information des populations côtières sur l’importance de cet écosystème, qui contribue à la lutte contre la pauvreté et à l’amélioration des conditions de vie, notamment pour les femmes. En Côte d’Ivoire, les personnes qui bénéficient réellement des mangroves sont celles qui vivent sur la côte. Merci à vous, fidèles auditeurs et auditrices qui nous suivez et à bientôt pour une nouvelle émission.

Ouverture en fondu sur le générique de fin, quatre secondes en clair, puis fermeture en fondu

Acknowledgements

Rédigé par : Issiaka N’Guessan

Révisé par : Sougohi Adiakpa Eric Serge, environnementaliste et président de l’ONG Afrique Verte Environnement

Entretiens et interviews :

Laurentine Akin, commerçante de poisson frais. Interview réalisée en septembre 2023

Alphonse Akadié, président du comité parc et bois et mangroves de Lahou Kpanda. Interview réalisée en août 2023

Michel Ségui, président de la coopérative simplifiée des artisans pêcheurs « Walè ». Interview réalisée en août 2023

Serge Sougohi, président de l’ONG Afrique Verte. Interview réalisée en août 2023

Professeur Koffi Kan, expert des mangroves et enseignant-chercheur. Entretien réalisé en septembre 2023