Notes au radiodiffuseur
Au Burkina Faso, 41% des plus de mille barrages sont dans un état avancé de détérioration. sont en phase de dégradation avancée. Les problèmes communs auxquels ils sont exposés sont l’érosion des berges et la destruction du couvert végétal. Ce qui provoque l’ensablement de ces infrastructures. Cet ensablement est l’une des conséquences de l’agriculture près des barrages est la cause de la détérioration de ces derniers. Le sable et autres débris transportés d’ailleurs comblent les retenues d’eau et réduisent leur capacité de rétention. Cela contribue à l’aggravation de la situation de pénurie d’eau dans le pays. Avec ses retenues d’eau qui retiennent 8,79 milliards de mètres cubes d’eau utilisable par an, le Burkina Faso est au seuil international de pénurie.
Pour lutter contre la dégradation des barrages et des cours d’eau à travers l’ensablement, le Ministère en charge de l’eau sensibilise contre les activités qui favorisent le phénomène d’ensablement. Ce sont surtout les activités agricoles et celles qui dégradent le couvert végétal autour de ces plans d’eau. Le Ministère recommande la création de zones tampons autour des plans d’eau, plantées d’arbres, en particulier d’arbres fruitiers, et de plantes herbacées non ligneuses pour stabiliser le sol autour des réservoirs d’eau.
Ce texte radiophonique donne la parole à des producteurs qui ont planté des arbres pour protéger les berges des cours d’eau dont ils dépendent. Il prend appui sur des interviews réelles avec trois invités dont un expert. François Zida, agriculteur et propriétaire de verger aux abords du fleuve Mouhoun à Bendougou Mouhoun province ; Sanley Sory, agriculteur et ancien président du Comité local de l’eau de Sinlo dans la région des Cascades et de Amadé Zongo, géologue et chef de service des études et des travaux à l’Agence de l’Eau du Mouhoun.
Pour la production de ce texte sur votre station de radio, vous pouvez utiliser des voix d’acteurs ou d’actrices pour jouer le rôle et pour l’adapter à votre situation locale. Dans ce cas, veuillez-vous assurer d’informer votre auditoire dès le début de l’émission que les voix sont celles d’acteurs ou d’actrices, pas celle des personnes interrogées à l’origine. Il faudra également préciser que le programme a été adapté à votre auditoire local mais qu’il est basé sur des interviews réelles.
Si vous souhaitez créer des émissions sur les zones tampons végétales autour des cours d’eau, entretenez-vous avec un agriculteur ou un propriétaire de verger, un groupe d’agriculteur.rice.s et un expert sur ces questions.
Vous pourriez par exemple, poser les questions suivantes à vos interlocuteurs :
- Qu’appelle-t-on zones tampons végétales?
- Quels sont les avantages de planter des zones tampons autour des cours d’eau?
- Quelles espèces sont recommandées pour la plantation dans une zone tampon?Durée de l’émission, y compris l’intro et l’extro : 25 à 30 minutes.
Texte
Montée de l’indicatif musical, puis fondu enchaîné
ANIMATEUR.TRICE:
Auditeurs et auditrices, bienvenus sur nos antennes. Aujourd’hui, nous allons parler de la protection des cours d’eau contre l’ensablement grâce à la création des zones tampons en bandes végétales. Nous vous présenterons deux cas: celui du fleuve Mouhoum à Bendougou; un village situé à une vingtaine de kilomètres de Dédougou dans la région de la Boucle du Mouhoun et le cas du barrage de Sinlo dans la région des Cascades.
Dans cette émission, nous nous entretenons avec M. Somwaoga François Zida, un jeune agriculteur qui utilisait les berges du fleuve pour sa production céréalière. Aujourd’hui, il a converti son champ en plantation de mangues et d’oranges. Nous avons également au téléphone M. Sanley Sory, ancien président du comité de surveillance du village mis en place pour protéger les berges et l’eau d’une partie du bassin versant. Monsieur Sory va nous parler de la bande végétale que les usagers de Sinlo ont érigée pour contrer l’ensablement de leur barrage. Nous recevons dans notre studio, un spécialiste dans la gestion des ressources en eau. Amadé Zongo est géologue, technicien à l’Agence de l’Eau du Mouhoun. Il nous parlera de la situation d’ensablement du fleuve Mouhoun et de l’efficacité des bandes végétales contre le transport du sable et d’autres débris dans le fleuve.
Montée de l’indicatif musical, puis fondu enchaîné
ANIMATEUR.TRICE:
Commençons avec Monsieur François Zida. Il est cultivateur dans le village de Bendougou, village situé à une vingtaine de kilomètres de Dédougou, chef-lieu de la Région de la Boucle du Mouhoun à l’ouest du Burkina Faso. Vous cultiviez sur les abords du fleuve mais depuis 2016, vous ne le faites plus, pourquoi?
FRANCOIS ZIDA:
Je ne cultive plus sur les rives du fleuve parce que j’ai constaté que cela contribuait à dégrader cette importante source d’eau en augmentant l’ensablement. En remuant le sol, j’aidais le transport de la terre dans le fleuve. Nous avons remarqué cela car la profondeur de la rivière diminuait chaque année et elle s’asséchait immédiatement après la saison des pluies. Grâce à la sensibilisation des techniciens de l’Agence de l’eau du Mouhoun, nous nous sommes rendus compte que ce sont nos activités agricoles qui étaient à l’origine de cette situation. Depuis 2016, je ne cultive plus sur les rives du fleuve.
ANIMATEUR.TRICE:
Et qu’avez-vous fait de ce qui est maintenant votre ancien champ?
FRANCOIS ZIDA:
Grâce à l’appui de l’Agence de l’eau du Mouhoun, mon ancien champ de maïs est aujourd’hui transformé en verger. J’ai planté depuis 2016, une centaine d’arbres fruitiers tels que des manguiers, des tangelos, des anacardiers et quelques pieds de baobabs. Le verger est bordé du côté de la rivière par une plantation épineuse qui sert de haie vivante.
ANIMATEUR.TRICE:
Pensez-vous que les arbres protègent contre l’ensablement?
FRANCOIS ZIDA:
Bien sûr ! Les arbres protègent contre l’ensablement. Ils ralentissent la force du ruissellement de l’eau et maintiennent le sol ferme. Le vent et l’eau de pluie ne peuvent plus emporter le sable, la terre et d’autres débris dans la rivière. La clôture d’arbres épineux renforce la capacité de la bande de végétation à réduire l’ensablement de notre rivière. Elle aide à stabiliser les berges mais protège également le verger, donc cette clôture se trouve juste derrière les arbres fruitiers, plus près de la rivière et à environ dix mètres des arbres.
ANIMATEUR.TRICE:
Expliquez-nous Monsieur Zida, comment plantez-vous ces arbres pour protéger votre fleuve contre l’ensablement? Y a-t-il une technique particulière de plantation?
FRANCOIS ZIDA:
Les arbres doivent être plantés dans la bande appelée bande de servitude. Les plantations sont faites à partir de 40 mètres de la limite des hautes eaux. Ce qui n’est pas le bord de la rivière à proprement parlé. Cela permet d’éviter que les arbres soient dans l’eau en temps d’inondation. En effet, les arbres s’étendent de 40 mètres de la limite des hautes eaux à 100 mètres de cette limite des hautes eaux. J’ai planté les arbres en lignes parallèles aux abords du fleuve et de façon décalée de sorte à freiner l’écoulement des eaux de pluie. Les arbres sont distants les uns des autres, tout comme les lignes d’une dizaine de mètres.
ANIMATEUR.TRICE:
Qu’est-ce que la plantation d’arbres a concrètement changé dans la situation du fleuve?
FRANCOIS ZIDA:
Beaucoup d’autres producteurs ont planté des arbres pour lutter contre l’ensablement du fleuve. Et si nous ne l’avions pas fait, c’est sûr que le fleuve serait bouché à des endroits et l’eau va sortir de son lit pour inonder des champs ou même des villages loin de là. Nous sentons que nous avons fait œuvre utile. C’est à notre tour de sensibiliser les autres cultivateurs qui cultivent toujours sur les rives du fleuve pour qu’ils arrêtent de cultiver afin de planter plutôt des arbres. Ces arbres ne protégeront pas seulement la rivière, mais nous rapporteront également plus que la culture de céréales. Cette année 2023, mon verger de manguiers, de tangelos et d’anacardiers m’a rapporté plus de 200 000 francs Cfa (329$).
ANIMATEUR.TRICE:
Monsieur Zida, en abandonnant la production sur les berges et en attendant que vos arbres produisent, à combien vous estimez les pertes?
FRANCOIS ZIDA:
Je n’ai rien perdu. C’est progressivement que j’ai abandonné la production sur les berges, le temps que les arbres grandissent et commencent à produire. J’ai changé d’itinéraire culturale avec les conseils des techniciens en labourant parallèlement à la rive du cours d’eau. Il faut aussi dire que dans notre zone, la terre est toujours disponible. J’ai donc trouvé ailleurs, un petit lopin de terre pour combler le manque à gagner.
ANIMATEUR.TRICE:
Nous sommes maintenant avec Sanley Sory, ancien président du Comité local de l’eau de Sinlo. Monsieur Sory, quelle comparaison faites-vous entre la situation passée et celle actuelle de votrebarrage?
SANLEY SORY:
Permettez-moi d’abord de dire combien ce barrage est important pour le village de Sinlo. Il faut simplement dire que sans ce barrage, la vie ici allait être difficile, je dirai même impossible. Le village tire beaucoup de cette ressource en eau. La population y pratique la culture maraichère, y abreuve les troupeaux et prélève l’eau pour les divers besoins. Au-delà des revenus que nous tirons, ce barrage a beaucoup amélioré notre alimentation.
Revenant à votre question, il faut dire que la situation du barrage était très inquiétante. A certains endroits, la hauteur de l’eau dans le barrage pouvait atteindre cinq mètres. Au moment où nous initions les bandes végétales, la hauteur d’eau n’était même plus un mètre et demi. Nous étions très préoccupés par la possibilité d’inondations. De nos jours, le barrage se porte mieux. Il est entouré de plantations d’arbres, d’arbustes et d’herbes qui calent le sable et les autres débris de toutes sortes qui étaient transportés dans l’eau. Il ne s’assèche plus vite comme par le passé et j’espère bien qu’il ne va plus s’assécher. En tout cas, nous allons tout faire pour que le sable ne soit plus transporté dans notre point d’eau. C’est pourquoi nous nous sommes lancés dans les activités de reboisement pour protéger notre barrage, avec l’aide de l’Agence de l’eau des Cascades.
ANIMATEUR.TRICE:
Quand avez-vous commencé les plantations et quelles sont les espèces que vous plantez?
SANLEY SORY:
Nous avons commencé à planter en 2017. Ce sont surtout des manguiers, des anacardiers et des mélinas que nous plantons sur une distance de près de deux kilomètres de long et une largeur de trois cent mètres tout au long des berges du barrage. Les méliniers portent le nom scientifique de
Gmelina arborea.
ANIMATEUR.TRICE:
Que vous apportent ces arbres, manguiers, anacardiers et mélinas?
SANLEY SORY:
C’est vrai que notre objectif était de protéger les berges du barrage. Mais nous avons choisi de planter ces espèces pour que ceux qui cultivaient sur ces berges de la rivière puissent les exploiter quand ils vont grandir. Les manguiers et les anacardiers apportent des fruits et les mélinas, les bois bien prisés. Cela nous a aidés à convaincre les occupants des berges à abandonner la culture sur les berges pour planter ces arbres. On avait planté plus de 250 manguiers avec un taux de réussite pour toute la plantation de plus de 65%.
ANIMATEUR.TRICE:
Quel constat faites-vous maintenant par rapport au niveau d’ensablement de votre barrage?
SANLEY SORY:
Il faut reconnaitre que la plantation des arbres sur les berges des barrages peut aider considérablement à protéger les barrages contre l’ensablement. Mais à condition qu’on ne cultive plus sur ces berges. Loin derrière la plantation, à un kilomètre de distance, nous avons construit une barrière de cordons en pierre sur des terres qui descendent en pente vers la rivière. La barrière retient le sol pour arrêter l’ensablement de la rivière. Ces lignes de pierre sont construites en amont du barrage. Nous l’avions fait avec l’appui des techniciens de l’agriculture. Pour notre part, nous avons constaté que l’ensablement de notre barrage a beaucoup diminué. C’est une technique assez efficace.
ANIMATEUR.TRICE:
Continuez-vous à planter des arbres sur les berges du barrage?
SANLEY SORY:
Oui, bien sûr. Il faut continuer à planter. Il faut remplacer les arbres morts et continuer à renforcer la plantation afin de mieux contenir l’ensablement. La plantation se poursuit.
ANIMATEUR.TRICE:
Quels conseils avez-vous à donner à ceux qui veulent protéger leurs barrages ou fleuves d’eau contre l’ensablement?
SANLEY SORY:
Il faut faire un choix des bonnes espèces à planter. Nous devons planter des espèces utiles qui peuvent être utilisées par ceux qui cultivaient auparavant sur les rives. Cela les encourage à abandonner les berges pour les plantations. Sinon, ils vont revenir cultiver sur les berges.
Il ne suffit pas de planter et s’en aller. Il faut protéger ces arbres plantés pour qu’ils grandissent. Pour cela, les propriétaires de ces plantations entourent les arbres de petites clôtures en bois et en paille ou simplement de branchettes épineuses. Mais la meilleure protection, c’est la surveillance. Sinon, les animaux en divagation vont les brouter, surtout en saison sèche. Il ne faut jamais se décourager. Même s’il y a des difficultés, il faut persévérer, faire des efforts et les résultats seront au rendez-vous.
ANIMATEUR.TRICE:
Merci Monsieur Sanley Sory. Je rappelle que vous êtes l’ancien président du Comité local de l’eau de Sinlo dans la province de la Comoé. Terminons cette émission avec Monsieur Amadé Zongo, il est géologue à l’Agence de l’eau du Mouhoun. Dites-nous, quel était l’état du fleuve Mouhoun avant la mise en place des zones tampons végétales?
AMADE ZONGO:
En 2016, nous étions bien inquiets de l’état d’ensablement du fleuve. Je me demandais si dans les années à venir, il y aura toujours de l’eau dans le fleuve si rien n’est fait. Juste après la saison des pluies, l’eau devient rare dans le fleuve en raison du sable.
ANIMATEUR.TRICE:
La situation d’ensablement du fleuve Mouhoun est assez inquiétante, vous l’avez dit. Mais qu’est-ce qui cause cet ensablement?
AMADE ZONGO:
Les pratiques agricoles aux abords des cours d’eau et dans le bassin versant sont à l’origine de l’ensablement et aussi de la pollution des eaux. Les agriculteurs, en remuant le sol avec leur charrue ou leur houe, le désagrègent et les eaux de pluie transportent cette terre dans le fleuve. Les agriculteurs utilisent également des engrais et des produits phytosanitaires dans leurs champs. Cela cause la pollution des eaux qui peut entrainer la réduction de la quantité d’oxygène dans la rivière, tuant les poissons et autres espèces aquatiques. Cette pratique cause aussi le développement des plantes envahissantes dans les plans d’eau. C’est pourquoi nous conseillons aux producteurs et aux riverains de planter des arbres et des herbes aux abords des cours d’eau pour éviter leurs ensablements et leur pollution.
ANIMATEUR.TRICE:
Quelle est l’efficacité de ces bandes végétales contre l’ensablement? Est-ce qu’elles protègent effectivement contre la dégradation des fleuves et autres plans d’eau?
AMADE ZONGO:
Les bandes végétales sont bien efficaces à éviter l’ensablement. De bons résultats ont été obtenus dans les zones où les populations ont adhéré. Depuis que les agriculteurs comme M. Zida ont commencé à planter les arbres et cessé de remuer le sol, les berges sont stabilisées et l’ensablement du fleuve a été réduit. On ne voit plus à ce niveau-là du sable et autres débris dans le fleuve. Même la qualité de l’eau est bonne. Nous analysons l’eau au laboratoire pour le constater.
ANIMATEUR.TRICE:
Les agriculteurs aiment cultiver à côté des sources d’eau parce que la terre y est fertile et il y a l’eau juste à côté. Comment avez-vous pu convaincre les producteurs à abandonner la culture sur les abords de l’eau?
AMADE ZONGO:
Cela n’a pas été facile. Effectivement les agriculteurs produisent bien proche de l’eau et ils y obtiennent les meilleurs rendements. Nous avons sensibilisé les occupants des berges en leur faisant comprendre que s’ils continuent de cultiver sur les berges, le fleuve va disparaitre dans quelques années. Nous leur avons expliqué le danger qu’ils courraient en continuant à cultiver sur les berges.
Nous leur avons aussi expliqué l’intérêt qu’ils avaient à planter les arbres. Il s’agit essentiellement d’arbres fruitiers. Ils ne protègent pas seulement leur source d’eau mais aussi leur procurer des revenus. Beaucoup d’agriculteurs ont accepté reconvertir leur champ en verger pour leur intérêt et celui de toute la communauté. Nous nous réjouissons que les mentalités des communautés changent.
ANIMATEUR.TRICE:
Merci Monsieur Zongo pour vos explications. Merci également aux autres invités. C’est la fin de ce plateau radiophonique sur la lutte contre l’ensablement des sources d’eau par les zones tampons végétales. Les plantations d’arbres aux abords des fleuves les protègent contre l’ensablement. Vous avez suivi les témoignages des producteurs, François Zida et Sanley Sory. Vous avez également écouté le spécialiste de la gestion des ressources en eau Amadé Zongo qui a assuré que cette technique naturelle grâce aux plantes est efficace contre l’ensablement des fleuves. Merci pour votre écoute et à bientôt.
Acknowledgements
Interview réalisée par : Harouna Sana, journaliste communicateur et spécialiste du monde rural au Burkina Faso
Révisé par : Daouda Ouibga, Secrétariat Permanent pour la Gestion Intégrée en Eau
Entretiens et interviews :
François Zida, agriculteur à Bendougou (Dédougou). Interview réalisée en juillet 2023.
Amadé Zongo, géologue, chef de service des études et des travaux à l’Agence de l’Eau du Mouhoun. Interview réalisée en juillet 2023.
Sanley Sory, agriculteur, ancien président du comité local de l’eau de Sinlo, Comoé province. Interview réalisée en septembre 2023.