Notes au radiodiffuseur
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Le karité est une plante d’Afrique occidentale que nous retrouvons très souvent dans les villages et les régions environnantes. Il produit des noix vers le début de la saison des pluies. Si les pluies sont abondantes, la production est généreuse. En outre, son bois est très combustible. Les paysans abattent donc l’arbre pour en faire du charbon de bois.
Grâce aux agents des Eaux et Forêts et aux associations villageoises de lutte contre la désertification, ces plantes continuent d’exister.
Les femmes en milieu rural, qui sont les plus touchées par la pauvreté, se livrent à la transformation de ces noix de karité pour obtenir du beurre. Une fois commercialisé, les revenus de la vente du karité permettent aux femmes de subvenir aux besoins de leurs familles. Selon le présent texte radiophonique, les femmes bénéficieraient beaucoup de l’acquisition de matériel, tel un moulin, pour réduire les noix de karité en une pâte plus molle. Cela accélérerait aussi le processus de transformation et le rendrait moins fatiguant que la technique artisanale.
Texte
Montée du thème musical, puis fondu enchainé en arrière-fond de la narration.
Animateur :
Bonjour! Bienvenue sur les antennes de la Radio Jigiya qui émet depuis Zégoua, au Mali, sur 100 MHz. La Radio Jigiya est une radio privée à l’écoute et à la disposition de la population du monde rural. Chers auditeurs et auditrices du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, nous vous proposons aujourd’hui une interview avec la présidente de l’Association BINKADI des femmes de Fakocourou, située à 35 km de Zégoua. Cette association regroupe 850 femmes sous la présidence de madame Ouattara Bintou Ouattara. Madame la présidente, nous vous remercions tout d’abord pour cet entretien que vous nous accordez.
Mme Ouattara :
Les remerciements sont également pour vous, la Radio Jigiya, qui ?uvre pour le bien-être de nos populations.
Animateur :
Votre association s’occupe de la transformation des noix de karité. Comment se fait leur récolte?
Mme Ouattara :
Les noix de karité, qui mûrissent sur l’arbre, se détachent et tombent par terre sous l’effet du vent. Nous pouvons aussi grimper aux arbres pour les cueillir.
Animateur :
Pouvez-vous nous décrire l’aspect de la noix?
Mme Ouattara :
La coque de la noix est recouverte d’une chair de couleur verte qui est molle et succulente. À l’intérieur de cette coque, se trouve un noyau qui produit le beurre de karité.
Animateur :
Après la cueillette, que faites-vous de ces noix?
Mme Ouattara :
Nous enlevons la chair verte, pour la manger ou la jeter. Nous mettons ensuite les noix dans un four indigène simple construit pour la circonstance et alimenté au bois de chauffage. La chaleur dégagée facilite la séparation de la coque et du noyau.
Animateur :
Le noyau séparé de la coque subit quel genre de traitement?
Mme Ouattara :
Les noyaux sont pilés au mortier par les femmes pour les transformer en pâte. Par exemple, il faut 10 femmes travaillant pendant au moins trois heures pour piler 15 kilos de noyaux. Le manque de moulin nous empêche de bien produire. Souvent, nous marchons huit kilomètres à pied ou à dos d’âne pour rejoindre un moulin dans un autre village. Imaginez combien de temps nous économiserions si nous avions un moulin, au lieu de perdre une demi-journée de travail à marcher, sans compter toute l’énergie gaspillée, De plus, nous sommes aussi responsables notamment de la collecte de l’eau, de l’éducation des enfants, du ramassage du bois, de la cuisine et du nettoyage de la cour. L’accès facile à un moulin nous simplifierait grandement la tâche.
Animateur :
La pâte obtenue est-elle soumise à un autre traitement?
Mme Ouattara :
La pâte obtenue, de couleur rouge-brune, est déposée dans un bol ou un récipient et versée dans de l’eau chaude, en petites quantités, tout en continuant à la malaxer afin d’obtenir une pâte huileuse de couleur blanche. Ce processus dure environ 48 heures, jusqu’à ce que la pâte rouge-brune ne produise plus de pâte blanche. La pâte blanche huileuse est ensuite mise dans une marmite sur le feu. Elle se liquéfie et c’est ce liquide qui devient l’huile de karité. Gardée au froid ou à l’air libre pendant environ 24 heures, l’huile devient du beurre de karité.
Animateur :
Y-a-il d’autres produits qui sont dérivés du beurre de karité?
Mme Ouattara :
La pâte de couleur rouge-brune, résidu du processus de fabrication du beurre, est mélangée aux cendres d’un arbre pour fabriquer un savon indigène qui s’appelle en langue bambara » Tulu djiè safunè « . Cette même pâte peut aussi être mélangée avec du banco
(note : le banco est de la terre mélangée avec de l’eau) pour confectionner des briques de construction très résistantes aux eaux de pluie. L’huile contenue dans les noix de karité fait glisser la pluie sur ces briques. Elles résistent également aux intempéries. Les maisons ainsi construites durent très longtemps.
Diluée, la même pâte peut servir à peindre les maisons en banco. Sachez que le pétrissage de la pâte peut prendre des heures car il se fait à la main puisque nous n’avons pas de machines.
Animateur :
Que faites-vous de ce beurre de karité?
Mme Ouattara :
(avec un petit sourire) Une partie est consommée dans nos foyers, ce qui allège nos frais d’achat de condiments. Le beurre de karité sert à embellir la peau, surtout celle des nouveau-nés. Il peut aussi être utilisé avec un morceau de tissu ou de mèche en coton pour fabriquer des lampes indigènes pour éclairer les chambres.
Animateur :
Est-ce que les femmes de votre association vendent aussi du beurre de karité?
Oui, la majeure partie est commercialisée. Nous vendons le beurre au village durant les jours de marché hebdomadaires. Il se vend au kilo. Notre association peut produire plus de douze tonnes de beurre dans une bonne saison. Le prix de vente est très variable mais toujours très bas, ce qui nous empêche de subvenir à tous les besoins de nos familles. Les acheteurs le transportent vers les centres urbains et aussi vers d’autres pays d’Afrique et même d’Europe. La quantité produite par saison serait doublée si nous avions les outils ou les machines appropriés. La mévente du beurre peut être fatale pour nous les femmes car nous avons la charge de nos enfants lorsqu’il s’agit de leur éducation, de leur santé, de leur habillement, de leurs fournitures scolaires, etc. En milieu rural, les femmes contribuent énormément à leurs foyers, davantage que les hommes. Les hommes se limitent à nous faire des enfants et à nous fournir des céréales. Mais ils ne nous fournissent pas l’argent nécessaire pour l’achat de condiments, tels que l’huile, le sel et le piment, dont nous avons besoin pour préparer les repas. De plus, nous devons piler ces céréales à la main avec un mortier, car nous n’avons pas de moulin. (Elle pleure)
Animateur :
Madame la présidente, veuillez nous excuser. Nous compatissons avec vos souffrances.
(Pause) Votre dernier mot madame la présidente?
Mme Ouattara :
Nous vous invitons à améliorer votre partenariat avec les femmes afin qu’elles puissent se faire entendre partout et bénéficient de commanditaires éventuels qui pourraient également les aider. Si nous avions des outils appropriés, nous pourrions vendre plus de beurre de karité ou en produire de meilleure qualité, ce qui ferait augmenter notre revenu dans les deux cas. Les femmes disposeraient de plus de temps pour faire les travaux domestiques et prendre soin de leurs enfants, ce qui leur donnerait une vie sociale et économique saine et équilibrée. Nous remercions tout le personnel de la Radio Jigiya de nous avoir offert du temps d’antenne au cours de la dernière année. Notre association existe maintenant depuis sept ans mais, pendant six ans, nous n’avions personne à qui parler. Personne ne connaissait notre association! Grâce à la Radio Jigiya, les femmes se sentent maintenant utiles et ont compris que le karité est très important. Elles comprennent maintenant qu’une bonne production peut leur apporter un meilleur avenir. Nous prions Allah le tout puissant pour que cette collaboration avec la Radio Jigiya dure toujours et pour que vous soyez nos porte-paroles auprès des bonnes volontés dans le monde entier.
Animateur :
Merci madame la présidente. (Pause) C’était l’émission En Zone Rurale. Merci de votre écoute et au revoir.
Acknowledgements
Rédaction : Fousséyni Diallo, Radio Jigiya.
Révision : Tanis McKnight, candidate à la maitrise, Université de Guelph.
Merci à l’ensemble des femmes de l’Association BINKADI de Fakocorou, en particulier à Mme Ouattara Bintou Ouattara, présidente de l’Association; à Mme Afou Ouattara, porte-parole; à M. Abou Ouattara, animateur de l’Association; et au Service des Eaux et Forêts.
Ce texte radiophonique est basé sur une entrevue réalisée le 6 février 2007 et diffusée le12 février 2007 sur la Radio Jigiya.