Les Apiculteurs de Shewula

Élevage d'animaux et apiculture

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L’histoire suivante est tirée de l’expérience d’un projet d’apiculture à Shewula, au Swaziland. Elle raconte les problèmes rencontrés et les moyens novateurs trouvés par les participants au projet pour les résoudre. Le projet était une collaboration entre les membres de la communauté et les employés de la Réserve Naturelle de Mlawula proche, et faisait partie du Programme de relations de la réserve avec la communauté.

Les habitants de Shewula, au Swaziland, apprenaient comment élever des abeilles. Shewula est une communauté d’environ 3000 personnes dans les monts Lubumbo au nord-est du Swaziland. La majeure partie de la population cultive du maïs et élève du bétail. Il n’y a pas d’autres moyens de gagner sa vie. Alors l’apiculture était une bonne activité nouvelle pour la communauté. Les gens de l’endroit pouvaient se faire de l’argent grâce à cet élevage. L’apiculture n’exige ni équipement coûteux ni trop de place. Même les gens ne possédant pas de terre pouvaient élever des abeilles.

Dix personnes de la communauté suivirent un cours de formation d’une année en apiculture. A leur tour, ils s’engageaient à former leurs amis et voisins.

Construire des ruches et des boîtes-pièges

Le premier défi du projet consistait à trouver et aller chercher des abeilles. Les éleveurs commencèrent par construire des boîtes-pièges. Une boîte-piège est une boîte de bois toute simple qui ressemble à une petite caisse. Elle sert à piéger les abeilles sauvages. Puis, ils répandirent du propolis, une substance collante que les abeilles produisent, sur l’extérieur de la boîte piège, pour attirer les abeilles. Ils placèrent les boîtes dans les arbres pour attraper des essaims d’abeilles. Puis ils attendirent. Il faut habituellement environ quatre à dix semaines avant que les abeilles se dirigent vers les pièges et commencent à fabriquer des rayons de miel. Cela peut prendre plus de temps durant la saison sèche lorsque les abeilles sont moins actives.

En attendant, chaque personne construisit une ruche. Ils confectionnèrent les ruches à l’aide de planches de bois, des clous et une plaque de fer plat. Ces ruches étaient faites de 25 planches de bois qui s’emboîtent avec le toit de la ruche. Les abeilles n’auraient plus qu’à accrocher leurs rayons à ces planches. Les ruches étaient baptisées « Ruches Swazi » parce qu’elles avaient été conçues au Swaziland et pouvaient être fabriquées avec des matériaux locaux.

Où installer les abeilles

Une fois les ruches construites, la question fut de savoir où les installer. Les abeilles ont besoin d’eau et d’arbres en fleurs dans les environs. Et les ruches devaient être à l’abri du soleil. Alors les gens portèrent leur choix sur une clairière près d’une rivière, entourée par des arbres en fleurs. C’est donc là que serait la cour des abeilles, que l’on appelle aussi un rucher. Le rucher pouvait être facilement accessible à pied de la communauté. En même temps, il n’était pas sur un chemin alors les abeilles ou les apiculteurs n’étaient pas dérangés par les gens ou les voitures qui passaient par là.

Dans l’aire du rucher chaque ruche était placée près d’un arbre, à environ 50 centimètres du tronc. L’ombre de l’arbre procure de la fraîcheur aux ruches. Les ruches se trouvaient à une distance d’au moins deux mètres l’une de l’autre. Elles étaient placées sur des supports avec quatre pieds en bois. Les supports étaient faites avec des morceaux de bois au rebut et d’autres matériaux que les participants trouvèrent autour du site. Une fois le rucher délimité, les rayons et les abeilles provenant de la boîte-piège furent installés dans les ruches. La hauteur des planches de bois des boîtes pièges était calculée de façon à s’encastrer parfaitement à l’intérieur d’une ruche. Les abeilles étaient maintenant dans leur nouvel habitat et les apiculteurs venaient de terminer la première étape du projet. Ils avaient piégé les abeilles, construit les ruches et installé le rucher. Il ne restait plus aux abeilles qu’à travailler à fabriquer du miel.

Comment s’occuper des insectes autour des ruches

Après quelque temps, quelqu’un remarqua qu’il était très facile pour le bétail et les autres animaux d’accéder au rucher et de déranger les ruches. Pour éviter cet inconvénient, ils plantèrent de grands aloes (Aloe marlothii) autour du rucher pour faire une haie vive. La rangée d’aloes formait une barrière qui rendait plus difficile pour les animaux l’accès au rucher. Et les aloes avaient un autre avantage. Parce qu’ils fleurissent en hiver, leurs fleurs procuraient du nectar pour les abeilles à une époque où la nourriture est rare.

Mais il y avait aussi des insectes que cette barrière ne pouvait éloigner. Les fourmis et les termites pénétraient dans certaines ruches et mangeaient les rayons de miel. Les abeilles ne pouvaient pas chasser les fourmis et étaient obligées de quitter la ruche. Les fourmis mangèrent les rayons de miel qui restaient, vidant les ruches.

Alors la communauté dut trouver une solution. Comme nous l’avons dit plus haut, les ruches étaient installées sur des supports avec quatre pattes de bois. Sous chaque patte, les gens placèrent une boîte métallique remplie de cendre de bois. La cendre de bois est un insecticide naturel qui éloigne les fourmis. Si les fourmis essayaient d’atteindre les ruches, elles n’allaient pas au delà de la cendre de bois. Les boîtes pouvaient aussi être remplies d’huile, de l’huile moteur ou de l’huile de cuisson. Si les fourmis escaladaient les pattes des supports, elles tombaient dans la boîte et se noyaient dans l’huile.

Tout de suite après avoir résolu le problème des termites, les apiculteurs se trouvèrent face à un autre défi. Les babouins et les singes commencèrent à envahir les ruches, Alors les gens découpèrent une plaque de métal qu’ils fixèrent sur le sommet de la ruche. Ils mirent de grosses pierres sur la plaque métallique pour la maintenir en place. Les pierres étaient trop lourdes pour que les babouins et les singes soient capables de les soulever, alors ils cessèrent de fréquenter les ruches.

Malgré le problème des insectes, tout le monde pouvait voir que les abeilles survivaient et étaient même prospères. Les apiculteurs vérifiaient la situation des abeilles chaque semaine et s’aperçurent qu’elles étaient occupées à cueillir le nectar, à nourrir leurs petits, et à remplir les rayons de miel.

Récolter le miel et la cire

Après huit semaines les rayons étaient remplis de miel prêt à être récolté. Mais il n’y avait pas d’équipement pour extraire le miel des rayons. Que faire ?

Quelqu’un eut une idée lumineuse . Ils rassemblèrent les rayons dans un sac en nylon, le genre de sac dans lequel les marchands mettent les oranges. Ils pressèrent le sac très fort avec leurs mains pour extraire le miel. Le miel s’échappa à travers les mailles et la cire resta dans le sac. Ils le filtrèrent une deuxième fois. Alors ils purent obtenir du miel doré, épais, clair prêt pour la vente. Les clients affluèrent de tous les coins de la communauté. Et le miel n’était pas le seul produit de valeur. Les apiculteurs furent encore plus surpris de voir comment ils pouvaient utiliser la cire d’abeille.

La cire solide provenant des rayons était bouillie jusqu’à devenir liquide. Cette cire liquide était ensuite versée dans un seau pour être entreposée et refroidie. Cette cire pure pouvait maintenant servir à fabriquer d’autres produits comme des bougies, de la vaseline ou de l’encaustique.

Par exemple, simplement en ajoutant de l’huile pour bébé à la cire ils pouvaient obtenir de la vaseline. En ajoutant du kérosène, ils pouvaient obtenir de l’encaustique pour les parquets. Ils firent des bougies en versant la cire liquide dans un moule. Ils avaient maintenant plusieurs produits qu’ils pouvaient vendre en plus du miel. Et les clients ne manquaient pas. Le collège de la communauté commanda une grosse quantité d’encaustique parce que c’était plus économique d’acheter le produit sur place.

Après une année les apiculteurs de Shewula estimèrent que leur projet était une réussite. Ils avaient gagné de nouvelles compétences. Ils gagnaient de l’argent. Et aussi autre chose.

Ils reconnaissaient maintenant plus que jamais l’importance des arbres de la forêt qui les entourait. Sans le nectar des arbres en fleurs, il n’y aurait pas eu de miel. Alors à travers l’apiculture, ils trouvèrent un moyen de gagner de l’argent et de garder les forêts à la fois vivantes et productives.

– FIN –

Acknowledgements

Ce texte est extrait d’une entrevue entre Betty Rigler, qui était l’agent des relations publiques et communautaires, et les responsables du projet d’apiculture Shewula entre 1995 et 1997.

Le projet a été réalisé par le Mlawula Nature Reserve et les gens de Shewula. Le Ministère de l’agriculture du Swaziland a fourni le support technique.

La production de ce texte a été rendue possible grâce au généreux support du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), Ottawa, Canada.

Toutes les illustrations sont issues de Introduction to Beekeeping, 1ère édition, 1988, publié par le Ministère de l’agriculture du Swaziland et ses coopératives, casier postal 162, Mbabane, Swaziland.