Les agriculteurs misent sur des solutions fondées sur la nature pour préserver leurs sols et leurs récoltes

Changement climatiqueSanté des solsSolutions fondées sur la nature

Notes au radiodiffuseur

Au Mali, dans la localité de Sikasso, 3ème région du pays, les agriculteurs et agricultrices assistent à une dégradation et à un appauvrissement croissant de leurs sols, mais aussi à la dégradation de la qualité de leurs cultures. Certains sont d’ordre naturel à l’instar de l’érosion éolienne et hydrique ; ainsi que le changement climatique qui occasionne des sècheresses et des inondations. Mais il existe aussi des facteurs humains tels que la déforestation, l’agriculture intensive, l’utilisation des engrais chimiques et des pesticides qui nuisent aux sols, aux cultures, à la biodiversité et provoquent des problèmes de santé chez les consommateurs.

Pour faire face à ces défis, les agriculteurs et agricultrices s’orientent désormais vers des solutions appropriées. Il s’agit notamment de la fabrication des engrais organiques ou naturelles et des pesticides bio qui respectent l’environnement, restaurent les sols, améliorent la qualité des cultures, accroissent le rendement et protègent la biodiversité et des consommateurs.

Ce texte radiophonique montre comment des agriculteurs et agricultrices protègent leurs sols, leurs cultures et la biodiversité grâce à des méthodes durables. Il comprend les témoignages de cinq personnes : Lassina Sanogo, un agriculteur de Sikasso, suivi de Fanta Diamoutené, une agricultrice de la même région. Youssouf Traoré, chef d’équipe du programme 2SCALE, partagera ensuite son point de vue. De même que Pierre Coulibaly, expert et assistant technique chez LuxDev. Enfin, Souleymane Yacouba, directeur de la Direction Nationale de l’Agriculture, va conclure l’émission.

Pour produire une émission similaire sur l’application des solutions dans l’agriculture, vous pouvez vous référer à ce texte. Si vous décidez de le présenter dans le cadre de votre émission régulière, vous pouvez choisir des acteurs et des actrices ou des animateurs et des animatrices pour représenter les personnes interviewées. Dans ce cas, veuillez informer votre auditoire au début de l’émission, qu’il s’agit de voix d’acteurs et d’actrices ou d’animateurs et d’animatrices et non celles des véritables personnes interviewées.

Si vous souhaitez créer des émissions sur l’application des solutions fondées sur la nature dans l’agriculture, vous pouvez vous entretenir avec un expert de ces questions, un représentant de l’Etat, précisément le ministère de l’agriculture, un.e ou deux agriculteur.s/trice.s (homme/femme) et une ONG intervenant dans le domaine au niveau du pays.

Vous pourriez par exemple, poser les questions suivantes à vos interlocuteurs :

  • Quelle est l’importance de l’utilisation des solutions fondées sur la nature dans l’agriculture?
  • Quel est l’impact réel de ces solutions sur les sols, les cultures et la biodiversité?
  • Quels sont les défis liés à l’utilisation de ces solutions?

Durée de l’émission, y compris l’intro et l’extro : 25 à 30 minutes.

Texte

MONTÉE DE L’INDICATIF MUSICAL, PUIS FONDU ENCHAÎNÉ

ANIMATEUR.TRICE :
Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue dans notre émission. Depuis plusieurs années, les agriculteurs et agricultrices constatent une dégradation progressive de leurs sols, un appauvrissement de la terre, ainsi qu’une baisse de la qualité de leurs cultures. Ces problèmes sont en partie liés à l’érosion, à l’usage excessif d’engrais chimiques et de pesticides, mais aussi aux effets du changement climatique.

Aujourd’hui, nous mettons le cap sur Sikasso, la troisième région du Mali. Dans cette zone, où plus de la moitié de la population vit de l’agriculture, les producteurs et productrices se tournent de plus en plus vers des solutions fondées sur la nature pour faire face à ces défis. Ces solutions, appelées « solutions fondées sur la nature », consistent à utiliser les écosystèmes et leurs ressources comme les forêts, les sols, l’eau et la biodiversité de manière durable pour améliorer les cultures, protéger l’environnement et renforcer les moyens de subsistance des communautés. Avec nos invités du jour, nous allons explorer l’utilisation de ces solutions dans l’agriculture, en particulier dans la région de Sikasso.

Nous débuterons avec Monsieur Lassina Sanogo, agriculteur à Sikasso, qui nous expliquera les difficultés rencontrées sur le terrain à cause de l’utilisation des engrais chimiques et des pesticides, et comment les solutions fondées sur la nature redonnent de l’espoir aux communautés locales. Nous parlerons ensuite de l’implication des femmes dans ces pratiques avec Madame Fanta Diamoutené, elle aussi agricultrice dans la région.

Puis, Monsieur Youssouf Traoré, chef d’équipe du programme 2SCALE (Toward Sustainable Clusters in Agribusiness Through Learning in Entrepreneurship), nous présentera l’accompagnement offert par son organisation dans la promotion de ces approches.

Nous aurons également l’éclairage de Monsieur Pierre Coulibaly, expert en la matière et assistant technique de la filière pomme de terre à l’Agence luxembourgeoise pour la coopération au développement (LuxDev), qui nous expliquera plus en détail ce que sont ces solutions fondées sur la nature.

Enfin, nous conclurons avec Monsieur Souleymane Yacouba, directeur de la Direction Nationale de l’Agriculture du Mali, qui nous exposera la position du gouvernement et les politiques mises en place dans ce domaine.

SFX : INDICATIF SONORE

ANIMATEUR.TRICE :
Bonjour et bienvenue, Monsieur Lassina Sanogo. En tant qu’agriculteur dans la région de Sikasso, qu’est-ce qui vous a motivé à adopter les solutions fondées sur la nature?

LASSINA SANOGO :
Depuis notre enfance, les engrais chimiques étaient utilisés dans l’agriculture. On était conscient de la dégradation et de la fragilisation des sols à cause de l’utilisation de ces engrais chimiques et des pesticides. Mais durant ces dernières décennies, la dégradation de nos terres a atteint un niveau alarmant. Les substances chimiques que nous utilisons fragilisent et acidifient nos sols. Elles contaminent nos eaux souterraines et nos surfaces. Elles dégradent la biodiversité et détériorent la qualité de l’air.

Aujourd’hui, on est obligé de cultiver des grandes surfaces pour produire peu. Et plus on utilise ces produits, plus nos sols se fragilisent. Cela accroît encore nos besoins en engrais chimiques pour espérer avoir le rendement. Si nous continuons avec cette tendance périlleuse, nous allons finir par tout contaminer et rendre la vie difficile dans nos communautés. Vu les conséquences qui se multiplient, il devient urgent pour nous de trouver des alternatives. Lorsqu’on a reçu des informations et des formations sur ces solutions, on a vu qu’elles pouvaient répondre à nos préoccupations. C’est ainsi que je me suis lancé dans cette pratique. Ce sont des solutions qui restaurent et renforcent les sols, améliorent la qualité des cultures et protègent la biodiversité.

ANIMATEUR.TRICE :
Quelles solutions fondées sur la nature utilisez-vous aujourd’hui, et comment les mettez-vous en pratique?

LASSINA SANOGO :
Nous pratiquons beaucoup de solutions. Mais les plus connues et utilisées sont la fabrication des engrais naturels et les pesticides bio que nous fabriquons avec nos produits locaux. Parlant de ces engrais bio, on a appris cette nouvelle technique avec une ONG partenaire. Elle consiste à creuser un grand trou. Pour ceux et celles qui ont les moyens, ils peuvent cimenter l’intérieur de ce trou géant pour lui donner plus de résistance. Puis, on le remplit avec des substances organiques telles que des feuilles mortes, la cendre, des excréments des animaux, des herbes et des tiges sèches. Le trou étant divisé en deux parties égales avec du ciment ou des briques en banco, on les met dans une partie puis on les arrose avec une énorme quantité d’eau pendant 45 jours. Après, on les renverse de l’autre côté du trou pour que les matières d’en-haut puissent aussi bénéficier de la chaleur. On continue avec l’arrosage et en l’espace de deux mois, on a notre engrais organique. On arrive à produire ces engrais en quantité parce que lorsqu’on renverse les matières dans la seconde partie du trou, la première est automatiquement disponible pour accueillir de nouvelles matières. C’est ce système de rotation qui nous permet de produire ces engrais durant toute l’année.

On a eu un programme, Soil Values, qui nous a appris une autre technique de compostage plus simple. Pour cela, il suffit de dégager un espace, on ne creuse pas. On rassemble quelques matières naturelles : la terre issue de la termitière noire ou de la terre issue de la plaine, le charbon, le son de maïs et de riz, la levure chimique et du sucre. On les arrose avec de l’eau et on les mélange matin et soir. En l’espace de 14 jours seulement, on obtient la qualité souhaitée de l’engrais.
Quant aux insecticides bio appelés, on les obtient à travers la combinaison des produits tels que l’ail, le gingembre et le piment. On les écrase et on les mélange avec de l’eau. L’ensemble de ces produits dépasse rarement cinq cent francs CFA. Ensuite, on les conserve dans des bidons pour la fermentation pendant 15 jours environ. Après ce délai, on peut utiliser le produit final qui sert d’insecticide.

ANIMATEUR.TRICE :
Quels sont les avantages de ces solutions fondées sur la nature?

LASSINA SANOGO :
Nos terres se dégradent de plus en plus, rendant la production agricole difficile. Bien que cette dégradation soit liée à beaucoup de facteurs, l’utilisation des engrais chimiques demeure l’une des principales causes. L’utilisation des engrais organiques ou naturels nous permet de restaurer, renforcer et fertiliser nos sols. Elle nous permet de produire à bas coût, d’accroître nos productions et de fournir aux populations des produits sains. On comprend aujourd’hui qu’à travers leur utilisation, on protège notre santé, mais aussi les animaux qui mangent souvent les feuilles et même les fruits de ce que nous produisons. On sait aussi que lorsque les sols retrouvent leur qualité naturelle, cela crée un cadre de vie idéal pour les herbes, les plantes ainsi que les arbres. C’est tout l’écosystème qui en tire profit.

ANIMATEUR.TRICE:
En quoi les solutions chimiques diffèrent-elles des solutions fondées sur la nature?

LASSINA SANOGO :
Les solutions chimiques favorisent une croissance rapide des cultures et une productivité élevée. Cependant, la véritable différence se trouve dans leurs impacts à long terme sur nos terres, nos cultures et la biodiversité. En revanche, les solutions fondées sur la nature n’ont pas d’effets néfastes sur notre santé, nos sols ni nos cultures. Elles sont particulièrement efficaces pour restaurer la qualité des terres tout en améliorant durablement les rendements. Un autre avantage important concerne le coût. Les solutions fondées sur la nature sont généralement moins onéreuses que les produits chimiques. Avant l’arrivée de ces méthodes, nous étions souvent contraints de nous endetter pour acheter des engrais chimiques. Aujourd’hui, avec les solutions fondées sur la nature, nous disposons de ressources accessibles et renouvelables, que nous pouvons produire nous-mêmes en quantité suffisante.

ANIMATEUR.TRICE :
Ces solutions permettent-elles aux agriculteurs et agricultrices d’améliorer leur rendement?

LASSINA SANOGO :
Bien évidemment. Quand on dit que les solutions fondées sur la nature restaurent les sols, cela signifie que les terres retrouvent leur capacité naturelle à produire en quantité. Depuis que je les utilise, mes productions sont en hausse d’année en année. Parce que plus l’on utilise ces solutions, plus les terres deviennent fertiles. Elles agissent sur le long terme et nous permettent d’économiser. On dépense beaucoup moins dans la production. La disponibilité des matières fait aussi qu’on obtient nos intrants à temps. Nous n’avons pas encore mené une étude comparative entre le rendement des produits chimiques et celui des solutions fondées sur la nature. Mais il est quand même clair que la tendance des solutions fondées sur la nature est nettement meilleure en matière de productivité. Parce qu’elles permettent à la terre de regagner progressivement sa fertilité contrairement aux produits chimiques qui la détruisent. Pour la fabrication de ces solutions fondées sur la nature, nous bénéficions des formations venant notamment des ONG. Elles amènent régulièrement des projets de ce genre pour appuyer les agriculteurs et les agricultrices.

ANIMATEUR.TRICE :
Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés dans l’utilisation de ces solutions?

LASSINA SANOGO :
Le défi majeur reste l’accompagnement en termes d’équipements. Quand on doit produire ces engrais organiques en quantité, il faut des équipements tels que des brouettes, des pelles voire des tracteurs pour transporter les excréments, des feuilles et autres en quantité. Mais on fait le travail avec les moyens à notre disposition. On a des charrettes pour le transport par exemple. Mais cela fait beaucoup de va-et-vient pour pouvoir rassembler une quantité suffisante. C’est ce qui décourage certains cultivateurs qui manifestent pourtant leur intérêt pour ces pratiques. Un accès à de meilleurs équipements pourrait donc accélérer l’adoption des solutions fondées sur la nature et protéger davantage l’environnement et la biodiversité.

ANIMATEUR.TRICE :
Merci M. Sanogo. Tournons-nous à présent vers Madame Fanta Diamoutené, une agricultrice qui opte pour les solutions fondées sur la nature depuis quelques années maintenant. Comment les femmes sont-elles impliquées dans l’adoption de ces solutions?

FANTA DIAMOUTENE :
Les femmes sont impliquées à travers leur participation à des campagnes d’information et de sensibilisation. Nous participons également à des sessions de formation initiées en général par des ONG. Mais il faut quand même reconnaître que notre participation reste limitée dans ces différentes initiatives. Il est donc important que la donne change. Parce que les femmes constituent une couche importante de notre société. Elles produisent aujourd’hui autant que les hommes. Et elles sont aussi touchées par les conséquences des engrais chimiques et d’autres facteurs qui nuisent à l’environnement.

ANIMATEUR.TRICE :
Comment ces solutions aident-elles les femmes à atteindre leur autonomisation?

FANTA DIAMOUTENE :
La fabrication des engrais organiques et des insecticides constitue une source de revenus importante pour les femmes. En produisant nous-mêmes nos intrants à moindre coût par rapport aux produits chimiques, nous réussissons à augmenter notre production agricole tout en économisant l’argent auparavant consacré à l’achat de ces intrants. Ces solutions fondées sur la nature nous unissent particulièrement. Aujourd’hui, nous avons constitué un groupe de femmes dédié à la production de ces engrais. Au-delà de leur rentabilité, nous vendons aussi nos produits à d’autres agriculteurs qui en ont besoin. Grâce à ces pratiques, nous finançons nous-mêmes plusieurs de nos projets et faisons face à une forte demande, avec de nombreuses commandes. De plus, nous n’achetons plus de produits chimiques, ce qui est bénéfique pour notre santé et pour l’environnement.

ANIMAREUR.TRICE :
Quels sont les défis spécifiques auxquels les femmes sont confrontées?

FANTA DIAMOUTENE :
Les défis des femmes sont identiques à ceux des hommes. Nous faisons les mêmes productions que les hommes. Mais certains de ces travaux sont physiques. Il faut donc des équipements spécifiques. Pour obtenir des termitières ou de la terre des plaines. Il faut parcourir des distances pour piocher ou creuser la terre à l’aide des pioches. Il faut aussi transporter ces matières avec des charrettes ou des tracteurs lorsqu’on veut produire en quantité. La location des tracteurs pour le transport coûte un peu cher. Un seul voyage peut coûter vingt-cinq mille francs CFA voire plus selon la distance.

Sans les équipements adéquats, le travail devient difficile. On ne bénéficie pas non plus de financement venant de l’Etat. Souvent on a besoin des moyens financiers pour la main d’œuvre. Lorsqu’on sollicite l’intervention des femmes pour gagner du temps et assez d’engrais, il faut payer ces femmes par jour et les nourrir. Quand on n’a pas aussi d’animaux, il faut acheter ces excréments en plus du charbon. En guise d’exemple, nous avons produit dix (10) tonnes d’engrais organiques, grâce à ces nouvelles techniques naturelles qui respectent l‘environnement, à cinq cent cinquante mille francs Cfa (550.000f). Mais il faut quand même souligner que ce prix serait largement supérieur si nous devions nous procurer autant de quantité en engrais chimiques.

ANIMATEUR.TRICE :
Merci beaucoup Madame Diamoutené. Passons maintenant la parole à Youssouf Traoré, le conseiller à l’agrobusiness inclusive de l’organisation néerlandaise « International Fertilizer Development Center » (Centre International pour la Fertilité des Sols). Quel est votre rôle dans la lutte contre la dégradation des sols et des cultures?

YOUSSOUF TRAORE :
Nous prônons les bonnes pratiques agricoles. Dans nos projets et programmes, nous prônons les activités qui respectent l’environnement. La nature de notre aide n’est pas financière. Notre appui est en termes de formation et de mise en relation. Nous investissons dans la formation en fonction des besoins. Si les agricultrices ont besoin d’un appui en formation et qu’on n’a pas les compétences, on fait recours à des consultants qu’on paie. On peut les mettre en relation avec les banques pour le financement de leurs projets. On les met aussi en relation avec d’autres partenaires tels que les opérateurs économiques qui viennent acheter leurs produits.
Nous avons formé beaucoup d’agriculteurs et agricultrices. Et nous intervenons dans plusieurs régions notamment Sikasso, Koulikoro, Dioïla, San, Ségou, Mopti entre autres. Nous comptons étendre ces activités dans toutes les régions du pays. Mais le contexte sécuritaire rend cette tâche un peu compliquée.

ANIMATEUR.TRICE :
C’est au tour de Pierre Coulibaly, expert et aussi assistant technique de la filière pomme de terre chez Luxembourg Development Agency (LuxDev) de prendre la parole. Techniquement parlant, comment fabrique-t-on ces engrais organiques et insecticides?

PIERRE COULIBALY :
Madame Diamoutené a bien expliqué comment le Bokashi est conçu. Mais il y a une seconde manière de le faire. Cette méthode consiste à récupérer une partie de la terre à cultiver. On la mélange avec les feuilles d’arbres, les pailles, le charbon, les sons de mil ou de riz et la cendre. Ensuite, on fait une solution avec la levure chimique et le sucre. C’est avec ce liquide qu’on arrose les autres matières et on s’assure que le liquide touche l’ensemble des éléments constitutifs. Cela accélère la décomposition. En l’espace de dix (10) jours, on peut obtenir le Bokashi.

Pour les pesticides bio, on fait bouillir deux (2) litres d’eau et on ajoute trois sachets de savon en poudre tout en la gardant sur le feu. Lorsque la solution devient homogène, on la descend et on attend dix (10) à quinze (15) minutes pour ajouter 1 litre de pétrole. On la remue à sens unique. Ensuite on ajoute soit de la poudre de piment ou du sucre. On a ainsi notre insectifuge parce qu’il ne tue pas les insectes. Il les chasse plutôt. Dans l’utilisation, quand on prend une quantité de cet insectifuge, il faut ajouter neuf fois la même quantité en eau avant de l’appliquer sur les cultures.

ANIMATEUR.TRICE :
Quel est l’impact de ces solutions sur les terres, les cultures et la biodiversité?

PIERRE COULIBALY :
Avec ces solutions, les sols deviennent meubles, fertiles et retrouvent leur santé. Cela accroît le rendement. Et contrairement aux pesticides qui tuent les insectes, les insectifuges les chassent. Cela permet de préserver ces insectes qui sont aussi importants pour la biodiversité. Donc, les produits naturels maintiennent et développent la fertilité des sols à long terme. Ils nourrissent les plantes, améliorent la qualité des produits, luttent contre la destruction physique (érosion) et chimique (acidification) des sols. Ils augmentent également la durée de conservation des produits en garantissant la santé des consommateurs.

ANIMATEUR.TRICE :
Comment les agriculteurs et agricultrices peuvent-ils/elles concilier l’usage des solutions fondées sur la nature et la rentabilité?

PIERRE COULIBALY :
Pour concilier les deux approches, il est nécessaire d’adopter une utilisation raisonnée des produits chimiques. Dans un premier temps, une complémentarité entre les fertilisants et biopesticides naturels et les produits chimiques de synthèse peut permettre d’optimiser les rendements. Cependant, les exploitants devraient aussi s’engager dans une transition progressive en cherchant des alternatives durables, afin de réduire puis éliminer l’usage des produits chimiques à long terme.

ANIMATEUR.TRICE :
Comment peut-on vulgariser ces pratiques pour plus d’impact?

PIERRE COULIBALY :
Il faut le renforcement des capacités locales avec la formation des producteurs relais (pilotes) capables de diffuser les pratiques des nouvelles solutions dans les langues locales et selon les réalités locales. Cela crée un effet multiplicateur durable. Il faut aussi des démonstrations, des champs-écoles (pilotes) et faciliter l’accès aux intrants naturels. Il faut de l’information et de la sensibilisation à travers les radios locales de proximité, les réseaux sociaux (groupes WhatsApp) et l’organisation des foires agricoles pour vulgariser les bénéfices environnementaux, économiques et sanitaires de ces méthodes auprès d’un public plus large. Il faut aussi le suivi et l’accompagnement technique rapproché (visites d’échange et de partage d’expérience, coaching agricole) pour répondre aux questions pratiques et ajuster les méthodes selon les besoins du terrain. L’État doit également intégrer ces solutions fondées sur la nature dans sa politique agricole, en lançant des programmes nationaux de soutien et en accordant des subventions aux producteurs. Cela constituerait un levier essentiel pour généraliser ces pratiques et favoriser un véritable changement d’échelle.

ANIMATEUR.TRICE :
Merci beaucoup M. Coulibaly. Tournons-nous pour finir vers notre dernier intervenant, M. Souleymane Yacouba, le directeur de la Direction Nationale de l’Agriculture au Mali. Quelle est la politique de L’État quant à la protection des sols, des terres et la biodiversité?

SOULEYMANE YACOUBA :
La politique de L’État s’inscrit dans une approche globale de développement durable, de sécurité alimentaire et de préservation de l’environnement. En matière de protection des sols, des initiatives existent pour lutter contre la dégradation des terres et la promotion de la gestion durable des sols à travers, notamment, le Programme d’Action Nationale de Lutte contre la Désertification (PAN-LCD). L’Etat fait la promotion des techniques agro-écologiques telles que le compostage, le reboisement, l’agroforesterie, les cordons pierreux entre autres. Quant à la protection des cultures, L’État contrôle les intrants disponibles sur le marché et réglemente leur importation, distribution et utilisation pour lutter contre les produits nocifs et les contrefaits. Il fait la promotion des semences améliorées certifiées, la lutte contre les organismes nuisibles à travers l’Office de Protection des Végétaux (OPV). Il renforce aussi la recherche à travers l’Institut d’Economie Rurale (IER). Il contrôle la qualité des produits pour préserver la santé des consommateurs.

ANIMATEUR.TRICE :
Comment accompagnez-vous les agriculteurs et agricultrices dans la mise en œuvre des solutions fondées sur la nature?

SOULEYMANE YACOUBA :
La DNA accompagne à travers la formation et la sensibilisation sur les pratiques agroécologiques, l’utilisation du compost, des biopesticides et les techniques de conservation des sols. L’État apporte un appui technique et un encadrement via les services agricoles décentralisés et les agents de vulgarisation. Il fait des subventions et initie des projets pilotes pour encourager l’adoption des technologies durables.

ANIMATEUR.TRICE :
Quel est le degré de financement de l’État dans ce domaine?

SOULEYMANE YACOUBA :
Le soutien direct à l’agroécologie, aux engrais organiques, biopesticides, ou pratiques durables reste limité. Mais des efforts ont été fournis dans ce sens et ils vont s’accroître. Globalement, le budget national alloué à l’agriculture avoisine les 10 à 15% des dépenses publiques conformément aux engagements du Programme Détaillé pour le Développement de l’Agriculture Africaine (PDDAA) dont l’objectif est de 10 %.

ANIMATEUR.TRICE :
Avons-nous des statistiques sur l’utilisation de ces solutions au Mali?

SOULEYMANE YACOUBA :
A ce jour, le Mali ne dispose pas de statistiques nationales complètes et centralisées sur l’utilisation de ces solutions. Mais ce que nous savons à travers certaines études menées par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), l’Institut d’Economie Rurale (IER) et d’autres ONG partenaires, moins de 20 % des exploitants agricoles utilisent régulièrement des solutions agroécologiques ou naturelles au Mali.

ANIMATEUR.TRICE :
Quels sont les objectifs de l’État malien dans ce secteur?

SOULEYMANE YACOUBA :
L’État s’inscrit aujourd’hui dans une vision de transition agroécologique, de résilience climatique et de soutien aux petits producteurs, notamment les femmes et les jeunes. Il souhaite promouvoir une agriculture durable et résiliente, sécuriser les revenus des agriculteurs et agricultrices en développant les chaînes de valeur locale, assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, adapter l’agriculture au changement climatique et moderniser le secteur agricole. Tout cela doit se faire avec des cadres stratégiques qui soutiennent ces objectifs.

ANIMATEUR.TRICE :
Merci M. Souleymane.

Nous sommes au terme de notre émission du jour. La localité de Sikasso, 3ème région du Mali, connaît une dégradation de la qualité des sols et des cultures à cause des facteurs naturels, mais aussi l’utilisation des engrais chimiques et des pesticides. Ces problèmes n’affectent pas que les sols, mais aussi les humains et la biodiversité. Face à cette situation, les agriculteurs et agricultrices optent de plus en plus pour des solutions naturelles qui protègent les sols et les cultures, améliorent la qualité des produits, accroissent le rendement, protègent la biodiversité et préservent la santé des consommateurs. Ces solutions incluent la confection des engrais organiques ainsi que des biopesticides.

Ces exploitants agricoles peuvent également compter sur les ONG qui leur appui sur les plans techniques et formations. Quant à l’État, il dispose d’une politique nationale qui promeut l’utilisation de ces solutions. Il ambitionne d’intensifier ses actions, moderniser et adapter l’agriculture au changement climatique en misant sur les solutions fondées sur la nature. C’est ce qui met fin à notre émission du jour. Je vous remercie pour votre attention. Merci à mes invités pour leur disponibilité et à bientôt pour une prochaine émission.

Acknowledgements

Rédigé par: Issa O Togola, journaliste.

Révisé par : Sareme Gebre, Spécialiste des solutions fondées sur la nature, Radios Rurales Internationales.

Information sources

– Le rapport sur le bilan provisoire 2024 de la Direction Nationale de l’Agriculture du Mali

Interviews :

  • Lassina Sanogo, agriculteur à Sikasso. Entretien réalisé le 12 mai 2025
  • Fanta Diamoutené, agricultrice à Sikasso. Entretien réalisé le 15 mai 2025
  • Youssouf Traoré, chef d’équipe du programme 2SCALE (Toward Sustainable Clusters in Agribusiness Through Learning in Entrepreneurship). Interview réalisée le 30 mai 2025
  • Pierre Coulibaly, expert des questions agricoles. Entretien réalisé le 25 mai 2025

Souleymane Yacouba, directeur de la Direction Nationale de