Notes au radiodiffuseur
Enregistrez et révisez cette ressource sous forme de document Word.
Le fonio est considéré comme une des plus anciennes céréales d’Afrique occidentale, mais il n’a pas obtenu une grande reconnaissance à cause de la petitesse de ses grains. Le fonio connait aujourd’hui un regain d’intérêt en raison de ses qualités gustatives et nutritionnelles. Il est souvent préparé à l’occasion des grandes manifestations, comme lors des fêtes de famille. C’est une des filières agricoles essentiellement portée par les femmes en Afrique occidentale.
Ce texte est basé sur un débat radiophonique réalisé par Radio Fanakan à Fana, au Mali. Le thème porte sur le fonio et l’égalité entre les sexes.
Texte
Lamine Togola :
Animateur-réalisateur radiophonique
M. Modibo Goita :
Coordonnateur d’USC
Mme Touré Djenebou Sidibé :
Secrétaire générale du Réseau des femmes pour le développement local
Mme Selly Ouane :
Coordonnatrice du programme Cuisine collective
Thème musical de 10 secondes pour introduire l’émission
Lamine Togola :
L’épisode d’aujourd’hui de l’émission Faso Ntuloma porte sur le fonio et l’égalité des sexes. Le fonio fait partie du régime alimentaire de beaucoup de gens, surtout dans les villages du Mali. Le fonio est cultivé dans certains endroits du Mali, mais la majorité du fonio consommé au Mali est importé de la Guinée. Les qualités gustatives et nutritionnelles du fonio ont amené les chercheurs à se pencher sur ses vertus. Afin de mieux connaitre les avantages du fonio, nous avons trois invités en studio. M. Modibo Goita est le coordonnateur de l’USC, ONG spécialisée dans la valorisation du patrimoine génétique africain. Mme Touré Djenebou Sidibé est la secrétaire générale du Réseau des femmes pour le développement local. Mme Selly Ouane est la coordonnatrice du projet Cuisine collective. Pour commencer, M. Modibo Goita, pouvez-vous nous parler de votre travail de conservation du patrimoine génétique des cultures africaines, plus précisément du fonio?
M. Modibo Goita :
USC se penche sur la conservation et l’utilisation durable des ressources génétiques des plantes de cultures mineures, tel le fonio, comme des cultures principales utilisées à plus grande échelle. Les agriculteurs cultivent de moins en moins certaines variétés indigènes de cultures, dont le fonio. Aujourd’hui, dans les villages, on retrouve très peu de champs de fonio appartenant aux hommes qui détiennent les grandes superficies de terres cultivables, même si les céréales constituent la base de leur alimentation. Avec les collectivités, nous avons développé des stratégies pour la production et la conservation de ces cultures. Par exemple, nous avons créé des banques de gènes qui constituent un cadre approprié de conservation de ces ressources génétiques à la base. Pour la collectivité Dogon de Douentza au Mali, où nous intervenons beaucoup, le fonio est considéré comme le germe de la vie. Ainsi, le fonio mérite une attention particulière de la part des agricultrices, car sa culture contribue à assurer leur sécurité alimentaire et à lutter contre la pauvreté.
Lamine Togola :
Merci, M. Goita. Mme Sidibé, comment le Réseau des femmes pour le développement local est-il arrivé à s’intéresser au fonio?
Mme Touré Djenebou Sidibé :
Le Réseau des femmes pour le développement local est un organisme qui regroupe des associations de femmes au niveau local. Il a pour son mandat de lutter contre la pauvreté à travers la valorisation du travail de la femme. Ainsi, les associations féminines ont apporté chacune leur savoir-faire pour le partager avec les autres. Parmi les méthodes qui ont retenu le plus l’attention des membres, la transformation du fonio en djouka et en fonio précuit a occupé une place de choix.
Lamine Togola :
Comment se fait la transformation du fonio?
Mme Touré Djenebou Sidibé :
Le produit transformé que nous fabriquons avec le fonio s’appelle le djouka, et le fonio précuit. Pour la préparation du djouka, nous tamisons les graines de fonio, nous les lavons et nous les fumons à deux reprises.
Lamine Togola :
Quelle quantité de fonio et quels autres ingrédients sont nécessaires pour un bon dosage dans la cuisson du djouka?
Mme Touré Djenebou Sidibé :
Pour chaque kilo de fonio, il faut un demi-kilo d’arachides. La quantité de poisson et de sel iodé dépend de l’appréciation de chacun. Certains ajoutent de la sauce de piment, de la tomate, de l’oignon, un peu d’huile, de l’ail ou des poivrons.
Je vous donne la recette et la technique de préparation d’un kilo de fonio, soit un repas pour 5 personnes.
Il faut :
- mettre le fonio dans un récipient et l’arroser d’eau (environ un demi-litre d’eau pour un kilo);
- faire cuire à la vapeur une première fois pendant 10 minutes;
- rajouter, après cette première cuisson, un peu d’eau sur le fonio tout en le malaxant doucement (environ 300 à 400 ml d’eau);
- faire cuire à la vapeur une deuxième fois pendant 5 minutes. Cette méthode de préparation permet aux graines de prendre suffisamment d’eau afin d’être assez molles, donc bonnes à consommer.
Ensuite, nous ajoutons la poudre d’arachides et la poudre de poisson, que nous avions moulue. Nous y ajoutons un peu de sel iodé, nous malaxons et nous fumons le tout une troisième fois.
Lamine Togola :
Et pour le fonio précuit?
Mme Touré Djenebou Sidibé :
Le fonio précuit est préparé à base de graines de fonio que nous faisons fumer deux fois. Cela permet aux graines de prendre suffisamment d’eau et de devenir mous pour la consommation. Ensuite, on y ajoute un peu de sel iodé et un peu de gombo. Le fumage se fait par égouttage ou passage à la vapeur, en utilisant une marmite et une passoire ou un couscoussier. Après chaque passage, la masse de fonio est refroidie par émottage à l’aide de spatules en bois, tout en ajoutant de l’eau par petites quantités pour permettre le gonflement des grains. Et nous avons notre fonio précuit. Ce fonio est mis au séchage en utilisant un séchoir solaire ou à gaz. Ensuite, il est emballé grâce à une thermo-soudeuse de sachets en polypropylène et mis en vente.
Lamine Togola :
Après la transformation du djouka et du fonio précuit, qu’est-ce que vous faites?
Mme Touré Djenebou Sidibé :
Après la transformation, nous mettons les produits dans des sachets d’un kilo. Sur chaque sachet, on inscrit la composition et le mode de cuisson. C’est alors que nous les proposons à la vente, soit dans notre propre magasin, soit auprès d’autres magasins ou soit à d’autres associations et organisations féminines.
Lamine Togola :
Quel profit tirez-vous de la vente du djouka et du fonio précuit?
Mme Touré Djenebou Sidibé :
Le coût de production nous revient à 1000 francs CFA le kilo
(Note de la rédaction : 1 000 CFA ou francs de l’Afrique Occidentale équivalent à un peu moins de 2 $US) pour le djouka et à 600 francs CFA pour le fonio précuit. Ainsi, nous vendons le sachet de djouka à 1 250 F CFA et le sachet de fonio précuit à 1000 F CFA.
Lamine Togola :
Merci Mme Sidibé. Je me tourne maintenant vers Mme Selly Ouane pour qu’elle nous parle de la Cuisine collective et de son expérience avec la préparation du fonio.
Mme Selly Ouane :
La Cuisine collective est une initiative qui permet à un groupe de personnes de mettre en commun leur temps, leur argent et leurs compétences pour préparer des plats sains, économiques et appétissants. La Cuisine collective donne l’opportunité aux femmes de choisir ensemble les recettes d’un plat, de dresser la liste des ingrédients et d’aller faire les achats ensemble. Par la même occasion, la Cuisine collective devient pour les femmes un lieu privilégié d’éducation populaire. Elle est basée sur les valeurs de solidarité, d’équité, de justice sociale et d’autonomie.
Les enfants de 6 mois à 5 ans sont notre groupe cible et ces recettes sont choisies pour leur apport nutritionnel aux enfants. Lors d’une formation avec la Direction nationale de la nutrition, nous avons été impressionnées par toutes les recettes proposées pour la bouillie de fonio. Elle se prépare avec de la farine de fonio, de la poudre d’arachide, du lait, du jus d’orange et un peu de sel iodé. C’est un aliment complet pour les nourrissons et les bébés.
Lamine Togola :
Comment prépare-t-on la bouillie de fonio?
Mme Selly Ouane :
On fait bouillir un quart de kilo d’arachides. Après 15 minutes de cuisson, on ajoute un demi-kilo de fonio et on laisse bouillir le tout pendant 10 minutes. On retire du feu et on laisse refroidir la cuisson. On fait moudre ce mélange qu’on fait ensuite bouillir. Après deux minutes de cuisson à petit feu, on y ajoute du jus d’orange et un peu de sel iodé. On laisse cuire le tout à la vapeur pendant cinq minutes et on a un repas complet pour enfants.
Lamine Togola :
Merci Mme Ouane. Je reviens à M. Modibo Goita. Quelles sont les qualités et les vertus du fonio?
M. Modibo Goita :
Sur le plan agricole, le fonio est une plante classique de la famille des graminées qui pousse sur des terrains pauvres, mais son rendement est considérable avec 600 à 1200 kilos à l’hectare. Il facilite la régénérescence du sol. Il existe trois variétés de fonio que les paysans peuvent ainsi adapter selon la nature du sol, le climat, la pluviométrie et aussi la situation géographique. Ces trois variétés sont la variété hâtive, qui arrive à maturité en trois mois, la variété tardive à cycle long, qui dure quatre mois, et la variété qui s’adapte à toutes les saisons. Le fonio a une spécificité, car il n’a pas besoin d’engrais chimiques pour se développer, ce qui lui donne l’avantage d’être un produit biologique.
Sur le plan thérapeutique, beaucoup de gens attribuent au fonio des vertus contre le diabète et les problèmes d’obésité, comparativement à d’autres céréales et à leurs produits dérivés. La composition du fonio est très apparentée à celle du riz car il est riche en glucides, en protides et en lipides. Cependant, le fonio est plus riche en zinc, en manganèse, en magnésium et en acides aminés soufrés qui sont bons pour le c?ur et les nerfs.
Lamine Togola :
Notre émission d’aujourd’hui tire à sa fin. Cependant, au regard de tout ce que nous venons d’entendre, quelles leçons peut-on tirer pour les agriculteurs, surtout les femmes, à propos de la culture et de la préparation du fonio?
M. Modibo Goita :
Je pense qu’il faut revaloriser cette culture. Un produit, lorsqu’il est demandé sur le marché par les consommateurs, ne peut que profiter en premier aux producteurs. Le fonio peut être une grande source de revenus. Son prix de vente est le triple de celui du mil. Le fonio est aussi un potentiel d’exportation pour notre pays. À Douentza, où USC aidait les femmes en milieu rural par la promotion des cultures mineures telles que le fonio, ces femmes ont pu générer des revenus ou des bénéfices et contribuer à la lutte contre la pauvreté dans leur zone.
Pause musicale de 10 secondes
Lamine Togola :
Chers auditeurs et auditrices, merci de tout votre intérêt pour l’émission d’aujourd’hui. Pour terminer, voici les questions du jour qui vous feront gagner des cadeaux. Les trois premiers gagnants remporteront chacun une cassette audio de musique locale de leur choix.
(Courte pause)
- Comment prépare-t-on le djouka?
- Comment prépare-t-on la bouillie de fonio?
- Quelles sont les vertus nutritionnelles du fonio?
Préparez vos réponses et envoyez-les à (adresse et téléphone ou courriel de la station). Au revoir et à la semaine prochaine.
Acknowledgements
Rédaction : Modibo G. Coulibaly, Alliance des radios communautaires du Mali (ARCOM).
Révision : Patrick Maundu, Bioversity International.