Notes au radiodiffuseur
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L’insalubrité et l’insécurité alimentaire sont deux problèmes majeurs qui contribuent à la pauvreté en Afrique. Dans les campagnes africaines et même en milieu urbain, les populations n’ont souvent pas accès à de l’eau potable, ni à des infrastructures sanitaires. Il va de soi que leur mode alimentaire s’en trouve affecté. C’est un problème dans les bidonvilles, où l’absence de toilettes emmène les gens à faire leurs besoins à l’air libre ou dans des endroits inappropriés. Cela constitue un danger pour leur santé. Pourtant, une amélioration des conditions environnementales pourrait considérablement réduire l’exposition à des maladies et assainir l’alimentation.
L’ONU a déclaré 2008 Année Internationale de l’Assainissement, pour aborder la question préoccupante du manque de salubrité et d’hygiène à l’origine du décès d’environ 42 000 personnes, chaque année, dans le monde. Selon l’ONU, plus de deux milliards de personnes vivaient sans installations sanitaires adéquates, en 2007.
À la prison de Ouagadougou, on a trouvé la solution dans le cadre du projet ECOSAN-UE (projet d’assainissement écologique). Ce projet consiste à utiliser et à valoriser les excréments humains traités comme fertilisants en production agricole et maraîchère, pour améliorer la qualité des productions agricoles et optimiser l’alimentation des détenus.
Veuillez noter que les résultats rapportés dans ce texte (réduction des odeurs, réduction de la propagation de maladies et réduction des frais d’engrais) sont dépendants des toilettes de compostage utilisées dans la prison. Les agriculteurs et toutes autres personnes ne devraient pas s’attendre à produire du compost de haute qualité simplement en stockant des excréments humains dans un réservoir en acier et en les épandant sur le sol. Il est aussi important de noter que durant un compostage bien fait, la plupart des organismes causant des maladies sont détruits.
Avant de diffuser ou d’adapter ce texte pour votre propre auditoire, veuillez lire les sources d’information citées ci-dessous et faire une recherche locale pour voir si on composte des déchets humains dans votre région de diffusion, et quels genres d’équipement on utilise.
Ce texte est basé sur des interviews authentiques. Vous pourriez vous inspirer de ce texte pour faire une recherche sur un sujet similaire touchant votre région, et écrire votre propre texte. Alternativement, vous pourriez choisir de produire ce texte dans votre station, en utilisant des voix d’acteurs pour représenter les personnages. Le cas échéant, veuillez vous assurer d’informer votre auditoire, au début de l’émission, que les voix sont celles d’acteurs et non celles des personnes impliquées dans les interviews originales.
Texte
Indicatif musical
Présentatrice :
Bonjour et bienvenue, chers auditeurs et auditrices, à «Communauté Saine», notre émission sur le bien-être de la communauté. Je suis Kpénahi Traoré. Aujourd’hui, nous parlerons d’un type particulier de fertilisant. Saviez-vous que nos excréments et nos urines sont de puissants engrais? Ils enrichissent les sols et améliorent la qualité et la quantité des récoltes. Et cela n’est pas tout. En compostant les déchets humains, nous pouvons aussi nettoyer notre cadre de vie. Cela nous protégera de certaines maladies.
Montée de l’indicatif musical et sortie en fondu enchaîné sous la voix de la présentatrice
Présentatrice :
J’imagine que vous êtes impatients de savoir comment cela est possible. Suivez-nous jusqu’au jardin de la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, appelée la
Maco. Nous allons rencontrer ici le responsable du jardin de la prison, le garde de sécurité pénitentiaire, Hilaire Kolgré.
Montée de l’indicatif musical, puis fondu enchaîné sous la voix de la présentatrice
Présentatrice :
Il y a trois ans, les riverains se sont plaints d’odeurs nauséabondes qui se dégageaient de la Maco. Les autorités pénitentiaires étaient à la recherche d’une solution pour répondre à ce problème, quand les initiateurs d’un projet d’assainissement écologique appelé ECOSAN-UE les ont approchés pour leur présenter une possibilité de solution. Dans le cadre de ce projet, les responsables pénitenciers ont sensibilisé les prisonniers sur l’utilisation appropriée de leurs urines et de leurs excréments, dans le but de leur offrir un environnement plus sain.
Montée de l’indicatif musical puis sortie en fondu enchaîné sous la voix de M. Kolgré. Bruits de machette qu’on aiguise et de coups de daba.
M. Kolgré :
Grâce aux toilettes ECOSAN, nous pouvons recueillir 20 contenants de 20 litres d’urine par jour. L’urine et les selles sont traitées séparément. Les urines passent dans des tuyaux et se déversent dans des contenants. Quant aux déchets solides, ils tombent dans des contenants spécialement conçus. On n’utilise pas d’eau, mais du papier hygiénique pour que les déchets solides conservent leur forme. Et on couvre les déchets solides de cendres pour empêcher les mouches de se poser dessus. Nous conservons les urines dans de grosses barriques hermétiquement scellées pendant un mois pour empêcher l’évaporation de l’azote. Six à huit mois suffisent pour la décomposition et la transformation en compost des déchets solides. (
Bruit indiquant que M. Kolgré fait glisser le couvercle d’un contenant à excréments). À ce stade, l’odeur et l’apparence ont complètement changé. On ne saurait dire que c’étaient initialement des excréments humains. Après le compostage, l’urine est utilisée pour arroser les plantes et les déchets solides peuvent être mis en terre, dans les champs, avant la semence, ou être enterrés dans le sol tout autour des plantes quand elles commencent à pousser.
Interviewer :
En tant que responsable du jardin de cette prison, pourquoi avez-vous commencé cette pratique?
M. Kolgré :
Nous étions confrontés à un problème d’assainissement, ici. Nous étions envahis par des odeurs insupportables et par des moustiques. Les prisonniers urinaient à même le sol, dans les couloirs et dans les cellules. On avait aussi un problème financier. Nous n’avions pas assez de fonds pour acheter des engrais et d’autres intrants pour entretenir le jardin. Les légumes de ce jardin servent à préparer la nourriture des prisonniers que nous appelons «sauce pénale».
Interviewer :
Quels ont été les avantages de cette pratique pour la prison?
M. Kolgré :
Elle a contribué à améliorer l’hygiène et l’alimentation, et elle a considérablement réduit les maladies. Elle aide aussi les prisonniers dans leur processus de réinsertion sociale quand ils quittent la prison. Autrement dit, parce qu’ils sont déjà habitués à utiliser cette pratique dans le jardin de la prison, ils n’auront aucun mal à l’utiliser quand ils travailleront dans leurs jardins à eux, après leur sortie de prison. Ils pourront faire de la culture vivrière avec des déchets humains comme fertilisant, sans débourser d’argent pour l’achat d’engrais chimiques.
Présentatrice :
À quelques 100 mètres de nous, un prisonnier est debout au milieu du jardin, un sachet noir dans la main droite. M. Kolgré l’appelle et il s’approche. Il montre ce qu’il y a dans son sachet: des aubergines et des piments. Il vient de les cueillir dans le jardin. Ce prisonnier travaille dans le jardin depuis plus de deux mois. Il a aussi constaté les avantages de l’utilisation des déchets humains.
Bruits lointains de coups de daba
Prisonnier :
Depuis que nous avons commencé à utiliser ce nouveau fertilisant, nos légumes sont de bonne qualité et nous produisons en quantité. Notre hygiène et notre alimentation se sont aussi améliorées. Et ce qui me plaît beaucoup, c’est que nous pourrons pratiquer cette culture maraîchère dans le cadre de notre réinsertion sociale.
Présentatrice :
Dites-nous en plus sur votre réinsertion sociale. Que comptez-vous faire quand vous sortirez de prison?
Prisonnier :
Je pratiquais la culture vivrière avant mon arrivée en prison. Donc, quand je finirai de purger ma peine, je n’aurai pas de difficultés à trouver du travail et à mener une vie normale. Je vais recommencer la culture vivrière, mais avec un avantage, des connaissances sur l’utilisation des déchets humains pour améliorer la production de mon jardin et maintenir mon cadre de vie propre.
Présentatrice :
Alaye Bagayiri est l’intendant de la Maco. Il comptabilise et supervise toutes les dépenses. Il apprécie les avantages économiques de la nouvelle pratique.
M. Bagayiri :
La technique ne coûte rien et ne nécessite pas l’achat d’engrais. Elle a non seulement amélioré l’hygiène dans la prison, elle nous a aussi permis d’économiser. Nous n’achetons plus d’engrais.
Interviewer :
M. Kolgré, quelles difficultés avez-vous rencontrées dans la mise en œuvre de cette pratique?
M. Kolgré :
La difficulté, c’était de convaincre les gens de ses avantages. Cela n’a vraiment pas été facile. Ce n’est pas tout le monde qui a envie de manipuler les urines et des excréments humains.
Interviewer :
Y a-t-il encore des riverains qui se plaignent de mauvaises odeurs?
M. Kolgré :
Oui, il y a encore quelques plaintes, mais il y en n’aura plus si nous continuons cette pratique régulièrement. Moi, je suis presqu’à la fin de ma mission à la Maco; je vais bientôt aller travailler ailleurs. Il faudra que quelqu’un d’autre prenne la relève et poursuive ce travail. Je vais donc tenir une réunion pour voir comment transmettre mes connaissances à certains prisonniers et à mes collègues.
Présentatrice :
Pour que la technique soit perpétuellement utilisée à la Maco et par les agriculteurs du pays, M. Kolgré veut qu’elle soit une politique permanente dans les prisons du Burkina Faso. L’expérience de la Maco a été une telle réussite que des responsables d’autres prisons du Burkina Faso ont exprimé leur désir d’en savoir plus.
M. Kolgré :
Le régisseur de la maison d’arrêt de Banfora (
Note de l’Éditeur: à environ 450 kilomètres) est venu jusqu’ici pour apprendre comment utiliser des excréments humains traités. Il en a fait l’expérience et me demande régulièrement des conseils. J’ai vraiment été touché par cet intérêt. Cela m’encourage; cela prouve que je ne suis pas le seul à en voir l’utilité. C’est aussi une bonne stratégie de réinsertion sociale pour les prisonniers. Le Ministère de la Justice devrait l’insérer dans ses programmes. J’espère que ce ne sera pas utilisé seulement dans les prisons. La technique doit être partagée avec tout le monde. Si nous réussissons à convaincre des prisonniers de l’utiliser, nous pouvons faire de même avec d’autres.
Début de l’indicatif musical en fond sonore
Présentatrice :
C’est la fin de notre émission sur les communautés saines. Merci de l’avoir suivie. Retenez que notre santé est la chose la plus précieuse que nous avons. Alors, prenons soin de notre cadre de vie et mangeons des aliments sains. Une bonne hygiène préserve des maladies liées à l’insalubrité. L’exemple de la Maco dont nous avons fait cas aujourd’hui est une preuve qu’une bonne hygiène ne coûte pas cher. Il suffit de prendre conscience de la valeur des déchets humains. Je voudrais vous rappeler que la technique dont nous venons de parler n’est pas faite exclusivement pour les prisons. En fait, elle est tout à fait utilisable par les agriculteurs et ceux d’entre vous qui pratiquez la culture vivrière en dehors des prisons. N’hésitez pas à vous en servir dans vos champs. Cela réduira vos dépenses en engrais chimiques. Alors, chers auditeurs et auditrices, souvenez-vous que vos déchets valent leur pesant d’or.
Montée de l’indicatif musical et fin de l’émission
Acknowledgements
Rédaction : Kpénahi Traoré, étudiante en journalisme en fin de maîtrise à l’Université de Ouagadougou, Burkina Faso
Texte radiophonique réalisé pour Radio Campus, la radio de l’Université, dans le cadre de l’émission santé
Révision : Ron Fleming, professeur retraité, Université de Guelph, Campus Ridgetown, Canada
Information sources
Hilaire Kolgré, garde de sécurité pénitentiaire, responsable du jardin de la Maco; Alaye Bagayiri, intendant de la Maco, prisonnier non nommé. Interviews conduites le 30 septembre 2010.
Journey to Forever website (en anglais seulement). Humanure [Engrais humain]. http://journeytoforever.org/compost_humanure.html