La traite des personnes au Mali

Questions sociales

Notes au radiodiffuseur

Selon le rapport « 2022 Trafficking in Persons Report » des Etats-Unis, réalisé en coopération avec l’Organisation Internationale pour les Migrations, ou OIM, le Mali est classé parmi les pays ayant un taux élevé de cas de traite des personnes dans le monde. En 2020, 2021, et en 2022, le pays a figuré trois années consécutivement dans ce classement.

Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations, la traite des personnes désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement et l’accueil d’une personne au moyen de la menace. Il peut s’agir du recours à la force ou à d’autres formes de contraintes comme l’enlèvement, la fraude, la tromperie, l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité. L’offre ou le paiement d’avantages peut aussi être à l’origine de la traite des personnes, dans le but d’obtenir le consentement aux fins d’exploitation.

Les formes de traite les plus signalées au Mali sont celles faites à des fins du travail forcé des enfants dans des activités domestiques ou des sites miniers. Ce texte se concentre sur la traite à des fins de prostitution forcée.
En matière de traite, le Mali est un pays d’origine, de transit et de destination. Autrement dit, certaines survivantes de la traite sont originaires du Mali, d’autres traversent le pays ou viennent d’ailleurs pour s’y installer. La situation géographique du pays, qui fait frontière avec plusieurs pays d’Afrique de l’ouest et du nord, peut expliquer cette grande affluence de la traite. Au Mali, ces pratiques touchent presque toutes les régions. Mais, les plus concernées sont : Ségou, Mopti, Gao, Kidal, Ménaka, Sikasso et Kayes.

Dans ce texte radiophonique, quatre personnes ressources interviendront : une survivante de la traite, un membre du Comité National de Coordination de la Lutte contre la Traite des Personnes et des Pratiques Assimilées, un membre du Bureau National Catholique pour l’Enfance et un représentant de l’Organisation Internationale pour les Migrations. Ils nous aideront à mieux cerner cette problématique qui prévaut au Mali.

Pour produire une émission similaire sur la traite des personnes, vous pouvez vous inspirer de ce texte.

Si vous souhaitez créer des émissions sur la traite des personnes, entretenez-vous avec une survivante de la traite, un service gouvernemental qui traite des questions de traite, un agent de l’Organisation Internationale pour les Migrations et un membre d’une association de défense des survivantes de traite.

Vous pourriez, par exemple, leur poser les questions suivantes :

  • Qu’est-ce que la traite des personnes?
  • Comment se manifeste-t-elle?
  • Quelles sont les moyens disponibles pour lutter contre le phénomène?

Durée estimée du texte radiophonique avec la musique, l’intro et l’extro : 20 minutes

Texte

ANIMATEUR.TRICE :
Bonjour chers auditeurs et auditrices. Aujourd’hui, nous allons vous entretenir sur la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle au Mali.

Situé en Afrique de l’Ouest, le Mali fait frontière avec l’Afrique du Nord. Cette situation géographique favorise, de diverses manières, la traite des personnes. Ce sont des zones à forte migration où les frontières ne sont pas bien contrôlées. Les populations entrent, sortent et traversent facilement le pays. Cela fait du Mali, un pays d’origine, de transit et de destination des personnes qui font l’objet de la traite.

Plusieurs facteurs favorisent la traite au Mali: la pauvreté, l’analphabétisme, la précarité des familles, en particulier des femmes et des enfants. La précarité des familles peut être liée à la pauvreté, à leur capacité à se prendre en charge, à leur capacité ou non à prendre en charge l’éducation de leurs enfants, à leur capacité à éduquer elles-mêmes leurs filles sans les confier à d’autres. Parmi les autres facteurs contribuant à la traite, on peut citer la porosité des frontières, les pesanteurs socioculturelles telles que le non accès à l’information et aux services sociaux de base, la faible volonté politique et le poids de l’économie informelle.

Pour lutter contre la traite, le Mali a ratifié de nombreux accords, conventions et traités. En 2012, le projet de loi n°2012-023, relative à la traite des personnes, a été adopté. Il prévoit une peine de cinq à vingt ans d’emprisonnement selon la nature de la traite.

Pour en parler, nous allons interviewer Pascal Reyntjens, représentant de l’Organisation Internationale pour les Migrations au Mali et Coulibaly Amanda Amedegnato, présidente du Bureau National Catholique de l’Enfance. Nous avons pu inviter une survivante à témoigner sous couvert d’anonymat. Nous l’appelons BM. Nous avons reçu un rapport du Comité National de Coordination de la Lutte contre la Traite des Personnes et des Pratiques Assimilées. Une autre personne, nommée AK, va lire les réponses issues de ce rapport gouvernemental.

SFX:
INDICATIF SONORE

ANIMATEUR.TRICE:
Auditeurs et auditrices, commençons avec Mademoiselle BM. Pouvez-vous nous dire comment vous vous êtes retrouvée dans une telle situation?

BM:
Tout a commencé lorsque ma mère m’a parlé de certaines de ses connaissances qui voulaient aider notre famille à sortir de la situation économique difficile qu’elle traversait. Il s’agissait d’une dame qui promettait aux personnes de notre localité de les aider à réussir leur vie à l’étranger. Elle a gagné la confiance de ma mère qui m’a aussitôt confiée à elle pour que je puisse aider notre famille. J’ai accepté la proposition. C’est ainsi qu’elle m’a emmenée un jour dans la capitale nigériane, Lagos, pour me confier à un autre monsieur un peu plus âgé. Il m’a dit qu’une fois arrivé à destination, on pourrait travailler pendant un petit temps et commencer à gagner notre vie. Cela m’a paru étrange. Mais il m’a rassuré en me disant que son âge ne lui permet pas de tenir des propos mensongers. Quatre de mes frères sont décédés. Il ne me reste qu’un frère. Je me suis dit que si Dieu nous a gardés en vie, c’est sûrement pour qu’on puisse apporter quelque chose à la famille. Et si je dois être celle qui dois commencer cette marche de l’espoir, je la ferai avec volonté.

ANIMATEUR.TRICE:
Comment s’est déroulé votre trajet?

BM:
Le monsieur dont je parle n’est pas celui qui nous a emmenés ici. Je n’étais pas la seule. Il y avait d’autres filles. Il nous a confiées à une autre dame avec laquelle nous avons effectué le voyage. Lorsque nous sommes arrivées à Cotonou, au Bénin, j’ai demandé à la dame quelle est notre destination et la distance à parcourir. Elle m’a dit de rester tranquille et de lui faire confiance. Et dans la capitale béninoise, la dame nous a demandé de prêter serment, car elle a peur qu’on s’enfuit avec son argent. On a ainsi juré de travailler pour elle pour un début et de lui remettre tout notre argent pour rembourser les dépenses qu’elle a faites pour nous. On a passé dix jours sur le trajet avant d’arriver au Mali.

ANIMATEUR.TRICE:
Une fois arrivé au Mali, que s’est-il passé?

BM:
Le lendemain de notre arrivée, pendant la nuit, la dame nous a donné des habits courts à porter. Ensuite, elle nous a dit d’aller nous présenter à des jeunes garçons en disant “travailler 2000 FCFA”. On ne savait pas ce que cela signifiait, car on ne comprenait pas la langue française. Je ne savais pas qu’il s’agissait d’aller coucher avec ces hommes. Je lui ai dit que je ne pouvais pas faire ce travail. Mais, elle m’a dit que si je ne le faisais pas, j’allais mourir. C’est en ce moment que je me suis rendue compte que je me suis mise dans une situation très difficile. Je pensais à tous les risques de maladies sexuellement transmissibles que j’encourais à cause de 2000 FCFA. Je me disais que si je fais ce travail, je ne pourrais plus avoir d’enfants même si je me marie après. On était donc obligé de faire ce travail et c’était la dame qui gérait tout notre argent. Même si l’une d’entre nous était malade, elle lui disait d’aller en enfer. Le travail doit continuer. Elle nous menace de mort si jamais on tente de s’échapper. Elle nous a dit qu’on lui devait 1.500.000 FCFA avant de commencer à travailler pour notre propre compte. Elle nous rappelait le serment qu’on a fait. Je n’avais jamais vu quelque chose de si étrange. Je préférais la mort à une telle vie.

ANIMATEUR.TRICE:
Comment es-tu sortie de cette situation?

BM:
Au cours de mon travail de nuit, j’ai rencontré certains jeunes nigérians qui vivaient au Mali. On a noué contact et je leur ai expliqué la situation. C’est ainsi qu’ils m’ont aidé à m’échapper. Ils m’ont emmené à la police qui m’a confié à une dame pendant quelques jours, car on était un peu loin de Bamako, la capitale malienne. Je n’avais pas suffisamment d’argent pour à la fois manger et prendre les médicaments, si bien qu’il m’arrivait de prendre des médicaments sans pouvoir manger . Après quelques jours, on m’a emmenée à Bamako et j’ai été bien accueillie par l’Organisation Internationale pour les Migrations.

ANIMATEUR.TRICE:
Qu’avez-vous appris de cette expérience?

BM:
Il ne faut jamais suivre quelqu’un parce qu’il dit qu’il peut t’aider. Personne ne peut m’avoir avec de telles promesses encore. Il vaut toujours mieux rester chez soi. Je n’ai quand même plus envie d’aller au Nigeria au regard de tout ce qui m’est arrivé. Je souhaite refaire ma vie ici ou ailleurs. Je ne peux plus retourner dans ma famille. À cause de l’argent, ma mère m’a mis dans cette situation. Même si je retourne au Nigeria, j’irai peut-être chez ma tante et non mes parents.

ANIMATEUR.TRICE :
Madame Coulibaly Amanda Amedegnato, vous êtes la présidente du Bureau National Catholique pour l’Enfance. Que pouvez-vous nous dire au sujet de cette structure?

AMANDA AMEDEGNATO :
Le BNCE est une organisation de promotion et de protection des droits des enfants survivantes de la traite des personnes. Il est constitué d’organisations au service des enfants.

ANIMATEUR.TRICE :
Quels sont vos objectifs?

AMANDA AMEDEGNATO :
Notre organisation vise à soutenir les jeunes ayant vécu la traite des êtres humains, à promouvoir leur dignité et leurs droits. Nous assurons la prise en charge des jeunes et des enfants que nous accueillons. Ensuite, nous leur apprenons des métiers pour faciliter leur intégration sociale et scolaire. Dans le cadre de cette mission, nous collaborons avec le Réseau Communautaire Traditionnel, les chefs religieux, les notables de la zone d’habitation des parents et des enfants. Ils assurent la médiation entre les enfants et leurs familles en vue de permettre leur retour dans un climat apaisé. Pour ceux qui ont appris des métiers de leur choix avec nous, nous les aidons à exercer ces métiers une fois chez eux.

ANIMATEUR.TRICE :
Parlez-nous de votre expérience avec les survivantes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

AMANDA AMEDEGNATO :
On reçoit très souvent les survivantes dans un état très fragile. Elles souffrent de nombreuses maladies, notamment des maladies infectieuses. Certaines présentent des traumatismes, mais aussi des blessures. Quand on s’entretient avec elles, on se rend compte que certaines se retrouvent dans de telles situations à cause de leurs proches. Et ce sont des jeunes filles qui sont très souvent âgées entre 15 et 20 ans ou plus. Quand on les reçoit chez nous, la première des choses, c’est d’assurer leur prise en charge médicale pour stabiliser leur état de santé. La durée de ce traitement varie d’une fille à une autre selon la gravité de la situation. Ensuite, nous avons une prise en charge psychologique qui prend également du temps.

ANIMATEUR.TRICE:
À présent, nous nous tournons vers Monsieur Pascal Reyntjens, représentant de l’Organisation Internationale pour les Migrations au Mali. Dites-nous, qu’est-ce que la traite des personnes?

PASCAL REYNTJENS:
Telle la loi la définit, la traite des personnes est une infraction complexe qui implique un certain nombre d’éléments tels que le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’une personne. Ceci, grâce à un moyen qui fait facilement gagner le consentement de la personne. Et en ayant recours à la menace, la force, la violence, l’enlèvement, la fraude, la tromperie, l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité. La traite des personnes peut aussi se définir comme l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation.

ANIMATEUR.TRICE:
La traite est-elle une réalité, quelles sont les proportions que prend la traite au Mali?

PASCAL REYNTJENS:
Au Mali, la traite des personnes est une réalité et le nombre de cas est assez important. De janvier 2017 à octobre 2022, l’OIM a pu assister 1 379 survivantes de la traite dont 1 310 femmes et 69 hommes seulement. La pratique affecte beaucoup plus les femmes. D’autres organisations assistent également des survivantes, y compris des services étatiques. Malheureusement, une étude additionnant les différents chiffres n’a pas été faite pour avoir une idée réelle du nombre de cas au niveau national. Donc, chaque organisation dispose de ses propres chiffres.

ANIMATEUR.TRICE:
Quels sont les facteurs qui favorisent cette pratique au Mali?

PASCAL REYNTJENS:
Il y a la pauvreté qui touche plus de 40% de la population, surtout dans les milieux ruraux. A cela, s’ajoute une forte démographie. Le manque d’emplois et de sources de revenus dans les régions pousse de nombreuses personnes à migrer pour chercher du travail. Cela met beaucoup d’entre eux dans une situation de vulnérabilité. Les possibilités limitées en matière d’emplois et de logement imposent à beaucoup d’entre eux une recherche de stratégies d’adaptation. Ceux qui n’arrivent pas à trouver un emploi stable, exercent les petits métiers tels la vente d’habits, de poupées ou la réparation des objets dans le secteur informel. Ce qui les expose à toutes les formes d’abus; et dans certains cas, à la traite . Les pesanteurs socio-culturelles telles que le non accès à l’information et aux services sociaux de base, la faible volonté politique ainsi que la vaste étendue et la porosité des frontières, l’analphabétisme et la masse importante des couches vulnérables—les femmes et les enfants—sont les autres causes qui favorisent la traite des personnes au Mali.

ANIMATEUR.TRICE:
Que savons-nous des femmes qui vivent la traite des êtres humains au Mali?

PASCAL REYNTJENS:
L’exploitation sexuelle à travers la prostitution forcée concerne les femmes et les jeunes filles anglophones d’origine nigérienne et ghanéenne. Elles ont souvent entre 19 et 30 ans. Ce sont généralement des femmes très influentes issues du même village que celles qui les recrutent. Elles s’occupent du coût du transport et de la falsification des documents. Ainsi, ces femmes se retrouvent endettées et obligées de payer la dette à travers la prostitution une fois arrivées au Mali. Certaines d’entre elles restent au Mali et d’autres sont emmenées en Europe. Le Mali n’est donc qu’un pays de transit pour elles. Celles qui restent au Mali sont exploitées dans les bars, sur les sites aurifères et dans les capitales régionales; y compris à Bamako. Il faut préciser que la pratique est internationale. Elle touche tous les pays.

ANIMATEUR.TRICE:
Comment reconnaître une personne qui fait l’objet de la traite des êtres humains?

PASCAL REYNTJENS :
Pour reconnaître une une personne qui fait l’objet de la traite des êtres humains, il y a un certain nombre de questions qu’il faut se poser. Je vous donne une liste non exhaustive des indices régulièrement observées chez les femmes qui font l’objet de la traite des êtres humains.

Vous pouvez demander si la personne semble nerveuse, effrayée, méfiante, peu loquace; si elle présente des signes d’abus psychologiques, physiques ou sexuels; et si elle refuse de fournir des informations personnelles. Vous pouvez également demander si les personnes ont des papiers d’identité ou des documents de voyage, et si elles vivent sur leur lieu de travail ou avec leur employeur.

ANIMATEUR.TRICE:
Lorsque vous identifiez une personne qui fait l’objet de la traite des êtres humains, que devez-vous faire?

PASCAL REYNTJENS:
On peut alerter les autorités ou les représentants et représentant.e.s de l’Etat tels que la police ou la gendarmerie. De nombreuses organisations intervenant dans ce cadre existent. Elles ont des bureaux dans presque toutes les régions. Elles accueillent les survivantes et assurent leur prise en charge sur tous les plans.

ANIMATEUR.TRICE:
Qu’en est-il de la punition des personnes responsables de la traite des êtres humains?

PASCAL REYNTJENS :
De nos jours, il y a très peu de survivantes qui souhaitent porter plainte. Elles manquent de confiance aux autorités et aux institutions, car il y a trop d’impunité malgré l’existence des lois. Même dans les cas où elles ont la possibilité de signaler leur exploitation, elles ne le font pas souvent par crainte de leurs trafiquants ou par honte. Elles préfèrent cacher cette sombre histoire. De même, de nombreux survivants et nombreuses survivantes de la traite des êtres humains ont trop peur de porter plainte à la justice contre leurs trafiquants. Et lorsqu’ils sont traduits en justice. L’autre difficulté, c’est que les services d’enquête tels que la police et la gendarmerie ne connaissent pas assez le phénomène.

ANIMATEUR.TRICE :
Que font les autorités pour remédier à ce manque de confiance?

PASCAL REYNTJENS :
Les autorités coopèrent de plus en plus avec les ONG présentes sur le terrain et qui sont en contact permanent avec les survivantes. Ces Organisations ont pu développer un climat de confiance entre elles et les survivantes. Elles deviennent ainsi des intermédiaires ou des facilitatrices, entre les autorités et les survivantes de la traite. Certaines d’entre elles disposent des moyens pour accueillir les survivantes tout en les prenant en charge jusqu’à leur retour chez elles. Mais, le problème aussi, c’est que le Mali traverse une crise multidimensionnelle incluant le terrorisme et d’autres problèmes. La problématique de la traite n’est donc pas une priorité pour les autorités en ce moment.

ANIMATEUR.TRICE:
Merci Pascal Reyntjens pour ces explications. Nous nous tournons à présent vers Monsieur AK. Quel rôle joue l’Etat dans cette lutte?

AK:
Depuis plusieurs années maintenant, le gouvernement s’est engagé dans la lutte contre la traite des personnes. Pour engager plus d’actions au niveau national, le Comité National de Coordination de la Lutte contre la Traite des Personnes et des Pratiques Assimilées a été créé en 2011. En plus de cela, le projet loi n°2012-023 relative à la lutte contre la traite des personnes et des pratiques assimilées, a été adopté en 2012. Il prévoit une peine d’emprisonnement allant de 5 à 20 ans, selon la nature du crime commis.

ANIMATEUR.TRICE:
Quelles sont les activités que le gouvernement mène concrètement?

AK:
Les activités du gouvernement s’articulent autour de 4P: la prévention, la protection, la poursuite et le partenariat. Pour la prévention, le gouvernement se base sur le Comité pour accompagner techniquement et/ou financièrement un certain nombre de structures dans la réalisation des activités de la lutte contre la traite des personnes. Ces structures organisent des formations et des campagnes de sensibilisation à l’endroit des personnes vulnérables et des acteurs de premier plan dans la lutte contre la traite. Elles font également des dons de produits alimentaires de premières nécessités et des matériels de formation. En cas de détection de survivantes, ces centres les accueillent, les prennent en charge et facilitent leur retour dans leurs familles ou leur insertion professionnelle à travers des formations. Le même processus est mis en œuvre sur le volet protection.

En ce qui concerne la poursuite, la Brigade de Répression du Trafic de Migrants et de la Traite des Êtres Humains a été créée. La formation des officiers de police judiciaire et des magistrats a permis d’intensifier cette lutte. En guise d’exemple, au titre de l’année 2020, la brigade a enregistré quinze cas de poursuite en matière de traite contre douze en 2019. Le partenariat quant à lui, a pour but de créer une synergie d’actions pour mener la lutte. En plus des structures citées, le gouvernement est en partenariat avec d’autres organisations régionales et internationales comme OIM et EUCAP SAHEL Mali.

ANIMATEUR.TRICE:
Ces activités sont-elles efficaces jusque-là?

AK: Les formations et les sensibilisations commencent à porter leurs fruits, même si la traite des personnes connaît une hausse au Mali. Cela s’explique à travers l’organisation des réseaux de trafiquants de plus en plus puissants, l’usage des nouvelles technologies et l’impact dela Covid-19. Sans oublier l’insécurité qui a fait qu’une partie du territoire échappe au contrôle de l’Etat. Il y a encore du chemin à faire dans cette lutte.

ANIMATEUR.TRICE:
Qu’est-ce qu’il y a lieu de faire à présent?

AK:
Il faut mettre l’accent sur la prévention en multipliant les formations et les campagnes de sensibilisation à l’endroit de tous les acteurs concernés. Il s’agit entre autres de la police, la gendarmerie, les services de police aux frontières, les acteurs gouvernementaux, les magistrats, le personnel de protection de l’enfant et la société civile. Il faut mettre en place des systèmes d’alerte ciblés à travers les acteurs communautaires tels que les chefs de village et les maires. Il faut aussi apprendre aux gens à détecter les signes de vulnérabilité et redynamiser le système judiciaire pour que ces crimes ne restent pas impunis.

ANIMATEUR.TRICE:
Merci à nos différents intervenants et intervenantes qui nous ont permis de réaliser cette émission. On retient que la traite des personnes n’implique pas que le Mali. Mais le pays est fortement touché parce qu’il est situé dans une zone migratoire. Les survivantes viennent d’un peu partout en Afrique de l’Ouest, mais aussi de l’intérieur du pays. Des facteurs tels que la pauvreté et la porosité des frontières aggravent la situation. Les raisons qui les poussent à tomber dans ces pièges sont d’ordre économique. Et leurs bourreaux sont très souvent des proches ou des connaissances qui leur promettent un travail lucratif à l’étranger. Face au puissant réseau, une synergie d’actions entre les organisations internationales, les ONG et les services étatiques s’impose. Cependant, les efforts fournis jusque-là restent insuffisants au regard de l’ampleur du phénomène.

Si vous ou une personne de votre entourage êtes victime de la traite, appelez le numéro suivant pour obtenir de l’aide (ajoutez un numéro local, régional ou national).

C’est sur ces mots que nous vous remercions, chers auditeurs et auditrices, pour votre aimable attention et à bientôt pour une nouvelle émission.

Acknowledgements

Rédigé par : Issa O. Togola, Pigiste malien résidant à Bamako

Révisé par : Mahamadoun Coulibaly, Secrétaire Général de l’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH.

 

Entretiens et interviews : 

BM : Une survivante de la traite des personnes interviewée le 12 septembre 2022.

AK : Représentant du Comité National de Coordination de la Lutte contre la Traite des Personnes et des Pratiques Assimilées, interviewé en octobre 2022.

Coulibaly Amanda Amedegnato : Présidente du Bureau National Catholique pour Enfance interviewée le 02 novembre 2022.

Pascal Reyntjens : Représentant de l’Organisation Internationale de la Migration au Mali, interviewé le 15 novembre 2022.

Information sources

« 2022 Trafficking in Persons Report » (https://www.state.gov/reports/2022-trafficking-in-persons-report/) : un rapport des Etats-Unis avec la coopération de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM)

 

Cette ressource a été produite grâce à l’initiative « HÉRÈ — Bien-être des femmes au Mali » qui vise à améliorer le bien-être des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et reproductive et à renforcer la prévention et la réponse aux violences basées sur le genre dans les régions de Sikasso, Ségou, Mopti et le district de Bamako au Mali. Le projet est mis en œuvre par le Consortium HÉRÈ – MSI Mali, en partenariat avec Radios Rurales Internationales (RRI) et Women in Law and Development in Africa (WiLDAF) grâce au financement d’Affaires mondiales Canada.