La narration d’histoires

Notes au radiodiffuseur

La radio repose sur la tradition orale ou sur la narration d’histoires. Les diffuseurs aiment s’appeler eux-mêmes de bons narrateurs d’histoires et c’est en racontant une histoire que nous pouvons attirer et conserver l’attention de notre auditoire. Tous les segments d’une émission devraient raconter une histoire, qu’il s’agisse de dramatiques, d’interviews, de discussions ou de tout autre format.

Le présent dossier d’information pour les radiodiffuseurs décrit les éléments de base d’une histoire, fournit une liste de contrôle des qualités d’une histoire efficace, donne un exemple d’histoire et se termine par quelques conseils en matière de narration d’histoires.

Texte

Introduction:On peut utiliser de nombreux formats radiophoniques pour présenter des enjeux dans une émission agricole – notamment des interviews, des tribunes téléphoniques, des pièces scénarisées, des micros-trottoirs. Mais tous ces formats peuvent être rendus beaucoup plus efficaces s’ils racontent une histoire.

Le mot « histoire » est utilisé de bien des façons à la radio. Dans sa définition la plus large, ce peut être n’importe quoi et tout ce que vous diffusez (par exemple : « Avez-vous l’histoire de la Coupe du monde? » ou « Avez-vous une histoire sur le changement climatique cette semaine? » ou « Quelle est l’histoire à propos du chanteur et du ministre? »)

Mais le mot « histoire » est également utilisé à la radio pour décrire un type très précis de narration. Ce genre d’histoire est au cœur des légendes africaines et des pièces de Shakespeare et des nouvelles modernes. Ce genre d’histoire utilise une forme très précise pour attirer et informer et motiver son auditoire. Lorsque vous avez un message important à transmettre, cela vaut la peine d’y incorporer une histoire et de libérer la puissance que peut apporter une histoire.

Bref, une histoire est une narration au sujet

  • d’une personne empathique (une personne « empathique » est celle à laquelle les auditeurs peuvent s’apparenter ou pour laquelle ils peuvent avoir de « l’empathie »);
  • qui rencontre une complication ou un problème;
  • et qui prend des mesures pour les résoudre.

C’est aussi simple que ça!
Pour revenir aux exemples susmentionnés, l’histoire de la Coupe du monde pourrait impliquer un gardien de but ou un attaquant qui se fracture le pied mais continue à jouer dans la douleur jusqu’à temps de remporter la compétition. L’histoire sur le changement climatique pourrait mettre en vedette une famille d’agriculteurs qui plantent un maïs à cycle court, tolérant à la sécheresse, après qu’un temps sec prolongé eut détruit un maïs à cycle complet et l’histoire à propos du chanteur et du ministre pourrait impliquer un ministre ambitieux ratant une réunion cruciale parce qu’il est impliqué avec le chanteur et devant reconstruire sa vie après avoir été éjecté du gouvernement.

La majorité de ce que nous diffusons à la radio n’est pas sous forme d’une histoire. Citons comme exemples les prévisions de la météo, les informations sur les marchés, les bulletins de nouvelles, les causeries et les conférences, les listes, les instructions, les conseils, les cérémonies et les annonces par les dirigeants. Ces formes de radio sont valables et ont également un rôle dans une émission agricole.

Mais un élément reposant sur une histoire est roi!

Une histoire a du pouvoir et de l’effet parce qu’elle mobilise l’auditoire. Elle incite l’auditeur à être actif, à créer des images mentales qui illustrent l’histoire orale. Et quand l’auditeur est mobilisé, il se souvient de l’histoire et de son message, et il est ensuite plus facilement motivé à agir.

Pourquoi les histoires sont-elles si efficaces? Trois raisons à cela.

1) Une histoire attire et conserve l’attention de l’auditoire. Elle le fait en utilisant une forme dramatique : il s’agit de personnes et de leurs luttes. Nous nous préoccupons des personnes. Nous ne nous préoccupons pas autant des faits. Les histoires :

  • attirent l’attention de l’auditeur en présentant un personnage empathique;
  • maintiennent et renforcent cet intérêt à mesure que le personnage lutte pour savoir quoi faire lorsqu’il est confronté à la complication ou au problème;
  • offrent une satisfaction à mesure que le personnage révèle la mesure qu’il a prise pour résoudre la complication.

2) Les histoires aident l’auditeur à se souvenir. Elles le font en utilisant une description évocatrice pour créer des images mentales – des personnes, des endroits et des actions. (Une « description évocatrice » est une description qui inspire ou soutire ou « évoque » des souvenirs, des images et des sentiments.) Cette description évocatrice mobilise l’imagination de l’auditeur et c’est la clé pour se souvenir. Une description évocatrice peut provenir d’un seul son, de quelques mots d’un narrateur ou d’un clip du personnage lui-même.

3) À cause de l’histoire, l’auditeur se souvient également de l’enjeu que l’histoire illustre. L’agriculteur pourrait écouter pour le côté dramatique de l’histoire mais, en même temps, il est exposé à des informations importantes sur un enjeu important. En mobilisant les auditeurs autour de l’enjeu par le biais de leur attachement à la personnalité, aux luttes, aux décisions et aux actions du personnage empathique, les histoires peuvent les aider :

  • à comprendre le nœud d’un problème complexe et à s’en souvenir;
  • à envisager de quelle façon le message contenu dans l’histoire pourrait jouer un rôle dans leur vie;
  • à développer le courage, l’engagement et le momentum pour effectuer un changement.

Liste de contrôle : les qualités d’une histoire efficace

Une histoire aura
1) un personnage principal qui

  • est sur un pied d’égalité avec les agriculteurs locaux (pas au-dessus d’eux);
  • a une personnalité qui attire l’attention et l’intérêt des auditeurs, que les auditeurs trouvent convaincant;
  • parle de la façon dont il ou elle a traité le problème en jeu;
  • parle de la façon dont il ou elle a mis en œuvre une solution au problème;

2) un narrateur qui

  • en quelques mots, dresse un tableau clair de la situation dans laquelle se trouve l’agriculteur ou l’agricultrice;
  • en quelques mots, regroupe divers clips vocaux du personnage principal pour donner de l’ordre et du mouvement à l’histoire;
  • conclut l’histoire d’une manière en rapport avec le problème et la solution;

3) une production qui

  • insiste sur la clarté, le côté dramatique et la concision;
  • utilise des sons et un langage descriptif pour inciter l’auditeur à créer des images mentales.

Exemple d’histoire
(courtoisie de Bob Carty, CBC (Canadian Broadcasting Corporation) Radio)

Effets spéciaux :
Une houe ou une binette travaillant un sol plutôt difficile, un homme respirant fort à cause du travail

Narrateur :
Benjamin Erinle travaille son sol dans le sud-est du Nigeria depuis deux décennies. Depuis le décès de son père. Et la plupart des années ont été bonnes.

Clip de Benjamin :
C’était un bon sol, un bon sol. Nous récoltions habituellement assez de maïs pour nourrir notre famille toute l’année. Parfois, les pluies n’étaient pas bonnes, mais la plupart des années nous avions assez de nourriture.

Narrateur :
Les mains de Benjamin sont solides et fortement calleuses. Il n’a que 35 ans mais il a le dos voûté comme un vieil homme. Et dans ses yeux brille une lueur d’inquiétude.

Clip de Benjamin :
Le problème a commencé il y a environ cinq ans. Il faisait beau mais le maïs était en baisse. Nous en avons eu assez pour nourrir la famille pendant seulement dix mois. Et la situation empira. L’année suivante, nous avons eu assez de maïs pour huit mois seulement. J’ai dû vendre quelques animaux et travailler sur une grosse ferme. Mon sol est fatigué.

Reporteur :
Comment le savez-vous?
Benjamin Un homme est venu. Il vend des engrais. Il a dit que mon sol ne contient pas assez d’azote. De l’azote. C’est la raison pour laquelle les plantes ne produisaient pas.

Narrateur :
L’azote aide les plantes à pousser. Lorsque le maïs n’a pas assez d’azote, les feuilles jaunissent, en commençant à l’extrémité et le jaunissement se propage en arrière, en forme de V, en descendant le long de la feuille. Le maïs de Benjamin souffre d’un manque d’azote. Et le vendeur de la compagnie d’engrais avait une solution.

Clip de Benjamin :
Il a dit que je devais acheter son engrais pour récolter plus de maïs.

Reporteur :
Alors, l’avez-vous fait?

Benjamin :
Non, non. Cela coûte trop cher!

Narrateur :
Les engrais azotés sont faits de gaz naturel que l’on trouve dans les puits de pétrole. Et leur coût a augmenté très rapidement. Les agriculteurs comme Benjamin ont besoin d’une autre solution.

Clip de Benjamin :
Si j’achetais des engrais, je devrais vendre des animaux et dépenser toutes mes économies. Et que se passerait-il si les enfants tombaient malades? Qu’arriverait-il si les pluies ne venaient pas? Nous devions faire autre chose.

Narrateur :
Benjamin entendit parler d’une façon peu coûteuse de résoudre son problème. Au marché, il entendit un agriculteur dire qu’il avait des sols malades, mais qu’il les avait améliorés en plantant des niébés entre les plants de maïs. Benjamin pensa que c’était une excellente idée. Mais sa femme, Clara, n’en était pas aussi certaine. Ce n’était pas la façon traditionnelle de faire pousser le maïs.

Clip de Clara :
Si vous mettez deux plantes dans le sol, elles se concurrencent pour la nourriture. Et aucune des deux ne pousse pas bien. Nous avons toujours fait pousser du maïs tout seul, pas avec des niébés.
Narrateur : Mais Benjamin n’était pas certain que sa femme avait raison. Après tout, dans une forêt en bonne santé, il y a de nombreuses sortes de plantes différentes. Elles semblent s’aider à pousser. Il décida donc de tenter une expérience.

Effets spéciaux :
Une marche dans les champs

Clip de Benjamin :
Il y a deux ans, j’ai planté des niébés entre les plants de maïs – mais seulement dans cette partie de mon champ. Pas partout.

Reporteur :
Quelle est la taille de cette section?

Benjamin :
Environ le quart de ma terre.

Reporteur :
Avez-vous remarqué comment les plantes poussaient au début?

Benjamin :
J’avais pris l’habitude de venir ici chaque jour pour vérifier. Elles ont levé, le maïs et les niébés, et les deux poussaient bien.

Reporteur :
Étiez-vous inquiet?

Benjamin :
Un peu. Parce que, si cela n’avait pas fonctionné, nous aurions pu avoir moins de maïs. Mais la baisse aurait été faible, alors je n’étais pas trop inquiet – sauf de ce que ma femme aurait pensé!

Narrateur :
Au moment de la récolte, il cessa de s’inquiéter. Benjamin obtint la même quantité de maïs dans la zone cultivée avec les niébés que dans la section sans les niébés.

Reporteur :
Vous n’avez donc pas obtenu plus de maïs?

Benjamin :
Non. Mais je n’en ai pas eu moins. Et nous avions les niébés à manger!

Reporteur :
Donc, vous n’étiez pas déçu?

Benjamin :
Non. Il faut du temps pour guérir un corps. Il faudra du temps pour guérir le sol.

Narrateur :
Benjamin a été patient. Il répéta la même chose l’année suivante. Il planta le même quart de sa terre à la fois avec du maïs et des niébés. Et c’est là qu’il vit la différence.

Clip de Benjamin :
(Riant) Oh, monsieur. Vous auriez dû voir les plants. Grands et forts. Ils poussèrent tout droit au-dessus de ma tête! Et pas de jaunissement sur les feuilles. Et lorsque nous avons fait la récolte – ouah! Nous avons obtenu autant de maïs de ce quart que de tout le reste de la terre. Le sol semble mieux avec les niébés qui y poussent.
Effets spéciaux : Piler le maïs ou entasser des sacs de maïs

Narrateur :
Benjamin a découvert les bienfaits des cultures intercalaires. Ses récoltes sont plus abondantes et plus saines parce que les racines des niébés rejettent de l’azote dans le sol. Maintenant, le sol a suffisamment d’azote. Et le maïs pousse mieux.

Clip de Clara :
J’avais des doutes à ce sujet, mais regardez cette récolte. Nous avons du maïs pour toute l’année – et des niébés aussi! Le seul problème pour moi maintenant, c’est que mon mari pense avoir tout le temps raison!
Effets spéciaux : Montée des bruits de maïs que l’on pile, puis fondu enchaîné

FIN

Quelques conseils pour la narration d’une histoire:Écrivez une idée centrale : Une fois que vous avez une idée de l’histoire, vous cherchez et décidez qui vous allez interviewer, vous créez une idée centrale pour votre histoire. Cela permettra de maintenir le cap de votre interview. Une fois votre interview terminée, vous pouvez réviser l’idée centrale au besoin.

Pour créer une idée centrale, utilisez une phrase pour décrire les points essentiels de l’histoire. Demandez-vous : « De qui parle cette histoire? » « Qui est le personnage principal? » « Quel est le problème? » « Qu’est-ce que fait le personnage principal pour essayer de résoudre le problème? » « Quel est le résultat? »

Une idée centrale devrait prendre la forme suivante : « Quelqu’un qui fait quelque chose pour une raison. » Dans l’histoire de Benjamin, l’idée centrale pourrait être la suivante : « Benjamin intercale des niébés avec son maïs pour rétablir la fertilité de son sol et nourrir sa famille. »

Utilisez des outils de narration d’histoires dans les sections scénarisées de votre pièce : Même si la majeure partie de votre histoire sera racontée (et devrait l’être) par les voix de vos personnes interviewées, vous devriez créer un texte écrit pour plusieurs parties de votre pièce. Cela pourrait englober des introductions à l’émission et aux interviews, des transitions entre les interviews, les questions des interviews et la conclusion.

Ces sections sont des éléments importants dans votre histoire et donnent l’occasion d’utiliser des outils de narration d’histoires.

La répétition stratégique, l’humour, la surprise et les variations de rythme et de synchronisme sont tous des outils importants du métier de narrateur d’histoires. Vous pouvez utiliser ces outils dans vos brèves sections scénarisées pour fournir un divertissement et attirer ou conserver l’intérêt des auditeurs à mesure que l’histoire se déroule.

Lorsque les auditeurs entendent de l’humour à la radio, par exemple, ils cessent leurs activités et écoutent plus attentivement. La même chose s’applique à toute émotion – colère, tristesse, larmes, surprise, choc, etc. C’est toujours de l’émotion qu’on se souvient, alors profitez de ces occasions pour la susciter.

Acknowledgements

Rédaction : Vijay Cuddeford, rédacteur en chef, Radios Rurales Internationales, d’après un document de Doug Ward, président, Radios Rurales Internationales.

Révision : David Mowbray, gestionnaire, Formation et Normes, Radios Rurales Internationales.

Traduction : Jean-Luc Malherbe, Société Ardenn, Ottawa, Canada.

Projet réalisé avec l’appui financier du gouvernement du Canada accordé par l’entremise de l’Agence canadienne de développement international (ACDI)