La gestion de la contamination par les aflatoxines dans toute la chaîne de valeur de l’arachide

Agriculture

Notes au radiodiffuseur

Au Togo, l’agriculture occupe 80% de la population et contribue à 40% du produit intérieur brut du pays. Les cultures de rentes comme le café, cacao, le coton, et le soja ainsi que les cultures vivrières dont le maïs, le riz, le mil, le sorgho ou encore l’arachide sont cultivées par les producteurs(trices) sur toutes l’étendue du territoire nationale. La filière arachide occupe une place importante dans cette production agricole nationale. Le nord du Togo est la zone de production par excellence de cette légumineuse.

Mais l’arachide présente un grand risque de contamination. Les cultures d’arachides sont souvent exposées à la contamination par les aflatoxines qui représentent un groupe de toxines produites par certains champignons dont le plus important pour l’agriculture est Aspergillus flavus. Aspergillus flavus est présent dans les sols et peut constituer une source de danger pour les producteurs (trices) d’arachides. Comment ces derniers arrivent-ils à gérer la contamination par les aflatoxines? C’est à cette question que nous allons répondre dans cette émission.

Ce texte radiophonique va permettre de donner la parole à trois acteurs de la filière d’arachide : deux producteurs(trices) agricoles qui vont parler des moyens de prévention contre la contamination par les aflatoxines et un spécialiste des aflatoxines qui nous parlera des initiatives prises au Togo afin de lutter contre cette substance toxique.

Pour produire une émission similaire sur la gestion de la contamination par les aflatoxines dans toute la chaine de valeur de l’arachide, vous pourriez vous inspirer de ce texte. Si vous décidez de le présenter dans le cadre de votre émission agricole, vous pourriez le faire interpréter par des journalistes et des acteurs vocaux à la place des personnes originellement interviewées pour les besoins du texte. Dans ce cas, veuillez informer votre auditoire au début de l’émission qu’il s’agit de voix de journalistes ou des animateurs radio et non celles
des véritables participant(e)s.

Si vous souhaitez diffuser des émissions sur la gestion de la contamination par les aflatoxines dans toute la chaine de valeur de l’arachide, entretenez-vous avec des agriculteurs(trices) qui produisent des cultures agricoles, des spécialistes des substances toxiques et d’autres parties prenantes de la chaîne de valeur de l’agriculture.

Vous pourriez leur poser les questions suivantes :

  • Quelles sont les maladies de cultures les plus importantes dans cette région?
  • Quelles sont les moyens disponibles de lutte préventive et curative contre les maladies et les ravageurs des cultures? Comment les agriculteurs(trices) peuvent-ils/elles avoir accès à ces moyens de lutte? Quels sont les détails relatifs aux coûts, à la fréquence de l’administration, etc.?

Durée estimée du texte radiophonique avec la musique, l’intro et l’extro : 20 minutes.

Texte

ANIMATEUR(TRICE) :
Au Togo, la région de la Kara et celle des Savanes sont quelques-unes des zones de production par excellence de l’arachide. Sur toute l’étendue du territoire national, l’arachide occupe une place importante dans la production agricole. Mais les producteurs(trices) sont confrontés à la contamination par les aflatoxines dans la filière d’arachide. Ce qui réduit leurs efforts consacrés à la culture d’arachide toutaulong de la campagne.

Selon l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les aflatoxines contaminent jusqu’à 65% des cultures d’arachide; et environ, 95% des enfants en Afrique sont affectés par les aflatoxines.

Cette émission radiophonique met en scène trois acteurs de la chaîne de valeur de la filière d’arachide. Il s’agit de deux agriculteurs(trices) avec qui nous allons nous entretenir sur la gestion de la contamination par l’aflatoxine. Nous allons aussi interviewer un spécialiste de la question des aflatoxines qui va nous parler des moyens de prévention contre cette substancedangereuse.

Que sont les aflatoxines? Comment contaminent-ils les cultures? Quelles sont les moyens delutte contre les aflatoxines? Est-ce que les producteurs(trices) connaissent les moyens de lutte contre ces toxines? Ya-t-il un produit ou une méthode utilisé pour lutter contre les aflatoxines? Ce produit ou méthode est-il efficace? Est-il accessible aux producteurs(trices)? Quel est l’impact des aflatoxines sur la santé humaine?

Nous avons le plaisir de recevoir dans cette émission M.Compara Karsongue, il est producteur d’arachide basé dans la région des Savanes au nord-Togo, dans la préfecture de Tandjouaré.

ANIMATEUR(TRICE) :
M. Karsongue bonjour!

COMPARA KARSONGUE :
Bonjour à vous monsieur (madame) l’animateur(trice) et à tous les auditeurs(trices).

ANIMATEUR(TRICE) :
Nous avons aussi dans notre studio M. Saya Donzo, ilest producteur d’arachide à Dapaong au NordduTogo. M. Donzo, soyez les bienvenus danscette émission.

SAYA DONZO :
Merci monsieur (madame) l’animateur (trice), c’estunplaisir d’être parmi vous.

ANIMATEUR(TRICE) :
Notre dernier invité s’appelle Docteur Ekanao Tedihou, spécialiste des questions liées aux aflatoxines à l’Institut togolais de recherche agronomique, ou ITRA, dont le siège est à Lomé. M Tedihou, merci d’avoir accepté notre invitation.

EKANAO TEDIHOU :
Je suis ravi de pouvoir partager mes connaissances en ce qui concerne la contamination par l’aflatoxine dans lafilière d’arachide dans cette émission.

ANIMATEUR(TRICE) :
Alors, nous allons rentrer dans le vif du sujet. M Donzo, vous qui êtes producteur d’arachide, dites-nous, cequevous savez de l’aflatoxine.

SAYA DONZO :
Oui, j’ai la connaissance de cette maladie qui dérange nos productions. C’est un champignon toxique qui attaque les cultures d’arachide. Parfois, le paysan ne peut pas savoir que sa culture d’arachide est attaquée par l’aflatoxine. Les paysans constatent les anomalies sur la culture d’arachide mais ne connaissant pas que c’est une maladie appelé l’aflatoxine. Heureusement, j’ai suivi une formation de l’ITRA en collaboration avec laGIZ qui m’a édifiée sur ce qu’est l’aflatoxine.

ANIMATEUR(TRICE) :
Quant à vous M. Karsongue, vous en pensez quoi de l’aflatoxine?

COMPARA KARSONGUE :
Il s’agit d’une contaminant dangereuse produite par des moisissures. C’est un danger pour le producteur(trice) car cela peut détruire toute saproduction. L’arachide contaminée par l’aflatoxine constitue un danger public, surtout sanitaire.

ANIMATEUR(TRICE) :
M Donzo, comment arrivez-vous à reconnaître que laculture de l’arachide a été contaminé par l’aflatoxine?

SAYA DONZO :
Premièrement, il faut reconnaître que la contamination par l’aflatoxine intervient si la culture de l’arachide est touffue et non aéré. Quand vous arrachez l’arachide de laterre et vous le décortiqué, vous verrez que les gousses sont pourries et ont changé de couleurs. Deuxièmement, si vous entassez les récoltes mais que vous ne séchez pas vite l’arachide dans de bonnes conditions, les graines ne seront pas bonnes à manger.

ANIMATEUR(TRICE) :
Alors dans ce cas, comment arrivez-vous à gérer la contamination de l’arachide par l’aflatoxine?

COMPARA KARSONGUE :
Nous sommes encore aux premières stades de lagestion de la contamination par l’aflatoxine, au Togo. Les bonnes pratiques pour lutter contre l’aflatoxine avant et après-la récolte ne sont pas encore vulgarisées. Ce sont ces bonnes pratiques qui évitent que les arachides soient contaminées. Nous sommes en train d’imiter nos collègues du Ghana, du Bénin, et du Sénégal qui ont déjà élaboré un produit pour lutter contre l’aflatoxine que nous appelons l’Aflasafe. Ondoitactuellement engager une lutte intégrée contre l’aflatoxine.

L’utilisation de l’Aflasafe est une méthode parmi tantd’autres. Si nous voulons lutter contre l’aflatoxine, ilfaut qu’on combine les luttes dont l’application d’une bonne méthode culturale et en même temps l’utilisation correcte de l’Aflasafe.

ANIMATEUR(TRICE) :
M. Karsongue, est-ce que l’Aflasafe est-il accessible auxproducteurs(trices) togolais?

COMPARA KARSONGUE :
Pour le moment, l’Aflasafe est en expérimentation auTogo dans la région de la Kara et des savanes. Dès que les tests seront concluants, l’Aflasafe sera étendu sur tout le territoirenational avec le concours de l’Etat togolais.

ANIMATEUR(TRICE) :
M Donzo, vous avez plus de30ans d’expériences professionnelles dans la culture de l’arachide. Dites-nous comment pourrait-on prévenir la contamination parl’aflatoxine.

SAYA DONZO :
Il est important pour un(e) agriculteur(trice) de suivre les méthodes culturales élaborées par nos instituts de recherche. Il faut que la culture de l’arachide soit propre et soit débarrasser des mauvaises herbes sans oublier de récolter au moment opportun. Si vous suivez ces bonnes pratiques de la culture de l’arachide en plus de l’utilisation de l’Aflasafe, vous réduirez les risques de contamination par l’aflatoxine.

ANIMATEUR(TRICE) :
M. Karsongue, êtes-vous d’avis avec M. Donzo?

COMPARA KARSONGUE :
Évidemment, on ne peut pas négliger les bonnes pratiques de la culture d’arachide. L’Aflasafe vient renforcer ces bonnes pratiques pour réduire le taux de l’aflatoxine. On doit bien faire la récolte et disposer des bonnes bâches bien sèches pour le séchage. Le stockage doit se faire dans un magasin bien aéré et bien étanche avec des palettes ou des briques et on met le bois dessus pour éviter que l’arachide soit en contact avec le sol. Mais même avec toutes ces précautions, il y’a toujours un taux d’aflatoxine dans l’arachide d’où il faut utiliser l’Aflasafe pour réduire le taux de contamination par l’aflatoxine.

ANIMATEUR(TRICE) :
Comment utiliser-t-on l’Aflasafe?

COMPARA KARSONGUE :
L’Aflasafe se présente sous forme de granulé et il est appliqué à raison de 10 kilogrammes par hectare. L’utilisation consiste à répandre le produit dans le champ entre 30et45 jours après le semi. Cela se fait au volet sur 1hectare en s’assurant que toutes les zones ont été couvertes. Après l’utilisation de l’Aflasafe, on cesse immédiatement les opérations de culture du champ, y compris le défrichage ou débroussement, le labour, les semis, le démariage, le désherbage, le sarclage, le binage et le buttage, jusqu’à la période de la récolte.

ANIMATEUR(TRICE) :
Merci à vous, messieurs, pour vos explications. Nousespérons que nos auditeurs(trices), surtout les agriculteurs(trices) qui nous suivent en ce moment ontpris bonne note. Nous allons maintenant revenir versnotre spécialiste des questions liées aux aflatoxines. Docteur Ekanao Tedihou, vous avez écouté les interventions des producteurs(trices) —alors qu’est-ce que vous pouvez nous dire par rapport à l’aflatoxine?

EKANAO TEDIHOU :
Les aflatoxines sont des substances chimiques produites par des champignons microscopiques notamment l’Aspergillus flavus qui se trouve dans lessols. Si l’arachide est en contact avec la terre, elle sera colonisée par les champignons, qui y produira des aflatoxines. Rien ne permet de distinguer l’arachide contaminée de l’arachide saine juste en les regardant. Vous pouvez avoir une jolie poignée d’arachide qui peut très bien contenir des aflatoxines. Plus vous récoltez les graines immatures ou pourries, plus vous êtes exposés à la contamination par les aflatoxines.

ANIMATEUR(TRICE) :
En cas de contamination par l’aflatoxine, comment pourrait-on atténuer cet impact?

EKANAO TEDIHOU :
Une fois que l’arachide est récoltée, ce qu’on doit faire, c’est de trier les gousses ou les graines pour éviter que Aspergillus flavus ait l’opportunité de se reproduire dans le lot de graines. Il faut éliminer toutes les graines immatures, moisie, au tégument entamé et/ou brisées. Il faut bien sécher les gousses avant de stocker parce que plus elles contiennent de l’eau, plus le stock d’arachide risque d’être contaminé. Mais une fois que l’arachide est déjà contaminée, il y a peu de chance d’atténuer les risques.

ANIMATEUR(TRICE) :
M. Karsongue avait parlé de l’Aflasafe comme étant unetechnique complémentaire pour prévenir la contamination par l’aflatoxine. Est-ce vrai?

EKANAO TEDIHOU :
Oui, l’Aflasafe est un moyen de lutte biologique. C’estun produit basé sur d’autres souchesd’Aspergillusflavus. C’est vrai que l’Aspergillus flavus fait partie des champignons ciblés et reconnus comme produisant les aflatoxines. Mais il y’a des souches de l’Aspergillus flavus qui sont incapables de produire des aflatoxines. Onvoudrait capitaliser sur ces souches pour surpasser celles qui sont capables d’enproduire. Aflasafe est actuellement testé au Togo et selon les résultats obtenus, le produit sera disponible au Togo d’ici quelques mois ou d’ici deux à trois ans.

ANIMATEUR(TRICE) :
Quelles sont les moyens de prévention de la contamination par l’aflatoxine?

EKANAO TEDIHOU :
Les moyens de prévention commencent au champ enrespectant les méthodes culturales recommandées. Aussi, en dehors de l’Aflasafe en cours d’expérimentation au Togo, il faut privilégier les variétés d’arachides tolérantes par exemple celles dont la coque est dure. Après la récolte, il faut éviter tout contact de votre arachide avec le sol, bien sécher les gousses et faire letriage avant le stockage. En réalité, on ne peut pas totalement éviter l’aflatoxine, on peut seulement en atténuer les impacts sur nos produits agricoles.

ANIMATEUR(TRICE) :
Dr. Tidehou, une dernière question pour finir sivous le permettez : quel est l’impact de l’aflatoxine surla santé humaine?

EKANAO TEDIHOU :
Les aflatoxines sont toxiques pour l’être humain. C’estun peu ignoré mais dans certains pays, ils ne l’ignorent plus parce qu’ils ont eu des épidémies et lesgens en sont morts. Chez nous au Togo, ce n’est pasencore le cas mais, malheureusement, il y’a aussi des effets chroniques favorisant la récurrence de maladies comme l’hépatite, le paludisme et la kwashiorkor chez les enfants.

ANIMATEUR(TRICE) :
Chers auditeurs et auditrices, nous sommes à la fin denotre émission et nous vous disons merci pour votre attention accordée à l’antenne.

À vous chers invités, merci pour la participation effective malgré vos agendas chargés.

Retenons ainsi que les aflatoxines impactent non seulement négativement le rendement par hectare des agriculteurs(trices), mais ils sont aussi dangereux pour la santé humaine.

Toutefois, les dispositions sont en train d’être prise au Togo pour sensibiliser les producteurs(trices) sur le respect des bonnes pratiques de productions agricoles. Ilfaut aussi dire que les résultats des tests de l’Aflasafe sont attendus pour une vulgarisation massive de moyen de lutte au niveau des producteurs(trices).

Cette émission a eu lieu avec la participation De Saya Donzo, et Compara Karsongue, tous les deux sont producteurs agricoles au nord duTogo. Nous n’oublions pas le spécialiste des questions liées aux aflatoxines Dr. Ekanao Tedihou de l’Institut togolais de recherche agronomique qui nous a expliqué le vif du sujet.

Merci et à bientôt pour un prochain numéro.

Acknowledgements

Rédigé par : Simon Akpagana, journaliste à Agridigitale, Avépozo, Lomé, Togo

Révisé par : Ekanao Tedihou, spécialiste des aflatoxines à l’Institut togolais de recherche agronomique ITRA

Entretiens et interviews

Saya Donzo, producteur d’arachide à Dapaong, Région des Savanes (Nord-Togo), le 03 mai 2021.

Compara Karsongue, producteur d’arachide à Tandjouaré, région des savanes (Nord-Togo), le 04 et le 18 mai 2021.

Ekanao Tedihou, spécialiste des aflatoxines à l’Institut togolais de recherche agronomique ITRA, le 06 mai 2021.

Cette nouvelle a été produite grâce à une subvention de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH (GIZ) qui met en œuvre le programme des Centres d’innovations vertes.