Interview avec la pomme de terre

Agriculture

Notes au radiodiffuseur

Ce texte porte sur la connaissance et le respect du savoir ainsi que des pratiques locales qui sont basés sur la sagesse indigène. Certaines récoltes indigènes deviennent essentielles pour la culture et la survie de la communauté. Les méthodes de culture, de stockage et de propagation de cette culture constituent un point clé pour préserver la biodiversité végétale. Ce texte porte sur la relation entre la pomme de terre et ses cultivateurs.
Autres suggestions pour des émissions radio sur l’importance des cultures locales:

  • L’évolution du lien entre une communauté, une famille et une plante ou un animal.
  • L’origine, l’histoire et propagation d’une culture locale essentielle comme les céréales, les arbres fruitiers, les légumes et les plantes médicinales.
  • Les cultures locales utilisées lors de rites religieux; l’importance du rôle des rites dans la conservation de la biodiversité biologique végétale surtout si ces plantes sont en voie de disparition; les méthodes indigènes de stockage des graines et leur rôle dans la conservation des ressources génétiques végétales.

Texte

L’ANIMATEUR
: Bonjour à tous les auditeurs qui joignent cette émission. Aujourd’hui, nous parlerons de l’histoire de la pomme de terre, mais qui peut mieux nous en parler que la pomme de terre elle-même? La pomme de terre nous parlera de l’importance du savoir et des pratiques locales. Ces pratiques nous sont souvent transmises de générations en générations. Par exemple, certains emploient des méthodes presque similaires à celles de leurs ancêtres pour cultiver la pomme de terre.
Je me tourne maintenant vers notre invitée. Mon amie, présente-toi et dis-nous d’où tu viens.

LA POMME DE TERRE
: Bonjour à tous. Oui, je suis la pomme de terre! J’ai d’abord été cultivée dans la Cordillère des Andes, en Amérique du Sud, il y a 9 000 ans. Aujourd’hui, on me trouve presque partout dans le monde. En fait, on me cultive dans 148 pays!

L’ANIMATEUR
: Oui, vous êtes très populaire. Je suis certain que la plupart de nos auditeurs vous connaissent. Pouvez-vous nous parler de votre naissance et de votre enfance?

LA POMME DE TERRE
: Je suis née en Amérique du Sud. Un groupe de personnes appelées Aymaras, furent les premiers à me cultiver. Ils vivaient sur les bords d’un grand lac, le lac Titicaca, en Amérique du Sud. Les Aymaras ont vu des pommes de terre sauvages pousser dans la région et ont commencé à les planter dans leurs champs. En fait, on en trouve encore autour du lac Titicaca et l’une d’entre elles est la fox potato. En quelque sorte, la fox potato est mon arrière, arrière, arrière grand-mère. Pourtant, les pommes de terre étaient très différentes à cette époque! Elles étaient plus petites, de la taille d’une prune.

L’ANIMATEUR
: Après les avoir découvertes, les Aymaras ont commencé à cultiver ces pommes de terre sauvages. Est-ce que c’était difficile de faire pousser des pommes de terre dans les montagnes, à haute altitude?
La pomme de terre: Il faisait très froid et sec sur le haut plateau où je suis née; mais les fermiers Aymara étaient très créatifs. Ils ont creusé des canaux et ont utilisé la terre recueillie pour faire des champs surélevés. Ensuite, ils m’ont plantée dans ces champs aménagés. L’eau des canaux gardait le sol légèrement humide même par temps très sec. Grâce au canal, le sol ne gelait pas.

L’ANIMATEUR
: C’était une bonne idée! Comment les Aymara avaient-ils l’habitude de te préparer et de te cultiver?

LA POMME DE TERRE
: Souvent, ils me séchaient et me stockaient pour me manger plus tard. D’abord, ils me laissaient dans le sol jusqu’à ce que je gèle, ensuite, ils me récoltaient et me pressaient pour recueillir l’eau jusqu’à ce que je sois réduite en petits morceaux.
Ensuite, ils faisaient sécher tous les petits morceaux au soleil. Ils me stockaient dans des sous-sols frais et ils pouvaient me garder là pendant 10 ans s’ils le voulaient. Quand ils voulaient me manger, ils me sortaient de ces endroits de stockage, me transformaient en farine et faisaient du pain. Je dois dire qu’aujourd’hui, les Aymaras me cultivent, m’utilisent et me conservent de la même façon. Notre histoire est très spéciale!

L’ANIMATEUR
: Très bien, nous en savons un peu plus maintenant sur ton histoire avec les Aymaras. Ils ont été les premiers à te cultiver et ont inventé toutes sortes de méthodes pour te conserver et t’utiliser. Mais aujourd’hui est-ce que c’est toujours le cas? Est-ce qu’il y a d’autres cultures ou d’autres peuples avec lesquels tu as une histoire particulière?

LA POMME DE TERRE
: Oui, bien sûr. J’ai eu une place très spéciale dans de nombreuses communautés et cultures. Les Incas m’appréciaient beaucoup! Ils vécurent en Amérique du Sud des centaines d’années après les Aymaras.

LA POMME DE TERRE
(cont): Je ne voudrais pas me vanter, mais j’étais au centre de la culture inca.

L’ANIMATEUR
: Au centre de leur culture? Tu étais vraiment si importante?

LA POMME DE TERRE
: Oh, oui! Tu sais, les Incas avaient un dieu de la pomme de terre. Ils faisaient des poteries en forme de pommes de terre. Ils me frottaient contre la peau des malades et m’utilisaient pour aider les femmes à accoucher. J’étais partout! La langue inca a plus de mille mots pour décrire les pommes de terre et leurs variétés.

L’ANIMATEUR
: Dis donc, c’était vraiment une plante traditionnelle la pomme de terre! Je voudrais encore te poser une question mais ne soit pas offensée s’il te plaît…

LA POMME DE TERRE
: Je t’en prie, pose ta question. Je suis forte et hardie!

L’ANIMATEUR
: Je sais qu’il existe des pommes de terre blanches et jaunes mais tu es bleue!

LA POMME DE TERRE
: C’est vrai! On peut me trouver dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, en blanc, jaune, rouge, bleu, noir, orange, violet, rose. Je suis aussi de toutes les tailles et de toutes les formes! Je peux être petite, grande, bosselée, ronde, lisse, allongée ou grosse. Nous, les pommes de terre, nous avons des goûts très différents, tous délicieux bien sûr!

L’ANIMATEUR
: Tu dois être fière de faire partie d’une famille de variétés aussi délicieuses et attrayantes.

LA POMME DE TERRE
: Oui, c’est vrai, même si je suis très préoccupée aujourd’hui. Mais nous ne devrions pas en parler maintenant… (voix triste)

L’ANIMATEUR
: Si, justement, parle-nous de ce qui te préoccupe… Nous avons le temps.

LA POMME DE TERRE
: Eh bien voilà… Bien qu’il existe des milliers de variétés de pommes de terre dans le monde, beaucoup d’entre elles qui sont des variétés anciennes cultivées depuis des générations, sont en train de disparaître.

L’ANIMATEUR
: Pourquoi est-ce un problème pour toi?

LA POMME DE TERRE
: Laisse-moi te donner un exemple pour t’expliquer le problème. Dans les Andes, les montagnes où je suis née, les fermiers cultivent plus de 200 espèces et 5 000 variétés de pommes de terre. Pour ces montagnards, les types de pommes de terre sont aussi différents que la viande de poulet et de porc. Ils mangent une sorte de pomme de terre le matin, une autre le midi et une troisième le soir!

LA POMME DE TERRE
(cont): Bien entendu, quand les pommes de terre sont aussi importantes, c’est bon pour notre survie.
Mais dans d’autres régions du monde, on cultive seulement quelques variétés et cela peut poser de gros problèmes. As-tu déjà entendu parler de la grande famine de la pomme de terre? Il y a plus de 100 ans en Irlande, on mangeait beaucoup de pommes de terre, c’était leur aliment de base mais les Irlandais ne cultivaient pas beaucoup de variétés de pommes de terre différentes. Une maladie dévastatrice, «late blight», a envahi le pays détruisant presque toutes les cultures de pommes de terre.
Environ un million de personnes sont mortes de faim. Ce désastre ne serait pas arrivé si on avait cultivé plus de variétés.

L’ANIMATEUR
: Bien! Je comprends maintenant que cultiver plusieurs variétés est essentiel. Si j’étais fermier, comment me conseillerais-tu de planter et de cultiver mes variétés de pomme de terre?

LA POMME DE TERRE
: Pour commencer, pourquoi ne pas cultiver différentes variétés dans le même champ? Je te conseillerais de prendre en compte la couleur et la température du sol mais aussi l’inclinaison de la pente et son ensoleillement. Tu pourrais ensuite planter la variété de pomme de terre la mieux adaptée. En prenant ces précautions, tu obtiendras des pommes de terre avec une large variété de caractéristiques et de personnalités pour faire face à une maladie ou aux insectes parasites.

L’animateur
: Eh bien mon ami, tu en as de la personnalité! J’ai été enchanté de te rencontrer et j’ai beaucoup appris à ton sujet et sur les différentes pommes de terre. Merci de nous avoir rendu visite. Veux-tu ajouter quelque chose avant de partir?
La pomme de terre: Tout ce que je veux dire aux auditeurs c’est: «Plantez des pommes de terre. Plantez de nombreuses variétés différentes et mangez-en beaucoup, elles sont bonnes pour votre santé»

INTRODUIRE DE LA MUSIQUE POUR TERMINER L’EMISSION (Si possible une chanson sur les pommes de terre.)

Note

Le «International Potato Centre» (CIP) de Lima, au Pérou, possède une collection de plus de 5 000 types de pommes de terre, sauvages et produits de culture, 6 500 types de patates douces et de plus de 1 300 autres racines et tubercules andines. A elle seule, la collection de pommes de terre contient plus de 160 espèces non cultivées et qui pourraient fournir aux fermiers une source de caractéristiques diverses comme la résistance au froid ou aux maladies. Les membres du Centre travaillent avec les agriculteurs pour assurer la survie et le développement de nombreuses variétés. Ils font aussi des recherches sur la patate douce, sur d’autres cultures de racines et de tubercules et sur la bonne gestion des ressources naturelles dans les Andes et dans d’autres régions montagneuses. Les membres associés à un de leurs projets, Papa Andina, travaillent avec de petits fermiers pour les inciter à diversifier leurs cultures de pommes de terre et pour faire correspondre la production de pommes de terre locales à la demande du marché. L’ «International Potato Centre» publie et distribue de nombreuses publications au sujet de ses travaux. Vous pouvez consulter leur site internet:http://www.cipotato.org/ou les contacter à l’adresse suivante: PO Box 1558, Lima 12, Pérou. Vous pouvez aussi les joindre au numéro de téléphone suivant:+51 1 349 6017, leur envoyer un fax au: +51 1 317 5326, ou un e-mail à cette adresse:cip-web@cgiar.org

Acknowledgements

Contribution: Vijay Cuddeford, Toronto, Canada.

Révision: André Devaux, Coordinateur du Andean Regional Project Papa Andina, International Potato Center, Lima, Pérou.

Information sources

The Potato: Treasure of the Andes, edité par Christine Graves, 2001. International Potato Center, PO Box 1558, Lima 12, Pérou. Tél: (51 1) 349 6017, Fax: (51 1) 317 5326. E-mail: cip-web@cgiar.org

Site internet : www.cipotato.org/

« Potato: A fragile gift from the Andes, » Seedling, Volume 17, No. 3 septembre 2000. GRAIN, Girona 25, pral., E-08010, Barcelone, Espagne. Tél: (34 93) 301.13.81, Fax: (34 93) 301.16.27, E-mail: grain@bcn.servicom.es Site internet: www.grain.org/publicationis/set00/set003.htm

« How the potato changed the world, » par William H. McNeil, Social Research, Volume 66, No. 1, page 67, 19 mars 1999. Social Research, 65 Fifth Avenue, Room 354, New York, NY 10003. Tél:  

« Studying spuds: Ancient potatoes may hold answers to questions about prehistoric man, » par Nancy Weir. Site internet: www.science.siu.ed/plant-biology/ugent/news/ugent01.htm