Notes au radiodiffuseur
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Ce texte illustre de quelle façon nous pouvons exploiter notre savoir traditionnel pour fabriquer des aliments de qualité qui ont non seulement des vertus thérapeutiques mais rapportent également un bon revenu. Comme l’invitée le raconte dans cette entrevue, les moutardes traditionnelles (ainsi que d’autres aliments traditionnels) deviennent plus populaires de nos jours et il existe de bons débouchés économiques pour fabriquer et vendre ces aliments, et même pour les exporter en Europe et dans d’autres pays. C’est une bonne occasion pour des groupements de femmes, pour d’autres organismes et pour des particuliers de travailler ensemble. À titre de radiodiffuseur, vous pouvez contribuer à populariser les aliments traditionnels en cherchant lesquels sont fabriqués dans votre collectivité et en interviewant les personnes qui exploitent de petites entreprises en vue de produire et d’exporter ces aliments.
Le nom scientifique du néré est Parkia biglobosa. Consultez la liste des noms communs de la plante dans les Sources de renseignements figurant à la fin de ce texte.
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Texte
Animateur:
L’émission d’aujourd’hui explique comment fabriquer de la moutarde traditionnelle à partir des grains de néré. Le néré est une plante médicinale dont les feuilles sont utilisées pour traiter la fièvre, les bronchites et les parasitoses intestinales. Son écorce et ses racines sont prescrites comme remèdes pour soigner la stérilité, la bronchite, la trachéite, la pneumonie, la lèpre et les maladies vénériennes. Sa pulpe jaune est sucrée et délicieuse.
Pour en savoir davantage sur cette plante merveilleuse, nous allons nous entretenir avec Maman Tandjome, une vieille dame très talentueuse qui nous dira comment elle transforme ses grains de néré, appelés « djoni » dans le nord du Togo, en moutarde traditionnelle ou « touonou » (utilisez les mots locaux).
Maman Tandjome:
Merci, mon enfant. Comme pour toute chose, nous allons procéder par étapes. La première consiste à vanner les grains de néré pour les séparer des parties inutiles. Les grains vannés sont ensuite portés à ébullition pendant au moins 24 heures dans une grande quantité d’eau. Après la cuisson, les grains sont pilés dans un grand mortier avec un peu de mélange de sable fin.
Maman Tandjome:
Le sable nous aide à séparer rapidement les grains de leur enveloppe. Après avoir pilé les grains avec un peu de sable, nous lavons tout le mélange – les grains, le sable et les enveloppes – dans une grande quantité d’eau propre à l’aide de passoires traditionnelles fabriquées en terre cuite. Après le lavage, les grains sont cuits de nouveau mais, cette fois, dans une petite quantité d’eau pendant environ neuf heures. On ajoute de la potasse pendant la cuisson pour provoquer une effervescence qui permet de se débarrasser des autres déchets.
Animateur:
Après avoir pilé les grains avec du sable, on lave tout le mélange dans de l’eau, puis on le fait cuire de nouveau dans une petite quantité d’eau pendant neuf heures en y ajoutant de la potasse. Est-ce exact?
Maman Tandjome:
Oui. Lorsque la cuisson est terminée, on laisse refroidir les grains et ensuite on les verse dans nos passoires en terre cuite. Après cela, on écrase un agent de fermentation appelé « Touognokt » et on le verse sur la surface de chaque passoire contenant les grains. Enfin, on ajoute deux ou trois poivrons, deux morceaux de charbon de bois, une sorte de thym appelé « djanounoubk » – herbe qui est supposée refouler les mauvais esprits – et on laisse reposer le mélange dans la passoire pendant deux jours.
Animateur:
Très bien, c’est une recette compliquée et je tiens à m’assurer que nos auditeurs comprennent bien chaque étape. Résumons donc. Tout d’abord, vous vannez les grains et ensuite vous les faites bouillir dans une grande quantité d’eau pendant 24 heures. Après la cuisson, vous les pilez dans un mortier avec un peu de sable. Et ensuite vous les lavez dans une passoire et vous les faites cuire de nouveau, mais cette fois-ci dans une plus petite quantité d’eau mélangée avec un peu de potasse. Après la cuisson, vous versez les grains dans une passoire et vous les saupoudrez avec un agent de fermentation sur la surface de chaque passoire. Enfin, vous ajoutez des poivrons, deux morceaux de charbon de bois et du djanounoubk.
Animateur:
(d’un ton surpris) Je n’avais aucune idée que la fabrication de la moutarde traditionnelle exigeait autant d’énergie et d’attention! Mais, Maman Tandjome, dès que vous parlez d’ajouter des ingrédients comme des poivrons, il me semble que la transformation est presque terminée.
Maman Tandjome:
Exactement, mon enfant. Cela prouve que tu m’écoutes!
Animateur:
Bien évidemment! Prenons une brève pause musicale. Nous serons de retour dans une minute.
Intermède musical: « Touonou gben toukala gben » par Claire Yadou.
Animateur:
Nous nous entretenons avec Maman Tandjome, qui nous explique comment fabriquer de la moutarde traditionnelle. Ainsi, après avoir fait cuire les grains pour la seconde fois, après les avoir saupoudrés d’un agent de fermentation sur la surface des passoires et après y avoir ajouté des poivrons, du charbon de bois et du djanounoubk, avons-nous terminé?
Maman Tandjome:
Presque. Après deux jours d’entreposage du mélange, nous sommes prêts pour la dernière étape. Il faut enlever les poivrons, le charbon de bois et le djanounoubk de la passoire. Ensuite, on verse les grains dans une cuvette propre qui a été séchée au soleil. Puis, on fait cuire des arachides dans de l’eau pendant quelques heures, en y ajoutant de temps à autre de la potasse.
Si vous avez quatre bols de grains de néré, il vous faudra un bol et demi à deux bols d’arachides. Mélangez les grains de néré avec les arachides et la potasse. Maintenant, vous avez de la pâte de moutarde fraîche! Il faut la sécher au soleil, afin qu’elle ne se gâte pas plus tard. Après le séchage, on peut travailler la pâte sous diverses formes: des carrés, des boules, des cylindres ou n’importe quelle autre forme. Votre moutarde traditionnelle, appelée « touonou » dans notre dialecte, est maintenant prête à être utilisée.
Animateur:
Juste pour résumer de nouveau ces dernières étapes, Maman Tandjome… après avoir entreposé les grains pendant deux jours, il faut enlever les poivrons, le charbon de bois et le djanounoubk et verser les grains dans une cuvette séchée au soleil. Nous faisons cuire des arachides avec un peu de potasse et ensuite nous les mélangeons avec les grains de néré, nous les faisons sécher et nous les mettons en forme. Est-ce exact?
Maman Tandjome:
Vous avez vraiment bien écouté, mon enfant. Excellent!
Animateur:
Merci, Maman Tandjome. Maintenant, nos auditeurs devraient être capables de fabriquer de la moutarde traditionnelle chez eux! La leçon d’aujourd’hui est cruciale, car notre art culinaire ancestral se perd très rapidement. Mais, Maman Tandjome, j’ai une autre question à vous poser. Pourquoi devrions-nous nous donner tant de peine pour fabriquer de la moutarde traditionnelle? A-t-elle tant d’importance que cela?
Maman Tandjome:
Eh bien, je comprends votre curiosité! Il est vrai que, au-delà de son apparence et de ses usages courants, la moutarde a d’autres vertus beaucoup plus nobles.
Animateur:
Nous devons faire une courte pause et ensuite j’ai bien hâte d’entendre votre réponse.
Intermède musical: « Waatpoôl E kan fit k gnam, a la bin » par Thimothé Yampoo Lari.
Maman Tandjome:
Oui, la moutarde est très importante. On l’utilise chez soi dans presque tous les mets. Elle est extrêmement importante pour notre culture. Par exemple, pendant les mariages traditionnels célébrés dans notre société, la mariée prépare une grande quantité de sauce fabriquée uniquement avec de la moutarde. Cette sauce, accompagnée de pâte de mil, est partagée entre les familles, les quartiers ou les villages. Il en est de même lors de fêtes d’anniversaire ou de cérémonies de baptême. C’est un honneur pour une femme d’en avoir toujours dans sa cuisine.
En plus de cela, la moutarde a indubitablement des vertus thérapeutiques. Les médecins la recommandent souvent, surtout pour le traitement de l’hypertension artérielle. Elle est également utilisée comme antibiotique.
Animateur:
J’ai entendu dire que la moutarde traditionnelle devient de plus en plus populaire de nos jours.
Maman Tandjome:
Oui, la production de la moutarde traditionnelle connaît une croissance quotidienne. Son commerce est florissant pour de nombreuses femmes qui en vendent dans les régions rurales et urbaines. De nos jours, certains groupements de femmes se spécialisent dans la transformation de la moutarde qui est exportée dans la région et en Europe.
Bref, la moutarde traditionnelle offre beaucoup d’atouts socio-économiques pour retrouver sa place dans les cuisines africaines.
Animateur:
Merci, Maman Tandjome. Merci beaucoup pour toutes vos informations précieuses. Vous nous avez aidés à redécouvrir un pan de notre propre culture. Au revoir tout le monde! À la prochaine!
Acknowledgements
Rédaction : Fati Labdiedo, directrice, Radio Mecap, Dapaong, Togo.
Révision : François Mazaud, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Service des agro-industries et de gestion après-récolte.
Information sources
Groupements de femmes rurales à Kantindi.
Daniel Fortin, Modou Lô et Guy Maynart. Plantes médicinales du Sahel. CECI et ENDA, septembre 1988.
Noms communs pour Parkia biglobosa
Anglais : African locust bean
Hausa : ‘Dorawa.
Kanuri : Runo
Français : Néré, arbre à farine, caroubier africain
Bambara : Néré ou nété
Mooré : Dooaga ou rooaga
Gourmantché : Budugu
La moutarde traditionnelle est appelée soumbala au Mali et nétérou au Sénégal.