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Dans de nombreuses régions du monde, ce sont les femmes qui cultivent les champs, font les courses, la cuisine et nourrissent leur famille. Elles s’occupent aussi des membres de la famille qui tombent malades. Alors quand les femmes dépensent leur argent, c’est pour le bien de la famille entière et pas uniquement pour elles. Mais quand la saison des cultures s’achève, de nombreuses femmes ouvrières agricoles n’ont plus de ressources, alors la santé et le bien être de leurs familles peuvent en pâtir.
Ne serait ce pas merveilleux si les femmes pouvaient travailler ensemble durant la morte saison pour gagner de l’argent à côté pour leurs familles mais aussi pour elles mêmes? Hé bien, elles le peuvent! Ecoutons le Dr Sara Bhattacharji raconter l’histoire de ces femmes du sud de l’Inde qui ont changé leur vie lorsqu’elles se sont groupées pour acquérir de nouvelles compétences.
Dans les villages autour de Vellore, la récolte venait de s’achever. Il n’y avait plus de travail à faire sur les fermes et il ne restait plus beaucoup d’argent pour la nourriture et les habits. Alors un groupe de jeunes femmes, désireuses d’aider leurs familles, demandèrent à des agents de santé communautaire de les aider à trouver les moyens de se faire des revenus stables toute l’année.
Le Dr Sara Bhattacharji et ses collègues, travaillant dans le cadre du programme de santé communautaire du « Christian Medical College » de leur district, aidèrent les femmes à trouver un enseignant compétent d’un district voisin qui pouvait leur inculquer de nouvelles compétences et un nouveau savoir faire comme la vannerie ou la tapisserie. Avec ce savoir faire tout neuf, les femmes seraient capables de fabriquer des produits qu’elles pourraient vendre.
Leur professeur leur apprit comment confectionner de beaux paniers en feuilles de palmiers qui se vendent bien. Bientôt les femmes gagnèrent assez d’argent pour améliorer l’ordinaire de leurs familles, réparer leurs maisons ou acheter des médicaments quand quelqu’un tombait malade. Et toute la famille s’en portait bien.
Puis un second groupe demanda à apprendre la couture pour économiser de l’argent en confectionnant leurs propres habits. Elles pouvaient ainsi gagner plus en confectionnant des habits et les vendre. D’autres groupes s’aventurèrent dans des tâches qui étaient jusque là réservées aux hommes. Un groupe apprit la soudure, même si cela voulait dire manipuler des chalumeaux à haute température et du métal brûlant. Elles fabriquent maintenant des étendoirs pour sécher le linge, soudent des barreaux et des cadres de fenêtres, et font mêmes des soudures pour les bâtiments plus imposants à l’hôpital où travaille le Dr Sara Bhattacharji.
Un autre groupe demanda à apprendre la confection de briques et la maçonnerie. Lorsque le Docteur et ses collègues leur dit que cela pouvait être dangereux, les femmes se sont mises à rire. « Ecoutez docteur. A votre avis que sommes nous en train de faire? » demanda leur chef. « Nous transportons des paniers de terre, des briques et du ciment sur nos têtes sur les échafaudages pour les donner aux hommes. C’est tout aussi dangereux, et nous sommes mal payées. » Alors le groupe de santé communautaire organisa des cours de maçonnerie pour elles. Elles ont bâti le centre communautaire où les groupes de femmes suivent leurs cours. Les femmes sont irréprochables, ce sont des travailleuses appliquées, alors elles obtiennent de bons emplois bien payés.
Le fait de gagner plus d’argent a changé d’autres aspects de la vie de ces femmes. Au début ce n’étaient que des changements mineurs. Lorsque les femmes se sont parlées durant les cours, elles découvrirent qu’elles désiraient toutes la même chose. Elles avaient toutes les mêmes problèmes. Alors chacune réalisa qu’elle n’était pas seule. Bientôt les femmes comprirent qu’elles pouvaient faire en groupe des choses qu’elles ne pourraient pas faire seules, comme aller acheter de nouveaux habits ou aller au cinéma. Traditionnellement, les femmes de ces villages n’avaient pas l’autorisation de sortir seules. Elles devaient attendre que leur père, leur frère ou leur mari vienne les chercher. Mais maintenant elles pouvaient faire partie d’un groupe. Le fait de savoir qu’elles pouvaient faire des choses de façon autonome leur donnait une plus grande confiance en elles.
Lentement, les femmes commencèrent à envisager de changer les coutumes et les pratiques qui n’étaient pas justes ou qui étaient dangereuses. Traditionnellement dans cette région, les parents ont l’habitude de marier leurs filles très jeunes, même dès l’âge de 12 ou 13 ans. Cela aussi voulait dire qu’elles commençaient à avoir des enfants très jeunes. Et souvent cela affaiblissait à la fois la mère et les enfants.
Maintenant les femmes parlaient de ces problèmes. Des filles célibataires dans les groupes commencèrent à dire qu’elles se marieraient seulement quand elles seraient prêtes. Et puisque tout le groupe était derrière elles, cela a marché. Ainsi l’âge moyen pour se marier dans cette communauté augmenta de 15 à 21 ans. Cela veut dire des mères en bonne santé et des bébés sains.
Elles apprirent également à accepter les coutumes et les opinions des autres, car de nombreux groupes sociaux et religieux différents cohabitent dans ces villages. Habituellement les membres de chaque groupe restent entre elles et ne se mêlent pas beaucoup aux autres. Mais comme les femmes de différents groupes se fréquentent dans les cours d’artisanat, elles sont devenues amies.
Au début, les hommes trouvèrent difficile d’accepter les changements. Les vieux avaient le sentiment que les femmes devenaient trop effrontées et manquaient de respect parce qu’elles ne marchaient plus la tête baissée, les yeux rivés au sol comme avant. Les jeunes hommes étaient furieux de voir les jeunes femmes devenir aussi indépendantes. Les hommes oubliaient que cet argent que les femmes gagnaient à côté leur rendait à eux la vie plus facile.
Une nuit, les jeunes hommes du village de vanniers étaient tellement en colère qu’ils mirent le feu au centre communautaire où se donnaient les cours d’artisanat. Sans endroit où travailler, les femmes cessèrent la pratique de leur artisanat. Privées de cet argent gagné en plus, des familles entières souffrirent. Lentement les jeunes hommes réalisèrent l’erreur qu’ils venaient de commettre. Après deux ans, les mêmes jeunes hommes qui avaient mis le feu au centre acceptèrent d’aider à le reconstruire. Même s’ils ne l’ont pas encore fait, les femmes ont repris leurs cours dans un local loué. Et maintenant les hommes soutiennent leurs activités.
Tout cela a commencé il y a plus de cinq ans. Le groupe de maçonnerie continua environ trois ans. Le groupe de soudure travaille toujours même s’il est plus réduit. Cependant le groupe des vanniers et celui des travailleuses de fibres de sisal est devenu plus important. Elles ont maintenant formé une coopérative avec plus de 700 membres. Leurs production est non seulement vendue sur les marchés locaux mais aussi exportée vers d’autres régions de l’Inde et même à l’étranger. Et même si certains groupes ont disparu, les femmes ont appris une chose essentielle: l’union fait la force. Les hommes, de leur côté, ont appris que certains changements dans les anciennes coutumes peuvent avoir du bon. Et pour le bien de tous, la santé et la nutrition des gens de la communauté ont connu une amélioration.
Acknowledgements
Les informations issues de ce texte nous proviennent d’une entrevue entre Vrinda Kumble et le Dr. Sara Bhattacharji, Community Health Department, Christian Medical College, Vellore 632 002, India; et des visites effectuées dans certains villages inclus dans ce programme.
La production de ce texte a été possible grâce au généreux soutien financier de Nancy’s Very Own Foundation, Toronto, Canada.