Notes au radiodiffuseur
L’agriculture en Afrique est de plus en plus confrontée à deux facteurs majeurs qui limitent ses performances. Ce sont la dégradation des terres cultivables et la prolifération des prédateurs de culture. La dégradation des sols appelle à un besoin de fertilisation permanente et les attaques de cultures invite à l’utilisation de plus en plus importante des pesticides.
Les fertilisants sont en réalité des engrais chimiques qui favorisent la croissance rapide des plantes et l’augmentation des rendements agricoles. Mais leur utilisation contribue à la dégradation des sols et a un impact sur la santé humaine et sur l’environnement. Face à cette situation, il est de plus en plus recommandé la production et l’usage des fertilisants biologiques, tout comme les biopesticides pour lutter contre les attaques des cultures par les insectes, les vers, les chenilles et les prédateurs de cultures. C’est la promotion de l’agriculture biologique.
Au Burkina Faso, des associations et ONG font la promotion de ce type d’agriculture qui allie protection des sols, santé humaine et environnementale ; agriculture performante et durable. C’est le cas de l’association Béo-Neeré agroécologie, basée dans le village de Roumtenga à quelques encablures de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso.
Dans cette émission, nous accueillerons trois intervenants. Souleymane Bélemgnégré, président de l’Association Béo-Neeré agroécologie, Hawa Kinda, productrice de légumes à Ouagadougou et Oumarou Koanda, propriétaire de jardin maraicher à Koupéla situé à une centaine de kilomètres à l’Est de Ouagadougou.
Pour produire une émission similaire sur la fabrication et l’usage des biofertilisants et biopesticides à base de plantes locales, vous pourriez vous inspirer de ce texte. Si vous décidez de le présenter dans le cadre de votre émission régulière, vous pouvez choisir des acteurs et actrices vocales ou des animateurs et animatrices pour représenter les personnes interviewées. Dans ce cas, veuillez informer votre auditoire au début de l’émission, qu’il s’agit de voix d’acteurs et d’actrices ou d’animateurs et d’animatrices et non celles des véritables personnes interviewées.
Si vous souhaitez créer des émissions sur la fabrication et l’usage des biofertilisants et biopesticides à base de plantes locales, entretenez-vous avec un producteur, un responsable d’association et un expert. Vous pourriez par exemple, poser les questions suivantes à vos interlocuteurs :
- Quels sont les effets néfastes de l’usage prolongé des engrais chimiques et des pesticides chimiques sur la santé des sols, de l’environnement et des êtres humains?
- Quelles plantes locales sont couramment utilisées pour fabriquer des biofertilisants et des biopesticides au Burkina Faso? Et comment sont-elles transformées?
- Quels sont les défis rencontrés dans la vulgarisation de l’agriculture biologique au Burkina Faso, et comment votre association y répond-elle?
Durée de l’émission, y compris l’intro et l’extro : 25 à 30 minutes.
Texte
MONTÉE DE L’INDICATIF MUSICAL, PUIS FONDU ENCHAÎNÉ
Nous recevons d’abord Monsieur Souleymane Bélemgnégré, président de l’association Béo-Neeré agroécologie. Il nous parlera de son centre de recherche, de production et de formation en agroécologie. Plus précisément, il nous dira comment son association produit des biofertilisants et des biopesticides, comment les utiliser et les avantages qu’ils procurent.
Notre deuxième invitée est Madame Hawa Kinda, une productrice qui entretient un jardin potager où elle produit des carottes, des choux et des plantes à feuilles comestibles. Elle partagera avec nous son expérience dans l’utilisation des biofertilisants et des biopesticides.
Notre troisième invitée est Monsieur Oumarou Koanda, un producteur de légumes et de céréales qui a abandonné les engrais et les pesticides chimiques depuis qu’il a connu les fertilisants et les pesticides biologiques en 2019. Monsieur Koanda nous parlera des avantages de l’utilisation des biopesticides et biofertilisants.
MONTÉE DE L’INDICATIF MUSICAL, PUIS FONDU ENCHAÎNÉ
J’ai bénéficié d’une formation en agroécologie sur les biofertilisants et les biopesticides organisée par une association française dénommée Terre et Humanisme. C’est après cette formation que je me suis investi dans le domaine de l’agroécologie en appliquant ce que j’y ai appris.
J’utilisais les pesticides chimiques. Et lorsque je pulvérisais le soir, le lendemain je constatais que tous les insectes, vers, chenilles et mouches étaient morts. Le pesticide décimait tout ce qui était vivant. Personnellement, cela me dérangeait mais je n’avais pas d’autre solution. Quand l’occasion d’expérimenter les pesticides biologiques s’est présentée, je n’ai pas hésité. J’ai découvert qu’il y avait d’autres méthodes pour se prémunir de ces prédateurs de cultures sans les tuer. C’est ainsi que j’ai commencé à produire et utiliser les biopesticides.
C’est cela. Les pesticides biologiques ne tuent pas les insectes, les vers, les chenilles et autres mouches qui pullulent sur les plantes mais les repoussent. Le biopesticide dégage une odeur et une toxicité répulsives qui chassent ces ravageurs.
J’utilise essentiellement des extraits des feuilles de neem, des feuilles de papayer et des feuilles de tabac. J’utilise aussi de l’ail, du gingembre et du piment combiné en un produit.
Je cueille un kilogramme de feuilles de neem que j’écrase en pilant. Je mets la pâte obtenue dans quatre litres d’eau. J’ajoute à la solution, vingt grammes de savon traditionnellement fabriqué et je garde le tout dans l’ombre pendant vingt-quatre (24) heures. Après les 24 heures, la solution est filtrée pour obtenir le produit fini. C’est le même procédé de fabrication avec les feuilles de papayer.
La solution est diluée avec de l’eau et selon le degré de l’attaque. Il faut garder la solution concentrée si vous constatez beaucoup de prédateurs dans le champ et la diluer s’il y en a moins, puis on procède à la pulvérisation.
Le moment le plus indiqué est la fin de la journée vers 17h parce que les vers, les chenilles et les autres insectes attaquent beaucoup plus la nuit. Les insectes ravageurs des cultures (prédateurs) s’abritent quelque part et viennent sur les plantes en début de soirée. C’est la nuit qu’ils se déplacent pour s’alimenter. S’il y a la pluie, il faut attendre la fin de la pluie pour pulvériser.
Oui, avec les feuilles de tabac, le procédé de fabrication est différent. On fait bouillir une poignée, soit trois cent (300) grammes de feuilles fraîches de tabac dans trois litres d’eau pour extraire la solution. On ajoute le savon traditionnel au moment de bouillir. Tout comme les solutions avec les feuilles de neem et de papayer, la solution avec le tabac est testée à petite échelle afin de bien la doser avant le traitement à grande échelle. Mais je répète encore: le traitement ne tue pas les vers, insectes et chenilles, mais les repousse loin de nos plantes. Mais aussitôt que l’odeur répulsive n’est plus ressentie, les ravageurs reviennent. Voilà pourquoi il faut répéter le traitement au moins deux (2) fois dans la semaine.
Un kilogramme de piment, un kilogramme d’ail et un kilogramme de gingembre sont pilés, mélangés avec de l’alcool à 90° et gardés pendant quatre à cinq jours. Après, on ajoute quatre à cinq litres d’eau. L’extrait est obtenu en gardant la solution pendant au moins dix jours avant l’utilisation. L’alcool ici permet de conserver la solution. Ce produit peut être mis en boîte pour la commercialisation contrairement aux autres produits fabriqués à base de feuilles qui sont immédiatement utilisés.
Nos produits sont très efficaces. Depuis que nous en utilisons, nous n’avons plus d’attaques contre nos cultures. Mais en agroécologie, mieux vaut prévenir que guérir. Nous anticipons les traitements avant toute alerte. Il faut aussi bien entretenir les cultures; chercher d’abord la bonne semence, bien fertiliser le sol et aussi bien arroser. Quand les plantes se portent bien, elles résistent elles-mêmes aux attaques.
Oui, bien sûr. Beaucoup de plantes à odeur répulsive sont associées à nos cultures pour repousser les prédateurs. Si vous visitez ma ferme, vous verrez çà et là, entre des plantes de salade, de choux ou de tomates, ces plantes répulsives qui régulent naturellement la cohabitation entre les plantes et ces prédateurs. Je parle de l’Artemisia, la menthe et le neem et beaucoup d’autres plantes. Moi, j’utilise de moins en moins les produits pesticides, je privilégie les associations culturales pour préserver mon champ des attaques.
En agroécologie, l’utilisation de ces deux produits vont ensemble. Je vous ai dit que nos pesticides biologiques ne tuent pas les ravageurs mais les repoussent. Ce qui veut dire que les insectes, les vers, les fourmis, les termites et bien d’autres éléments de la nature sont conservés et protégés dans nos parcelles. L’utilisation des biofertilisants permet de fertiliser les sols qui restent humides donc favorables à la vie de ces éléments de la nature. L’utilisation de ces produits biologiques permettent de récupérer même les sols dégradés parce que l’humidité est permanente, les déjections des animaux et les herbes utilisées dans la production du compost apportent des grains d’herbes et d’arbustes qui poussent partout. C’est dire que la biodiversité est bien conservée et même améliorée sur tout l’espace où sont utilisés ces biopesticides et biofertilisants. Et tous ceux qui ont appris à produire et à utiliser ces produits biologiques ne retournent plus aux produits chimiques. Le danger que constituent les pesticides et fertilisants chimiques est carrément écarté de notre milieu.
Je mets l’accent sur les formations pour diffuser les connaissances. Vous avez remarqué que la plupart de nos biopesticides sont produits et utilisés immédiatement. Je forme plutôt les utilisateurs pour en produire au lieu d’en produire pour eux. Je reçois dans ma ferme agroécologique des étudiants et des particuliers. Je suis appuyé par des chercheurs qui viennent faire des prélèvements pour des tests au laboratoire et mettent des étudiants à ma disposition pour les tests de terrain.
Ce sont essentiellement des jeunes et des femmes que nous formons. Ce sont eux qui sont les principaux acteurs de la production maraîchère. Allez dans les plaines maraîchères et autour des barrages, ce ne sont que des femmes et des jeunes qui y travaillent. Dans la production agricole de façon globale, ce sont eux les bras valides. Donc, nous mettons l’accent sur cette catégorie de personne parce que c’est elle qui en a besoin et c’est ainsi que nous arrivons à vraiment faire adopter les bonnes pratiques. Vous pouvez le constater, presque la moitié de mes employés ici sont des jeunes filles.
Nous dispensons les mêmes formations pour les jeunes et les femmes. Ce sont les mêmes besoins de produits et les mêmes techniques d’utilisation. Donc, nous n’avons pas besoin de modules spécifiques pour les femmes ou pour les jeunes.
Le coût des formations varie de trente mille (30 000) à cent mille (100 000) francs CFA selon la durée de la formation. Il y a des étudiants qui peuvent venir faire des mois sinon toute une année dans la ferme. Dans ce cas, cela peut coûter des millions de francs CFA. Après les formations, je fais le suivi pour voir si ce qui est enseigné est bien appliqué sur le terrain.
Madame Kinda, vous êtes en studio avec nous. Vous avez appris avec l’association Béo-Neeré la production et l’utilisation des biopesticides. Est-ce que les prédateurs vous causaient beaucoup de pertes de récoltes?
MONTÉE DE L’INDICATIF MUSICAL, PUIS FONDU ENCHAÎNÉ
J’ai pendant longtemps utilisé les engrais chimiques et je me suis rendu compte qu’ils n’étaient pas bons pour les sols. La preuve est que quand j’utilisais un sac de fertilisant chimique une année pour une parcelle, l’année suivante pour la même parcelle, j’en utilisais deux, et trois la troisième année. Il y aura un moment où le sol va refuser ce fertilisant et devenir carrément improductif.
Avec les biofertilisants, c’est le contraire. Le compost fertilise le sol pour longtemps. Quand j’utilise un sac de biofertilisant cette année, j’en aurai peut-être besoin d’un demi sac ou même pas du tout l’année prochaine. Le biofertilisant permet de retenir l’eau et fait vivre le sol.
Les biofertilisants améliorent les sols arides et font revenir la nature par des arbustes qui poussent partout. Ils n’ont pas d’impact négatif sur la santé de l’homme et sont à notre portée. En termes de coût, on ne dépense pas pour s’en procurer. Tout ce que je produis comme biofertilisants provient de ma ferme. Rien ne vient de l’extérieur. J’ai juste rassemblé les rejets des animaux, la fiente de volaille, des débris de récolte, de la paille, des feuilles mortes, de la cendre et les os calcinés.
Je vais vous parler de la production du compost aérobic, c’est-à-dire à l’air libre, qui se distingue du compost qui se produit dans des fosses.
Les éléments rassemblés sont disposés à l’ombre par couches superposées, bien arrosées et couvertes par la biomasse. Il ne faut pas couvrir avec des sachets plastiques mais avec de la paille, de l’herbe ou des feuilles mortes. Le tas est remué le quinzième jour, le trentième jour puis le quarante-cinquième jour. Vous verrez qu’au quarante-cinquième jour, tout est décomposé mais le processus va jusqu’au soixantième jour. L’utilisation de la cendre accélère la décomposition.
Au bout des soixante jours, si le compost ne va pas être utilisé immédiatement, il faut le sécher à l’ombre et le stocker dans des sacs ou l’entasser et toujours le couvrir avec de la biomasse et à l’ombre. Les sacs sont disponibles en vente au centre à raison de cinq mille (5 000) francs CFA le sac de cinquante (50) kilogrammes.
Le fertilisant peut être utilisé pour toutes les cultures. Pour les cultures maraîchères, il faut deux kilogrammes par mètre carré et pour les cultures céréalières, on peut utiliser un (1) kilogramme pour un (1) mètre carré. Mais il faut augmenter si le sol est très pauvre.
C’est la fin de cette émission. Merci à tous nos invités : Monsieur Souleymane Bélemgnégré de l’association Béo-Neeré agroécologie, à Roumtenga près de Ouagadougou ; Monsieur Oumarou Koanda, producteur maraîcher qui était en ligne depuis Koupéla et Madame Hawa Kinda, productrice à Ouagadougou.
Nous avons parlé de biopesticides et des biofertilisants, des produits biologiques utilisés pour traiter les plantes contre les attaques et pour fertiliser les sols pour une bonne production. Vous l’aurez entendu, la bonne utilisation de ces produits biologiques permet non seulement de préserver la fertilité des sols mais aussi de protéger et même d’améliorer la diversité biologique tout en augmentant les rendements des productions.
Merci, chers auditeurs et auditrices pour votre écoute et à la prochaine pour un autre numéro de votre magazine.
Acknowledgements
Rédaction : Harouna Sana, journaliste radio, spécialiste de l’environnement et de l’agriculture.
Révisé par : Sareme Gebre, Spécialiste des solutions fondées sur la nature, Radios Rurales Internationales.
Entretiens et interviews :
- Souleymane Bélemgnégré, président de l’association Béo-Neeré agroécologie. Interview réalisée le 22 mars 2025.
- Hawa Kinda, productrice, propriétaire d’un jardin potager. Interview réalisée le 25 mars 2025.
- Oumarou Koanda, producteur agricole et maraîcher. Interview réalisée le 24 mars 2025.