Notes au radiodiffuseur
Au Mali, environ 80 % des populations vivent en milieu rural et dépendent de la culture de denrées, l’élevage de bétail et la pêche. L’élevage des poules fait partie de leur quotidien. Ces volatiles se reproduisent vite, sont faciles à nourrir et ils rapportent des bénéfices. Les poules constituent une « banque ambulante » pour les villageois du Mali. L’argent de la vente des volailles leur permet de faire face aux dépenses occasionnelles de la famille.
Les maladies constituent un des problèmes majeurs (70-80 %) qui se posent au niveau de l’élevage des poules. Un fort pourcentage de poussins meurent avant même d’avoir eu quelques mois. Les volailles adultes elles aussi meurent très souvent des suites de maladies. Une des maladies les plus répandues est la variole aviaire.
Dans le présent texte radiophonique, nous rencontrerons Barma Ly, le chef d’une famille peule nomade du Sahel, dans la zone qui sépare le Mali de la Mauritanie. Monsieur Ly, dont la famille vit essentiellement de l’élevage, lutte contre la variole aviaire au moyen d’un médicament naturel et se bat pour préserver une espèce de poules locales qui existe depuis la nuit des temps. Étant donné que le médicament de monsieur Ly ne peut pas résoudre tous les problèmes causés par la variole aviaire, un expert en élevage du nom de Drissa Ouattara décrit des remèdes efficaces contre trois types de varioles aviaires. Monsieur Ouattara exhorte également les avicultrices et les aviculteurs à respecter les mesures d’hygiène telles que le nettoyage régulier des poulaillers, le respect du calendrier des vaccinations, la désinfection de l’eau et des aliments, ainsi que la lutte contre les insectes nuisibles avec des produits efficaces.
Vous pourriez décider de présenter ce texte dans le cadre de votre émission agricole courante, en vous servant de comédiennes et de comédiens de doublage pour représenter les intervenants. Si tel est le cas, assurez-vous d’informer votre auditoire au début de l’émission qu’il s’agit des voix de ces comédiennes et comédiens et non celles des voix des personnes avec lesquelles les entrevues originales ont été réalisées.
Vous pourriez également vous servir de ce texte comme document de recherche ou vous en inspirer pour réaliser votre propre émission sur la lutte contre la variole aviaire, d’autres maladies de poule ou des thèmes similaires dans votre pays.
Entretenez-vous avec des éleveurs et des experts qui élèvent des poules et qui possèdent de solides connaissances sur ces volatiles. Vous pourriez leur poser les questions suivantes :
- Quel rôle joue l’aviculture dans votre région?
- Quelles sont les principales maladies de poules qu’on rencontre dans votre région? La variole aviaire est-elle répandue?
- Quelles solutions les éleveurs et les experts ont-ils trouvées contre la variole aviaire?
- Existe-t-il un remède naturel contre cette maladie?
- Quels sont les moyens de prévention contre la variole?
Outre le fait de vous entretenir directement avec des éleveuses, des éleveurs et d’autres acteurs clés du secteur agricole local, vous pourriez vous inspirer de ces questions pour réaliser une tribune téléphonique ou une émission avec envoi de messages textes.
Durée estimée de cet élément : 20-25 minutes avec musique d’intro et de sortie.
Texte
ANIMATEUR:
Au Mali, l’élevage traditionnel est en train de disparaître à mesure que l’élevage intensif des poulets de chair et d’autres races importées prend de l’ampleur. Certains éleveurs et consommateurs sont préoccupés par la disparition des races traditionnelles. L’élevage des races traditionnelles que les Maliens connaissent depuis la nuit des temps a toujours permis aux populations rurales de tenir le coup en saison sèche. L’élevage de la race traditionnelle coûte moins cher, et il n’entraîne presque aucune dépense. Elle est également très résistante à un certain nombre de maladies.
L’élevage intensif des poulets de chair et des poules pondeuses importés n’est pas à la portée de tous les éleveurs. Étant donné que la qualité de ces volailles est jugée parfois mauvaise par certains experts maliens, les éleveurs ne disposant pas suffisamment de ressources doivent être prudents.
Nous sommes allés à Niono, ville située au nord-ouest du Mali, dans la quatrième région du pays. Là-bas, les Peuls nomades qui vivent de l’agriculture et de l’élevage de bétail se battent pour préserver la race traditionnelle de poules en voie de disparition. Nous nous sommes rendus de bon matin au campement peul de Tina, un havre d’élevage.
EFFETS SONORES:
BRUIT D’UN VÉHICULE, QUI S’ARRÊTE PAR LA SUITE, PUIS BRUITS D’ANIMAUX, QUI DISPARAISSENT QUAND L’ANIMATEUR PREND LA PAROLE
Animateur:
Chers auditeurs et auditrices, bonjour. Ce matin, nous allons voir comment les agriculteurs et agricultrices peuls nomades luttent contre la variole aviaire afin de préserver leur race de poule traditionnelle. Dans cette localité du Mali, on l’appelle
farafin chè’ qui veut dire poulet africain
Tina est un campement du département de Molodo situé à environ 360 kilomètres, au nord-est de Bamako, la capitale malienne. Les tribus peules nomades qui y vivent se déplacent chaque année après la saison des pluies à la recherche d’eau et de pâturage. Les familles se déplacent avec tous leurs bovins, leurs moutons, leurs chèvres et leurs volailles.
Nous sommes dans un campement saisonnier formé d’environ 30 cases en paille, qui ressemblent à des tentes améliorées. Mais le lieu est presque vide. On y voit juste quelques vieillards et enfants trainant entre des veaux. Des femmes s’occupent du ménage et se préparent à faire la cuisine. Dans un premier temps nous allons à la rencontre d’un vieil agriculteur qui apparemment doit avoir plus d’expérience en matière d’élevage de poules que bon nombre de ses voisins.
Animateur:
Pouvez-vous vous présenter à nos auditeurs?
Barma Ly:
Je me nomme Barma Ly. J’élève du bétail et je cultive du riz dans la région de Molodo.
Animateur:
Il n’y a presque personne dans le campement, même si on remarque qu’il est habité. Où sont partis les autres habitants?
Barma Ly:
C’est comme ça ici, le lieu se vide chaque soir. Les jeunes bergers conduisent les animaux dans les pâturages à partir de 1 h du matin. C’est aux environs de 11 h ou midi qu’ils commencent à rentrer. Les hommes d’âge mûr vont au champ après le petit déjeuner et certains vont au marché de Niono pour vendre leur bétail. À pareille heure vous ne trouverez que des vieillards comme nous, ainsi que des femmes et des petits enfants.
Animateur:
Monsieur Ly, nous voyons des poules dispersées partout. Pouvez-vous nous dire à qui cela appartient?
Barma Ly:
On peut dire qu’elles appartiennent à tout le village parce que chaque famille en possède quelques-unes et c’est comme ça qu’on les élève.
Animateur:
Vous arrivez à distinguer les vôtres de celles des autres?
Barma Ly:
Cela n’est pas du tout un problème. Chacun de nous connait le nombre exact de ses poules et peut identifier chaque poule de sa basse-cour.
Animateur:
Combien de poules avez-vous?
Barma Ly:
Actuellement, j’ai 532 poules et 212 pintades. Elles proviennent toutes d’œufs pondus cette année. J’ai déjà vendu les pondeuses. C’est comme ça que ça se passe: dès qu’elles finissent de pondre, on les vend et on garde les petits.
Animateur:
Cela est assez incroyable que vous puissiez élever tant de poules. Cela doit nécessiter un temps fou et beaucoup d’efforts. Quelles sont les méthodes que vous appliquez pour avoir ce résultat?
Barma Ly:
Ce n’est pas difficile. Je le fais avec mes petits-enfants. Chaque matin, avant que les poules ne sortent des poulaillers, je leur donne un peu de mil. Parfois, je leur donne des grains de maïs concassé ou un mélange de grains de riz et d’écorce. Je fais ça fréquemment pendant la saison pluvieuse parce que c’est le moment où les poules ne trouvent pas beaucoup de nourriture dans la nature. Mais à cette période de l’année, elles peuvent se promener sur les sites de battage de mil et de riz, ainsi que les sites de décorticage. Donc on a moins de difficultés à les nourrir en ce moment que pendant la saison des pluies.
Animateur:
Vous êtes un modèle pour les personnes qui élèvent des poules ici. Pouvez-vous nous parler des avantages liés à l’élevage des poules? Cela donnera peut-être l’envie à d’autres d’en faire autant.
Barma Ly:
Je ne pourrai jamais parler assez des avantages que procure l’élevage des poules ici. Il fut un moment où les poules ne coûtaient pas du tout cher, donc la vente était presque une perte pour nous. Mais c’est tout à fait le contraire ces jours-ci. Le prix d’une volaille peut monter jusqu’à 4000 FCFA [environ 6,65 $US]. Alors, imaginez-vous le nombre de problèmes que vous pouvez résoudre en vendant 100.
Et ça ne s’arrête jamais. Nous avons des clients qui viennent de partout. Les gens viennent acheter pour aller les revendre par la suite. La vente ne se fait pas de façon continue, je les vends de temps en temps. Cependant, je gagne tout ce dont j’ai besoin juste en vendant quelques poules. Ce revenu me permet de résoudre les problèmes de santé, les problèmes avec les autorités de la place ou même les problèmes de nourriture en cas de mauvaises récoltes annuelles.
J’ai trois hectares de riz dans la zone de Molodo. Les frais de labour, de repiquage, et d’autres frais de main-d’œuvre, ainsi que les frais d’intrants dépensés pour ce terrain sont tous couverts grâce à la vente de mes poules. Pour un agriculteur cela vaut la peine.
Animateur:
Quel est votre secret pour cette production à grande vitesse? Généralement, nous supposons qu’un tel succès se produit uniquement avec les pondeuses qui nous viennent d’ailleurs?
Barma Ly:
Il n’y a pas de secret, il faut juste faire un bon suivi. Les poules pondeuses qui viennent de l’étranger sont comme des machines qui fabriquent des œufs. Elles coûtent plus cher, génèrent plus de dépenses et exigent plus d’efforts incroyables pour obtenir de bons résultats. Cela ne nous arrange pas du tout.
Le seul secret avec les farafin chè, c’est que, lorsque les poules pondent, il ne faut jamais confier leurs œufs à une autre espèce comme la pintade, le canard ou le dindon pour qu’ils s’en occupent. C’est ce que font beaucoup de gens, croyant que cela va permettre à la poule de pondre à nouveau en peu de temps.
Mais ce n’est pas bon. Ça fait que beaucoup de poussins meurent après l’éclosion et qu’ils ont souvent beaucoup de problèmes de santé. Même si les poussins survivent, le fait de ne pas être élevés par une poule peut retarder leur croissance et leur développement. Les poussins ont énormément besoin de la chaleur de la poule. Cela les aide à résister aux conditions climatiques et aux problèmes nutritionnels pendant les 40 premiers jours de leur existence.
Lorsque vous voyez une poule qui n’a que quelques poussins qui survivent, vous devez commencer à améliorer son alimentation. Si cela ne résout pas le problème, alors le problème vient du fait que toute petite elle aussi n’a pas eu suffisamment de chaleur corporelle dont elle avait besoin. La plupart des poussins n’arrivent pas à survivre à cette situation. J’exerce ce métier depuis 17 ans, et je pense que je comprends donc plein de choses.
Animateur:
À vous entendre, on a l’impression que l’élevage de poules comporte de nombreux avantages et peu d’obstacles. Est-ce ainsi que vous voyez les choses?
Barma Ly:
C’est comme toute activité dans la vie. Il n’y a jamais de succès sans obstacle. Dans mon cas, l’obstacle majeur se résume aux différentes maladies face auxquelles nous ne savons pas vraiment quoi faire.
Par exemple: en dehors des deux grandes maladies que nous connaissons ici chaque année en début et en fin de saison froide, il existe pas mal de facteurs qui nous fatiguent beaucoup.
Premièrement, ici les femmes utilisent un produit qu’elles appellent poroni, et qui est plus toxique que du poison. Cela ressemble à de l’engrais ou du sucre granulé ou encore des grains de céréales parfois. Les femmes le mélangent avec du djabi (Note de la rédaction: il s’agit du henné) pour se noircir les pieds et les mains pendant les fêtes. Parfois, après avoir utilisé le poroni, elles laissent trainer des graines par terre sans s’en rendre compte. Dès que les poules mangent ça, croyant que ce sont des céréales c’est fini. Une maladie mortelle et contagieuse survient sur place. La maladie peut contaminer presque toute la volaille de la ferme.
En outre, nous utilisons une poudre contre les rats et les insectes qui est aussi toxique que le poroni. On met une petite quantité dans l’eau et on en pose dans les coins cachés de la maison ou dans la cour. Quand la poule avale cette eau, c’est fini, les ravages commencent.
La meilleure façon de juguler les effets indésirables de ce produit toxique consiste à sensibiliser davantage les éleveurs, afin qu’ils puissent l’utiliser en toute sécurité.
ANIMATEUR:
Vous avez également mentionné qu’il y avait quelques problèmes? Quels sont-ils?
BARMA LY:
Vous voyez cet arbre là-bas? Il est rempli de rats qui ne sortent que la nuit. Cette espèce de rats est apparue il y a environ deux ans.
Certains disent qu’ils sont venus du Sénégal par le train qui transporte les marchandises de Dakar à Bamako. C’est une race de rat qui se nourrit uniquement de poussins. On en tue, mais ça ne finit pas.
Il est important de suivre la trace des rats et de détruire leur habitat.
Enfin, il y a les parasites externes, mais ce problème n’est pas aussi grave. Dès qu’on les aperçoit, on commence à désinfecter les poulaillers et les poules en traitant les murs du poulailler avec de l’essence ou du gazole toutes les nuits.
Animateur:
Vous avez mentionné deux grandes maladies qui surgissent chaque année au début et à la fin de la saison froide? De quelles maladies s’agit-il?
Barma Ly:
Il s’agit de la maladie de Newcastle et de la variole aviaire.
Animateur:
D’accord. Notre émission porte sur la variole aviaire que vous appelez
foro. Pouvez-vous nous dire comment elle se manifeste et quel est son impact sur votre activité?
Barma Ly:
Le
foro est une maladie qui se manifeste uniquement en saison froide. Parfois, des croûtes apparaissent sur les membranes muqueuses des yeux des poussins, leurs paupières, et leurs nez quand ils n’ont que deux ou trois semaines. Très souvent, les éleveurs remarqueront des larmoiements causés par une infection qui provoque une inflammation des membranes muqueuses. Cette infection peut se solder par la mort de 90 % des poussins. On remarque également la présence de croûtes et d’éruption cutanées chez les poulettes âgées de cinq semaines.
Certains disent parfois que c’est la température de la saison froide qui est la cause du foro, mais je peux vous dire avec assurance que ce n’est pas ça du tout. Dès que j’aperçois les symptômes chez une ou deux poules, on achète des médicaments contre ces maladies. Nous les mélangeons avec les bonnes vitamines et les ajoutons à une quantité d’eau que les poules peuvent boire à tout moment. On leur fait des injections aussi.
ANIMATEUR:
C’est quoi les remèdes contre ces maladies?
Barma Ly:
Tous les remèdes qu’on peut utiliser contre les maladies de bétail peuvent servir aussi contre celles des volailles, c’est juste le dosage qui fait la différence. J’injecte mes poules avec ce qu’on appelle
bignè dimi qui sert à soigner le foie, mais il est également très efficace contre toutes les maladies animales.
Mes voisins me demandent parfois quel traitement j’applique à mes volailles et je le leur explique. Mais, il faut choisir la bonne manière de le faire. Je fais mes injections au niveau des cuisses: c’est le seul secret.
Ah! J’ai oublié de mentionner un autre traitement contre le foro. Vous voyez cet arbre là-bas? Celui qui mesure un mètre de haut environ. Ici on l’appelle bangoyo. C’est un arbre avec lequel on soigne la variole aviaire.
ANIMATEUR:
Pouvez-vous nous donner des explications?
Barma Ly:
Ce n’est pas compliqué. On cueille le fruit que l’on plonge dans l’eau des poules et le
foro disparaît. C’est un arbre qui pousse bien et produit des fruits uniquement en saison pluvieuse. Mais on commence à comprendre que les éleveurs peuvent utiliser le fruit séché de même que le fruit frais. Alors, nous le découpons et le conservons en vue de soigner le
foro, ou variole aviaire.
ANIMATEUR:
Qui sont vos clients, en général, et est-ce que la variole aviaire a un impact sur eux ?
Barma Ly:
Le
foro est une maladie très dégoutante qui fait en sorte que vous n’avez même pas envie de regarder la poule. En dehors des boutons, elle provoque de vives douleurs à l’intérieur. Toutefois, elle n’est pas aussi mortelle que certaines maladies.
Elle n’a jamais eu d’impact sur mes ventes parce que c’est une maladie bien connue des clients. La plupart de mes acheteurs sont des commerçants de volailles, mais il y a aussi de simples consommateurs qui viennent de partout, tout au long de l’année, de Niono, Bamako et d’autres villes. J’ai un client très fidèle qui est devenu un grand ami maintenant. Il n’a plus besoin de se déplacer, étant donné qu’il vit dans la région. Il me téléphone simplement pour commander le nombre de poules qu’il veut et je les lui envoie par autobus.
ANIMATEUR:
Avez-vous besoin ou disposez-vous déjà de techniciens vétérinaires ou de vétérinaires que vous consultez pour les soins ou les conseils?
Barma Ly:
Je n’en ai pas vraiment. Je fais moi-même mes traitements comme je l’avais dit plus tôt. Mais le client fidèle dont je vous parlais est vétérinaire de formation et il me donne beaucoup de conseils pour les maladies des poules.
EFFETS SONORES:
bruit d’une moto QUI s’amplifie et s’arrête par la suite
ANIMATEUR:
Avez-vous quelque chose à dire à ceux qui veulent se lancer dans l’élevage de poules?
Barma Ly:
J’aurais aimé qu’il y ait beaucoup de gens qui s’intéressent à l’élevage des poules. Ce n’est pas uniquement la disparition de la race locale qui est en jeu, mais également le risque de dépendance totale à l’importation pour la consommation ou la commercialisation. Pour que cela n’arrive pas, il faut donc inciter les gens à s’y intéresser et à améliorer les conditions d’élevage avec de nouvelles techniques adaptées à nos conditions climatiques actuelles, et pouvant contribuer à réduire les maladies.
EFFETS SONORES:
bruits de pas qui se rapprochent du micro
ANIMATEUR:
Nous avons de la compagnie, vous les connaissez?
ANIMATEUR:
(À L’AUDITOIRE) Chers auditeurs et auditrices notre visite coïncide avec le passage de deux clients de monsieur Ly, un jeune homme et une femme avec qui nous allons nous entretenir pour en savoir davantage sur la variole aviaire. Bonjour, madame ou mademoiselle, pouvez-vous vous présenter à nos auditeurs?
Sanata Traoré:
Bonjour, je me nomme Sanata Traoré. Je suis agricultrice et commerçante de volailles. J’habite dans la ville de Niono.
ANIMATEUR:
Quel est le but de votre visite?
Sanata Traoré:
Je viens acheter des poules et des coqs pour les revendre en ville. Je suis là aujourd’hui pour acheter environ 40 poules que je dois envoyer à une amie commerçante à Bamako pour ses ventes de fin d’année. Comme tous les éleveurs et commerçants de volailles, on compte sur les festivités du 31 décembre pour écouler de grandes quantités de poules.
ANIMATEUR:
Avez-vous de la difficulté à commercialiser les poules?
Sanata Traoré:
Pas beaucoup. Pour nous, les difficultés sont généralement liées aux ralentissements des ventes. Par exemple: si j’achète 50 poules ou plus et que je n’arrive pas à les vendre dans un délai court, je deviens obligatoirement éleveuse parce qu’il faut les nourrir avant de pouvoir les revendre. Sinon, elles meurent petit à petit, et cela est plus qu’une perte pour nous.
Il arrive parfois que je n’arrive pas à écouler mes achats dans les délais prévus parce que je ne maitrise pas encore très bien le marché des poules. Souvent, lorsque nous vendons les volatiles rapidement, cela nous donne l’espoir que tout ira bien. Mais la semaine suivante, le marché recommence à ralentir. C’est cette instabilité du marché qui nous crée parfois de petits soucis.
ANIMATEUR:
Aujourd’hui, nous nous intéressons à la variole aviaire. Est-ce que cette maladie a un impact sur votre commerce de poules?
Sanata Traoré:
La variole aviaire est une maladie que nous connaissons tous. C’est vrai que c’est désagréable à voir les poules malades et que ça les fait beaucoup souffrir, mais elle n’a jamais réduit leur valeur sur le marché, en tout cas pas dans cette région.
EFFETS SONORES:
bruits de pas qui se rapprochent. Échange de salutations entre Barma et Sanata.
ANIMATEUR:
(À L’AUDITOIRE) Chers auditeurs et auditrices nous allons à présent nous adresser à l’homme qui accompagne madame Sanata Traoré et qui, avec son sac au dos nous donne l’impression de travailler avec une ONG. (S’ADRESSANT À SÉKOU KÉITA) Bonjour, monsieur, pouvez-vous vous présenter à nos auditeurs?
Sekou Keita:
Je m’appelle Sékou Keita, j’élève des poules et des poussins, et je cultive ici à Molodo Centre. Je suis là aujourd’hui pour accompagner Sanata. Mais d’habitude je venais tout seul acheter des poules ou des poussins pour les élever. Je ne suis pas un revendeur comme Sanata qui a des clients un peu partout dans les villes.
ANIMATEUR:
Pouvez-vous, nous expliquer comment vous vous y prenez pour élever les poules et quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de votre métier?
Sekou Keita:
J’habite dans un village, ce n’est pas comme ici au campement où les poules sont élevées dans la nature avec peu d’efforts déployés par les agriculteurs. Je fournis beaucoup d’efforts pour élever le peu que j’ai. Il me faut construire un bon poulailler qui peut bien résister aux pluies et aux termites, il faut acheter des aliments pour volaille fabriqués par des usines, et qui coûtent très cher d’ailleurs; et je dois effectuer régulièrement des contrôles sanitaires qui se soldent bien souvent par des résultats négatifs. En résumé, l’élevage des poules est rentable, mais pas comme ici où on ne dépense presque rien.
Les plus grandes difficultés se posent au niveau des maladies, en général, et surtout avec les maladies comme le foro que les spécialistes appellent variole aviaire, et la maladie de Newcastle. Personnellement, je ne sais vraiment pas comment lutter contre les maladies. J’ai testé tous les traitements qu’on m’a conseillés, mais ils n’ont pas vraiment d’effets. J’ai même demandé conseil à Barma, mais ça n’a servi à rien. Je me dis parfois que c’est une question de lieu ou de climat. Vous voyez les poules partout dans la nature et elles sont en très bonne santé. Chez moi, au village, on doit dépenser beaucoup d’argent pour les traitements afin de maintenir les poules en bonne santé. C’est comme ça, mais on fait avec.
ANIMATEUR:
Nous allons maintenant accueillir une dame peule qui était là bien avant l’arrivée de madame Sanata et monsieur Keita. Madame, veuillez vous présenter à nos auditeurs et auditrices.
Malado Ly :
Je me nomme Malado Ly, je suis la belle-fille de Barma Ly, et ma famille est une famille d’éleveurs et d’agriculteurs. Nous venons ici chaque année en début de saison sèche et nous nous rendons dans les pâturages dans le sahel dès que la saison pluvieuse commence.
ANIMATEUR:
Nous réalisons une émission sur une maladie des poules qu’on appelle variole aviaire. Mais avant d’en parler, il parait que vous les femmes êtes à la source de cette maladie ici.
Malado Ly :
(CRI D’ÉTONNEMENT) Comment ça?
ANIMATEUR:
Je dois préciser que vous le faites sans vous en rendre compte. Il s’agit des graines de
poroni que vous laissez à terre après les avoir utilisées. Ne saviez-vous pas ce que ces petites graines pouvaient causer des dégâts chez les poules?
Malado Ly :
C’est vrai. Il n’y a pas longtemps, j’ai appris que dès que les poules les avalent, la maladie surgit. Peut-être que beaucoup sont morts de ça avant qu’on ne le sache. Maintenant que l’on connait les dégâts que cela peut causer, nous faisons très attention. J’avertis parfois mes filles dès qu’elles commencent à l’utiliser. Donc rassurez- vous le
poroni ne sera plus une cause de mortalité pour les poules. C’est terminé!
ANIMATEUR:
Merci beaucoup d’avoir retenu la leçon madame. Dites- moi, avez-vous connaissance de la variole aviaire que les gens d’ici appellent
foro?
EFFETS SONORES:
bruit de grains qu’on pile au fond
Malado Ly :
Qu’on l’appelle
foro ou variole aviaire, ici tout le monde connait cette maladie. Mais elle fait plus de peur que de mal. Elle est très désagréable, mais ne tue pas facilement les poules. C’est une maladie plus fréquente chez nous que dans les villages parce qu’on est très exposé au vent et au soleil ici. Mais, dans tous les cas, la variole aviaire se soigne plus facilement que les autres maladies. Du coup, cela ne nous préoccupe pas trop.
ANIMATEUR:
Malado, en vous entendant on pourrait avoir l’impression qu’on ne doit pas se faire de souci avec la variole aviaire. Est-ce exact?
Malado Ly:
Pas exactement, mais nous les femmes effectuons aussi parfois de petites ventes au marché de Molodo pour couvrir les frais de condiments et d’achat de petites choses pour nos enfants. Et nous vendons généralement des poules atteintes de la variole. Cela n’a jamais causé de problème. Ce sont les habitants de la ville qui n’aiment pas ça. Sinon, dans les villages environnants, si quelqu’un veut acheter une poule, la variole ne l’en empêchera pas. Les poules sont très souvent destinées à la consommation et non à l’élevage.
ANIMATEUR:
Chers auditeurs et auditrices, nous tendons vers la fin de notre émission. Mais avant de la clore, nous allons écouter l’avis d’un spécialiste, monsieur Drissa Ouattara.
ANIMATEUR:
Pouvez-vous vous présenter à nos auditrices et nos auditeurs?
Drissa Ouattara:
Je suis ingénieur en aviculture, avec une spécialisation en élevage et produits d’élevage, et j’ai étudié à l’Institut Polytechnique Rural de Formation et de Recherche Appliquée de Katibougou au Mali. Je réside à Bamako, à Niamakoro.
ANIMATEUR:
Nous réalisons une émission radiophonique sur la variole aviaire dans votre région. Mais avant, j’aimerais savoir si vous rencontrez des difficultés particulières avec l’élevage de la race traditionnelle?
DRISSA OUATTARA:
Très souvent, nous remarquons que lorsque les mères poules couvent leurs poussins la nuit, il peut arriver qu’elles piétinent accidentellement quelques-uns qui meurent par la suite. Certaines mères attaquent aussi les poussins et les tuent, car ils ne sont pas leurs progénitures. C’est pourquoi il est conseillé de séparer les poussins selon leurs groupes d’âge avant de les élever.
Il est également important de construire une poussinière, fabriquer des éleveuses, donner des aliments de bonne qualité, respecter le programme de vaccination et de traitement recommandé et chauffer les poulaillers s’ils ne sont pas suffisamment chauffés. Il est particulièrement important que le bâtiment soit réchauffé : la température doit varier entre 24 et 27 degrés pendant leurs premiers jours d’existence. Après cela, l’éleveur doit graduellement baisser la température jusqu’à ce qu’il fasse entre 18 et 21 degrés dans le bâtiment lorsque les volatiles ont cinq semaines.
ANIMATEUR:
Merci. Pouvez-vous maintenant nous parler un peu de la variole aviaire, ce qui la provoque et comment elle se manifeste?
Drissa Ouattara:
La variole aviaire est une maladie contagieuse, et elle peut être décelée par des signes visibles sur le corps de la volaille dépendamment du type de virus.
Ces signes sont classés en trois catégories. La première est la forme cutanée, des boutons apparaissent sur sa tête, son bec, ses pattes et sur tout son corps. Cette forme tue rarement les poules.
La deuxième forme est la forme diphtérique. Lorsqu’il est atteint de cette forme, le volatile a de petites plaies blanchâtres dans le bec, à la surface de la langue et dans la partie supérieure du bec et de la gorge. Ces plaies forment de gros nodules pouvant empêcher la prise d’aliments, et tuer l’animal en obstruant ses voies respiratoires. Cette forme est rare, mais elle est plus mortelle que la forme cutanée. La plupart du temps, cette forme s’accompagne d’une infection de la membrane muqueuse. Cette infection est la cause du taux élevé de mortalité.
Avec la forme mixte, la poule présente les deux types de symptômes. Le taux de mortalité est assez élevé avec cette forme.
La variole apparaît lorsque les volatiles ont entre 0 et 8 semaines.
ANIMATEUR:
Pouvez-vous nous expliquer comment la maladie se propage?
DRISSA OUATTARA:
Plusieurs facteurs peuvent faciliter la propagation de la maladie, y compris le contact direct avec une poule malade, ainsi que les fientes de poules malades qui se retrouvent dans les aliments, l’eau et le matériel. C’est la raison pour laquelle il est toujours important de nettoyer l’endroit où sont élevées les poules pour éviter que l’exploitation entière soit infectée par un seul volatile. Le vent peut aussi contribuer à la contamination, car il transporte le virus. Les objets contaminés, les volatiles morts et les volatiles contaminés peuvent propager la maladie. Les vendeurs ambulants et les cages dans lesquelles ils transportent leurs poules doivent être interdites d’entrée dans les zones d’élevage.
ANIMATEUR:
Quelle est la meilleure manière de prévenir cette maladie et de la traiter?
Drissa Ouattara:
Il n’y a pas de traitement spécifique contre la variole aviaire, mais l’administration de l’eau phéniquée à 0,3 % en raison de 0,5 ml par volaille adulte produit de bons résultats.
Pour prévenir la maladie, les éleveurs doivent suivre les mesures d’hygiène préconisées en nettoyant quotidiennement l’intérieur des poulaillers et en désinfectant permanemment leurs abreuvoirs et leurs mangeoires. Ils doivent également lutter contre les insectes piqueurs et suceurs tels que les mouches, les fourmis, les araignées, mais également les parasites externes. En général, ils doivent combattre le virus avec tous les moyens disponibles. Une bonne hygiène permet à l’éleveur ou à l’éleveuse de conserver et d’améliorer les conditions de vie des poules. Cela leur permet de jouir d’une bonne santé, d’avoir un bon habitat, une bonne alimentation, de bien se reproduire et de bien vivre en général.
Une bonne hygiène est la clé du succès en matière d’aviculture, mais la vaccination reste le moyen le plus efficace de lutte contre la variole aviaire. On dit généralement: «Mieux vaut prévenir que guérir». L’idée de base consiste à faire régulièrement les vaccins.
ANIMATEUR:
Donc, il n’existe aucun remède contre la variole aviaire?
DRISSA OUATTARA:
Non, il n’existe aucun remède contre la variole aviaire. Seul le vaccin recommandé peut le prévenir. Ce vaccin doit être administré une fois par an.
ANIMATEUR:
Certains agriculteurs soignent leurs poules sans consulter un vétérinaire ou un spécialiste en élevage et pensent que les traitements contre les maladies de bétail peuvent être aussi utilisés pour celles des poules. D’autres utilisent un arbre dénommé
bangoyo contre cette maladie et pensent qu’il s’agit du remède le plus efficace. Partagez-vous ces idées? Ou avez-vous des conseils à leur donner?
Drissa Ouattara:
L’utilisation de
bangoyo peut s’avérer vraiment efficace, mais personnellement je ne peux pas en dire plus là-dessus parce que je n’ai pas encore tenté l’expérience. En tant qu’expert, je ne partage pas cette idée qui veut que les remèdes utilisés pour le bétail puissent également servir à soigner la volaille, car le bétail est très différent de la volaille, donc les traitements doivent également être différents.
Le conseil que j’ai à donner aux agriculteurs et aux agricultrices c’est que lorsque surviennent des problèmes dans leur ferme avicole, ils doivent toujours consulter toujours un technicien vétérinaire ou un vétérinaire qualifié en la matière. Cela est très important, car l’aviculture est un domaine très complexe et si sensible que vous pouvez perdre tout un investissement à la moindre erreur.
Le plus important c’est que certains éleveurs ne savent pas que le fait de ne pas coordonner les traitements peut renforcer la résistance au vaccin plus tard, ce qui pourrait rendre les volatiles vulnérables aux infections causées par d’autres virus ou maladies de volaille incurables. Par conséquent, pour éviter de tout compromettre à l’avenir, il est préférable de respecter les normes imposées en ce qui concerne les traitements et les soins.
ANIMATEUR:
Avez-vous un dernier mot concernant la variole aviaire?
Drissa Ouattara:
Je demanderai à tous les aviculteurs de respecter, avant tout, les mesures d’hygiène et, deuxièmement, de respecter le programme de vaccination qui est parfois mis en œuvre par les techniciens pour éviter l’apparition d’épidémie qui peuvent causer des pertes économiques considérables. Enfin, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur la variole aviaire.
EFFETS SONORES:
FAIRE APPARAÎTRE EN FONDU L’INDICATIF SONORE SOUS LA VOIX DE L’ANIMATEUR, PUIS AMPLIFIER LE SON PENDANT 10 SECONDES APRÈS QUE L’ANIMATEUR A FINI DE PARLER ET DIMINUER
ANIMATEUR:
Merci beaucoup monsieur Ouattara.
Chers auditeurs et auditrices, aujourd’hui, à travers la voix de nos différents intervenants nous avons appris des choses sur la variole aviaire, une des deux grandes maladies qui surgissent annuellement au nord-est du Mali, et particulièrement dans la région de Molodo.
Les agriculteurs et les éleveurs peuls nomades vivant dans la zone luttent contre la variole aviaire en suivant les conseils des techniciens concernant la vaccination et l’hygiène et en utilisant également le fruit de bangoyo, un petit arbre du sahel qui pousse pendant la saison de pluie.
Nous avons pris connaissance des impacts négatifs de la variole aviaire, comment elle se manifeste et se propage, des moyens de prévention. Mais le plus important, c’est que nous avons appris les répercussions qu’elle pouvait avoir sur le monde rural, ainsi que les activités des éleveurs, des acheteurs et des revendeurs.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission et vous donnons rendez-vous pour la prochaine émission dans laquelle nous aborderons un autre thème aussi important, mais toujours concernant le monde rural.
Merci de votre aimable attention et à très bientôt.
Acknowledgements
Rédaction : Boubacar Gakou, cinéaste réalisateur, Bamako, Mali
Révision : Moussa Koné, Chef d’unité des productions et industries animales au Service Locale des Produits et industries animales (SLPIA) de Bougouni
Information sources
Entrevues réalisées avec :
Barma Ly, Sanata Traoré, Sekou Kéita, Malado Ly, Drissa Ouattara. 27 au 29 septembre 2015
Projet réalisé grâce à l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD)