Zamana, ou « La confession »

Gestion de l'eauQuestions sociales

Notes au radiodiffuseur

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Situé dans la zone soudano-sahélienne, le pays imaginaire de Manibu a une saison de pluie qui dure seulement trois mois. Le problème de l’eau de boisson se pose avec acuité, et le problème de l’eau pour l’agriculture est encore plus grave. De fait, l’irrigation est une pratique utile pour accroître et diversifier la production agricole.

Depuis dix mois, les marécages ont été récupérés et mis en valeur dans le village de Zamana, au grand bonheur des villageois. Cela a été possible grâce à l’aide technique et financière d’organisations œuvrant pour le développement. L’activité dans le sous-secteur de l’eau s’est intensifiée. Aujourd’hui, le secteur de l’eau est devenu une source d’enrichissement illégal pour bon nombre de personnes et de compagnies travaillant dans ce secteur. Pots-de-vin par ci, promesses par là. Et l’eau se fait rare.

L’histoire qui suit, lève un pan sur la corruption dans le sous-secteur de l’eau agricole, corruption dont le village de Zamana a été victime.

Ce texte est un mini-drame basé sur d’authentiques interviews. Il pourrait vous servir d’inspiration pour conduire une recherche ou pour écrire un autre texte sur un sujet similaire touchant votre région. Alternativement, vous pourriez choisir de produire ce texte dans votre station, en ayant recours aux voix d’acteurs pour représenter les personnages. Le cas échéant, veuillez vous assurer d’informer l’auditoire, au début de l’émission, que les voix sont celles d’acteurs, et non celles des personnes impliquées dans l’interview originale.

Texte

Personnages

Présentateur
Madou: agriculteur
Mouta: ingénieur en génie civil
Bassi: leader d’opinion
Satou: agriculteur
Abou: président des exploitants de la plaine
Belou: secrétaire général des exploitants de la plaine
Fama: chef de la délégation
Bira: villageois
Laré: entrepreneur
Monda: crieur public

Présentateur :
Zamana est un village imaginaire situé dans le Sahel, dans le pays de Manibu. Les marécages qui représentaient trois quarts de sa superficie rendaient l’agriculture difficile à pratiquer. Mais voilà qu’un jour, un représentant du gouvernement est venu annoncer la bonne nouvelle: «Population de Zamana, le gouvernement m’a chargé d’annoncer que la zone marécageuse de votre village sera aménagée pour vous permettre de diversifier votre production. Désormais, en plus des céréales, vous pourrez faire pousser du riz, du maïs et bien d’autres cultures. Votre gouvernement qui travaille pour le bien-être des populations a exaucé vos vœux.»

Les habitants de Zamana ont applaudi à tout rompre. Une nouvelle ère allait commencer. Plusieurs mois plus tard, une plaine aménagée était mise à leur disposition. Le marécage avait été asséché, une digue avait été construite, et la plaine artificielle avait été créée sur le terrain ainsi récupéré. La plupart des ménages ont reçu des lopins de terre. Sans perdre de temps, ils ont ensemencé leurs nouvelles parcelles.

L’espoir se lisait sur les visages des petits exploitants, dans la plaine de Zamana. Le sourire était sur toutes les lèvres. Un agriculteur a ainsi exprimé l’opinion de tous les autres: «Seigneur Dieu, je te remercie pour tout ce que tu fais pour moi. Cette année, je te remercie encore plus pour m’avoir donné une portion de terre dans la plaine aménagée. Je pourrai enfin me payer une paire de bœufs après avoir vendu mon riz».

Mais les habitants de Zamana n’ont pas tardé à déchanter. Il y a eu une grande déception, comme si un malheur s’était abattu sur le village. Après une pluie qui n’était pas plus forte que d’habitude, la digue a été emportée. L’eau a envahi la plaine, les récoltes ont été perdues et les espoirs se sont évanouis.

Mais maintenant, laissez-moi vous ramener aux temps heureux qui ont suivi l’assèchement des marécages, quand la plaine artificielle a été créée, et avant que la digue ne se brise. Un jour, à cette heureuse époque, un agriculteur reçoit la visite de son cousin, un ingénieur expert. Il est impatient de montrer au cousin son champ de riz. Ils se rendent ensemble dans la plaine.

Madou(agriculteur):
(Joyeusement) Tu vois, ma parcelle fait un demi-hectare. Je m’attends à une récolte d’environ deux tonnes de riz. Je suis très optimiste en ce moment. Je pourrai enfin voir le bout du tunnel. Je nourris de grandes ambitions.

Mouta (ingénieur en génie civil) :
(Calmement)Ta rizière a belle allure et donne de l’espoir. Je t’encourage à persévérer. Quant à mon sac de riz, je pense que déjà c’est chose acquise. Vous avez une belle plaine aménagée, mais je te dis ceci:le travail n’est pas terminé. Il y a encore du travail à faire.

Madou (agriculteur) :
(Surpris) Ah oui? Pourquoi dis-tu cela? Pourquoi nous a-t-on distribué des parcelles si le travail n’était pas fini? Qu’est-ce que tu essaies de me dire?

Mouta (ingénieur en génie civil) :
Tu auras bientôt la réponse. Je parie que la digue n’est pas assez forte. Elle ne survivra pas s’il y a un peu plus d’eau».

Présentateur :
Madou l’exploitant se rend chez le leader d’opinion. Il veut mieux comprendre ce que son cousin lui a dit.

Madou (agriculteur) :
(L’air empressé)Alors, toi qui sais tout, dis-moi si les travaux de récupération du marécage sont terminés.

Bassi (leader d’opinion) :
(Un peu hébété) Comment veux-tu que je te réponde? Pourquoi poses-tu cette question? De toute façon, que connais-tu à l’aménagement des plaines? Si tu poses cette question, tu penses sûrement que quelque chose cloche. Je ne comprends pas ce que tu veux me dire.

Madou (agriculteur) :
(Déçu) Ce n’est pas grave si tu ne comprends pas. De toutes les façons, rien ne presse. Mon cousin m’a simplement dit qu’il y a encore du travail à faire.

Bassi (leader d’opinion) :
Ah oui? Qu’est-ce que tu me caches? Ton cousin ne nous annonce rien de réjouissant. Mais puisque tu ne veux rien me dire, attendons voir.

Présentateur :
Dans la plaine, le riz est en train de mûrir. Les exploitants sont occupés à placer des épouvantails dans les champs pour faire peur aux oiseaux. Ils discutent comment ils vendront leur récolte… (Courte pause) Cette nuit-là, une pluie tombe sur Zamana. Le matin, les habitants de Zamana constatent avec amertume le désastre causé par la pluie.

Satou (agriculteur) :
(Affolé) La digue a cédé et l’eau a envahi toute la plaine. Elle a englouti toutes les plantes. Mais la pluie n’aurait pas dû causer de tels dégâts. Elle n’était pas aussi forte que les autres pluies. Tous mes espoirs se sont effondrés. Seigneur, aie pitié de nous!

Présentateur :
Le président du groupe d’exploitants de la plaine convoque en urgence une réunion du bureau pour examiner la situation qui prévaut sur la plaine.

Abou (président des exploitants de la plaine) :
(D’un ton grave) Je vous salue tous et vous remercie d’avoir répondu à mon invitation. Comme vous le savez, la situation est très alarmante. Il est vrai qu’il a plu. Mais la quantité de pluie n’était pas suffisante pour causer un tel désastre. C’est notre responsabilité de découvrir ce qui s’est passé. Et au besoin de déterminer qui est responsable. La digue a cédé avant même que l’eau n’eût atteint son niveau le plus élevé. Nous allons rencontrer le chef de la délégation du gouvernement pour rendre compte de cette situation.

Belou (secrétaire général des exploitants de la plaine) :
En tant que secrétaire général, je dis que nous sommes d’accord avec toi, président. Nous soutenons ton plan. Cela ne va pas être facile mais nous devons le faire. La situation s’explique difficilement. J’ai entendu quelqu’un dire que les travaux d’aménagement de la plaine n’étaient pas terminés. Ceci pourrait-il expliquer que la digue a cédé?

Présentateur :
Le lendemain matin, le président, le secrétaire général et le trésorier des exploitants de la plaine se rendent dans la capitale pour rencontrer le chef de la délégation du gouvernement. Entre temps, Bassi, le leader d’opinion, rencontre l’exploitant Madou qui se rend à la propriété du chef du village.
Bassi (leader d’opinion) :
(Qui hèle Madou) Hey, hey, bonjour! Où te rends-tusi tôt le matin? Tu sembles très pressé.

Madou (agriculteur) :
(Très impatient)Je vais chez le chef. Il m’a demandé de le voir. Je ne sais pas de quoi il va me parler.

Bassi (leader d’opinion) :
C’est toujours bon d’être sollicité par le chef. Au moins on se sent utile. Je crois que nous avons maintenant compris ce que ton cousin voulait te dire. Cette pluie n’avait rien d’extraordinaire. Elle n’aurait pas dû casser la digue si facilement. Dis-moi, ton cousin a-t-il visité la plaine? S’il l’a fait, alors il savait de quoi il parlait. C’est un ingénieur en génie civil. Il s’y connaît. Cela voudrait dire que les travaux n’ont pas été exécutés « selon les règles de l’art ». C’est cela même qu’il a voulu nous faire comprendre. (Un petit silence) Mais il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. Attendons de voir.

Madou (agriculteur) :
(Très ému) Mon cousin m’a averti qu’il pourrait y avoir des problèmes. Mais qu’est-ce que j’aurais pu faire?

Présentateur :
Le président des exploitants de la plaine et ses accompagnants arrivent au domicile de M. Fama, le chef de délégation.

Abou (président des exploitants de la plaine) :
(Frappe à la porte et entre) Bonjour M. le chef de délégation.

Fama (chef de la délégation) :
(Jovial) M. le Président, quel bon vent vous amène à Zaboudou? Prenez place, je vous prie. J’espère que tout va bien dans la plaine de Zamana. Je vous écoute M. le Président.

Abou (président des exploitants de la plaine) :
(L’air embarrassé) M. le chef de délégation, à dire vrai, rien ne va plus à Zamana. La plaine est inondée. Il n’y a pas d’espoir de récolter le moindre grain de riz. Les agriculteurs de la plaine sont désespérés. La colère gronde.

Fama (chef de la délégation) :
(Sursaute) Que s’est-il passé? La pluie d’avant-hier a-t-elle causé des dommages?

Abou (président des exploitants de la plaine) :
Je ne sais comment expliquer ce qui est arrivé. La digue a cédé suite à cette pluie. Une pluie comme les autres, pas une grosse pluie! Nous ne comprenons simplement pas.

Fama (chef de la délégation) :
(Un peu nerveux)Non, tout sauf la digue! Ce n’est pas possible. La digue ne peut pas céder aussi facilement. Quelle quantité d’eau pourrait faire que la digue se casse? M. le Président, nous allons dépêcher une équipe à Zamana, et dans les meilleurs délais. Il nous faut savoir avec exactitude ce qui est arrivé. Merci de m’avoir informé de la situation. Rentrez chez vous et attendez-nous; nous viendrons. Du courage président!

Abou (président des exploitants de la plaine) :
(Un peu réconforté)Merci pour votre compréhension. Nous comptons sur vous pour que les espoirs renaissent dans la population de Zamana.

Présentateur :
Trois jours plus tard, la délégation du gouvernement est accueillie à Zamana.

Bruits de foule

Fama (chef de la délégation) :
(Sur un ton posé) Population de Zamana, il y a quelque temps, à cette même place, je vous ai annoncé une bonne nouvelle. Aujourd’hui, je viens vous exprimer la compassion du gouvernement par rapport à ce qui est arrivé. Le gouvernement promet de prendre toutes les dispositions utiles pour réparer la digue, dans les plus brefs délais, et de vous venir en aide. L’équipe qui a enquêté a fait cas d’un problème avec la digue. La quantité de ciment et la qualité du cadre de fer sont à l’origine du bris de la digue. La compagnie va reprendre le travail et respectera tous les standards de qualité.

Abou (président des exploitants de la plaine) :
(Inquiet) Nous savons que le gouvernement nous aidera. Mais que va faire le gouvernement exactement?

Fama (chef de la délégation) :
Nous allons procéder rapidement à une estimation de vos besoins et voir comment le gouvernement peut vous aider. D’ores et déjà, il a décidé de repousser à la saison prochaine l’échéance du remboursement pour les intrants qu’il vous a accordés pour cette saison. En clair, vous n’avez pas à rembourser les prêts pour cette saison. Soyez courageux, tout va finir par s’arranger. Je vous remercie.

Présentateur :
Une semaine plus tard, la compagnie de construction est à nouveau à Zamana pour réparer la digue. Un villageois aborde l’entrepreneur en charge du travail. Une conversation s’engage entre les deux hommes.

Bira (villageois) :
Tu ne dois pas aimer notre village. Tu dois vouloir notre malheur. Sinon comment une telle digue peut-elle être emportée par une pluie qui n’était pas très forte?

Laré (entrepreneur) :
(Un peu agacé)Ah, vous les gens des villages. Quand est-ce que vous allez nous comprendre? Vous ne savez pas quelles souffrances nous endurons pour travailler pour vous.

Bira (villageois) :
(Calmement) Je crois que tu es en train de manquer de respect envers ceux qui ne sont pas de la ville. Vous souffrez vraiment pour nous? Nous aussi, nous souffrons pour vous. C’est à la sueur de notre front que vous consommez des céréales, des tubercules, et d’autres aliments. Nous mettons du sérieux dans notre travail. Quand as-tu consommé des céréales qui n’étaient pas prêtes pour la consommation? Mais avec vous, nous avons l’habitude de toits d’écoles emportés ou de murs de clôtures qui s’écroulent au moindre souffle de vent. Alors pourquoi es-tu là aujourd’hui?

Laré (entrepreneur) :
Veux-tu vraiment le savoir? A quoi bon te l’expliquer? Tout ce que tu dois savoir est que tant que la vie sera ainsi, la construction se fera ainsi.

Bira (villageois) :
Tu vois… je t’ai dit que les gens de la ville ont du mépris pour nous les gens des campagnes. Est-ce parce que nous vivons dans les villages que nous méritons des choses mal construites?

Laré (entrepreneur) :
Qui t’as dit que le travail était mal fait? Non, tu ne m’as pas compris. Je n’ai pas dit cela. Écoute-moi. Pour avoir ce contrat, j’ai dû dépenser beaucoup d’argent. D’abord, j’ai dû acheter le dossier d’appel d’offre de la construction de la digue. Ensuite j’ai déposé un dossier de candidature, tout comme d’autres qui voulaient ce contrat. Comme dit l’adage: Il vaut mieux connaître quelqu’un que connaître le village.

Bira (villageois) :
Donc si tu ne connais pas quelqu’un, tu ne peux pas obtenir de contrats? La personne qui sélectionne le candidat gagnant ne reçoit-elle pas un salaire pour faire ce travail? Si tu ne lui donnes rien, que va-t-il se passer?

Laré (entrepreneur) :
Qui ne donne rien ne reçoit rien. Tu sais bien cela! Ce serait comme si tu n’avais pas soumis de candidature pour le contrat. Tu ne décrocherais aucun contrat. C’est aussi simple que ça.

Bira (villageois) :
(Nerveusement)Dans quel monde vivez-vous? Nous ne connaissons pas ce mode de vie ici. Qu’est-ce que j’entends là? Non, non, je vais te laisser à ton travail. Mais cette fois, fais un bon travail même si je n’ai rien à te donner.

Laré (entrepreneur) :
(Suppliant) Ne t’en vas pas. Mon histoire n’est pas terminée. Je veux simplement partager avec toi ce que nous vivons comme souffrances et comme difficultés, en tant qu’entrepreneurs.

Bira (villageois) :
Ton histoire ne me plaît pas. Elle est truffée de choses qui font fi de l’éthique et de la morale.

Laré (entrepreneur) :
Veux-tu dire que je n’ai pas une bonne morale? Non, je ne suis pas un mauvais gars. Je vais te raconter l’histoire de la plupart des entrepreneurs.

Bira (villageois) :
(Conciliant)D’accord, raconte-moi.

Laré (entrepreneur) :
Comme je le disais, il vaut mieux connaître quelqu’un que connaître le village. Ainsi, j’ai donné de l’argent aux gens qui examinent les demandes afin que mon dossier soit considéré. Je ne dirai pas combien, mais c’était beaucoup d’argent. D’autres entrepreneurs voulaient aussi avoir ce contrat. Eux aussi ont fait la même chose que moi. Mais j’ai eu plus de chance. Mon dossier a été accepté.

Bira (villageois) :
Ce que tu me dis n’explique pas la mauvaise qualité du travail dont vous êtes responsable, d’après ce que dit le gouvernement.

Laré (entrepreneur) :
Tu as raison. L’histoire continue. Quand tu arrives à décrocher le contrat, alors commence le parcours du combattant. Pour avoir une avance sur le paiement, il faut encore dépenser de l’argent. Une fois le travail terminé, tu attends que ceux qui te l’ont confié te disent s’il est bien fait. Il est très difficile de s’assurer que les commanditaires des travaux soient conduits sur le site pour confirmer que les travaux ont été exécutés selon les critères spécifiés. Cela coûte également de l’argent.

Bira (villageois) :
(Un peu agité) L’argent. Toujours l’argent. Décidément, c’est l’argent qui contrôle les relations humaines en ville.

Laré (entrepreneur) :
On pourrait dire ça. Le travail est terminé et l’ouvrage a été approuvé par l’agence gouvernementale. Il reste maintenant à récupérer les fonds restants. Je te dis que tu useras tes souliers si tu oublies mettre la main à la poche.

Bira (villageois) :
Je ne sais pas quoi dire. Votre monde est si différent du nôtre!

Laré:
Tu comprends que dans ces conditions, nous ne pouvons pas vous livrer du travail de qualité. En satisfaisant la cupidité des gens, la qualité du travail est sacrifiée sur l’autel de la médiocrité. Et la vie continue. Pour preuve, je suis là pour réparer la digue.

Bira (villageois) :
(Avec assurance) Qui va te payer cette fois-ci? N’oublie pas que tu reprends un travail que tu as mal fait. En principe, tu ne devrais pas être payé. C’est la vérité non?

Laré (entrepreneur) :
Tu es vraiment ignorant. Les responsables qui m’ont accordé le contrat savent ce qu’ils ont fait et moi aussi je le sais. Alors qui va dénoncer qui? Avant que je ne revienne ici, nous nous sommes parlé et nous nous sommes bien compris. Tout le monde y gagne.

Bira (villageois) :
(D’un ton accusateur)Alors vous êtes complices d’un système que vous entretenez plutôt que de le combattre. Je pense que les entrepreneurs devraient lutter contre ce système pour leur propre intérêt et pour le nôtre aussi. N’avez-vous pas une association? Vous pourriez gagner de grandes batailles si vous étiez unis. Vous, les gens de la ville, vous savez bien cela.

Laré (entrepreneur) :
(Très surpris)Tu me fais peur, toi! Tu n’es pas si ignorant que je le pensais. Ne me crée pas d’ennuis. En tous cas, je ne t’ai rien dit. Tout ce que j’ai dit n’était qu’une histoire.

Bira (villageois) :
(L’air moqueur)Rien qu’une histoire? Mais tout de même instructive. J’en parlerai au cours de la prochaine réunion des exploitants de la plaine de Zamana. Nous pourrions peut-être vous être utiles un jour. On ne sait jamais.

Laré (entrepreneur) :
En quoi cette histoire peut-elle intéresser les exploitants de la plaine de Zamana? Où vas-tu chercher une idée pareille? Je te le dis, ce n’était qu’une histoire.

Bira (villageois) :
Une histoire qui ne laissera tout de même personne indifférent. Je t’ai écouté attentivement et je sais de quoi tu parles. Je voudrais partager cette histoire avec les exploitants de la plaine. Nous sommes des victimes involontaires de votre système. Cette histoire a besoin d’être contée et connue de tous.

Laré (entrepreneur) :
Es-tu sérieux?

Bira (villageois) :
Je ne t’ai pas supplié pour que tu me racontes ce que je viens d’entendre. N’est-ce pas?

Laré (entrepreneur) :
(Pause, parlant lentement) J’en parlerai à mes collègues. Peut-être que nous pouvons dénoncer cette corruption. Je me réjouis de n’avoir pas perdu mon temps avec toi. J’avoue que ça a été une bonne rencontre.

Présentateur :
Plusieurs jours passent. Un soir, le crieur public enfourche sa bicyclette et circule à travers le village.

Monda (crieur public) :
(Voix forte et claire) Population de Zamana, hommes, femmes, vieillards et jeunes, je vous salue. Par ma voix et avec l’autorisation du chef, le président des exploitants de la plaine vous convie à une grande assemblée, demain matin à neuf heures, sous le grand arbre. Le président voudrait vous entretenir sur ce qui se passe sur la plaine. Tout le monde est invité sous le grand arbre demain matin, à neuf heures, pour recevoir des informations. Je vous remercie d’avance.

Population de Zamana, hommes, femmes, vieillards et jeunes, je vous salue. Par ma voix…
(la voix se répète et se fond)

Acknowledgements

Rédaction: Adama G. Zongo, journaliste à Jade Productions, Burkina Faso, partenaire stratégique de Radios Rurales Internationales.
Révisé par: Erik Nielsen, gestionnaire de programmes nationaux, Réseau d’Intégrité de l’Eau (WIN), et Alexandra Malmqvist, coordonnatrice adjointe des communications, Réseau d’Intégrité de l’Eau (WIN).

Merci à: Christophe Tiemtore, directeur provincial de l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques du Zoundwéogo

Information sources

Entrevues réalisées le 4 février, le 2 avril et le 6 avril 2010 :
●   Youssouf A. Guindo, médiateur au 2iE à Ouagadougou
●   François Nikiema, chargé des programmes du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC)
●   Issa Sorgho, ONG Eau Vive
●   Atelier de planification WIN-Afrique de l’Ouest tenu le 6 avril 2010 à Ouagadougou