Les activités agricoles commerciales peuvent nuire aux moyens de subsistance des collectivités locales : Le cas de Western Farms

Gestion de l'eauQuestions sociales

Notes au radiodiffuseur

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Le présent texte est un récit fictionnalisé des répercussions, sur la collectivité agricole locale, de la création d’une ferme commerciale établie sur un marais dans la région des Grands Lacs en Afrique.

Le marais Odaba (nom fictif) est un marais de plus de 200 kilomètres carrés situé dans la région des Grands Lacs en Afrique. Deux rivières importantes filtrent et nettoient leurs eaux dans le marais. Il fournit un habitat pour des espèces de poissons qui ont disparu des Grands Lacs. Des espèces d’animaux sauvages habitent également les papyrus qui poussent dans le marais et c’est aussi une aire importante pour les oiseaux.

Pendant longtemps, la forte population entourant le marais en dépendait pour ses moyens de subsistance – la pêche, l’agriculture et le pâturage. Le tissage du papyrus issu du marais lui permet également de fabriquer des paillassons, des paniers et des toits de chaume. Enfin, elle est tributaire du marais pour s’approvisionner en eau potable.

Les inquiétudes au sujet du marais sont nées il y a quelques années lorsqu’une compagnie américaine appelée Western Farms Ltd a obtenu des autorités gouvernementales régionales un bail à long terme pour faire pousser du riz.

La compagnie a dévoilé ses plans pour construire une centrale hydroélectrique et une grosse entreprise d’aquiculture, incluant des fermes piscicoles, une usine de transformation du poisson et une usine de farine de poisson. La construction de digues d’irrigation et d’un déversoir, de bandes d’atterrissage et de routes a commencé presque aussitôt. Tous ces développements pourraient endommager le fragile écosystème du marais bien au-delà des quelques milliers d’hectares couverts par le bail de Western Farms.

Le présent texte examine les conditions de travail des habitants locaux à la ferme et entend également des agriculteurs locaux parler de l’impact de Western Farms sur leurs activités agricoles.

Vous pourriez vous inspirer de ce texte pour faire des recherches et rédiger un texte sur un sujet semblable dans votre région. Ou encore vous pourriez choisir de produire ce texte dans votre station en utilisant des voix d’acteurs pour représenter les gens qui parlent.

Texte

Animatrice :
Bonjour tout le monde. Aujourd’hui, nous allons écouter la première partie de notre émission portant sur les événements survenus au marais Odaba où une compagnie américaine du nom de Western Farms s’est lancée dans la riziculture et la pisciculture. Restez à l’écoute. Au micro votre animatrice et présentatrice Rhoda Adala.

Courte pause musicale

Animatrice :
Nous nous sommes rendus dans la compagnie Western Farms et nous nous sommes présentés à un surintendant comme des étudiants universitaires effectuant une recherche. Nous l’avons fait parce que Western Farms a comme politique de ne pas parler aux journalistes. Le surintendant nous a accueillis froidement, puis il est parti devant nous. Ensuite, nous nous sommes rendus dans une aile de la ferme. Après avoir parcouru un kilomètre en voiture, nous nous sommes dirigés à pied vers un groupe de travailleurs supervisés par une femme.

Intervieweur :
Comment allez-vous?

Superviseure :
Bien, merci.

Intervieweur :
Nous aimerions faire une brève visite avec vous.

Superviseure :
Êtes-vous passés au bureau?

Intervieweur :
Non, nous ne sommes pas passés au bureau. Êtes-vous la superviseure responsable de cette aile de la ferme?

Superviseure :
Oui.

Intervieweur :
Nous aimerions vous parler.

Superviseure :
En privé ou ici?

Intervieweur :
Cela ne nous dérange pas de parler ici. Nous sommes des étudiants universitaires et nous effectuons une recherche sur les droits humains et nous recueillons donc des données sur le terrain.

Superviseure :
C’est d’accord.

Voix de travailleurs et bruit d’une moto qui passe en arrière-plan

Intervieweur :
Tout d’abord, nous aimerions connaître les activités qui se déroulent dans cette ferme.

Superviseure :
Essentiellement, Western Farms a été lancée pour reconquérir cette terre. C’était un marais. Une façon cruciale de reconquérir des terres marécageuses, c’est en les cultivant. Nous avons commencé avec la culture du maïs, mais cela n’a pas bien marché à cause d’inondations qui ont ralenti la croissance du maïs. Cette culture a été abandonnée et le principal projet de riziculture a débuté.

En dehors de cela, nous avons une entreprise d’aquiculture, qui est une pisciculture commerciale. Si vous marchez plus loin, vous verrez des étangs pour la pisciculture intensive. De l’autre côté, nous reproduisons des poissons. Nous sommes capables de fournir tout le pays en alevins d’un an.

Nous ne cultivons pas les bananes, comme vous pourriez le penser en voyant ces bananiers. Entre les rangées de bananiers, vous pouvez voir de l’eau. La principale activité dans ces eaux est la production de nourriture pour les poissons et il s’agit de lentilles d’eau. Les bananiers sont présents parce que les lentilles d’eau sont affectées par les températures élevées. Les bananiers fournissent de l’ombre aux lentilles d’eau.

Nous pratiquons aussi l’aviculture. Nous avons besoin de phosphore, même pour les bananiers, et nous constatons que le fumier de poulet est très riche en phosphore. Alors, au lieu d’acheter de l’engrais phosphaté (du DAP), nous utilisons le fumier des poulets. Nous vendons également des poulets et des œufs. Mais les principaux produits chez Western Farms sont le riz et les poissons.

Intervieweur :
Est-ce que la collectivité locale peut acheter directement les produits de la ferme? Ou bien sont-ils transportés ailleurs à des fins de transformation et reviennent-ils ensuite pour la vente dans la collectivité?

Superviseure :
Nous avons une rizerie dans la ferme et nous transformons aussi notre poisson sur place. Cela bénéficie directement à la collectivité car les habitants peuvent obtenir le produit frais de la ferme afin qu’il soit acheminé vers d’autres consommateurs. Nous les emmenons simplement au bureau afin qu’ils obtiennent des reçus pour leurs achats.

Mais nos prix sont plus élevés pour la collectivité locale que dans les autres régions. Par exemple, si vous allez en ville, vous constaterez qu’un sac de deux ou cinq kilos de notre riz coûte beaucoup moins cher comparativement à nos ventes locales.

Intervieweur :
Les prix élevés signifient donc que les habitants locaux éprouvent des difficultés à acheter localement?

Superviseure :
Oui. Même le poisson est vendu au kilo et non à la pièce, comme c’est le cas au bord du lac. Cela rend le produit coûteux, même si l’accès en est facile.

Intervieweur :
Merci de nous avoir parlé aujourd’hui.

Animatrice :
C’est la fin de la première partie de notre série sur le marais Odaba. Restez à l’écoute pour la deuxième partie.

Pause musicale

Animatrice :
Bonjour, chers auditeurs et auditrices. Bienvenue à la deuxième et dernière partie de notre série sur le marais Odaba. Le thème d’aujourd’hui porte sur l’impact de Western Farms sur la collectivité locale entourant le marais Odaba. Nous allons entendre les points de vue d’agriculteurs sur le projet. Restez à l’écoute!

Intermède musical de dix secondes qui se termine en fondu enchaîné sous la voix de l’intervieweur

Intervieweur :
Je me trouve dans la région du marais Odaba où se situe le projet de Western Farms. Je m’entretiens avec un des membres de la collectivité. (S’adressant au membre de la collectivité) À votre avis, quel est l’impact du projet du marais Odaba et de Western Farms sur la collectivité locale?

Personne interviewée 1 :
Merci. Je dois dire que nous ne sommes pas privilégiés d’habiter près du projet. Nous sommes maintenant comme des esclaves qui n’ont pas leur mot à dire sur ce qui était autrefois notre terre, et même sur la terre que nous possédons actuellement.

Intervieweur :
Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce que vous voulez dire?

Personne interviewée 1 :
Nous avions l’habitude de cultiver dans cette région. Nous pouvions obtenir une récolte même si la saison des pluies était courte car les cultures avaient assez d’eau. Mais maintenant nous ne pouvons plus faire pousser de cultures pendant les courtes saisons des pluies parce que nous avons dû déménager dans des fermes pratiquant l’aridoculture qui a besoin de pluie pour donner une bonne récolte.

Intervieweur :
Quelle est la probabilité que d’autres agriculteurs et vous-même puissiez irriguer vos fermes avec l’eau du marais afin de pouvoir obtenir à nouveau de bons rendements?

Personne interviewée 1 :
Ce serait très difficile car il est interdit de puiser l’eau du marais pour votre ferme. Si nous ne pouvons même pas amener nos vaches pour boire l’eau, pensez-vous qu’on nous permettra d’utiliser la même eau à des fins d’irrigation? Nos vaches ne sont même pas autorisées à pénétrer dans les parties non développées du marais pour y paître ou boire de l’eau.

Intervieweur :
Et qu’en est-il de l’irrigation de vos fermes en détournant l’eau de la rivière?

Personne interviewée 1 :
C’est trop compliqué et très coûteux. Nous ne pouvons pas nous le permettre. Il est plus facile d’utiliser l’eau du marais que celle de la rivière. Franchir les berges surélevées de la rivière avec l’eau pour atteindre la ferme exige de la technologie. Mais, dans le marais, il suffit d’un peu d’énergie et le tour est joué. Même si vous parvenez à irriguer votre ferme, vous pourriez vous voir offrir très peu d’argent le mois suivant pour déménager ailleurs pour cause d’expansion du projet. Si vous refusez de déménager, ils obstruent la rivière près de votre demeure ou de votre ferme et l’eau inonde ensuite votre terre. Cela vous oblige à déménager et ensuite on vous paie pour vous établir la où vous ne voulez pas habiter.

Un voisin s’approche et se joint à la discussion

Personne interviewée 2 :
Je suis également un agriculteur de cette région. Dans la mesure où nous essayons de travailler sur nos fermes, des choses sont hors de notre contrôle. Parfois, l’eau de la rivière est obstruée et nos fermes et demeures sont inondées, y compris nos jardins potagers sur lesquels nous comptons tellement. Avec les inondations surviennent les risques de maladies d’origine hydrique et de ralentissement de la croissance de nos cultures. Tout cela est fait sans notre consentement ou à notre insu. Ils n’envisagent pas d’obstruer la rivière après nos récoltes. Tout cela aboutit à des rendements faibles sur nos fermes et à la mort de notre bétail.
Intervieweur :
Avez-vous soulevé vos inquiétudes d’une seule et même voix en tant que collectivité?

Personne interviewée 1 :
Nous avons fait cela plusieurs fois par l’intermédiaire de nos leaders. Ils commencent avec beaucoup d’enthousiasme, mais ils sont quelque peu réduits au silence en recevant un peu d’argent. Ensuite, ils se taisent.

Personne interviewée 2 :
Un leader, dont je préfère taire le nom, a refusé d’accepter le pot-de-vin. Mais nous avons entendu dire qu’il avait été menacé de congédiement de son poste de fonctionnaire s’il faisait des vagues. J’estime qu’il est difficile de s’attaquer à plus fort que soi avec Western Farms car le propriétaire semble puissant sur le plan politique. Je veux dire qu’il a mis dans sa poche les politiciens qui sont censés se pencher sur nos problèmes.

Personne interviewée 1 :
Dernièrement, conseiller de la région a pris la question très au sérieux et nous anticipions de bons résultats. Mais, à la fin, il est également devenu silencieux. Maintenant, nous ne savons pas s’il s’est vu offrir un montant d’argent ou s’il a été menacé ou intimidé. Malgré notre proximité du marais et de la rivière, nous manquons d’eau potable à boire ou à usage domestique et aussi pour cultiver et donner à boire à nos animaux.

Animatrice :
Chers auditeurs et auditrices, nous espérons que vous avez écouté les agriculteurs habitant autour du marais Odaba. Merci aux agriculteurs qui nous ont parlé aujourd’hui. Merci à vous, chers auditeurs et auditrices, pour votre attention. Au revoir et à la prochaine.

Augmentez le volume de l’indicatif musical pour mettre fin à l’émission

Acknowledgements

Rédaction : Fredrick Mariwa, réalisateur d’émissions radiophoniques.
Révision : Erik Nielsen, gestionnaire de programmes nationaux, Réseau d’Intégrité de l’Eau (WIN), et Alexandra Malmqvist, coordonnatrice adjointe des communications, Réseau d’Intégrité de l’Eau (WIN).
Traduction : Jean-Luc Malherbe, Société Ardenn, Ottawa, Canada.