Un agriculteur utilise de bonnes pratiques de conservation des stocks d’ignames et améliore ses conditions de vie

Activités après récolte

Notes au radiodiffuseur

Les ignames sont un des aliments les plus populaires pour la consommation, à travers le monde. Elles constituent un aliment de base dans plusieurs pays. En Afrique subsaharienne, l’igname est l’une des richesses agricoles. Elle joue un rôle important dans la nutrition et dans le bien-être économique des populations rurales.
Cependant, l’igname est difficile à conserver. En effet, à cause de sa vulnérabilité aux ravageurs, elle subit des pertes significatives. Pour assurer que les familles aient suffisamment à manger, et pour améliorer le revenu des agriculteurs, il est urgent de promouvoir des solutions de gestion post-récolte de l’igname afin qu’elle puisse être disponible sur une période beaucoup plus longue, après la récolte.

Le texte ci-dessous raconte l’histoire d’un agriculteur qui a changé ses conditions de vie en adoptant de bonnes pratiques de stockage des ignames. Ces méthodes de stockage peuvent être appliquées par les agriculteurs pour réduire leurs pertes post-récolte et maximiser leurs revenus.

Ce texte est basé sur d’authentiques interviews. Il pourrait vous servir d’inspiration pour conduire une recherche et pour écrire un texte sur un sujet similaire touchant votre région. Alternativement, vous pourriez choisir de produire ce texte dans votre station, en ayant recours aux voix d’acteurs pour représenter les personnages. Le cas échéant, veuillez vous assurer d’informer l’auditoire, au début de l’émission, que les voix sont celles d’acteurs, et non celles des personnes impliquées dans l’interview originale.

Texte

Personnages:

Animateur
Intervieweur
L’agriculteur innovateur, Adjèxwé
1er agriculteur, Agossou
2ème agriculteur, Gbiglo

Montée de l’indicatif musical pour débuter l’émission et fondu enchaîné sous la voix de l’animateur

Animateur:
Bonjour, chers auditeurs et auditrices de radio FM locale! Durant l’émission d’aujourd’hui, nous allons vous parler de bonnes pratiques de stockage des tubercules d’igname. À ce propos, je vous invite à écouter ici un agriculteur qui réussit à bien stocker ses ignames sur une longue période, ce qui lui permet d’améliorer son revenu. Il explique au micro de notre intervieweur le secret de son succès.

EFFETS SONORES:
Chants d’oiseau et divers bruits de la nature. Fondu enchaîné sous la voix de l’agriculteur.

Adjèxwé:
Je m’appelle Adjèxwé. Je suis producteur d’ignames ici, à Tchogodo, un village de Savalou, dans le centre du Bénin. Je suis marié et j’ai douze enfants. Mes deux épouses sont là-bas, en train de faire des travaux champêtres.

Intervieweur:
Je constate que votre champ d’ignames s’étend à perte de vue. Apparemment, vous aimez faire pousser l’igname beaucoup plus que d’autres cultures. Est-ce parce que la culture d’igname est plus facile que les autres cultures?

Adjèxwé:
Non, ce n’est pas si facile que ça! L’igname est une culture aussi difficile à cultiver qu’à conserver; mais elle est plus rentable si on en prend bien soin.

Intervieweur:
Rentable, parce qu’elle se vend plus cher que les autres produits vivriers?

Adjèxwé:
Oui, l’igname devient de plus en plus chère quelques mois après la récolte.

Intervieweur:
Pourquoi l’igname devient plus chère à ce moment-là?

Adjèxwé:
Les ignames mal stockées se gâtent vite. Par peur de les perdre, beaucoup d’agriculteurs préfèrent vendre les ignames tout de suite après la récolte. Du coup, la quantité de tubercules de bonne qualité offerts sur le marché diminue peu de temps après la récolte, et il y a souvent pénurie. La demande étant forte et l’offre réduite, les prix des ignames augmentent considérablement avant la nouvelle récolte.

Intervieweur:
Malgré le fait que les ignames sont difficiles à stocker, vous cultivez les ignames à grande échelle. Vous les stockez pour les vendre plus cher, ou vous les vendez à vil prix aussitôt après la récolte?

Adjèxwé:
Avant, je ne parvenais pas à bien stocker mes ignames, alors je les vendais à vil prix aussitôt après la récolte. Cela ne m’arrangeait pas du tout car je perdais de l’argent. Je travaillais très dur sous le soleil et sous la pluie pour entretenir le champ d’ignames. J’y investissais beaucoup d’argent. Et à la récolte, je vendais les ignames à vil prix. C’était vraiment une perte! Et je n’arrivais pas à répondre aux besoins de ma famille.

Intervieweur:
Et maintenant?

Adjèxwé:
Vous savez, le premier souci des agriculteurs est de trouver des solutions à leurs problèmes afin d’améliorer leurs revenus. Ainsi, lorsque les mauvaises conditions d’entreposage grugeaient mon revenu et mon moral, j’ai commencé à expérimenter différentes pratiques. De fil en aiguille, j’ai fini par découvrir qu’il est important d’associer plusieurs bonnes pratiques.

Intervieweur:
De quelles pratiques s’agit-il? Parlez-nous en, M. Adjèxwé.

Adjèxwé:
Il s’agit notamment de la construction d’une case à étagères.

Intervieweur:
À quoi sert la case à étagères?

Adjèxwé:
La case à étagères que voici m’aide à bien stocker mes tubercules d’igname. Avant de construire cette case, j’ai tout d’abord cherché un endroit plat, comme vous pouvez le constater. Le site devant abriter une telle case de stockage doit être plat et légèrement surélevé.

Intervieweur:
Pourquoi le site doit-il être plat et surélevé?

Adjèxwé:
C’est pour éviter les inondations et l’érosion en période de pluies.

Intervieweur:
Après le choix du site, vous avez fait quoi d’autre?

Adjèxwé:
J’ai construit les murs de la case avec du banco. La case peut être rectangulaire ou circulaire. Comme vous le voyez, la mienne est rectangulaire. J’ai ensuite couvert le haut de la case avec de la paille. La case dispose d’une porte d’entrée et d’ouvertures d’aération tout autour, le long des murs. Large de 15 centimètres et haute de 15 centimètres, chacune de ces ouvertures d’aération est couverte de grillage en bâtonnets pour empêcher les rongeurs d’y pénétrer. Allons à l’intérieur. (Quelques secondes de silence, puis bruit de pas) Comme vous le voyez, j’ai construit des étagères en bois le long des murs. Il y a trois niveaux: inférieur, moyen et supérieur.

Intervieweur:
Quelles sont les dimensions de cette case?

Adjèxwé:
La case mesure six mètres de long sur quatre mètres de large et près de deux mètres de haut. Chaque étagère a une hauteur d’environ trois quarts de mètre. La case a trois étagères. Les étagères sont à environ un mètre de distance.

Intervieweur:
À quoi servent ces ouvertures se trouvant le long du mur?

Adjèxwé:
Ces ouvertures laissent entrer de l’air frais dans l’entrepôt. Cela aide à maintenir la fraîcheur. C’est pourquoi il faut faire les ouvertures d’aération tout autour, dans les murs, à un mètre de distance l’une de l’autre.

Interviewer:
Après la construction de la case, vous faites quoi d’autre pour stocker les ignames de façon efficace?

Adjèxwé:
Après la construction de la case à étagères, j’accorde un soin particulier aux tubercules d’igname que je veux stocker.

Intervieweur:
En quoi faisant?

Adjèxwé:
Je récolte les tubercules dès le jaunissement complet des lianes et des feuilles. Cela réduit les dégâts causés par des maladies ou des ravageurs dans le champ. Aussi, j’évite d’égratigner les tubercules lors de la récolte. Je mets systématiquement de coté tous les tubercules endommagés. Ma famille et moi les consommons. C’est donc uniquement les ignames en bon état que je stocke.

À l’intérieur de la case, je dispose les tubercules sur les étagères pour qu’il soit facile d’enlever d’éventuelles pousses dès leur apparition. Je sépare les petits tubercules des gros. J’arrange les petites ignames par lots de cent kiloset les gros tubercules par lots de deux cent cinquante kilos. Je ne mélange pas les tubercules de différentes variétés. Je m’assure que chaque lot comporte des tubercules de la même variété.

Intervieweur:
Y a-t-il d’autres précautions que vous prenez?

Adjèxwé:
Oui. Le soin aux tubercules d’igname commence bien avant le semis. Tout d’abord, avant de planter les ignames, je sélectionne seulement des semences d’igname saines. Ces semences doivent provenir de tubercules de taille moyenne et de forme régulière. Une fois que j’ai sélectionné les semences, je les plante sur des sols fertiles non infestés par les tous petits vers appelés nématodes, les termites ou autres organismes nuisibles susceptibles de nuire aux tubercules. Pour éviter l’infestation des sols par les nématodes, j’y fais la culture d’ignames en rotation avec le niébé, l’arachide et le maïs.

Intervieweur:
Une fois que vous prenez ces dispositions, vous obtenez une bonne récolte, à la fin?

Adjèxwé:
Oui, absolument! Avant de disposer les ignames récoltées sur les étagères, je saupoudre les étagères de cendre de cuisine. Je tamise d’abord la cendre à l’aide d’une boîte vide et perforée de lait ou de tomates. J’utilise cette cendre pour couvrir les tubercules.

Intervieweur:
À quoi sert la cendre de cuisine?

Adjèxwé:
La cendre de cuisine protège contre les ravageurs. L’odeur et le goût de la cendre empêchent les ravageurs d’attaquer les ignames stockées.

Intervieweur:
Parfait! Après avoir pris toutes ces précautions, vous pouvez stocker vos tubercules pendant combien de temps?

Adjèxwé:
Le temps d’une récolte à une autre, soit environ dix mois.

Intervieweur:
Et lorsque vous avez combiné toutes ces bonnes pratiques, est-ce que ça a bien fonctionné?

Adjèxwé:
Oui, très bien! J’ai observé une nette amélioration. Je n’ai plus eu d’ignames pourries dans mon espace de stockage. Les ravageurs ne parviennent plus à causer des dégats au niveau de mes ignames. Ces pratiques me permettent aussi de stocker mes ignames au moins pendant dix mois. Depuis ce temps-là, j’ai continué d’appliquer ces bonnes pratiques de stockage.

Intervieweur:
Cela a-t-il amélioré vos revenus?

Adjèxwé:
Évidemment! Grâce à ce système de stockage, je parviens à vendre mes ignames lorsque le prix augmente. En cette période, les ignames sont peu disponibles. Je profite donc beaucoup du système de stockage, ce qui me permet de mieux subvenir aux besoins vitaux de ma famille.

Je trouve de l’argent pour payer les frais de scolarité de mes enfants. On les soigne au dispensaire quand ils sont malades. Grâce à ces améliorations, j’ai reconstruit ma maison en briques. Je l’ai couverte de tôles. J’ai aussi acheté cette moto pour mes déplacements personnels. Les autres agriculteurs du village voient les bénéfices dont je jouis, cela les motive, et ils commencent à adopter de bonnes pratiques de stockage des ignames.

Intervieweur:
Beaucoup d’agriculteurs du village s’inspirent de l’expérience d’Adjèxwé et commencent à adopter des bonnes pratiques de stockage des ignames, comme Adjèxwé. Un de ces agriculteurs est justement ici. Il s’appelle Agossou. Il nous explique pourquoi il a décidé d’abandonner les autres méthodes de stockage d’igname et de suivre les pratiques d’Adjèxwé.

Agossou:
Il existe beaucoup de méthodes de stockage. Il y a, par exemple, les fosses, les silos en tranchées et l’entassement dans les champs. Mais ces méthodes ne protègent pas efficacement les tubercules contre les ravageurs. Avec ces méthodes, c’est difficile et parfois impossible de surveiller de façon continue les tubercules une fois stockés. Par conséquent, c’est seulement après avoir retiré les tubercules de l’entrepôt qu’on constate les dégâts.

Intervieweur:
Mais avec la case à étagères, il est facile d’inspecter et de gérer ses ignames, n’est-ce pas?

Agossou:
Absolument! C’est d’ailleurs pourquoi je suis venu voir Adjèxwé: pour recevoir ses conseils, et parfaire la construction de ma case à étagères.

Intervieweur:
En plus d’Agossou, il y a un autre agriculteur qui a de l’expérience en matière d’adoption de bonnes pratiques de stockage d’ignames. Il s’appelle Gbiglo. En suivant les conseils d’Adjèxwè, il a tiré profit de sa récolte. Il nous explique pourquoi il faut inspecter régulièrement la case à étagères.

Gbiglo:
L’inspection permet à l’agriculteur de contrôler l’état du toit de la case, et de vérifier si des ignames ont commencé à pourrir. S’il y a des ignames pourries, on devrait les retirer immédiatement pour éviter la progression de la contamination. On doit également enlever les tubercules partiellement atteints, et aussi les pousses, avant qu’elles n’atteignent la longueur de 50 cm. Une inspection régulière permet de maintenir une bonne hygiène dans la case.

Au cours de l’inspection, on devrait nettoyer l’intérieur de la case et les alentours de la case. On retire les mauvaises herbes, et on les balaie. Si nécessaire, on peut aménager des rigoles tout autour de la case pour éviter l’érosion ou les inondations en saison de pluies.

Intervieweur:
À quelle fréquence faites-vous cette inspection?

Gbiglo:
Toutes les deux semaines.

Intervieweur:
Ce n’est pas pénible pour vous de faire tout ça, juste pour skocker des ignames?

Gbiglo:
Même si c’est pénible, c’est très avantageux pour moi d’utiliser un système de stockage qui est conçu pour rallonger la période durant laquelle je peux vendre mes ignames. Cela me permet d’augmenter mes revenus en offrant des ignames saines, aussi longtemps que possible.

Montée de l’indicatif de fin, soutenu sous la voix de l’animateur

Animateur:
Chers amis agriculteurs, vous aussi, vous pouvez utiliser de bonnes pratiques de stockage des ignames, comme M. Adjèxwé et les agriculteurs de Tchogodo. Appliquez soigneusement ces bonnes pratiques pour disposer de vos ignames tout le long de l’année. Ainsi, vous pourrez les commercialiser quand les prix sont élevés. Cela va vous aider à améliorer vos revenus.

Ainsi prend fin l’émission d’aujourd’hui. Merci de l’avoir suivie. Au revoir et à la prochaine.

Acknowledgements

Rédaction: Félix Houinsou, animateur d’émission consacrée à l’agriculture, Radio Immaculée Conception, Bénin, un partenaire radiodiffuseur de Radios Rurales Internationales.
Révisé par: Peter Golob, consultant post-récolte

Information sources

– Entretien avec M. Adjèxwé et autres agriculteurs de Savalou, au centre du Bénin, le 26 septembre 2010.
– Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), 1999. Stockage de l’igname axé sur les besoins du marché, GTZ. http://www.fao.org/inpho/content/documents/vlibrary/move_rep/x0292f/X0292f00.htm
– Mathias Kpanou, non daté. Conservation des tubercules d’igname. http://www.runetwork.de/html/fr/index.html?article_id=2631