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Certaines stations sont situées dans des régions éloignées, et n’ont nullement accès àdes connexions Internet rapides et à de bons réseaux de téléphonie mobile. D’autres stations de radio disposent de bons services, mais elles desservent des auditrices et des auditeurs qui se trouvent dans des régions ne disposant pas de ces ressources. Dans les deux cas, il peut être difficile d’interagir avec l’auditoire à l’aide du téléphone ou de services, tels que bip-à-voter qui nécessitent de bons réseaux mobiles ou de médias sociaux tels que Facebook.
Il n’y a pas si longtemps, les stations de radio rurales interagissaient avec leurs auditoires de deux manières, soit à travers des visites individuelles, organisées dans la station de radio ou dans la communauté, soit par les lettres envoyées par les auditrices et les auditeurs. Toutefois, même ce genre d’interaction s’avère parfois difficile. Les déplacements en direction et en provenance de communautés éloignées peuvent être problématiques, surtout en saison pluvieuse. Le courrier peut être lent et peu fiable.
Le présent guide pratique pour les radiodiffuseurs met en vedette deux stations qui ont été confrontées à ces situations et qui ont trouvé des méthodes ingénieuses pour interagir avec leur auditoire et intégrer les auditrices et les auditeurs à leurs émissions.
Izuba Radio
Izuba Radio est un partenaire radiodiffuseur de Radios Rurales Internationales à Kibungo, dans la Province Orientale du Rwanda. La station a développé un moyen d’interaction avec ses auditrices et ses auditeurs, et qui est basé sur le concept traditionnel rwandais, imboni, qui signifie «le centre de l’œil.»
Les Imboni sont les points de contact de la station au sein de la communauté. Les Imboni:
- informent la station par rapport aux histoires de la communauté qui doivent faire l’objet d’un reportage
- fournissent des réponses sur les thèmes traités sur les ondes
- apportent leur contribution à la réalisation d’émissions en direct sur le terrain
- proposent des solutions visant à améliorer les émissions de la station
- expliquent les tarifs et les politiques de publicité pour permettre aux auditrices et aux auditeurs de faire la publicité de leurs produits sans avoir à effectuer de longs voyages d’affaires pour se rendre à la station
- font des reportages sur les histoires de leur communauté et les envoient à la station. Par la suite, les journalistes d’Izuba Radio prennent connaissance des histoires, font le montage des textes et les diffusent sur les ondes.
Izuba Radio emploie environ 100 imboni à travers les quatre provinces du Rwanda, ainsi qu’un en Ouganda. La station a aidé les imboni à former de petits groupes d’entraide pour se soutenir mutuellement.
Les histoires rapportées par les imboni sont pour la plupart rédigées à la main et doivent être transportées sur des longues distances avant de parvenir à la station, même si récemment, la station a instauré une ligne téléphonique à partir de laquelle les imboni peuvent enregistrer leurs histoires sans avoir à se déplacer à la station.
Izuba Radio forme certains imboni sur le modèle de narration d’entrevue qu’elle utilise, et ce, en partenariat avec IREX Rwanda et Search for Common Ground. La station offre également aux imboni un cours de remise à niveau sur les compétences journalistiques de base chaque année.
Les imboni jouent un rôle très important dans la programmation d’Izuba Radio. Ils ont aidé la station à créer les émissions suivantes qui figurent actuellement sur la grille-horaire de la station.
- Inshuti za Izuba Radio, ou «Amis de l’heure de l’émission d’Izuba Radio.» Cette émission est animée par des imboni qui présentent des exemples de réussite de leur village, surtout dans le domaine agricole. Comme l’émission est animée par des membres de la communauté, plusieurs auditrices et auditeurs sont attirés par elle. En entendant leurs camarades du village s’exprimer sur les ondes, les auditrices et les auditeurs affirment qu’ils ont l’impression de faire partie de l’équipe de la station de radio.
- Une émission-débat diffusée en direct, intitulée Abaijyinama ou «Partageons nos points de vue et nos idées» a invité des parlementaires à venir parler d’unité et de réconciliation au Rwanda. Lors d’une émission, un groupe d’imboni a appelé et a demandé à participer à l’émission pour parler de questions foncières et de conflits. Un groupe de parlementaires a organisé une émission de suivi durant laquelle on a surtout parlé de questions foncières. L’émission a permis de régler les problèmes de plusieurs personnes.
- La troisième émission s’intitule Jya kumulimo OU «Lève-toi pour aller travailler» et passe de 5 h à 6 h du matin.
Radio Biso na Biso
Pendant de nombreuses années, Privat Tiburce Massanga a dirigé la station de radio communautaire du nom de Radio Biso na Biso, à Pokola, une localité située dans la région forestière du nord du Congo. La station servait aussi bien les villages bantous que les villages indigènes ou mbendjele situés dans son rayon de diffusion. Les villages de cette région sont difficiles d’accès, en raison de l’absence d’un réseau routier ou d’autres moyens de transport.
Radio Biso na Biso interagit avec ses auditrices et ses auditeurs au moyen des téléphones cellulaires, à travers l’envoi de courrier de surface et par l’intermédiaire de journalistes communautaires qui enregistrent les voix des villageoises et des villageois.
La station a des journalistes communautaires dans certains villages, et surtout dans les villages mbendjele. Leur rôle consiste à enregistrer les points de vue et les messages des villageoises et des villageois, et effectuer des enregistrements sur des manifestations culturelles, tels que les festivals et les cérémonies traditionnelles. Les journalistes communautaires envoient leurs enregistrements sur cassette à la station lorsqu’une occasion se présente, soit par camion, par motocyclette, par pirogue, soit en confiant les cassettes à une personne qui se rend dans la zone où se trouve Radio Biso na Biso.
Les villageoises et les villageois peuvent ainsi écouter leurs messages personnels à la radio, y compris leurs réactions pendant d’autres émissions diffusées par la station. Ceux et celles dont les voix sont diffusées sont identifiés par leur nom et leur village.
Parfois, le thème d’une émission ou d’une personne porte sur un problème si «courant» que tous les gens du village s’emparent du journaliste communautaire, cherchant eux aussi à répondre aux questions. Lorsque de telles situations surviennent, les journalistes organisent un tirage au sort pour choisir deux ou trois personnes, en vue d’enregistrer leurs réponses en public pour les envoyer ensuite à la station. Pendant l’enregistrement, vous pouvez entendre des réactions positives ou négatives des autres villageoises ou villageois d’après chaque mot ou chaque phrase figurant sur la cassette
Bien évidemment, les problèmes ne manquent pas. À plusieurs reprises, les cassettes envoyées par les journalistes communautaires ont dévié de chemin avant d’avoir atteint leur destination. Cela s’explique par le fait que la personne transportant le message a changé de direction (par exemple, le transporteur peut être un pêcheur ou un chasseur qui a changé de direction pour aller vendre ses produits sur de meilleurs marchés), ou que les cassettes ont été égarées pendant le transit. Parfois, la personne transportant la lettre sillonne la brousse pendant plusieurs jours, visitant de nombreux villages. Il y a eu également des moments où le contenu des cassettes ne concordait pas avec le thème, probablement à cause du fait que les personnes qui les avaient expédiées étaient très peu instruites
La station a mis sur pied un système de rétroaction pour connaître les réactions des villageois et des villageoises, qui sont recueillies par les journalistes communautaires. Par exemple: les villageoises et les villageois ont demandé qu’une émission particulière offre plus de musiques traditionnelles, ce que la station a ensuite fait.
En outre, la station a répondu aux questions enregistrées des villageoises et des villageois, à propos du VIH et du SIDA, y compris des questions sur les tests de dépistage du VIH et le soutien apporté aux personnes qui utilisent les antirétroviraux. La station a pu également fournir aux auditrices et aux auditeurs des questions qu’ils ont posées au ministère des Forêts sur le problème de délimitation entre les aires protégées et les zones agricoles ou de chasse.
Si vous êtes confrontés aux mêmes difficultés que ces deux stations, vous pourriez peut-être tirer des enseignements de leurs expériences. Il se peut que vous ayez également trouvé d’autres moyens ingénieux pour toucher des auditrices et des auditeurs difficiles à rejoindre. Si tel est le cas, nous aimerions en savoir davantage. Veuillez nous contacter le rédacteur de RRI, Vijay Cuddeford à: vcuddeford@farmradio.org.