La plante miracle « zabila/lelle » ou henné : Point tournant de la sécurité alimentaire pour une petite exploitante agricole dans le nord du Ghana

Cultures agricoles

Notes au radiodiffuseur

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Madame Amina Nabala Adam, âgée de 46 ans, vit dans le village de Diare dans le nord du Ghana.

Lorsque Madame Amina Nabala Adam a perdu son mari il y a 12 ans, elle a essayé toutes les stratégies d’adaptation qu’utilisent habituellement les femmes du nord du Ghana. Elles englobent l’achat et la vente, pour lesquels la femme du nord se rend en camion de marché en marché, juste en vue d’obtenir assez pour nourrir la famille. En dehors du risque d’accidents automobiles, l’achat et la vente entraînent un problème d’endettement. Parfois, les femmes perdent de l’argent au lieu de faire des bénéfices. Cela signifie également que tout le temps ou l’argent qu’elles investissent dans l’affaire est perdu.

De nombreuses femmes et filles migrent également vers le sud du pays, ce qui ne les a pas vraiment aidées. Cela les expose plutôt à des maladies comme le VIH et le sida et provoque leur décrochage scolaire. Cette situation accroît les effectifs de décrocheurs scolaires et les mariages précoces dans la région du nord.

Après le décès de son mari, tout ce que Madame Amina a reçu comme part des biens de son mari, c’est une petite parcelle de terre d’environ un demi-acre. Mais même cela ne lui appartient pas – elle sera transférée à son fils aîné quand il sera assez vieux. Elle était la dernière des quatre veuves de son mari, dont les enfants adultes ont repris toutes les grosses fermes fertiles, le bétail et les autres biens.

Madame Amina a trouvé la solution à la famine constante de sa famille en cultivant une plante locale appelée zabila – henné en français – qui sert à produire des teintures fines. La vente de sa première récolte de zabila à des entreprises locales de produits cosmétiques l’a aidée à se diversifier vers la culture du maïs et des arachides et a accru le revenu de sa famille.

Une réalisatrice de radio communautaire du nom de Lydia Ajono a suivi l’histoire de Madame Amina Nabala Adam. Cette dernière cultive la plante zabila parce qu’elle peut en vendre les feuilles réduites en poudre et payer les frais de scolarité de ses enfants. Cela aide sa famille à survivre aux périodes de famine durant l’année, améliore leur nutrition et augmente le revenu familial.

Le présent texte repose sur des entrevues réelles. Vous pourriez vous en inspirer pour faire des recherches et rédiger un texte sur un sujet semblable dans votre région. Ou encore vous pourriez choisir de produire ce texte dans votre station en utilisant des voix d’acteurs pour représenter les gens qui parlent. Si tel est le cas, veuillez vous assurer de prévenir votre auditoire, au début de l’émission, que les voix sont celles d’acteurs et non pas des personnes initialement impliquées dans les entrevues.

Texte

Montée de l’indicatif musical pendant 20 secondes

ANIMATRICE :
Mes chers auditeurs et auditrices, c’est l’heure de votre émission favorite Pukpriba Saha (Note de la rédaction : Pukpriba Saha signifie «L’heure des agriculteurs» en langue dagbali du nord du Ghana).Bienvenue. Durant l’émission d’aujourd’hui, nous allons examiner quelques-unes des découvertes et des réalisations des agricultrices de notre pays. Au micro, votre animatrice Lydia Ajono.

Montée de l’indicatif musical puis fondu enchaîné sous la voix de l’animatrice

ANIMATRICE :
Au Ghana, nous avons entendu dire à maintes reprises que les femmes représentent environ 51 pour cent de la population du pays. Mais quelle part de leur contribution à l’économie nationale a été documentée? En agriculture, on a toujours pensé que les contributions des femmes étaient limitées aux cultures de moindre importance, notamment les légumes, les haricots et parfois les arachides.

Les femmes peuvent avoir accès à des terres pour cultiver. Mais à quel genre de terres? Il peut s’agir de terres infertiles ayant été abandonnées par des agriculteurs ou bien de terres contrôlées par un homme, la femme étant une ouvrière agricole.

Même lorsqu’une femme a la possibilité de cultiver, il est très coûteux et difficile pour elle de payer pour les intrants comme des semences améliorées ou des engrais. Parfois, la société catégorise les femmes agricultrices en disant qu’elles contribuent moins au revenu du ménage, ce qui engendre une faible estime de soi chez les femmes.

Lorsque Madame Amina Nabala Adam a perdu son mari il y a 12 ans, elle s’est retrouvée seule pour élever cinq enfants. Au beau milieu de ces difficultés, Madame Amina s’est souvenue d’une plante traditionnelle appelée zabila, ou henné, et des avantages de la cultiver. Cette plante merveilleuse lui avait été présentée par sa belle-mère plusieurs années auparavant. Madame Amina m’a raconté que la zabila avait été l’une des plantes de survie pour les villageoises lorsqu’il y avait des pénuries de nourriture dans les ménages. Je lui ai demandé quel était le secret pour cultiver la zabila.

MADAME AMINA :
Je me souviens que ma belle-mère me conseillait de ne jamais cesser de planter de la zabila. Il y a des années, j’avais l’habitude d’aider ma belle-mère à faire pousser quelques plantes. Un jour, après la mort de mon mari, lorsque les choses de ma vie et l’entretien de mes enfants allaient de mal en pire, je me suis mise à la recherche de graines de zabila.

J’ai commencé ma recherche dans la vieille ferme de ma belle-mère. J’y ai trouvé quelques graines de semence, j’ai semé une plate-bande, j’ai entretenu les semences et les graines et je les ai arrosées chaque jour. À l’arrivée des premières pluies, je les ai repiquées sur une parcelle de terre que mon défunt mari m’avait louée avant son décès.

Et j’ai découvert la solution à l’insécurité alimentaire dans cette merveilleuse plante, que nous appelons zabila en langue dagbali et qui est connue sous le nom de lelle en langue hausa, qui est utilisée par les femmes qui vendent sur les marchés. À cette époque, elle avait presque disparu dans le nord du Ghana, surtout dans le village de Diare.

Atmosphère de village – bruit de chèvres et de poulets dans le lointain

MADAME AMINA :
(Riant, avec des bruits de maïs que l’on nettoie dans un récipient en arrière-plan) La zabila c’est ma vie et ma famille. Lorsque vous cultivez la zabila, c’est pour la vie. Vos enfants et vos petits-enfants en bénéficieront. Quand vous avez des vaches et que vous vendez une vache sans veau, cela met fin à la vie de cette vache. Mais la zabila pousse toujours et vous continuez à la récolter. Elle n’a pas besoin d’engrais. Tout ce que l’agriculteur doit faire c’est de la débarrasser des mauvaises herbes. Je vous assure qu’elle vous aidera à gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de votre famille.Aujourd’hui, je peux payer les frais de scolarité de tous mes enfants, qui varient chaque année entre 500et 800dollars. Mes cinq enfants sont bien nourris et bien vêtus. Il y a environ 12 ans, j’étais dans la misère, sans aide après le décès de mon mari. Étant la quatrième épouse, je n’avais aucune part de ses biens. J’ai dû quitter ma maison matrimoniale pour m’installer ici dans une hutte avec mes enfants.C’est une de mes filles qui nous écoute, debout près de moi. Elle m’aide toujours à la ferme.

ANIMATRICE :
Comment t’appelles-tu et comment te sens-tu en écoutant ta mère?

SOEUR RAHINATU :
Je m’appelle Rahinatu Adam. Je suis très fière de ma mère.

ANIMATRICE :
Que fais-tu?

SOEUR RAHINATU :
Je suis la deuxième fille de ma mère. J’ai terminé mes études secondaires et je suis actuellement animatrice en enseignement extrascolaire dans le village. Ma mère suit le cours d’alphabétisation pour adultes le soir. Lorsque notre père est décédé, j’étais à l’école primaire. Ma mère a payé mes frais de scolarité pour me permettre d’achever mes études secondaires.

ANIMATRICE :
Quels sont tes projets d’avenir?

SOEUR RAHINATU :
Je vais m’inscrire dans un institut tertiaire pour apprendre les affaires et la comptabilité. Je suis persuadée que ma mère m’appuiera financièrement pour le cours.

ANIMATRICE :
Maintenant, auditeurs et auditrices, venez visiter avec moi la ferme de zabila de Madame Amina à l’extrémité ouest du village.

Bruits d’oiseaux

ANIMATRICE :
Dites-moi, Madame Amina, quels sont les événements les plus mémorables de votre vie dans cette ferme?

Pause, puis bruits de pas marchant sur des feuilles sèches

MADAME AMINA :
Je ne peux pas retenir mes larmes en me rappelant ce jour, il y a plusieurs années, où j’avais à désherber seule cette parcelle de terre. Je travaillais du matin tôt jusqu’au soir tard sans manger convenablement. C’était une tâche difficile à assumer pour moi. Mais j’étais déterminée à cultiver pour tirer un revenu afin de pouvoir nourrir mes enfants.

À l’heure actuelle, je ne peux pas dire un mot au sujet de l’agriculture sans mentionner le nom de ma bonne amie zabila.Nous récoltons la zabila avec une faucille. Quand est-ce que je sais qu’il est temps de la récolter? C’est quand les cultures sont si hautes que vous ne pouvez pas voir les poulets errer dans la ferme.

ANIMATRICE :
Combien de temps faut-il à la zabila pour pousser?

MADAME AMINA :
Cela prend une saison des pluies ou trois à six mois jusqu’à la récolte. Même s’il y a une sécheresse, l’espoir d’une bonne récolte demeure présent dès que la pluie tombe. Les plants de zabila peuvent durer de cinq à douze ans sur la même parcelle de terre, selon le soin que vous leur apportez.

ANIMATRICE:
Je crois savoir que vous avez une deuxième ferme à quelques kilomètres d’ici. Combien de sacs de zabila pouvez-vous récolter de cette ferme?

MADAME AMINA :
Je peux récolter de nombreux paniers par jour. Après avoir fait sécher la zabila, j’ai entre sept et dix sacs de 80 kilos de poudre de zabila.

L’an dernier, j’ai vendu tous ces sacs et j’ai eu de l’argent pour faire pousser deux acres d’arachides. J’ai également eu de l’argent pour acheter suffisamment de nourriture pour mes enfants et pour payer leurs frais de scolarité. Normalement, je récolte les feuilles toutes les deux semaines, ce qui me donne un total d’environ huit à dix sacs. Pendant la saison des pluies, de juillet à novembre, j’en récolte davantage. Durant la saison sèche, je réduis les feuilles en poudre que j’entrepose dans des sacs. Un sac me rapporte entre 30 et 50 dollars américains.

J’ai bâti cette maison avec les bénéfices tirés de la vente de la zabila. J’ai également utilisé une partie de l’argent pour faire pousser des arachides et du soja. J’ai obtenu une très bonne récolte d’arachides, ce qui m’a rapporté encore plus d’argent. Ensuite, j’ai fait pousser deux acres de maïs. J’utilise toutes les céréales que je cultive pour nourrir ma famille. Nous n’avons donc plus de pénuries alimentaires à la maison. Si j’ai besoin de quelque chose d’autre, je vends de la zabila pour l’acheter.

ANIMATRICE :
Où vendez-vous la zabila?

MADAME AMINA :
J’en vends la majeure partie à Kumasi, au Ghana, et aussi au Burkina Faso à mes précieux clients qui placent régulièrement des commandes pour mes produits. J’en vends aussi à quelques-unes des femmes qui vendent sur le marché dans le village de Diare.

Chanson traditionnelle de femmes

ANIMATRICE :
En dehors de votre famille, qui d’autre a bénéficié de votre travail et quel impact a eu votre découverte sur d’autres personnes dans votre collectivité?

MADAME AMINA :
(Riant) Je dirais que presque toutes les femmes de Diare cultivent maintenant la zabila. Il y a seulement quelques femmes qui pensent que le désherbage de leurs fermes est ennuyeux. Ainsi, au lieu de désherber, elles achètent et revendent de la poudre de zabilapour en tirer un revenu. Il y a trois ans, mon groupe de femmes a reçu un prix du bureau agricole du district à titre de meilleures cultivatrices d’arachides dans le district. Nous utilisons le revenu tiré de la vente de la zabila pour employer de la main d’œuvre agricole en vue d’agrandir nos exploitations d’arachides. Nous avons donc reçu ce prix grâce à la zabila. Cette année, j’ai pu faire un dépôt d’environ 6000$ pour un tracteur à la Banque de développement agricole – sans qu’elle exige les garanties habituelles.

À cause de la zabila, je me suis rendue à de nombreux endroits que je n’aurais jamais visités. Chaque fois que je suis invitée pour partager mon histoire, j’y vais avec quelques membres de mon groupe de femmes.

Lorsqu’il y a un baptême, un mariage ou un enterrement dans la collectivité, nous nous rencontrons chez moi pour planifier la façon de soutenir la femme dans le besoin. À l’heure actuelle, je parraine six autres enfants du village qui sont soit orphelins, soit très nécessiteux.

Musique enregistrée dans le village

ANIMATRICE :
J’ai demandé à l’agent de vulgarisation agricole qui vient tout juste d’être nommé à Diare s’il pense que Madame Amina a vraiment une idée novatrice pour résoudre l’insécurité alimentaire dans la région.

M. Konlaa :
Je suis très impressionné par son travail acharné: elle est très courageuse. J’ai eu la surprise de constater que les groupes de femmes qu’elle dirige ont reçu tant de prix. L’un de ces prix a émané du Projet agricole iranien et un autre de la Integrated Tamale Fruit Company. Je peux attester que Madame Amina s’est non seulement diversifiée dans d’autres cultures, comme le soja, mais également qu’elle a la capacité économique de réduire les pénuries alimentaires permanentes dans le ménage.

ANIMATRICE :
Les avantages et les utilisations du henné sont nombreux au Ghana. Les fleurs servent à fabriquer des parfums, des teintures capillaires et des remèdes médicinaux. Dans les marchés locaux des arts et de la culture, le henné est utilisé pour teindre et orner des peaux de tambour et d’autres objets en cuir. Certains producteurs de remèdes médicinaux, comme les guérisseurs traditionnels, utilisent le henné pour repousser certains insectes parasites et le mildiou sur les cultures ou les légumes.

Montée de musique du village pendant 20 secondes

ANIMATRICE :
L’histoire de Madame Amina montre que les femmes du nord du Ghana s’attellent à la tâche d’assurer la sécurité alimentaire de leurs foyers. Et cela malgré les défis du régime foncier auxquels elles sont confrontées. N’oubliez pas que l’histoire d’Amina n’est que le début – et qu’il y a de nombreuses femmes innovatrices. Au revoir et à la prochaine pour vous raconter une autre histoire.

Montée de l’indicatif musical puis fondu enchaîné

Acknowledgements

  • Rédaction : Lydia Ajono, Ghana Community Radio Network (GCRN), un partenaire radiodiffuseur de Radios Rurales Internationales
  • Révision : Hambly Odame, professeure agrégée, École de design environnemental et de développement rural, Université de Guelph
  • Traduction : Jean-Luc Malherbe, Société Ardenn, Ottawa, Canada

Information sources

  • Entrevue avec Madame Amina Nabala Adam, groupe d’agricultrices de Diare, Savelugu/Nanton, Région du Nord, Ghana, le 18 octobre 2009.
  • Entrevue avec Konlaa Kombat, agent de vulgarisation agricole, Diare, Savelugu/Nanton, le 18 octobre 2009.
  • Le bureau régional de développement communautaire, Tamale.
  • Kumar S, Singh YV, Singh M (2005) Agro-history, uses, ecology and distribution of henna (Lawsonia inermis L.). Henna cultivation, improvement and trade 11–12. Central Arid Zone Research Institute, Jodhpur.
  • Henna: Cultivation, Improvement, and Temporary Tattoos & Henna/Mehndi http://www.fda.gov/Cosmetics/ProductandIngredientSafety/ProductInformation/ucm108569.htm
  • Récupéré le 3 août 2009.
  • Global Facilitation Unit for Underutilized Species, non daté. Henna (Lawsonia inermis). http://www.underutilized-species.org/species/brochures/Henna.pdf