Des agricultrices réinventent la technologie des jardins suspendus pour résoudre la pénurie de terres

Agriculture

Notes au radiodiffuseur

Enregistrez et révisez cette ressource sous forme de document Word.

Dans de nombreux pays en développement, la malnutrition, la faim et la pauvreté sont monnaie courante. Le Kenya est sur le point d’être ravagé par ces mêmes problèmes. Les citoyens demeurent très vulnérables face à la famine. Dans les endroits où il y a peu de terres agricoles, certains agriculteurs ont abandonné la culture.

« Jardins suspendus » est le nom donné aux récoltes cultivées dans des sacs synthétiques ou en sisal remplis de terre. Les plantes poussent sur les côtés des sacs. Il est surprenant de voir les plantes pendre sur les côtés des jardins en sacs! L’idée d’utiliser des jardins suspendus pour faire pousser des aliments arrive à une époque où de nombreux petits exploitants agricoles sont désespérés face à leur avenir. L’insécurité alimentaire est l’une des conséquences de la pénurie de terres. Par conséquent, cette façon novatrice de maximiser l’utilisation des terres est très utile pour toute société confrontée à une pénurie de terres agricoles.

Le présent texte repose sur des personnages réels du bidonville de Kibera. Ces gens nous donnent des idées de solutions au manque de terres au Kenya. La malnutrition chez les pauvres gens dans les centres urbains et les villages ainsi que la pauvreté constituent les principaux enjeux abordés dans ce texte. Il examine également la question du déséquilibre entre les sexes dans les familles. Les femmes avec lesquelles le rédacteur s’est entretenu ont avoué que leurs maris souhaitaient qu’elles cessent d’arriver avec des solutions à la malnutrition et à la pauvreté. Mais ces femmes ont réussi à passer outre aux souhaits de leurs maris et à prouver leur créativité.

Le présent texte repose sur des entrevues réelles. Vous pourriez vous en inspirer pour effectuer des recherches et rédiger un texte sur un sujet semblable dans votre région. Ou bien vous pourriez choisir de produire ce texte dans votre station, en utilisant des voix d’acteurs pour représenter les gens interviewés. Si c’est le cas, assurez-vous de prévenir votre auditoire au début de l’émission que les voix sont celles d’acteurs, et non pas des personnes initialement impliquées dans les entrevues.

Texte

Indicatif
ANIMATEUR :
Bonjour, chers auditeurs et auditrices et bienvenue à votre émission préférée, Shambani (Note de la rédaction: Shambani signifie “dans le jardin” en swahili). Pendant cette émission, nous nous penchons sur quelques-uns des défis auxquels font face les petits exploitants agricoles au Kenya. Nous examinons également des moyens de relever ces défis et nous proposons de nouvelles découvertes et des réalisations. Aujourd’hui, vous êtes comme d’habitude en compagnie de Stanley Ongwae.

Montée de l’indicatif et fondu enchaîné sous la voix de l’animateur


ANIMATEUR :
Durant notre émission d’aujourd’hui, je vais vous familiariser avec une toute nouvelle pratique agricole. Cette nouvelle méthode n’exige pas beaucoup de terres pour produire des légumes. Elle provient des bidonvilles de Kibera, en banlieue ouest de Nairobi. Ce nouveau concept agricole a aidé de nombreux résidents à améliorer leur régime alimentaire et à gagner de l’argent. Restez à l’écoute pour en apprendre davantage sur les jardins suspendus.

Montée de l’indicatif et sortie en fondu enchaîné
ANIMATEUR :
Dans de nombreuses collectivités agricoles de l’Afrique, la pression démographique exercée sur la terre continue d’augmenter régulièrement. Comme conséquence des pénuries probables de terres, on pourrait bien assister à des pénuries alimentaires. Les citadins sont principalement tributaires de la nourriture provenant de la campagne et seront vraisemblablement très durement touchés.

Selon un rapport publié par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires lors de la Journée mondiale de l’alimentation en 2009, beaucoup de gens sont confrontés à une famine grave dans le monde en développement. Si nous nous reposons sur nos lauriers en exprimant notre inquiétude mais sans rien faire à ce sujet, la situation ne pourra qu’empirer. Mais il y a de bonnes nouvelles pour les personnes qui n’ont pas suffisamment de terres agricoles. Le système des jardins suspendus est l’une des solutions éprouvées à ce problème. La méthode a ramené le bonheur et l’espoir chez les agriculteurs ruraux sans terres et urbains. Restez à l’écoute pour en savoir davantage sur les jardins suspendus.

Chant gospel sur le thème de l’espoir pour demain
ANIMATEUR :
Nous voici de retour. Connaissez-vous le proverbe swahili: akili ni mali, qui signifie «l’innovation c’est la richesse»? Pouvez-vous imaginer la nouveauté si vous pouviez récolter des sacs et des sacs de sukuma wiki (Note de la rédaction : nom local du chou vert frisé en swahili) à votre porte ou sur votre toit? Saviez-vous que vous n’avez pas besoin de posséder un grand lopin de terre pour bien manger?

Nous parlons des jardins suspendus.

Dans les bidonvilles, il n’y a pas de terres à cultiver. Le peu d’espace disponible entre les maisons est minuscule et généralement pavé. Pourtant, les habitants des bidonvilles, en majorité des femmes, ont réussi à produire suffisamment de sukuma wiki pour leur consommation personnelle et pour en vendre dans leur voisinage.

Les jardins suspendus permettent de faire pousser des légumes dans des sacs synthétiques ou en sisal remplis de terre et de matières organiques. Les sacs reposent sur le sol. Lorsque le terrain est en pente, les sacs sont maintenus à la base par des pierres afin de pouvoir tenir debout sur le sol. Plus le sac est gros, plus on peut y faire pousser de plants de sukuma wiki. Les plants de sukuma wiki sont repiqués dans des trous creusés dans les côtés des sacs. Un sac moyen a environ 5 pieds ou 1,50 mètre de haut. Pour vous assurer que la terre ne se dessèche pas dans les sacs, il est recommandé d’utiliser des sacs blancs. Ces derniers reflètent la chaleur du soleil et diminuent l’évaporation.

On peut faire pousser environ 50 plants de sukuma wiki dans un seul sac.

Notre reporteur nous emmène rencontrer un groupe de femmes de Kibera à l’ouest de Nairobi. Ces femmes font pousser du sukuma wiki sur leur pas de porte en utilisant le nouveau système baptisé les jardins suspendus de Kibera.

Ruth et Kerubo sont des pionnières du système. Elles vont partager leurs expériences avec notre reporteur.

Bruits de vents violents, de tôles de fer qui s’entrechoquent, de femmes qui murmurent et d’enfants qui jouent
REPORTEUR :
Ruth, est-ce magique? Où avez-vous eu cette idée formidable d’utiliser les jardins suspendus?

Voix de femmes faisant taire les enfants qui les interrompent
RUTH :
(Éclats de rire) Il n’y a là aucune magie. C’est notre propre idée que nous avons inventée pour nous attaquer à la pauvreté et à la malnutrition chez nos enfants. Nous ne pouvions pas nous permettre d’avoir un bon régime alimentaire pour nos enfants, à cause du coût élevé de la nourriture en ville.
REPORTEUR :
Fantastique! Depuis quand mettez-vous ce système en pratique?
KERUBO :
Nous avons commencé il y a environ un an. Nous sommes vraiment encouragées!
RUTH :
Durant toutes ces années, nous n’avons jamais cru que des cultures pourraient prospérer ici. C’est quelque chose de nouveau et d’inspirant.
REPORTEUR :
Je pense vraiment à installer des jardins de cuisine comme le vôtre. De quel matériel et de quoi d’autre ai-je besoin?
KERUBO :
Il vous faudra des sacs, des matières organiques, comme des résidus de cuisine ou du compost, et de la terre.
RUTH :
Il vous faut aussi des plants pour les repiquer!
REPORTEUR :
Oh oui! Cela signifie-t-il que vous n’avez pas besoin de semences?
RUTH ETKERUBO ENSEMBLE :
Un agriculteur peut semer ses graines de sukuma wiki dans une pépinière et les transplanter par la suite. Mais, dans notre cas, nous avons repiqué des plants d’une pépinière.
REPORTEUR :
Qu’en est-il des boulettes de viande – donneront-elles de bons résultats?

Tous éclatent de rire
RUTH :
(Riant toujours) Allons! Voyons donc! Il faudra mille ans avant que les boulettes de viande ne deviennent un animal!
REPORTEUR :
(Riant toujours) Je ne fais que plaisanter! Mais avez-vous acheté les plants?
KERUBO :
Nous avons acheté les plants dans une pépinière proche.
REPORTEUR :
Qu’en est-il des intrants agricoles comme l’engrais et le fumier? Avez-vous dû les acheter?
Both RUTH et KERUBO :
Oui.
RUTH :
Mais nous avons seulement acheté de l’engrais.
REPORTEUR :
Et le fumier?
KERUBO :
Nous utilisons les déchets domestiques comme fumier et cela donne de bons résultats comme vous pouvez le constater. Nous utilisons aussi les eaux de cuisine pour nourrir le sukuma wiki parce que l’eau fraîche et claire coûte cher et les plantes sont en bonne santé, comme vous pouvez le voir.

Bruits de feuilles de sukuma wiki que l’on cueille
REPORTEUR :
Elles ont l’air délicieuses.
KERUBO :
Elles sont très nutritives quand on les fait cuire.
REPORTEUR :
Tout agriculteur qui veut réussir doit prendre le contrôle total des parasites et des maladies. Comment y parvenez-vous?
RUTH :
Nous n’avons pas vu beaucoup de parasites dans nos récoltes. Juste quelques-uns – comme les papillons blancs et jaunes et les pucerons. Nous les pulvérisons avec un mélange local de poivre et d’ail, ce qui les tient à distance.
KERUBO :
Je me souviens que ma grand-mère m’a appris comment préparer un pesticide local. Je me rappelle aussi d’avoir lu, au secondaire, que l’on peut empêcher les maladies fongiques et bactériennes sur le sukuma wiki – comme la pourriture grise et le mildiou – en permettant une bonne circulation de l’air dans le sol.
REPORTEUR :
Comment pouvez-vous obtenir une bonne circulation de l’air dans la terre des jardins suspendus?
KERUBO :
Nous creusons de petits trous dans les sacs pour accroître la circulation de l’air. De même, nous entassons très légèrement la terre dans le sac. Ou bien vous pouvez insérer des objets, tels de petits bâtonnets en bois, qui font de la place pour la circulation de l’air. N’oubliez pas qu’il faut placer les objets de façon à créer de l’espace pour assurer une bonne circulation de l’air.
REPORTEUR :
Des initiatives comme celle-ci engendrent l’espoir de rehausser le niveau de vie de gens comme vous. En quoi cette initiative a-t-elle changé vos vies?
KERUBO :
Cela a vraiment changé nos vies. Durant une bonne semaine, je peux vendre pour jusqu’à 500 shillings (Note de la rédaction : environ 6,50 dollars américains ou près de 5 euros) de sukuma wiki simplement ici dans notre voisinage. Je peux utiliser cet argent pour acheter d’autres aliments, comme de la viande et des fruits, pour avoir un régime alimentaire parfait.
REPORTEUR :
Et vous, Ruth?
RUTH :
(Petits rires) La vie de ma famille a considérablement changé en raison de ce projet. La santé de mes enfants s’est améliorée parce qu’ils mangent davantage de légumes verts. Je peux payer leurs frais de scolarité en temps opportun et ils ne sont plus renvoyés à la maison pour des frais impayés comme c’était le cas auparavant. Il ne fait aucun doute que je suis la mère la plus heureuse dans tout Kibera.

Rire général
REPORTEUR :
Une dernière inquiétude que j’ai concerne l’implication de vos hommes dans ces initiatives. Comment sont-ils impliqués?
RUTH :
Au début, mon mari ne voulait pas me voir essayer ces choses. Mais il a fini par réaliser que c’était bon quand il a goûté pour la première fois aux légumes verts frais de notre jardin. Il m’a même encouragée à augmenter le nombre de jardins suspendus en me donnant de l’argent pour acheter de l’engrais et des plants.
REPORTEUR :
Pourquoi vos maris ne vous permettaient-ils pas d’expérimenter ces projets?
RUTH :
Ils avaient l’habitude de dire qu’il s’agissait d’un travail d’hommes.
KERUBO :
Je me souviens d’une dispute avec mon mari sur le même sujet. Mais il a fini par aimer cela quand il a vu mon ami apprécier le projet de sa femme. Maintenant, il pulvérise et arrose les légumes pendant que je suis au marché.
REPORTEUR :
Merci, mesdames, d’avoir pris le temps de bavarder avec moi. Soyez bénies et maintenez vivant l’espoir de devenir des agricultrices urbaines plus prospères.
Musique gospel sur la beauté du paradis terrestre
ANIMATEUR :
Eh bien, vous l’avez entendu de la bouche même de Ruth et de Kerubo. Leur grande détermination et leur volonté de voir leurs familles avoir un meilleur régime alimentaire et un peu d’argent ont donné d’excellent résultats admirables, grâce aux jardins suspendus.

Vous pouvez également tirer profit de jardins suspendus. Vous pouvez faire un bon usage d’un petit lopin de terre pour faire pousser autant de cultures que vous le pouvez. Pour obtenir de meilleurs résultats, n’oubliez pas ces trois choses importantes : tout d’abord, maintenez les sacs bien ventilés. Ensuite, assurez-vous que les plantes soient bien arrosées et pulvérisées avec des pesticides et des fongicides sécuritaires pour empêcher les ravageurs et les maladies. Par dessus tout, n’oubliez pas que les jardins suspendus conviennent mieux pour des cultures comme le sukuma wiki, les niébés, les oignons et d’autres cultures qui n’ont pas de vastes systèmes radiculaires ou ne poussent pas plus haut que 3 pieds ou 90 centimètres.

Montée de l’indicatif et fondu enchaîné sous la voix de l’animateur
ANIMATEUR :
Quel moment formidable ce fut de parler des jardins suspendus. Eh bien, c’est tout le temps dont nous disposons aujourd’hui. Si vous avez une question ou un commentaire au sujet de l’émission d’aujourd’hui, n’hésitez pas à m’écrire par courriel à cette adressestan.ongwae@gmail.com ou bien encore vous pouvez téléphoner directement au numéro +254 720 576113.

Au revoir et à la semaine prochaine, même jour même heure, pour un autre épisode passionnant de votre émission Shambani. Au micro Stanley Ongwae qui vous dit au revoir et puissiez-vous avoir une journée novatrice dans votre shamba (Note de la rédaction : mot signifiant “ferme “ en swahili).

Montée de l’indicatif et sortie en fondu enchaîné

Acknowledgements

  • Rédaction : Stanley Ongwae, Kisima Radio, Kenya
  • Révision : Bureau des communications et des relations extérieures de la FAO (Espace Presse)
  • Merci à : Arnold Ageta Omayio, Kisima Radio
  • Traduction : Jean-Luc Malherbe, Société Ardenn, Ottawa, Canada

Des remerciements très particuliers sont adressés aux organisations suivantes : Commonwealth of Learning (COL), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le gouvernement du Canada par le biais de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), La Fondation canadienne Donner, l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC), Inter Press Service (IPS) Afrique et le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA), pour leur appui du concours de rédaction de textes radiophoniques sure les innovations des petits exploitants agricoles.

Information sources

  • Ruth Singori, Kibera, Nairobi, Kenya.
  • Esther Kerubo, Kibera, Nairobi, Kenya

Les deux femmes ont été interviewées le 15 octobre 2009.