Les latrines ECOSAN sont avantageuses pour la santé du village – et pour l’agriculture

Hygiène et assainissementSantéSanté des sols

Notes au radiodiffuseur

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Les besoins pour un meilleur assainissement en milieu rural sont énormes. Dans de nombreux pays, particulièrement en zone rurale, les maladies d’origine fécale et celles liées à l’insalubrité représentent une proportion importante des cas de mortalité et de morbidité. La mauvaise gestion des excrétas, les pratiques d’hygiène à risque et la sous-information des populations en matière d’hygiène et d’assainissement sont les principales causes de cette situation.

Cependant, l’espoir reste permis. Le village de Kantola, situé à 15 kilomètres de Fana, dans le centre-sud du Mali, démontre une bonne expérience, simple et innovante qui mérite d’être partagée avec plus de gens. Dans ce texte radiophonique, un animateur de radio effectue des entrevues avec des membres de la collectivité et d’autres personnes qui sont impliquées dans la construction et l’utilisation de latrines ECOSAN à Kantola, avec l’appui du CREPA, institution qui œuvre dans 17 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

Ce texte se fonde sur des entrevues réelles de villageois au Mali. Pour le diffuser sur les ondes de votre station, vous pourriez choisir d’utiliser des voix d’acteurs pour personnifier les villageois et de modifier le texte pour l’adapter à votre situation locale. Si tel est le cas, assurez-vous de prévenir vos auditeurs et auditrices dès le début de votre émission que les voix sont celles d’acteurs, et non pas des personnes interviewées à l’origine, et que l’émission a été adaptée pour votre auditoire local, mais est fondée sur des entrevues réelles.

Texte

Personnages

Dramane Tounkara : animateur réalisateur de l’émission
Yaba Sacko : agriculteur de Kantola
Baninkono Traoré : chef de village de Kantola
Bakary Bagayogo : technicien agricole, Chambre d’agriculture de Fana
Ibrahim Sadou Maiga : technicien supérieur en génie civil et minier au Centre Régional pour l’Eau Potable et l’Assainissement à faible coût (CREPA Mali), bureau du Mali
Aissata Daba Traoré : sage-femme au Centre de santé de Fana

Musique (10 secondes)

DRAMANE TOUNKARA :
Votre émission d’aujourd’hui FASO NTULOMA (Note de la rédaction : Faso Ntuloma veut dire « le pilier du développement communautaire » dans la langue nationale Bamanankan) porte sur le sujet des latrines ECOSAN. Depuis quelques années, les communautés rurales des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre utilisent de plus en plus des latrines ECOSAN en vue d’éliminer en toute sécurité les déchets humains et de lutter contre l’insalubrité. Plusieurs maladies sont causées par la mauvaise gestion des excrétas et de l’urine, par des pratiques d’hygiène à risque, ainsi que par le manque d’information des populations en matière d’hygiène et d’assainissement. Les latrines ECOSAN contribuent non seulement à créer des conditions hygiéniques pour éliminer les déchets humains, mais aussi pour donner aux agriculteurs des fertilisants pour leurs sols. Pour parler des latrines ECOSAN, nous avons invité dans nos studios aujourd’hui Messieurs Baninkono Traoré, chef de village de Kantola, Yaba Sacko, agriculteur à Kantola, Bakary Bagayogo, technicien agricole à la Chambre d’agriculture de Fana, Ibrahim Sadou Maiga, licencié en gestion des ressources naturelles et de l’environnement au Centre Régional pour l’Eau Potable et l’Assainissement du Mali, aussi connu sous l’acronyme CREPA, ainsi que Mme Aissata Daba Traoré, sage-femme au Centre de santé de Fana.

Madame et Messieurs, bonjour et merci d’avoir répondu à notre appel. Pour commencer, Monsieur Baninkono Traoré, un adage malien dit ceci : « une personne âgée est toujours mieux placée pour commencer à dépecer un fauve abattu par les chasseurs ». En d’autres termes, le témoignage d’un sage donne toujours plus de poids pour discuter d’un problème et pour faire accepter à la communauté l’adoption d’une nouvelle pratique, telle que l’utilisation des fèces comme fertilisant des sols. En tant que chef de village, quel sentiment vous anime pour être présent aujourd’hui lors de cette émission?

BANINKO TRAORBANINKONO TRAORE :
Permettez-moi tout d’abord de vous présenter mon village de Kantola. Créé en 1965, Kantola est un village dont l’activité principale est l’agriculture. Sa population est essentiellement composée de Sarakolés, de Bamanans et de Peuls. Je suis le chef de village. C’est une fierté pour l’ensemble de mon village et pour moi-même d’être invités par la radio Fanaka qui est notre partenaire depuis sa création.

DRAMANE TOUNKARA :
Monsieur Maiga, c’est quoi une latrine ECOSAN?

IBRAHIM SADOU MAIGA :
Il existe différents types de latrines ECOSAN, mais ils sont tous basés sur le même principe. La défécation et la miction sont effectuées dans des trous séparés. Ainsi, les urines et les fèces sont stockées dans des contenants séparés afin de permettre une bonne hygiénisation et de réduire les odeurs et les mouches. Après quelques mois, les déchets fécaux peuvent être réutilisés comme fertilisant dans l’agriculture ou le maraîchage.

DRAMANE TOUNKARA :
Cependant, il n’est pas simple pour les paysans pauvres d’investir dans la construction de latrines modernes? Monsieur Yaba Sacko, vous êtes un agriculteur – comment avez-vous appris l’existence de ces latrines et comment les avez-vous construites chez vous à Kantola?

YABA SACKO :
D’abord, je commence par remercier Aissata Daba Traoré, sage-femme au Centre de santé de Fana qui, dans le cadre du partenariat entre la radio Fanaka et les femmes de notre village, est venue animer des séances de sensibilisation avec les femmes du village. La saison des pluies, avec ses lots de maladies dont le paludisme et surtout le choléra, était un cauchemar pour notre village. Mais, il y a quatre ans, après une émission publique avec la radio Fanaka, nous avons appris que la source de nos problèmes de santé était l’insalubrité. Depuis, Aissata vient dans notre village une fois par mois. C’est elle qui nous a parlé des avantages des latrines ECOSAN. Pour la construction de chaque latrine, dont le coût total s’élève à 150 000 Francs CFA (Note de la rédaction : environ 335 dollars américains ou 228 euros), notre participation a été de fournir la main d’œuvre. Le reste est subventionné par le projet ECOSAN.

DRAMANE TOUNKARA :
Madame la sage-femme, quelle est la gravité de ces maladies pendant la saison des pluies?

AISSATA DABA TRAORAISSATA DABA TRAORE :
J’avoue que nous avions constaté que, chaque année, ce village présentait un ou plusieurs cas épidémiques de diarrhée et de paludisme qui affectaient de nombreuses personnes. Nous remarquions des cas de diarrhées et de vomissements constants. Ces maladies étaient plus fréquentes chez les enfants du village. Des cas de fièvre étaient aussi constatés. C’est là que nous avons eu l’idée de changer le comportement des populations de ce village à travers la radio, afin de résoudre les problèmes de santé dans le village.

DRAMANE TOUNKARA :
Selon vous, quelles étaient les causes de ces maladies?

AISSATA DABA TRAORAISSATA DABA TRAORE :
Toutes ces maladies sont causées essentiellement par l’utilisation d’eau insalubre et par un manque d’hygiène.

DRAMANE TOUNKARA :
Comment est-ce que ces maladies se manifestaient dans le village de Kantola?

AISSATA DABA TRAORAISSATA DABA TRAORE :
Pendant la saison des pluies à Kantola, la population laisse pousser l’herbe partout dans le village, les puits ne sont pas protégés et les animaux sont gardés dans les maisons. Leurs abreuvoirs sont placés là où les femmes font la vaisselle et la lessive. Certaines femmes laissent les enfants déféquer à même le sol. Il existe bien des toilettes traditionnelles dans le village, mais elles sont réservées aux adultes. Les femmes utilisent aussi l’eau de mares où l’eau de pluie s’accumule pendant la saison des pluies. Beaucoup de ces pratiques traditionnelles contribuent à la prolifération des maladies dont nous venons de parler.

Musique (10 secondes)

DRAMANE TOUNKARA :
Monsieur Yaba Sacko, nous connaissons à présent les raisons qui vous ont amené à collaborer avec le Centre de santé de Fana. Parlons maintenant de la construction des latrines. Quand la sage-femme vous en a parlé, comment avez-vous fait pour en construire une?

YABA SACKO:
Après cette séance d’information, les femmes du village ont parlé des latrines au chef de village qui a convoqué l’ensemble du conseil du village. La décision a été prise d’envoyer un émissaire à Fana pour rencontrer les fabricants de la latrine. Comme je suis le commissionnaire du village, la mission m’a été confiée. Arrivé à Fana, la sage-femme m’a indiqué le bureau des fabricants de latrines. Ils m’ont bien accueilli et ont accepté la demande du village. Ils nous ont expliqué qu’ils devaient venir dans le village pour tenir une assemblée générale avec l’ensemble des villageois. Ainsi, ils ont accepté de construire une latrine modèle pour laquelle le village paierait 25 % du coût habituel, en nature ou en espèces. Le village n’aurait qu’à payer 25 % du prix habituel pour toutes les latrines supplémentaires construites.

DRAMANE TOUNKARA :
Monsieur Maiga, comment peut-on construire une latrine ECOSAN?

IBRAHIM SADOU MAIGA :
La latrine est fabriquée avec des briques. Les latrines ont un plancher de béton pour la propreté. Elles ont des trous séparés pour les déchets solides et liquides. Elles ont habituellement deux fosses d’égales dimensions, qui servent à conserver les fèces et le papier. L’urine et l’eau utilisée pour le nettoyage anal sont dirigées vers un bidon de stockage situé à l’extérieur de la latrine. Celle-ci peut être construite entièrement hors sol ou partiellement enterrée. Une seule des deux fosses destinées aux fèces et au papier est utilisée à la fois. Des cendres et de la terre sont toujours ajoutées aux fèces lorsqu’ils sont entreposés dans les fosses.

Derrière chaque fosse, une ouverture est prévue pour l’évacuation des matières fécales digérées qui sont prêtes à être utilisées comme fertilisant. Cette ouverture est fermée avec une dalle en béton et des joints cimentés. Lorsque la fosse est remplie aux deux tiers, on arrête son utilisation et on complète son remplissage avec du sable ou de la terre sèche avant de fermer le trou qui la surplombe. Après quelques mois, la vidange de la fosse et le retrait de l’humus se font en cassant le joint de maçonnerie. Les gens peuvent continuer à utiliser la latrine pour déféquer pendant toute cette période – ils utilisent simplement le trou situé au-dessus de la deuxième fosse. L’urine peut être récupérée dans le bidon de stockage, diluée et utilisée comme engrais.

DRAMANE TOUNKARA :
Monsieur Bakary Bagayogo, que pense la Chambre d’agriculture de Fana des latrines ECOSAN?

BAKARY BAGAYOGO :
Votre question est la bienvenue. À une époque où les prix des intrants chimiques grimpent en flèche et alors que les sols s’appauvrissent de jour en jour, leur fertilisation est un gage de problème pour tout agriculteur. Aujourd’hui, dans chaque famille, il doit y avoir une latrine. Une mission de la Chambre d’agriculture de Fana a visité le champ de maïs de Yaba Sacko à Kantola. Nous avons tous été unanimes sur la qualité de son maïs. C’est dans ce champ que Yaba nous a dit qu’il répand les fumures issues de sa latrine.

DRAMANE TOUNKARA :
Monsieur Sacko, comment faites-vous l’extraction de la fumure hors des contenants de stockage?

YABA SACKO :
À vrai dire, c’était l’une des questions que nous avions posées avant l’essai de la latrine dans notre village. Nous avons été agréablement surpris de constater que les fumures sont sans odeurs et non salissantes. Durant l’année, nous évacuons deux fois les fumures car notre famille est assez grande. La première fois est en mai et la deuxième en décembre. Il suffit seulement d’enlever la petite fenêtre qui sert de fermeture, d’extraire les fumures à l’aide d’une pelle et de les mettre dans une charrette. Ensuite, on les transporte au champ.

DRAMANE TOUNKARA :
Comment faites-vous l’entretien de vos latrines?

YABA SACKO :
Les femmes de la famille se relaient quotidiennement. Avec la journée hebdomadaire de salubrité du village, les jeunes et les femmes lavent aussi la latrine ensemble. Lorsqu’elles nettoient, elles s’assurent que l’eau de nettoyage se retrouve dans le contenant des urines et non dans la fosse des fèces.

DRAMANE TOUNKARA :
Est-ce que les nouvelles pratiques ont été bénéfiques pour le village?

YABA SACKO :
Oui et à plus d’un titre. Les maladies ont diminué. Le soir, les jeunes peuvent se retrouver sur la place publique sans craindre d’éventuelles morsures de serpents car ces derniers ne peuvent pas se réfugier dans les latrines ECOSAN. Il y a de la joie dans nos familles car les femmes et leurs maris s’entendent très bien maintenant. Grâce à la radio, nous avons été sensibilisés aux nouvelles technologies que nous considérions comme réservées seulement aux riches. Ces technologies ont contribué à améliorer notre cadre de vie.

DRAMANE TOUNKARA :
Quels sont les atouts et les avantages de l’utilisation d’une latrine ECOSAN?

IBRAHIM SADOU MAIGA :
La latrine comporte plusieurs avantages. Elle permet de réduire la nuisance des mauvaises odeurs. Elle diminue le nombre de mouches et de moustiques, ce qui contribue ainsi à lutter contre les diarrhées et le paludisme. Elle est construite avec des matériaux locaux durables. Une latrine ECOSAN offre un environnement plus beau et facile à entretenir. Elle permet aussi d’avoir de la fumure de qualité. Cette fumure est utilisée comme engrais pour fertiliser les sols et améliorer ainsi leur rendement agricole. Le coût des excavations est très économique, soit 150 000 Francs CFA. Ce programme mis en œuvre en Afrique de l’Ouest et du Centre est parrainé par l’Agence suédoise de développement international (ASDI).

On laisse la digestion ou la décomposition des déchets se faire pendant cinq à six mois après la fermeture de la fosse avec les joints de maçonnerie. Ensuite, on brise le joint et on retire la fumure de la fosse. L’urine est stockée dans des bidons de 20, 25 voire 50 litres de capacité et elle est hygiénisée au bout de quelques jours. Nous urinons approximativement 1 à 2 litres par jour. Si une famille de quatre personnes utilise un contenant de 50 litres, soit environ l’équivalent d’une semaine, cela devient lourd à transporter. C’est pourquoi les bidons sont remplis un à un et stockés avant leur utilisation sur les terres agricoles, ce qui permet aux urines épurées de garder un taux élevé d’azote qui constitue un excellent fertilisant pour les cultures. Le bidon est alimenté par un tuyau en PVC flexible qui est inséré dans la fosse à urine. Le tuyau doit être attaché au fond du bidon pour minimiser les pertes d’azote. Face aux changements climatiques et à la flambée des prix des intrants, notamment des engrais chimiques, l’utilisation des fertilisants naturels issus des latrines ECOSAN contribue à diminuer les coûts et à augmenter le revenu des paysans. Les agriculteurs de Kantola, de Yolla et de Werekela ont vu leur production agricole s’améliorer.

DRAMANE TOUNKARA :
De ma mémoire d’animateur à la radio, j’ai rarement vu autant d’engouement de la part d’un village pour la réalisation d’une émission radiophonique. Cependant, toute bonne chose a une fin. Avez-vous un dernier commentaire à formuler?

BANINKONO TRAORBANINKONO TRAORE :
En ma qualité de chef de village, je pense que les autorités du Mali doivent tout mettre en œuvre pour créer dans chaque famille l’opportunité d’utiliser des sources locales d’engrais au lieu des engrais importés subventionnés.

BAKARY BAGAYOGO :
Si des partenaires du développement pouvaient accepter de subventionner cette initiative dans toute la région de Fana, je pense que personne n’aurait faim ici à Fana. Je demande aux paysans d’investir dans la construction de latrines les fonds dont ils disposent pour l’achat d’intrants. Ceci constitue un investissement à long terme.

IBRAHIM SADOU MAIGA :
Nous encourageons la radio Fanaka à diffuser et à multiplier ces initiatives.

Musique (10 secondes)

DRAMANE TOUNKARA :
Chers auditeurs et auditrices, vous venez de partager avec nos invités du jour l’expertise concernant la nouvelle technologie des latrines ECOSAN. Nous vous en remercions. De nos jours, il est possible pour chaque personne de se faire construire une latrine ECOSAN dans sa concession. Cependant, n’oubliez pas que sa construction nécessite des normes techniques spécifiques qui requièrent des spécialistes que vous pourrez contacter auprès du CREPA à Fana ou en demandant à la radio Fanaka. Voici les questions du jour :

  1. Citez trois matériaux qui entrent dans la construction d’une latrine ECOSAN.
  2. Citez trois avantages de la latrine ECOSAN.
  3. Quelle est la réaction de la population du village de Kantola par rapport à la latrine ECOSAN?
  4. Citez deux maladies liées à l’eau insalubre.
  5. Donnez le nom du chef de village de Kantola.

Faites parvenir vos réponses avant la prochaine émission à (adresse et téléphone ou courriel de la station). Au revoir et à la semaine prochaine.

Acknowledgements

Rédaction : Dramane Tounkara, Radio Fanaka Fana, Mali, un partenaire radio de Radios Rurales Internationales.

Alan Etherington, expert-conseil indépendant en eau, en assainissement et en promotion de l’hygiène, et ex-employé de WaterAid.

Merci à Kadiatou Haidara, WaterAid.

Information sources

Site Web du CREPA