Raphiales en péril : une menace environnementale, un danger pour la culture et l’économie du Grassfields

Environnement

Notes au radiodiffuseur

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Le professeur Anaclet Fomethe de l’université de Dshang a fait une présentation lors des célébrations pour la journée mondiale de l’environnement. Le thème de cette célébration était: « La fonte des glaces : une question brûlante ? » Le professeur Anaclet posait alors la question: « La gestion des raphiales ne serait-elle pas aussi une question brûlante pour le Cameroun? »

Cette interrogation met la question des raphiales en contexte. Ce texte radiophonique est un SOS pour les raphiales que l’on trouve dans les paysages des hautes terres de l’ouest et du nord-ouest du Cameroun, et qui sont une source de richesse pour les trois millions d’habitants de cette région et aussi un exemple exceptionnel de biodiversité animale et végétale.

La destruction qui a réduit les raphiales en petit morceaux de végétation va entraîner une catastrophe écologique. Quelques changements sont déjà perceptibles : assèchement des sources, baisse des débits de cours d’eau, désertification et changements climatiques. Les artisans des sous produits de raphia sont de plus en plus privés de leur matière première. Le chômage et la pauvreté guettent ces artisans. C’est une civilisation entière, qui se nourrit du vin de raphia, et des articles fait à partir des raphiales, qui disparaît progressivement. Il faut sauver les raphiales.

Texte

Thème musical pour introduire l’émission

ANIMATEUR :
Le paysage des bas fonds des Grassfields, zone des hauts plateaux de l’ouest et du nord-ouest du Cameroun, offre une végétation particulière dont l’ensemble est appelée raphiales. Plantes longilignes aux rameaux verdoyants, le raphia a un grand impact sur la vie des peuples des Grassfields.

Thème musical

TSIAZE FOZANG JEAN PIERRE MAIRE DE LA COMMUNE DE PENKA MICHEL :
Le raphia est l’une de nos anciennes plantes qui jadis étaient beaucoup plus prisées par nos parents dans l’artisanat. Grâce au raphia, nous avons de l’eau, des sacs tissés et d’autres articles. Là où il y a le raphia, il y a des réserves d’eau.

Thème musical

ANIMATEUR:
Malgré leurs importances, le nombre de raphiales diminuent au fil des ans. La région des Grassfields est densément peuplée. De cette population, 80% pratique l’agriculture. Michel Takam travaille avec l’organisme Action pour le développement équitable, intégré et durable, aussi connu comme étant ADEID, une ONG qui travaille à préserver les raphiales.

MICHEL TAKAM :
Nous sommes dans une zone de forte densité de population. Accrochée à cela, nous savons que depuis une vingtaine d’années, le café a chuté. Lorsque le café chute, les gens cherchent comment survivre. La forte densité de la population fait qu’il n’y a plus de terres cultivables. C’est alors que les gens ont découvert les bas fonds qui sont peuplés de raphiales. C’est ainsi que les populations se sont ruées sur le raphia et s’affairent à les détruire. Mais, les bas fonds ne sont pas aussi fertiles et ne donnent pas autant d’argent que lorsqu’ils sont utilisés pour les cultures maraîchères.

ANIMATEUR :
Devant la diminution des superficies agricoles, un grand nombre de raphiales dans les provinces de l’ouest et du nord-ouest ont été enlevé pour faire place à l’agriculture. Cette tendance a été encouragée par les pouvoirs publics, qui, par exemple, ont initié de nombreux projets de développement dans la province de l’ouest qui ont conduit à une forte dégradation des raphiales.

MICHEL TAKAM :
Vous avez cette plaine, cette grande vallée que vous voyez derrière moi, il y a environ vingt ans, c’était peuplé de raphias et il y avait un grand lac. Regardez maintenant. L’eau a disparu, laissant sa place aux roseaux. Vous pouvez noter qu’il y a encore des flaques d’eau qu’on retrouve. Ces flaques ont été creusées par des hommes. Ce sont ces flaques d’eau qui permettent maintenant aux agriculteurs d’arroser leur culture en saison sèche. Ailleurs, ce sont de véritables puits que l’on creuse à l’intérieur des bas fonds. C’est un paradoxe parce qu’avant, le bas fond nous fournissait toujours de l’eau.

Thème musical

ANIMATEUR :
Les maraîchers qui se sont déversés dans les bas fonds constatent amèrement une diminution de l’humidité et de l’eau à cause de la destruction des raphiales. L’aridité s’installe, et maintenant, ces gens doivent creuser des puits pour arroser leurs plantes.

Un maraîcher :
Dans des endroits où le cours d’eau est très loin, on est obligé de faire un puit sur place pour arroser. Vous voyez les tuyaux avec lesquels l’eau de la motopompe passe depuis la rivière jusqu’au jardin.

ANIMATEUR :
La vallée de Penka Michel dans la province de l’ouest du Cameroun, est une illustration de l’impact de la dégradation des raphiales sur l’assèchement des rivières.

MICHEL TAKAM :
On a commencé par les cultures maraîchères, mais il y a aussi des champs de bananiers plantains, qui sont installés. On s’avance vers une destruction programmée des bas-fonds, et donc vers une perte programmée des réservoirs d’eau. Alors où prendrons-nous notre eau potable à l’avenir? Nous savons que c’est ce bas-fond jusqu’à Bamougoum à la sortie de Mbouda qui alimente la ville de Bafoussam, Badjoun, Dshang, Baham en eau potable. Mais, qu’arrivera-t-il demain ? Cette problématique de l’eau potable qui est une denrée qu’on ne peut pas acheter, devrait aujourd’hui se poser. On devrait prendre conscience de cela, et se demander ce qu’il faut faire.

ANIMATEUR :
Nous devrions aussi mentionner que l’activité agricole dans les raphiales utilise des engrais et des pesticides qui polluent les sources d’eau, créant ainsi un danger pour la santé de la population.

Thème musical

ANIMATEUR :
Les colonies de raphiales dans la zone des Grassfields possède une biodiversité riche en espèces animales et végétales. On y retrouve le hanneton et plusieurs autres insectes. Avec la destruction des raphiales, l’habitat du hanneton est menacé, comme le sont également de nombreuses variétés d’oiseaux, de reptiles et de batraciens.

Thème musical

ANIMATEUR :
Dans les Grassfields, on prévoit que le niveau d’eau des étangs, des lacs et des réservoirs va diminuer, ce qui entraînera une baisse des réserves d’eau potable dans certaines régions rurales. Les changements climatiques sont évidents. On remarque de plus en plus une instabilité du climat et les météorologues n’arrivent plus à prévoir la météo avec exactitude. Dans de nombreuses villes de l’ouest et du nord-ouest du Cameroun, incluant Bamenda et Ndop, les changements climatiques ont causé des innondations, alors que certains rapports indiquent qu’il y a une baisse considérable de la pluviométrie depuis une dizaine année. Bizarre, non?

 

À l’ouest du Cameroun, on remarque l’assèchement de nombreux points d’eau. Le problème d’accès à l’eau au sein de nombreuses régions de cette province devient de plus en plus difficile. De plus, la sécheresse fait obstruction aux pâturages ce qui fait en sorte que le prix de la viande ne cesse d’augmenter. Enfin, on observe aussi une baisse de la productivité agricole.

Thème musical

ANIMATEUR :
Face à la menace de destruction qui plane sur les raphiales, des organisations de la société civile ont entrepris des actions en vue de protéger cette végétation unique en son genre. La conservation des bosquets de raphias aidera les gens à survivre aux genres de pressions n’exerceront des changements climatiques – des précipitations plus irrégulières, des sécheresses, des températures en hausse. La conservation des bosquets de raphias augmentera la capacité des terres à faire face aux changements climatiques et permettra aux gens des régions de l’ouest et du nord-ouest du Cameroun à s’adapter aux changements climatiques.

Le rôle des raphiales dans la région des hautes terres de l’ouest du Cameroun s’impose à nous tous. Elles constituent en effet les derniers morceaux de végétations naturelles dans la région. Elles sont des sources de richesses et sont un exemple de biodiversité exceptionnelle. La civilisation des Grassfields est construite avec les produits des raphiales. La destruction du couvert végétal mènera aussi à la désertification, donc à l’accentuation de la situation de pauvreté de nos populations.

MICHEL TAKAM :
L’ADEID s’est lancée depuis une quinzaine d’années, à la protection du raphia. C’est pour cela que nous avons travaillé avec des chefferies traditionnelles de l’ouest pour voir ensemble comment lutter pour que les gens ne détruisent plus les raphias dans les bas-fonds. Avec l’appui du PNUD, nous avons mis en place un projet de conservation et de régénération des raphias, c’est d’ailleurs grâce à ce projet que nous avons les 10 milles plantes. C’est la première fois dans l’histoire qu’on a 10 milles jeunes plantes de raphia.

ANIMATEUR :
Dans sa démarche pour la protection des raphiales, ADEID a travaillé avec des collectivités locales, et la communauté scolaire à Penka Michel.

MICHEL TAKAM :
Nous essayons d’encourager la régénération des raphiales. En réalité, les gens ont souvent eu de fausses idées en pensant que, les forêts de raphias sont des formations naturelles. Mais, non, ce sont des forêts plantées. C’est pour cela qu’aujourd’hui, à travers la pépinière que vous voyez, nous sommes en train d’encourager les populations à faire ce que leurs parents faisaient. Nous voulons régénérer les petites plantes dans les champs. Pour le moment, il faut dire que la durée naturelle est comprise entre 9 et 12 mois pour que la graine germe. Il faut les placées dans de très bonnes conditions avec un terreau assez spécifique.

ANIMATEUR :
Préserver et régénérer les raphiales mènera à plusieurs avantages économiques, culturels et environnementaux dans la communauté des Grassfields. Plantez plus de raphiales peut aider à conserver plus d’eau dans la région. La survie du raphiale dépend d’une prise de conscience au niveau des collectivités. Dans le contexte des collectivités locales ou décentralisées, les municipalités pourraient créer un cadre juridique visant à protéger cette végétation unique en son genre. (Pause) Merci d’avoir écouter notre émissions sur les raphiales. Nous espérons que vous avez appris quelque chose. Au revoir.

Thème musical

Acknowledgements

Rédaction : Frederic Takang Abakwa FM Bamenda,

Révision : John FitzSimons, professeur associé, École de design environnemental et de développement rural, Université de Guelph, Canada.

Information sources

  • ADEID : action pour le développement équitable intégré et durable. Email : adeid@adeid.org
  • NOWECA: North West craft association
  • PNUD
  • Commune de Penka Michel
  • Le Centre écologique des métiers de Penka Michel
  • Tsiaze Fozang Jean Pierre Maire de la commune de Penka Michel
  • Madame Albertine Directrice du centre de Penka Michel
  • Michel Takam, ADEID, BP 1354, Bafoussam
  • Rene Tchouamo, journaliste, Cameroon radio television, Bamenda.