Notes au radiodiffuseur
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Tinga est un paysan formé à la technique de construction d’une fosse compostière. Bila, son cousin plaisantin, vient lui rendre visite pendant qu’il creuse la fosse avec quelques membres de sa famille. Un dialogue s’engage entre les deux paysans du village de Godin, où la dégradation des sols est devenue une réelle préoccupation des habitants.
Le phénomène de la désertification a été accentué par la sécheresse au cours de ces trois dernières décennies. Dans les pays sahéliens, les terres se sont considérablement dégradées et les précipitations sont devenues plus faibles. La chaleur et les évaporations sont de plus en plus fortes et persistantes. De fait, les récoltes connaissent, d’année en année, des baisses notables. Aujourd’hui, pour faire face à cette situation, des agriculteurs développent des initiatives. La fosse compostière est l’une de ces méthodes qui peuvent les aider à s’adapter aux incidences de changements climatiques.
Texte
Paroles et bruits de pioches et de pelles
BILA :
Bonjour! (Blaguant) Ne me dites pas que vous creusez la tombe de votre grand-père? Depuis quand a-t-il fait du vide?
TINGA :
(Blaguant aussi) Plutôt celle de ta grand-mère qui est bien croulante. Cette tombe, comme tu l’appelles, va me permettre de nourrir mes terres de culture et d’avoir de bonnes récoltes. De nos jours, le poulet et la bière dolo (note du rédacteur : bière de mil) ne suffisent plus aux ancêtres pour exaucer nos prières.
BILA :
Ainsi commence la folie chez certains. Tu n’as pas encore fini de nourrir tes enfants que tu te préoccupes de la terre. Tu peux me dire comment tu comptes la nourrir?
TINGA :
Qui de nous deux est devenu fou? Nos terres sont usées par des années d’exploitation. Elles sont devenues pauvres. Les récoltes diminuent d’année en année. L’accès aux intrants agricoles est de plus en plus difficile. Il pleut de moins en moins. Fais-tu le même constat que moi? La terre a faim et soif et ne peut plus nous donner satisfaction. Elle nous est reconnaissante quand elle est rassasiée. La terre a aussi besoin de la nourriture que l’homme peut lui offrir. Tu comprends ça? Le compost peut aider le sol à mieux retenir l’eau et les cultures à résister aux poches de sécheresse qui sont de plus en plus fréquentes maintenant.
BILA :
Oui, je comprends cela, mais ma question demeure.
Bruit de pioches et de pelles en fond sonore
TINGA :
Ta tombe en question est en fait une fosse fumière que je suis en train de creuser. Cette fosse va me procurer de l’engrais organique pour mes champs de culture.
BILA :
Tinga, je t’ai toujours reproché ton égoïsme. Si je ne passais pas par là, je ne saurais rien de cette fosse. Pourquoi n’aimes-tu pas partager avec les autres ce que tu sais?
TINGA :
Sois sérieux, puisque je t’en parle justement. Et je le fais avec plaisir et bonheur. Je vais reprendre pour toi les indications du technicien agricole qui nous a formés. Nous étions 25 paysans à recevoir cette formation et nous avons l’obligation de vulgariser cette technique dans nos villages. Bientôt, je vais réunir le village et l’enseigner à tous ceux qui le veulent.
BILA :
Va droit au but. Jusque-là, tu ne m’as rien dit de ce que j’attends.
TINGA :
Bien! Pour obtenir des nutriments pour la terre, il faut creuser un trou comme celui que tu vois. Il doit mesurer trois mètres de long sur trois mètres de large. Sa profondeur ne doit pas dépasser un mètre et demi. Autrement dit, la longueur et la largeur de la fosse sont égales à au moins trois fois un long bras et la profondeur à une fois et demie le bras.
Dans ce trou, on met des tiges de mil en première couche. Puis on ajoute de la cendre, des ordures ménagères, des excréments de caprins, ovins et bovins notamment, et ainsi de suite, jusqu’à remplir la fosse. Le compost doit demeurer humide et non mouillé. Il faut éviter de jeter dans la fosse des matières qui ne peuvent pas se décomposer, tel le plastique. Il faut éloigner les enfants de la fosse pour leur sécurité.
BILA :
Qu’est-ce que ces ordures apportent à la terre?
TINGA :
Ces ordures vont constituer de la nourriture pour la terre. En effet, les tiges de mil, les ordures ménagères, les excréments des animaux, et la cendre vont se décomposer pour devenir des éléments nutritifs pour le sol. Ces ordures constituent de l’engrais organique et vont rendre le sol facilement labourable. Elles vont permettre au sol de retrouver un peu de sa fertilité qu’il a perdue et de retenir beaucoup d’eau. La dégradation des sols sera amoindrie et les évaporations atténuées, car le couvert végétal va se reconstituer progressivement. Tu vois, on aura ainsi donné de la nourriture à la terre.
BILA :
Alors, moi, qu’est-ce que ce travail me rapportera?
TINGA :
Ta question est digne d’un fou.
Tinga :
(Rires) Comment, après tout ce discours, tu oses demander ce que tu peux attendre de ce travail? Tends les oreilles et écoute-moi bien : tu as de l’engrais organique à portée de main et en grande quantité (plus de dix tonnes de compost si la fosse est bien pleine). Tes terres de culture seront plus fertiles, les plantes se développeront bien et ton champ donnera de gros épis et de bons grains. La saveur et la qualité des produits seront bonnes. Tes rendements seront améliorés. L’engrais organique réduira considérablement ta dépendance vis-à-vis des engrais chimiques. Il te fera économiser de l’argent qui servira à autre chose. L’engrais organique nous offre des avantages inestimables. Tu comprends ça?
BILA :
Je serais bien le fou si je te répondais non. À mon avis, c’est une technique qui peut nous sauver d’une situation qui devient de plus en plus inquiétante : l’épuisement de nos sols. Et elle n’est pas compliquée. Dis-moi, quand vas-tu commencer les séances de formation dans le village? Je serai parmi les premiers apprenants.
TINGA :
Je le sais. Que Dieu veille sur nous!
BILA :
Maintenant que tu m’as tout expliqué, je te laisse retourner à ta tombe. Je me sauve.
TINGA :
Je salue ta sorcière de grand-mère. Passe une bonne journée.
Klaxon de vélo
Acknowledgements
Rédaction : Adama G. Zongo, chef du service de la rédaction de la direction générale de la Radio Rurale du Burkina
Révision : John FitzSimons, professeur associé, École de design environnemental et de développement rural, Université de Guelph, Canada.
Correction : Alexis Télesphore Bagre, journaliste à la retraite
Information sources
- Toula DIANDA, responsable du projet 50 000 fosses fumières (ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques, Burkina Faso).
- Serge Alfred SEDOGO, secrétaire exécutif du réseau MARP/BURKINA.
- Bobodo Blaise SAWADOGO, Communication sur les politiques nationales en matière de changements climatiques, 30 janvier 2008, Ouagadougou, Burkina Faso.