Protéger les innovations dans le domaine de l’agriculture et les connaissances traditionnelles

Questions sociales

Notes au radiodiffuseur

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Le marché mondial des médicaments et des pesticides à base de plantes ainsi que d’autres produits fabriqués à l’aide de plantes est colossal. Ce marché croît rapidement et il est très concurrentiel. Les grandes entreprises cherchent, partout dans le monde, de nouvelles plantes précieuses. Quand les entreprises trouvent ces plantes, elles développent des méthodes d’extraction qui sont habituellement fondées sur des méthodes traditionnelles et elles s’empressent de les faire breveter. Le brevet d’invention est le titre par lequel on confère à un inventeur ou à un propriétaire des droits pour un temps déterminé. En retour, l’inventeur ou le propriétaire doit divulguer l’invention. En d’autres mots, l’inventeur ou le propriétaire doit révéler au public comment fabriquer et utiliser l’invention. La révélation se fait en fonction du niveau des gens qui connaissent bien le domaine. Selon la loi, personne n’a l’autorisation de fabriquer, d’utiliser ou de vendre ce produit dans le pays où le produit est breveté. Au cours des dix dernières années, des entreprises nord-américaines et européennes ont fait breveter plusieurs matériaux extraits de plantes ou créés à l’aide de plantes venant de l’Inde y compris le riz basmati, le curcuma et le neem. Les communautés locales utilisent ces plantes depuis des centaines ou même des milliers d’années. On a aussi fait breveter des plantes traditionnelles qu’utilisent d’autres communautés dans d’autres pays. Si les communautés locales ne reconnaissent pas l’importance de leurs méthodes et de leurs savoirs et si elles ne tentent pas de les protéger convenablement, elles ne pourront peut-être plus gérer la façon dont on utilise les plantes traditionnelles au-delà de leurs frontières. Si les communautés locales ne mènent pas un combat contre l’obtention de brevets dans d’autres pays, elles ne pourront peut-être plus exporter vers ces pays. Un grand nombre de communautés ont commencé à se défendre. Certaines communautés, comme celles décrites dans le texte suivant, contestent la validité des brevets d’invention devant les tribunaux.

D’autres communautés trouvent d’autres moyens de défendre leur patrimoine. En tant que communicateur, vous pouvez aider les communautés à apprécier leur savoir traditionnel et à sauvegarder le droit qu’elles ont de protéger de l’exploitation ces connaissances traditionnelles. Vous pouvez aider les communautés et les particuliers à étudier et à revendiquer leur patrimoine en diffusant des textes qui instruisent et qui divertissent.

Texte

Personnages

Animateur

Vishwas Amitraj:
agriculteur dans la cinquantaine

ANIMATEUR
– Auditeurs, bonjour [bonsoir]. Au cours des dernières émissions, nous avons célébré le succès d’agriculteurs locaux qui ont trouvé des solutions à des problèmes de tous les jours grâce à l’innovation et l’expérimentation. Nous avons parlé des sujets suivants : régénération de la terre dégradée, nouvelles façons de gagner un revenu ainsi que méthodes pour conserver le sol et les eaux. Nous avons aussi discuté de l’importance de partager des histoires de réussite avec d’autres agriculteurs.

Aujourd’hui, nous allons entendre parler d’un autre aspect important de l’innovation dans le domaine de l’agriculture — protéger nos innovations afin qu’elles ne soient pas brevetées. Pour nous aider à comprendre ce que cela veut dire, je vais m’entretenir avec Vishwas Amitraj. M. Amitraj est membre d’un groupe d’agriculteurs indiens qui, il y a deux ans, ont aidé à gagner une grande victoire devant les tribunaux. Bienvenue, M. Amitraj. Pouvez-vous nous parler de votre victoire?

VISHWAS
– Bonjour [Bonsoir]. Oui, nous sommes très contents. La cour est d’accord avec nous : tout le monde peut utiliser le neem gratuitement et personne ne peut faire breveter cet arbre.

ANIMATEUR
– Pouvez-vous expliquer à nos auditeurs ce qu’est un brevet d’invention?

VISHWAS
– Un brevet d’invention c’est une licence qui donne à une personne ou à une entreprise le droit exhaustif de fabriquer, d’utiliser et de vendre un produit particulier dans un pays précis.

ANIMATEUR
– Pourquoi avez-vous intenté un procès contre une entreprise?

VISHWAS
– Une grande entreprise voulait obtenir un brevet d’invention pour fabriquer un pesticide à l’aide du neem. Par conséquent, toute personne qui voulait utiliser le pesticide devait payer l’entreprise pour le faire.

ANIMATEUR
– Dites-nous comment l’obtention d’un brevet pour le neem toucherait les agriculteurs indiens?

VISHWAS
– D’abord, permettez-moi de vous parler du neem. Depuis plus de 2 000 ans, on utilise, en Inde, le neem d’un grand nombre de façons. Les agriculteurs se servent du neem pour protéger des insectes le grain entreposé. Pour éloigner les insectes, les femmes dans le Sud de l’Inde allument des lampes à l’aide de l’huile de neem. Les gens partout en Inde utilisent le neem comme médicament. Mais une entreprise voulait faire breveter une méthode visant à lutter contre les maladies des plantes en utilisant un extrait des graines de neem.

ANIMATEUR
– Pourquoi étiez-vous opposés à cette idée?

VISHWAS
– Si une entreprise fait breveter le neem comme fongicide, toute personne qui veut utiliser le neem à cette fin dans le pays où le brevet a été déposé doit payer une somme à l’entreprise qui a le brevet. Voici un fait intéressant. Le nom scientifique du neem vient du persan et signifie « l’arbre de la liberté de l’Inde ». Mais si on fait breveter le neem, cela veut dire que nous ne serons plus libres d’utiliser le neem.

ANIMATEUR
– Mais est-ce légal pour les entreprises d’obtenir un brevet pour un produit que les gens utilisent depuis 2000 ans?

VISHWAS
– Nous nous y sommes opposés. Après tout, si un produit a déjà été utilisé, ce n’est pas véritablement une invention. Et les tribunaux en Europe étaient du même avis.

ANIMATEUR
– Les journaux ont mentionné que c’est une importante victoire pour les communautés en Inde. Pourquoi est-ce important?

VISHWAS
– C’est la première fois que cela arrive. On n’avait jamais rapporté par écrit la plupart des façons d’utiliser le neem. Les méthodes avaient été transmises oralement des parents aux enfants. Jamais auparavant une cour en Europe ou en Amérique du Nord n’avait reconnu que les connaissances orales sont des connaissances réelles et valables au même titre que les connaissances scientifiques consignées. Notre victoire est aussi importante parce qu’il y a un grand nombre d’autres plantes en Inde et dans d’autres pays qui ont été utilisées pour traiter les maladies ou pour lutter contre les organismes nuisibles. Grâce à notre victoire, des communautés partout dans le monde espèrent pouvoir protéger les connaissances locales traditionnelles et continuer d’utiliser gratuitement les plantes de leur région.

ANIMATEUR
– La poursuite en justice est-elle le seul moyen de protéger les connaissances traditionnelles?

VISHWAS
– Heureusement, non. Il est parfois utile de recueillir des renseignements portant sur les connaissances traditionnelles et de les consigner. Partout dans le monde, des communautés sont en train de prendre cette mesure pour sauvegarder les connaissances traditionnelles et pour s’assurer qu’on ne fera pas breveter la façon dont ces communautés utilisent les plantes. Des gens transcrivent ce savoir dans Internet ou dans des revues. D’autres communautés mettent simplement par écrit l’information et elles conservent elles-mêmes les dossiers. Les gens devraient cependant savoir que les lois diffèrent d’un pays à l’autre. Il est important de connaître les lois en vigueur dans votre pays pour vous assurer que les connaissances traditionnelles sont protégées.

ANIMATEUR
– Y a-t-il d’autres moyens de protéger les plantes locales et leurs utilisations traditionnelles?

VISHWAS
– Partout dans le monde, beaucoup de communautés se rendent compte qu’elles ont un but commun — protéger le patrimoine et les connaissances traditionnelles. Ces communautés sont, par exemple, des communautés d’agriculteurs, des communautés de gens qui vivent dans la forêt tropicale, des communautés de gens qui vivent dans la montagne ou autres. Il est toujours plus facile de travailler en collaboration avec un nombre d’organisations partout dans le monde qui appuient vos activités et vos croyances.

ANIMATEUR
– Eh bien! M. Amitraj, vous nous avez tellement donné aujourd’hui matière à réfléchir. Avant de nous quitter, avez-vous autre chose à dire à nos auditeurs?

VISHWAS
– Deux mots : le premier, information; le deuxième, célébration. Il est important de renseigner les gens qui vivent dans nos communautés et de leur dire que les connaissances traditionnelles, particulièrement la façon dont nous utilisons les plantes, sont importantes et précieuses. Le neem n’est qu’un exemple et il y a en beaucoup d’autres. Nous devons surtout dire aux gens que ce savoir nous appartient et que nous avons le droit de tirer profit de la façon de l’utiliser. Parce que le savoir nous appartient, nous devrions gérer la façon de l’utiliser. Nous devons défendre ce droit sinon nous risquons de le perdre.

ANIMATEUR
– Et célébration?

VISHWAS
– Célébrer nous aide à protéger notre patrimoine. Partout dans le monde, il y a des foires et des festivals au cours desquels nous honorons et célébrons les connaissances que nous avons en matière de plantes médicinales. Nous avons accumulé ces connaissances au cours de plusieurs milliers d’années. Grâce aux célébrations nous ne nous laisserons pas abattre. Ces célébrations nous donneront de l’espoir.

ANIMATEUR
– Merci, M. Amitraj. Votre victoire est une source d’inspiration. Et nous vous remercions d’avoir été à l’écoute aujourd’hui.

Acknowledgements

Collaboration : Vijay Cuddeford, North Vancouver, Canada.

Révision : Victoria Henson-Apollonio, directrice et scientifique principale, GCRAI (Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale) Service consultatif central en matière de propriété intellectuelle, Pays-Bas.

Information sources

Traditional knowledge of biodiversity in Asia-Pacific: Problems of Piracy and Protection. Genetic Resources Action International (GRAIN) et Kalpavriksh, octobre 2002. Adresse Web : http://www.grain.org/publications/tk-asia-2002-en.cfm GRAIN, Girona 25, pral., E-08010, Barcelona, Spain. Téléphone :  +34 933011381. Télécopieur :  +34 933011627. Adresse électronique : grain@grain.org

The Johannesburg Declaration on Biopiracy, Biodiversity and Community Rights. BioWatchhttp://www.biowatch.org.za/jhbdecl.htm Padmanabhan, Chitra.

The Mysterious Case of the Neem Tree. Pitara.com Kids Network.http://www.pitara.com/news/news_indepth_india/online.asp?story=4

Raghavan, Chakravarti. « Neem Patent Revoked by European Patent Office ». South-North Development Monitor, 15 mai 2000. http://www.twnside.org.sg/title/revoked.htm Third World Network, 121-S jalan utama, 10450 Penang, Malaysia.

« Level Playing Field ». Orbit, juin 2002. http://www.vso.org.uk/publications/orbit/83/article1.htm

Neem: A Plant for All Seasons. Research Foundation for Science, Technology and Ecology. RFSTE, A-60, Hauz Khas, New Delhi, India 110016. Téléphone :  +91 11 26968077 et 26853772. Télécopieur :  +91 11 26856795. Adresse électronique : rfste@vsnl.com

Background paper on the Neem Patent Challenge. Nederlands Platform Genetechnologie, postbus 40066, 1009 BB, Amsterdam (t.n.v.het NPG, kamer 211). Téléphone : 020-6684085. Télécopieur : 084-8733856. Adresse électronique :info@platformgentechnologie.nl