La culture en ruelles recycle les engrais perdus dans le sol

Notes au radiodiffuseur

Nous de cette station de radio faisons partie d’un réseau mondial d’information qui collige l’information dans différents pays en voie de développement à la grandeur du monde. C’est le Réseau de Radio Rurale des Pays en Développement, patronné par l’Agence Canadienne de Développement International, la Massey Ferguson et l’Université de Guelph.
Par ce Réseau, nous vous apportons de l’information portant sur les moyens d’augmenter les ressources alimentaires pour votre famille, ou pour la vente des moyens que d’autres cultivateurs ont mis en œuvre avec succès.
Notre sujet d’aujourd’hui porte sur la fertilité des sols. Voici à ce propos, George Atkins.

Texte

GEORGE ATKINS :
Une bonne partie de la terre que nous utilisons pour produire des récoltes était autrefois couverte d’arbres. Au cours du défrichement de cette terre, on a brûlé beaucoup de bois, de broussaille et de feuillage, et les cultures ont bien poussé dans les débuts. Mais vous savez qu’avec le temps le rendement des récoltes s’est mis à diminuer.
Maintenant vous serez probablement contents d’apprendre qu’on a découvert un moyen de rehausser les rendements des cultures sans devoir employer d’engrais coûteux. Mais avant d’aller plus loin, nous devrions nous demander pourquoi les rendements commencent à baisser peu après qu’on a coupé les arbres.
J’ai eu l’occasion de discuter de ce sujet avec un homme qui connaît bien cette question, le Dr. Bede Okigbo, sous-directeur général de l’Institut International d’Agriculture Tropicale en Afrique (IITA). Voici en résumé ce qu’il nous en a dit:
Les sols tropicaux sont très profonds. Lorsqu’il pleut, la pluie entraîne dans la terre une bonne partie des éléments de fertilité contenus dans la couche en voie de décomposition à la surface soit (les feuilles mortes qui pourrissent sur le sol).
Dans la forêt, les arbres ont des racines pivotantes très longues. Ces fortes racines, pour ainsi dire, captent ces éléments de fertilité entraînés dans les couches profondes du sous-sol et les recomptent vers les feuilles (vivantes).
Et puis arrive un moment où ces feuilles meurent à leur tour et tombent sur la terre. Vous avez ainsi un processus de recyclage continu; les éléments de fertilité qui tombent avec les feuilles pénètrent dans le sol et sont de nouveau pompés par les racines vers les feuilles nouvelles pour recommencer le cycle.
C’est la raison qui fait que la forêt tropicale est toujours aussi luxuriante, qu’elle a toujours l’air aussi riche; en fait, les éléments de fertilité dont nous parlons se retrouvent dans la végétation elle-même.
Le problème n’est donc pas dans les arbres mais dans la disparition des arbres. Quand nous nous mettons à produire des cultures dont les racines ne sont pas profondes, deux sortes de problèmes se présentent:
1. D’abord les racines ne s’enfoncent pas assez loin pour pouvoir ramener ces éléments de fertilité comme le font les racines des arbres;
2. ensuite, ces récoltes ne déposent pas à la surface du sol autant de déchet que les arbres.
En climat très chaud, les débris ou la matière organique dans le sol se décompose très rapidement. Non seulement nous devons garder dans le sol une bonne quantité de matière organique, mais nous devons aussi remplacer les éléments de fertilité que les cultures enlèvent du sol.
Bien sûr il y a des gens qui ont pris soin du sol de cette façon depuis de longues années, d’autres en pratiquant la méthode d’essartage et de jachère. Comment ont-ils procédé? Ils ont commencé par couper et brûler les arbres et les broussailles; puis ils ont produit quelques récoltes sur le sol où il y avait eu des arbres. Par la suite, ils laissent pousser des arbustes et des arbres à racines profondes, pendant qu’ils défrichent une autre partie de la forêt pour y faire des cultures. Plus tard, beaucoup plus tard, ils peuvent défricher de nouveau la même parcelle de forêt pour y faire quelques récoltes et ainsi de suite.
Revenons donc à ce qui arrive lorsqu’on cultive sans arrêt la terre qui a été défrichée. Comment faire pour conserver la fertilité du sol sans acheter de grandes quantités d’engrais? Où allons nous prendre toute la matière organique qu’il faut pour améliorer le sol que nous cultivons? Après qu’on a enlevé du sol tous ces arbres à racines profondes, y atil encore un moyen de ramener en surface des éléments de fertilité qui sont descendu dans les profondeurs du sous-sol? Bien sûr, il y a moyen et ça ne coûte pas énormément d’argent.
On a inventé une nouvelle méthode qui nous permet de continuer à produire des récoltes sur cette terre, en pratiquant le recyclage dont nous a parlé le Dr. Okigbo.
Cette méthode, on l’appelé la « Culture en ruelles » ou la « Culture en avenues ».
Je vais tâcher de vous dire à quoi ressemble votre champ si vous essayez cette méthode de culture. Sur tout un côté du champ vous avez une rangée d’arbustes légumineux ou de petits arbres légumineux plantés très proches les uns des autres. Puis, plus loin dans le champ, à 3 ou 4 mètres (verges) de cette première rangée, vous avez une deuxième rangée de ces arbustes, poussant parallèlement à la première. Et ainsi de suite, de 34 mètres en 34 mètres une autre rangée.
Voyons maintenant ce que vous avez: de longues rangées d’arbustes légumineux séparant des bandes de terre. On pourrait appeler ces bandes de terre des « ruelles » ou des « avenues » et c’est sur ces ruelles que vous allez planter ou semer vos cultures; des cultures comme le maïs, le riz sec, et d’autres céréales, les doliques ou niébé ou les fèves soja, toutes cultures comme celle-là. Si vous cultivez à flanc de coteau, même en pente peu prononcée, les ruelles devraient toujours être orientées suivant le contour, jamais de haut en bas. Si les ruelles suivent le contour, l’érosion du sol sera bien moins grave, peut-être tout à fait arrêtée.
Maintenant, si vous rabattez les arbustes légumineux tout juste au-dessus du sol, ils vont se remettre à grandir. Donc en rabattant les arbustes deux ou trois fois chaque année et en étalant les feuilles et les branches sur le sol des ruelles, vous ajouterez au sol de la matière organique et des éléments de fertilité qui favoriseront vos cultures.
Voici donc ce qu’il en est, d’après Doug Couper, Directeur de la ferme de l’Institut d’Agriculture Tropicale.

COUPER :
Une fois que les arbres sont coupés, ils n’ont plus de racines profondes. Quand les bons éléments nutritifs des plantes se dispersent dans le sous-sol, les plantes ne peuvent plus en profiter. C’est pourquoi tant de bons éléments de fertilité sont tout simplement perdus.
Pour cette raison, on essaye à la ferme de faire quelque chose pour rebâtir les conditions de la forêt. Le moyen que nous avons adopté c’est de planter des arbustes légumineux à racines très profondes. Ces longues racines vont rejoindre les éléments de fertilité qui se sont enfoncés loin dans le sol, vont les capter et les ramener dans les arbustes qui vont produire de nouvelles branches, des feuilles neuves. Celles-ci à leur tour vont retourner au sol pour rendre la fertilité aux récoltes que nous produisons.
Vous allez me demander: fautil souvent rabattre les arbustes pour remettre au sol les branches et les feuilles?
A la ferme de l’Institut, on ne laisse pas trop grandir les arbustes pour qu’ils ne fassent pas trop d’ombre nuisible aux cultures.
A cette fin, avant de semer chaque culture, on fait le rabattage et on répand feuilles et brindilles sur la surface nue qui sépare les rangées d’arbustes.

ATKINS :
Nous parlerons maintenant des différentes sortes d’arbustes légumineux. Disons que selon la partie du monde en cause, le cultivateur se servirait de toute espèce d’arbustes ou de buisson légumineux à sa portée.
Dans la région où nous nous trouvions en compagnie de Messieurs Okigbo et Couper, on a trouvé pratique pour ce système de culture le Leucaena (ipil ipil ou lampora) ou une autre espèce d’arbuste qu’on appelle le février (Gliricidia septium). C’est ce qu’on pouvait voir dans le champ que nous avons visité.
On a trouvé là-bas que la meilleure distance à garder entre les rangées d’arbres légumineux qu’on veut planter ainsi serait de 3 mètres (10 pieds).
Dites-vous bien que de cette façon vous changez votre méthode de culture. En faisant le paillage recommandé, vous ajoutez un paillis ou sol avec chaque culture que vous plantez ou semez. Et le degré de fertilité de votre sol sera modifié.
L’effet des arbustes légumineux sera de produire de l’azote et de la matière organique. Et bien sûr, les racines profondes de ces arbustes vont capter les éléments nutritifs qui ont été entraînés vers les profondeurs et les remonter à la surface au bénéfice de vos plantes cultivées.
Mais il y a autre chose. On essaye de ne pas incorporer le paillis au sol, mais de le déposer seulement sur la terre. De cette façon, il est clair qu’on protège la surface du sol contre l’impact des gouttes de pluie qui peut faire grand dommage. On retient davantage d’humidité; on retient plus de principes nutritifs.
Cette méthode offre un avantage additionnel lorsque le bois des arbustes grossit. On peut alors en faire du bois de chauffage, ou bien des piquets pour supporter les cultures grimpantes, ou des tuteurs pour les ignames.
Autre avantage encore, les brindilles et le feuillage des arbustes peuvent servir à nourrir les animaux, les bovins, les chèvres et les moutons. Et il n’y a pas de raison pour qu’on ne puisse mettre à sécher ces feuilles très riches en protéine pour aider à compléter l’alimentation protéique des volailles. Voilà autant d’usages profitables.
Et alors, en gardant la richesse du sol par le recyclage, nous allongeons de beaucoup le temps où on peut continuer à produire des cultures sans devoir acheter de grandes quantités d’engrais coûteux.
A cause de toute cette gamme d’avantage du système que nous avons décrit, je suis sûr que la culture en ruelles deviendra une méthode de culture très importante sous les tropiques.

ATKINS :
Merci donc à Doug Couper et au Dr. Okigbo de l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) à Ibadan, Nigeria, pour nous avoir fourni cette précieuse information.
Au Service de « l’Agriculture, l’Industrie de Base, » vous venez d’entendre un message du Réseau de Radio Rurale par la voix de Jean Boisjoly.

Information sources

1. Leucaena: Promising Forage and Tree Crop for Tropics, deuxième édition 1984 (100 pages) de National Research Council. Disponible de BOSTID (JH217D), National Research Council, 2101 Constitution Ave., Washington, D.C. 20418, U.S.A. https://www.nap.edu/catalog/21315/leucaena-promising-forage-and-tree-crop-for-the-tropics