L’anacardier : une défense contre les feux de brousse

Agriculture

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Notes aux radiodiffuseur.euse.s

Au Sénégal, les premières plantations d’anacardier remontent à la période coloniale lorsqu’elles étaient cultivées pour diversifier le régime alimentaire des populations rurales. Depuis la période des indépendances, l’Etat Sénégalais a promu l’anacardier par le biais du département de l’agriculture et de l’animation rurale avec l’objectif de lutter contre les feux de brousse et l’érosion des sols. Outre la protection de l’environnement, les plantations d’anacardier présentent des avantages économiques. Grâce à l’appui du Projet Anacardier Sénégalo-Allemand, l’aspect économique s’est concrétisé dans les années 1970, dans la zone de Sokone. La culture de l’anacarde aussi participe à la conservation des ressources naturelles et à la protection de la biodiversité.

Dans ce texte radiophonique, trois agriculteurs partagent leurs vécus sur l’utilisation de l’anacardier comme défense contre les feux de brousse. Après eux, interviendront un Colonel et un Lieutenant des eaux et forêts, tous deux spécialistes en la matière, pour une meilleure clarification.

Pour réaliser une émission similaire sur les plantations d’anacardier comme stratégie contre les feux de brousse, vous pourrez vous inspirez de ce texte. Si vous choisissez de présenter ce texte dans le cadre de votre émission agricole, vous pouvez utiliser des comédien.ne.s pour représenter les différents intervenants. Et dans ce cas, veuillez indiquer à votre auditoire, tout au début de l’émission, que les voix sont celles des comédien.ne.s et non celles des véritables participants.

Si vous souhaitez créer vos propres émissions sur les plantations d’anacardier, parlez avec des agriculteur.trice.s qui l’ont expérimenté et des spécialistes du domaine. Vous pourriez leur poser entre autres questions :

  • Qu’est-ce qui fait la spécificité de l’anacardier?
  • Quels sont les dommages que peuvent causer les feux de brousse?
  • Comment les anacardiers protègent-ils les agriculteurs.trice.s contre les feux de brousse?
  • Quels sont les avantages liés à la plantation d’anacardiers?

Durée estimée, avec l’indicatif musical, l’intro et l’extro : 15-20 minutes.

Texte

ANIMATRICE :
Bonjour chers auditeurs et auditrices, nous allons parler aujourd’hui des plantations d’anacarde comme défense contre les feux de brousse. Pour en débattre, nous recevons pour vous, Souleymane Diao, Boubacar Seydi et Elias Diouf, tous des agriculteurs. Et aussi Djibril Ba, accompagné de Mady Racine Sagna, respectivement Colonel des eaux et forêts et Lieutenant des eaux et forêts.

Entrons maintenant dans le vif du sujet. Colonel Djibril Ba, quels sont les événements majeurs ayant permis le développement de la filière anacarde au Sénégal?

COLONEL DJIBRIL BA:
Il y a trois facteurs de base. Premièrement, la forte immigration des Bissau-Guinéens fuyant les luttes de libération de leur pays de 1970 à 1974. Ces personnes ont contribué à la popularisation de la culture de l’anacarde à Ziguinchor et à Kolda.

Le deuxième facteur est l’arrivée d’exportateurs et exportatrices de la Guinée-Bissau, qui sont entrés au Sénégal dans les années 1990. Ils ont acheté plus de 95% de la production de noix de cajou et ont influencé l’ensemble du système de commercialisation des produits à base de noix de cajou. Ils ont également introduit de nouveaux acteurs et actrices dans le secteur, tels que les ramasseurs et ramasseuses, les commerçants et commerçantes et les transporteurs routiers et maritimes.

Enfin, il y avait des initiatives de bailleurs de fonds internationaux. Ces projets ont amélioré la transformation des anacardiers avec l’installation de petites unités artisanales à la ferme.

ANIMATRICE :
De manière générale les feux de brousse n’épargnent pas les plantations. Lieutenant Mady Racine Sagna, quels sont les potentiels dommages que peuvent causer feux de brousse sur le plan socioéconomique?

LIEUTENANT MADY SAGNA:
D’abord, il y a la perte des espaces cultivables, du bétail et des arbres fruitiers. Il y a également la perte des plantes et du tapis herbacé pouvant servir de nourriture aux bétails pendant la saison sèche. Des pertes peuvent aussi survenir dans la production agricole de cultures telles que les arachides, le millet, et autres. Les feux de brousse peuvent entraîner la migration des animaux vers d’autres zones.

Sur le plan économique, on peut parler de la baisse de la production forestière et des rendements.

ANIMATRICE :
Comment la plantation de noix de cajou peut profiter aux agriculteurs et agricultrices?

LIEUTENANT MADY SAGNA :
La plantation de noix de cajou profite aux agriculteurs et agricultrices à cause du microclimat que la plantation crée. Celle-ci améliore les rendements des agriculteurs et agricultrices par rapport aux cultures telles que la pomme de cajou, la noix et le vin de cajou, sans oublier les revenus monétaires.

ANIMATRICE:
Colonel Djibril Ba, quels sont les caractéristiques de l’anacardier en tant qu’espèce qui protège contre les feux de brousse?

COLONEL DJIBRIL BA:
Très peu de végétation pousse sous les anacardiers. Le principal avantage de l’utilisation des anacardiers comme moyen de défense contre les feux de brousse est que nous n’avons pas besoin d’entretenir un pare-feu. L’expérience a montré qu’une fois que le feu se déclenche, l’arbre est endommagé mais ne meurt pas, contrairement aux autres espèces. A ses pieds, il y a toujours une vie. Et quand l’hivernage arrive, l’arbre renait grâce à ses racines moyennement profondes.

ANIMATRICE:
Lieutenant Mady Racine Sagna, outre la protection contre les feux de brousse, quels autres bénéfices peuvent découler de la plantation d’anacardiers?

LIEUTENANT MADY SAGNA:
L’anacardier a plusieurs autres avantages. Ses branches doivent être taillées régulièrement. Le bois coupé est utilisé comme bois de chauffe et peut créer du très bon charbon. De ses fruits, on tire la très appréciée noix de cajou et la pomme de cajou dont on peut obtenir du jus, du sirop et de la confiture.

L’anacardier a plusieurs caractéristique sspéciales. Il pousse aussi bien à l’état sauvage qu’en culture jusqu’à mille mètres d’altitude. Les feuilles sont huileuses et brûlent difficilement. La densité du couvert empêche la lumière de filtrer en-dessous. L’absence de végétation sous l’arbre élimine le combustible potentiel de la trajectoire du feu.

L’anacardier a besoin de sols bien drainés, riches et un bon apport en eau afin d’obtenir les meilleurs rendements. Il peut atteindre une hauteur d’une quinzaine de mètres à l’âge adulte. L’anacardier pousse souvent dans les endroits venteux. Et c’est notamment pour cette raison qu’ils sont souvent utilisés comme brise-vent.

ANIMATRICE:
Certains agriculteurs et agricultrices ont testé l’utilité de l’anacardier comme défense contre les feux de brousse. C’est le cas d’Elias Diouf. Il s’y active depuis plusieurs décennies au Sokone, située dans le Sine-Saloum à l’ouest du Sénégal. Ecoutons.

ELIAS DIOUF :
J’ai appris la capacité de l’anacardier à résister aux feux de brousse lors d’un projet en 1981. Depuis lors, j’ai planté des anacardiers tout autour de mes vergers pour protéger les autres arbres fruitiers qui s’y trouvent, tels que les manguiers et les orangers. Et les feux de brousse n’ont jamais atteint l’intérieur de mes plantations. Nous constatons simplement un ralentissement de la production de noix de cajou dans la mesure où nous devons attendre que l’arbre se régénère pour pouvoir produire à nouveau.

ANIMATRICE:
Quel type de sol booste le plus la croissance de l’anacardier?

COLONEL DJIBRIL BA:
Le sol Dior admet le plus rapidement une croissance de l’arbre. Ce type de sol est qu’il est sablonneux et limoneux.

ANIMATRICE :
Quels sont les différents types de plantations d’anacardier?

COLONEL DJIBRIL BA:
Il y a la plantation de l’Etat, la plantation communautaire et la plantation individuelle.

ANIMATRICE :
Quels sont les différents types d’aménagement qui se rapportent à ces plantations d’anacardier?

COLONEL DJIBRIL BA:
Il y a des plantations d’axes routiers pouvant servir de pare-feu vivant, et des plantations en haies vives pouvant servir de brises de vent et de pare-feu. Il y a aussi des plantations où les anacardiers font partie d’un système agroforestier et fournissent au sol des nutriments tels que l’azote.

ANIMATRICE :
Nous allons également interroger deux autres agriculteurs et agricultrices qui s’activent dans la filière anacarde. Il s’agit de Souleymane Diao qui nous vient du département de Vélingara dans la région de Kolda et de Boubacar Seydi, agriculteur et éleveur dans la région de Ziguinchor. Messieurs depuis quand évoluez-vous dans la plantation d’anacardiers?

SOULEYMANE DIAO :
J’évolue dans le secteur de l’anacarde depuis 2018.

ANIMATRICE:
Et vous Monsieur Boubacar Seydi?

BOUBACAR SEYDI :
Je suis dans le secteur depuis 1985.

ANIMATRICE :
Alors comment démarre-t-on une plantation d’anacarde?

BOUBACAR SEYDI :
Cela nécessite plusieurs étapes. Tout d’abord, il faut préparer le terrain. Ensuite, procéder à la sélection des graines à planter. Et enfin, faire une pépinière ou semer directement la graine dans le sol.

ANIMATRICE :
Combien de temps faudrait-il attendre pour que la plantation soit mature?

BOUBACAR SEYDI:
La plantation sera mature après trois ans de bon suivi et de bonnes pratiques agricoles, comme un approvisionnement en eau adéquat et de bonnes variétés. Dans une zone où l’arbre bénéficie de soleil et d’espace, il produit mieux et plus longtemps.

ANIMATRICE:
Saviez-vous auparavant que les plantations d’anacardiers pourraient constituer une solution pour lutter contre les feux de brousse?

SOULEYMANE DIAO:
Non, je ne l’ai jamais su. Je pense qu’il faudrait continuer avec cette stratégie.

BOUBACAR SEYDI:
Outre l’aspect économique, il y a l’aspect environnemental qui est non moins négligeable. L’expérience nous a montré que les plantations d’anacardiers permettent de lutter contre les feux de brousse avec le système de pare-feu. Cet arbre fournisse également de l’ombrage.

ANIMATRICE:
Quel est l’apport de l’industrie de la noix de cajou dans votre quotidien?

SOULEYMANE DIAO:
C’est très importante à bien des égards. On peut manger la pomme de cajou ou le transformer en confiture ou en jus et vendre la noix.

ANIMATRICE:
A combien s’élève le rendement annuel d’une plantation?

SOULEYMANE DIAO :
Un hectare d’une plantation d’anacardiers peut générer jusqu’à un million trois cent mille francs CFA (US $ 2,070) par an.

BOUBACAR SEYDI:
Avec la modernisation des exploitations et l’intégration de nouvelles variétés, il est possible d’obtenir un rendement de 1 000 à 1 500 kilogrammes à l’hectare. En effet, plus l’arbre bénéficie d’espace et d’ensoleillement, mieux il produit. Avec l’expérience, nous avons constaté que les types de plantations linéaires donnent plus de satisfaction que les plantations aléatoires. Les plantations linéaires plantent en lignes droites, protègent mieux le sol et permettent des activités complémentaires comme l’agriculture durable ou l’agroforesterie. Dans les plantations linéaires, il y a un certain espacement entre les plantules. Dans les plantations aléatoires, il n’y a aucune norme d’espacement. Aucun suivi n’est fait, ni d’entretien; la plantation est laissée à la merci de la nature.

ANIMATRICE :
Retenons que les plantations d’anacardiers constituent une véritable défense contre les feux de brousse. Ceci, en raison de la texture et de la spécificité de la plante. Sa capacité régénératrice et sa résistance au feu font de cette plante à la fois un pare-feu et un brise-vent. La filière anacarde est en effet une niche financière. La noix de cajou et la pomme de cajou peuvent être transformé pour apporter une plus-value à la filière anacarde.

Cette émission a été réalisée avec la participation de Djibril Ba, Colonel des eaux et forêts et Mady Racine Sagna, Lieutenant des eaux et forêts. Il y avait également sur le plateau, Souleymane Diao, Boubacar Seydi et Elias Diouf, tous agriculteurs qui ont partagé avec nous leurs expériences. Recevez nos sincères remerciements. A nos chers auditeurs et auditrices, rendez-vous la prochaine fois pour une nouvelle émission. Portez-vous bien!

 

Acknowledgements

Remerciements

Rédigé par : Amy Keita, journaliste, Dakar, Sénégal.

Révisé par : Mady Racine Sagna, Lieutenant Adjoint au chef du secteur des Eaux et Forêts de Bignona.

Interviews :

Djibril Ba, Colonel des Eaux et Forêts. Interview réalisée le 30 décembre 2021.

Mady Racine Sagna, Lieutenant Adjoint au chef du secteur des Eaux et Forêts de Bignona. Interview réalisée le 03 février 2022.

Souleymane Diao, agriculteur à Vélingara, région de Kolda. Interview réalisée le 03 novembre 2021.

Boubacar Seydi, agriculteur/éleveur en Casamance. Interview réalisée le 1er février 2022.

Elias Diouf, agriculteur à Sokone. Interview réalisée le 20 mai 2022

Cette ressource a été produite grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.