Chaîne de valeur du manioc en Tanzanie : l’après-récolte

Activités après récolte

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Introduction et instructions sur l’utilisation de la présente série d’enjeux

La présente série d’enjeux vise à fournir aux radiodiffuseurs les renseignements nécessaires qui leur permettront de réaliser des émissions efficaces et divertissantes sur la chaîne de valeur du manioc (un aliment de base dont le nom scientifique est Manihot esculenta) après la récolte.

La série d’enjeux porte sur la production du manioc en Tanzanie, mais les informations qui y figurent peuvent être adaptées à d’autres pays producteurs de manioc en Afrique subsaharienne.

La section 2 de cette série présente l’histoire d’un producteur tanzanien qui transforme aussi de manioc.

La section 3 fournit des renseignements généraux sur les activités liées à la chaîne de valeur du manioc après la récolte. Veuillez consulter l’Élément 9 Introduction aux chaînes de valeur de l’Ensemble de ressources 95 pour voir la définition de la « chaîne de valeur » et mieux saisir l’importance des chaînes de valeur pour les radiodiffuseurs, les agricultrices et les agriculteurs. Cf. également l’Élément 1 La chaîne de valeur du manioc en Tanzanie : la production de l’Ensemble de ressource 96 pour avoir des informations sur la production de manioc, ainsi que la réalisation d’émissions radiophoniques efficaces et divertissantes sur sa production.

La dernière section, la section 4, dresse une liste de sources d’informations supplémentaires sur la chaîne de valeur après la récolte, y compris les organismes de ressources, les émissions radiophoniques, les vidéos et les documents en ligne.

Les informations de la présente série d’enjeux peuvent être utilisées à plusieurs fins. Par exemple :
Vous pourriez utiliser l’histoire de la section 2 pour créer vos propres histoires locales. Vous pourriez commencer par des entrevues avec les transformateurs, les vendeurs de manioc, etc.
Vous pouvez utiliser la section 3 comme renseignements de base pour une émission quelconque sur le manioc après la récolte.
Vous pourriez contacter un ou plusieurs organismes figurant à la section 4 pour avoir des renseignements ou vous entretenir avec un spécialiste du manioc.
Vous pourriez vous servir des ressources audio et vidéo, ainsi que des documents en ligne mentionnés dans la section 4 pour réaliser des émissions sur l’arachide.

Histoire sur le manioc

Mohamed Rajabu est un agriculteur du village de Tongwe, situé à près de 50 kilomètres au sud-ouest de la ville de Tanga sur la côte de l’océan Indien en Tanzanie. Le manioc a changé la vie de M. Rajabu et celle de sa famille. Il produit désormais plus qu’il n’en faut pour subvenir au besoin des siens et vendre le surplus sous forme de farine.

M. Rajabu est membre du Groupement agricole de Tongwe qui a construit un centre de transformation de manioc géré par les agricultrices et les agriculteurs du village. Le centre est équipé de coupe-frites et de râpes manuels et électriques, ainsi que presses destinées à essorer le manioc râpé. La purée de manioc râpé et les cossettes de manioc sont séchées et réduites en farine avant d’être vendues.

Avant d’entamer la culture du manioc, les mauvaises récoltes liées à la mauvaise pluviométrie ne permettaient pas à M. Rajabu de subvenir aisément à ses besoins familiaux. Mais depuis qu’il a commencé à cultiver le manioc, la demande croissante pour ce tubercule lui rapporte désormais des revenus convenables.

En raison de l’augmentation de sa production, le Groupement agricole de Tongwe a pu signer une entente avec une chaîne de supermarchés locale pour vendre à ses membres le manioc transformé aux prix courants.

Le manioc a renforcé la sécurité financière de M. Rajabu au point qu’il s’oriente vers d’autres activités. Il a investi 3 000 000 shillings [1 800 $US] de ses recettes de vente de manioc dans l’achat d’un magasin à Tongwe pour approvisionner les villageois en produits de première nécessité comme le savon, le sucre, les ustensiles en plastique, le sel et l’huile de cuisson.

Adapté du Cassava Cushions Tanzanian Farmers from Climate Impacts (le manioc protège les agriculteurs tanzaniens des impacts du changement climatique) (Trust, juillet 2012 : https://news.trust.org/item/20120711143200-crg2e)

Renseignements généraux sur les opérations après récolte du manioc en Tanzanie

À l’origine, le manioc était cultivé dans les régions tropicales de l’Amérique, avant d’être importé en Afrique au milieu des années 1500. Cette culture a été introduite en Afrique de l’Est dans les années 1700. Aujourd’hui, il s’agit d’un aliment de base consommé dans la plupart des pays africains. Outre le fait d’être un aliment de base, le manioc, la fécule de manioc et les sous-produits du manioc sont utilisés dans la fabrication de plusieurs produits, dont les confiseries, les colles, le contreplaqué, les textiles, le papier et les produits pharmaceutiques. Les cossettes et les tourteaux de manioc sont utilisés pour l’alimentation des animaux et la production d’alcool.

En Afrique subsaharienne, le manioc est la source alimentaire de plus de cinq cents millions de personnes. Il s’agit d’une culture importante pour la sécurité alimentaire, qui génère des revenus pour les ménages pauvres de plusieurs pays. Deux tiers des 18 millions d’hectares et plus de manioc cultivé dans le monde sont en Afrique. Environ 93 pour cent du manioc africain est consommé sous forme d’aliments.

La Tanzanie, quatrième producteur de manioc en Afrique, cultive près de sept millions de tonnes de manioc, dont 84 % sont utilisés pour la consommation humaine. Le manioc est une des principales cultures vivrières pratiquées dans les régions côtières de la Tanzanie et la Lake Zone. Il est cultivé partout en Tanzanie, mais les principales zones de production sont la zone du Lac Victoria (régions de Mwanza, Mara, Kagera et Shinyanga), la zone du sud (régions de Lindi et Mtwara et district de Tunduru dans la région de Ruyama), la zone de l’est (régions de Morogoro, Tanga, Coast et Dar es Salam) et le Zanzibar (îles de Pemba et d’Unguja).

Comparé à d’autres cultures vivrières, le manioc nécessite moins de travail. En effet, cette culture exige seulement un cinquième des journées de travail consacrées à la production de maïs, d’igname ou de riz. Cependant, le manioc exige beaucoup de travail après sa récolte, car les tubercules se conservent moins longtemps et doivent être transformés en aliments entreposables dans un délai d’un ou deux jours suivant la récolte.

Stockage

Les agricultrices et les agriculteurs conservent les tubercules de manioc fraîchement récoltés en terre et les récupèrent au besoin. Les tubercules récoltés peuvent être stockés dans des sacs à court terme seulement, car ils commencent à se détériorer deux jours après la récolte.
Après avoir été transformées à la maison, les cossettes de manioc séchées sont souvent conservées dans des installations d’entreposage ordinaires, des sacs ou de grands paniers tressés ronds (vihenge en kiswahili) déposés à même le sol de la maison ou dans le grenier. Lorsque les cossettes de manioc sont conservées dans la maison sur des plateformes élevées dans la cuisine ou dans le grenier, elles sont fumées, ce qui permet ainsi de les conserver plus longtemps. Les cossettes peuvent être stockées pendant deux ou trois mois sans subir de dommage causé par les insectes, mais peuvent se conserver pendant une année si elles sont fumées. Les cossettes de manioc séchées se vendent plus facilement et à des prix plus élevés parce que les commerçants trouvent qu’elles sont plus faciles à transporter. La farine de manioc de haute qualité (FMHQ) peut être conservée durant une année au moins.

Transformation

Après la récolte, les agricultrices et les agriculteurs transportent les racines de manioc vers les zones de transformation à l’aide d’un vélo, un petit tracteur ou en les transportant eux-mêmes. Une partie de la transformation s’effectue sur l’exploitation agricole, l’autre à la maison et la dernière dans des usines de transformation plus petites ou plus grandes.

La transformation du manioc après la récolte permet d’accroître sa valeur commerciale. La FMHQ possède d’énormes potentiels en tant que produit commercial. La farine, la fécule et les cossettes de manioc peuvent être utilisées à la place du blé importé, en guise d’ingrédient pour la fabrication de colles ou d’aliments pour animaux respectivement. (Le Brésil utilise 2 % de farine de manioc dans la fabrication de pain à base de farine de blé et le Nigeria a décidé d’ajouter 10 % de farine de manioc à la fabrication du pain.) En outre, les pays producteurs de manioc importent plusieurs produits à base d’amidon qui pourraient être fabriqués avec l’amidon de manioc.

Les principaux produits transformés comprennent les produits de meunerie, tels que la farine, le pain, les confiseries et les biscuits; les aliments pour animaux destinés à la volaille, aux porcs et aux vaches; la bière ou d’autres boissons; les sucreries et les grignotines. L’amidon de manioc est utilisé dans la fabrication de divers produits industriels, y compris les textiles, le papier, la colle, les peintures et les produits pharmaceutiques. L’amidon de manioc fermenté peut servir également à produire de l’alcool éthylique destiné à la fabrication de biocombustibles.

Les procédés de transformation efficaces, qui impliquent, par exemple : le trempage et le râpage, permettent d’extraire les toxines d’origine naturelle des racines, de réduire le poids du produit pour le transport, réduire les pertes d’après récolte, provoquées par la détérioration des tubercules et prolonger leur durée de conservation.

Les tubercules de manioc contiennent une substance toxique pour l’homme, appelée acide cyanhydrique. Le manioc amer contient 50 fois plus d’acide cyanhydrique que le manioc doux. La transformation permet d’éliminer une grande partie de cet acide des racines, les rendant ainsi propres à la consommation humaine.

Fabrication d’une farine de manioc de haute qualité (FMHQ)
Les paragraphes suivants présentent les neuf étapes de la fabrication de FMHQ à partir de racines brutes.

Étape 1 : Sélection des racines

Sélectionnez des racines de manioc saines, à chair ferme, non endommagées et fraîchement récoltées. La chair doit être blanche (pour les variétés blanches), exempte de fissures et contenir peu de fibres.

Étape 2 : Épluchage

Utilisez un couteau tranchant pour peler le manioc, en prenant soin de retirer la tige, les extrémités de racine ligneuses et fibreuses. Lorsqu’elles sont sèches, les pelures de manioc peuvent servir d’aliments pour les animaux ou de compost. Il est important de laver les éplucheurs et les râpes avant et après les avoir utilisés.

Étape 3 : Lavage

Lavez deux fois les tubercules de manioc pelés avec de l’eau propre pour les débarrasser des saletés, du sable, de la terre, des feuilles ou d’autres impuretés.

Étape 4 : Râpage

Utilisez une râpe en acier doux ou en acier inoxydable pour réduire les racines de manioc en pâte fine.

Étape 5 : Pressage

Emballez la pâte de manioc dans un sac de jute ou de sisal propre pour éliminer le supplément d’eau. Pressez le sac à l’aide d’une presse continue, d’un cric hydraulique ou d’un autre procédé pour retirer l’excédent d’eau jusqu’à l’obtention d’une pâte friable.

Étape 6 : Séchage

Étalez la pâte de manioc essorée de manière éparse sur une toile noire en plastique propre sur une pente douce sous un plein soleil. Idéalement, la toile doit être surélevée par rapport au sol. Laissez la pâte séchée jusqu’à ce que la teneur en eau soit inférieure à 12 %. Lorsqu’elles atteignent ce taux d’humidité, les cossettes de manioc doivent craquer juste au toucher. Recouvrez le produit d’un filet pour éloigner les mouches et les oiseaux. Les séchoirs solaires, les fours et les séchoirs à air chaud coûtent plus cher, mais le processus de séchage est plus fiable et de haute qualité.

Étape 7 : Moulage

Moulez la pâte de manioc séchée à l’aide d’un moulin à marteaux (moulin du village posho/kinu) pour en faire de la farine.

Étape 8 : Tamisage

Utilisez un tamis pour tamiser la farine moulue, en vue d’y retirer les matières fibreuses et les grumeaux. Cela est important si vous voulez obtenir de la farine de haute qualité qui s’écoule facilement, exempte de fibres et dont les particules sont de la bonne dimension.

Étape 9 : Emballage et stockage

Emballez la farine de manioc tamisée dans des sachets en plastiques noirs, hermétiques et résistants à l’humidité. Fermez hermétiquement les sachets à la flamme d’une bougie et étiquetez-les en inscrivant la date de fabrication et d’expiration (après douze mois). Rangez sachets dans un carton pour les protéger de la lumière. Entreposez les cartons dans un lieu bien aéré, frais et sec. La farine emballée sera conservée pendant environ douze mois.

Une autre façon de fabriquer la farine de manioc consiste à intégrer l’étape de fermentation qui vous permet d’obtenir une farine légèrement aigre appelée gari en Afrique de l’Ouest. La fermentation peut se produire soit pendant l’essorage, soit lors d’un trempage des tubercules en entier ou découpés en morceau pendant trois ou cinq jours jusqu’à ce qu’ils fermentent. Le processus de fermentation doit être bien surveillé pour s’assurer que le processus visant à éliminer le cyanure gazeux toxique est terminé et que le produit a une saveur et une texture satisfaisantes.

Transformation des tubercules en cossettes de manioc

Les trois premières étapes de la production de cossettes de manioc, à savoir la sélection des racines, l’épluchage et le lavage, sont identiques à celles de la fabrication de farine de manioc. Toutefois, au lieu de râper les tubercules en une fine purée, ils sont découpés avec un coupe-frites mécanique ou électrique.

Après avoir été découpées, les cossettes sont séchées, soit au soleil, soit avec un séchoir mécanique. Les plateaux utilisés pour le séchage doivent être surélevés par rapport au sol. Étant donné que les cossettes de manioc sont souvent infestées par des insectes pendant le séchage, il est important de réduire au maximum le temps de séchage. Plus petites sont les cossettes, plus vite elles sécheront.

Les cossettes de manioc doivent sécher au point de se casser facilement sans qu’on ait besoin de les émietter. Lorsqu’elles sont sèches, les cossettes doivent être emballées.

Fabrication de la fécule de manioc

La fécule de manioc est généralement utilisée pour préparer des biscuits, du pain et des desserts. Cette fécule sert également d’ingrédient dans la fabrication d’articles non alimentaires tels que le papier, les produits pharmaceutiques et les textiles.

L’épluchage, le lavage et le râpage des tubercules constituent les premières étapes de la fabrication de fécule. Ensuite, vous devez ajouter trois fois plus d’eau propre que la quantité de manioc dans un seau et laisser le mélange reposer pendant 30 à 45 minutes.

Puis, vous devez essorer le mélange à l’aide d’un tissu propre et laisser reposer le liquide recueilli pendant une heure ou plus. Après, essorez l’eau et concassez la pâte qui s’est formée au fond du seau en petits morceaux. Faites sécher les morceaux au soleil ou par séchage artificiel pendant six heures ou plus. Enfin, écrasez votre manioc pour obtenir de la fécule.

Machines de transformation

L’utilisation de machines et d’outils simples peut réduire le temps et le travail de transformation, réduire les pertes de 50 pour cent, ainsi que les heures de travail de 75 %. Les produits du manioc peuvent être fabriqués à l’aide de râpes ou de coupe-frites manuelles ou électriques. Le râpage réduit la teneur en acide cyanhydrique des variétés de manioc amer à un niveau acceptable. Cependant, en l’absence de râpe, les racines peuvent être conservées dans l’eau pendant quatre jours avant de poursuivre la transformation. Cela permet au cyanure gazeux d’être éliminé en toute sécurité et de réduire les risques que cela comporte pour la santé. Les transformateurs doivent jeter l’eau de trempage du manioc amer dans un endroit aménagé à cet effet pour éviter tout danger.

Les râpes, les presses et les moulins mécaniques sont répandus dans les villages au Ghana, au Nigeria et en Ouganda. Toutefois, en Tanzanie, seul un petit nombre de villages disposent de moulins. Plusieurs villages n’ont ni électricité ni pétrole.

Aliments pour animaux

Les agricultrices et les agriculteurs d’exploitations agricoles familiales, ainsi que les transformateurs pourraient de plus en plus approvisionner l’industrie en plein essor des aliments du bétail en cossettes de manioc (makopa « amélioré ») de très haute qualité, et surtout en aliments pour volailles.

Cependant, le prix du maïs va déterminer le remplacement effectif du maïs par les cossettes de manioc dans les aliments. En effet, les prix à la baisse du maïs rendent le manioc non compétitif. Et si les prix du maïs sont trop élevés, la rentabilité de tout le secteur des aliments pour animaux sera en régression, et plusieurs entreprises réduiront leurs activités.

Autres produits

Il existe des possibilités d’approvisionner le secteur de fabrication de la bière locale et transparente, et des collations à base de manioc.

Déchets générés par la transformation

La transformation du manioc peut entraîner une accumulation de déchets et surtout de pelures de manioc. Ces pelures sont souvent consommées par des animaux, tels que les vaches, les chèvres et les porcs. Les pelures et les feuilles constituent un bon supplément pour les aliments d’animaux, qui n’auront pas à dépendre uniquement d’herbe et d’autres fourrages. Les pelures de manioc sont également utilisées pour faire du compost qui servira à restaurer la fertilité des sols.

Défis liés à la transformation

Disponibilité de ressources en eau potable: Il faut de l’eau pour laver les racines et produire la fécule. En Tanzanie, les populations manquent souvent d’eau à cause de l’insuffisance des infrastructures. Les transformateurs utilisent l’eau des puits et des rivières, ainsi que l’eau de pluie, l’eau courante et l’eau des forages, bien que certaines de ces sources manquent d’eau en saison sèche. Sans eau potable, les produits dérivés du manioc seront de mauvaise qualité.
Récoltes insuffisantes: Il est difficile pour les grandes entreprises de transformation de manioc d’obtenir continuellement de grande quantité de tubercules, car les récoltes sont imprévisibles en Tanzanie. Même si on peut récolter du manioc toute l’année, la meilleure récolte se déroule durant la saison sèche, ce qui permet de sécher les produits au soleil. Ainsi, le manioc est séché au soleil entre le mois de juin et le mois d’octobre, et entre janvier et février. Il est plus difficile pour les transformateurs d’exploiter sans arrêt les usines de transformation ou de planifier la diversification de leurs opérations.
Entreposage des machines de transformation: Plusieurs raisons expliquent la non-utilisation à grande échelle de machines de transformation en Tanzanie : le faible volume de production du manioc n’encourage pas les transformateurs à les utiliser; il existe seulement quelques fabricants d’équipement de transformation; les transformateurs n’ont pas d’argent; et les financements destinés aux investissements dans la machinerie sont octroyés à des taux d’intérêt très élevés. De plus, une grande partie des régions rurales n’ont pas d’électricité en Tanzanie.

Genre

La culture du manioc n’est pas une affaire d’homme ou de femme. Les hommes et les femmes y participent, bien que chaque groupe ait tendance à se spécialiser dans différentes tâches. En général, les hommes s’occupent du défrichage, du labour et de la plantation, alors que les femmes s’occupent particulièrement du désherbage, de la récolte, du transport, du stockage et de la transformation du manioc.

Cependant, les hommes peuvent s’intéresser également à la transformation et la commercialisation du manioc, car cela peut leur rapporter de l’argent. Traditionnellement, ce sont les chefs de famille qui décident de la façon dont les produits du manioc seront vendus et les revenus seront utilisés. Les ventes de moindre importance sont effectuées par les femmes qui utilisent surtout le produit de leurs ventes pour l’achat de produits de première nécessité tels que le savon, les allumettes, le sel et les fournitures scolaires.

Commercialisation

En Tanzanie, la plupart des productrices et des producteurs de manioc vendent au moins une partie des tubercules et utilisent l’autre partie pour leur propre consommation. Une enquête en 2013 menée auprès de 600 ménages par Radios Rurales Internationales dans deux localités tanzaniennes, dont Tanga et Mtwara, a révélé que plus de 90 % des productrices et des producteurs de manioc vendaient du manioc et en produisaient pour leur consommation personnelle.

Les cossettes de manioc et la farine de manioc sont les produits transformés de manioc les plus utilisés en Tanzanie, même si la plupart des productrices et des producteurs tanzaniens vendent les racines de manioc brut, ce qui réduit leurs revenus potentiels. Dans les zones rurales productrices de manioc, ce tubercule est cultivé comme une culture de sécurité alimentaire. Dans les zones urbaines, la FMHQ et les cossettes sont pratiques et concurrencent les céréales vivrières sur les marchés.

Les agricultrices et les agriculteurs vendent normalement leur manioc individuellement plutôt qu’en groupe, ce qui réduit leur pouvoir de négociation. La principale raison évoquée par les groupes de discussion de Tanga et Mtwara pour justifier cette pratique est le désir qu’ont les agricultrices et les agriculteurs de subvenir aux besoins urgents, tels que l’alimentation, les services médicaux et les fournitures scolaires. Les agricultrices et les agriculteurs soutiennent que, même s’ils obtiennent un meilleur prix grâce à une négociation collective, les paiements sont très longs à leur parvenir.

Les agricultrices et les agriculteurs disent que les intermédiaires et les vendeurs les exploitent en leur offrant des prix dérisoires pour leur manioc. Au sein des groupes de discussion de Tanga, les agricultrices et les agriculteurs ont déclaré que des vendeurs organisaient les récoltes, le triage, le classement et l’emballage, qu’aucune balance n’était utilisée et que les vendeurs emballaient des sacs qui pesaient une fois et demie le poids normal, car elles et ils n’avaient aucun pouvoir de négociation.

Souvent, les agricultrices et les agriculteurs connaissent peu les marchés locaux. La plupart attendent que les intermédiaires visitent leurs exploitations, ce qui réduit énormément le prix à la production. Le nombre limité de moyens de transport et d’installations d’entreposage complique également la commercialisation des produits. Comme le manioc occupe beaucoup de place, les agricultrices et les agriculteurs sont obligés de vendre leur manioc aux intermédiaires ou sur les marchés avoisinants, et ce, à de bas prix. Les routes qui mènent aux régions productrices de manioc sont généralement mauvaises. La majorité des agricultrices et des agriculteurs qui reçoivent des informations commerciales y ont accès par l’intermédiaire de vendeurs et de collègues. L’enquête menée à Tanga et Mtwara par Radios Rurales Internationale a démontré qu’aucun d’entre eux ne recevait des informations commerciales par la radio, car il existe peu d’émissions agricoles et aucune d’entre elles ne traite du manioc.

Débouchés pour le manioc transformé

Il existe des possibilités d’approvisionner les boulangeries en FMHQ qu’elles pourraient mélanger à la farine de blé. La FMHQ coûte moins cher que celle du blé dont la Tanzanie importe la totalité. Actuellement, à Mtwara, de nombreuses boulangeries ajoutent 10 % de FMHQ à la farine de blé, en partie à cause du coût élevé du transport de la farine de blé à partir du port de Dar es Salam. La norme nationale tanzanienne afférente à la fabrication du pain de blé autorise l’incorporation de 30 % au moins d’autres types de farine.

Il existe plusieurs autres débouchés pour la farine de manioc, y compris :
L’approvisionnement des fabricants de biscuits en FMHQ en vrac;
L’approvisionnement des moulins en mélanges de farines de blé et de FMHQ, destinés à la préparation artisanale de chappatis, de mandazis (beignets), de beignes et de gâteaux; et
L’approvisionnement des moulins en mélange de farines de maïs et de FMHQ destinées à la préparation de l’ugali.

Problèmes de commercialisation en Tanzanie

Les agricultrices et les agriculteurs qui veulent transformer et vendre des produits dérivés du manioc à valeur ajoutée sont confrontés à divers problèmes. La majorité des productrices et des producteurs de manioc qui ont fait l’objet d’une enquête de Radios Rurales Internationales à Tanga et Mtwara ont déclaré que leurs principales difficultés à commercialiser leurs produits se résumaient au fait qu’ils n’avaient aucun marché garanti et aucun accès aux prix courants du marché. La Tanzanie est confrontée à d’autres défis majeurs de commercialisation (la plupart des pays producteurs de manioc sont confrontés à certains de ces mêmes problèmes), dont :

Les réseaux de ventes limités : En Tanzanie, les usines de fabrication de farine sont confrontées à différents problèmes liés aux ventes, y compris : le manque de circuits de distribution pour leurs produits, le manque de distributeurs et de grossistes, et le manque de représentants de commerce.
Les mauvaises infrastructures de transport : L’état des routes complique le transport et la distribution des produits dérivés du manioc. Les difficultés et les coûts de transport et de distribution à l’intérieur du pays sont tels que les grands marchés comme Dar es Salam trouvent plus économique d’importer les produits plutôt que d’acheter au niveau local.
La faiblesse des prix : Les agricultrices et les agriculteurs des régions rurales sont très peu informés sur les cours du marché. Par conséquent, ils vendent leur manioc à des prix dérisoires. Les cellulaires facilitent l’accès aux informations sur les prix, mais la majorité des agricultrices et des agriculteurs ne sont pas assez bien organisés pour négocier les prix avec les commerçants ou les transformateurs. Le fait que les récoltes et les ventes soient limitées à la saison sèche signifie que les agricultrices et les agriculteurs ont très peu de marge de manœuvre.
L’insuffisance des financements : Les investissements consentis pour l’acquisition de machines de transformation et le développement de nouveaux produits nécessitent des fonds. Cependant, les banques privées sont très prudentes par rapport au financement des entreprises de manioc, car ce tubercule ne jouit pas d’une bonne réputation. En outre, les taux d’intérêt élevés sur les prêts peuvent restreindre sérieusement les profits des transformateurs.

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Figure 1 : Le système de commercialisation de racines de manioc fraîchement récoltées à Dar es Salam

La Figure 1 est un diagramme du système de commercialisation des racines de manioc à Dar es Salam. Après la récolte, le manioc fraîchement récolté est vendu directement sur les marchés locaux, aux consommateurs locaux, aux commerçants des villages ou à travers les circuits interrégionaux des commerçants. Par la suite, les commerçants des circuits interrégionaux transportent le manioc fraîchement récolté par camion vers les marchés des centres urbains de Dar es Salam. Les grossistes et les mandataires vendent, au nom des commerçants des circuits interrégionaux ou des agricultrices et des agriculteurs, les chargements de manioc fraîchement récolté aux vendeuses qui les préparent ou les font frire pour les vendre ou aux détaillants qui à leur tour les vendent aux consommateurs urbains. Le système de commercialisation est le même dans les villages tanzaniens où les agricultrices et les agriculteurs vendent les racines fraîchement récoltées ou les cossettes séchées aux consommateurs ou aux commerçants des marchés locaux, qui les transportent vers les marchés des petites agglomérations ou des grandes villes pour les vendre aux détaillants ou aux commerçants dans les marchés.

Autres ressources sur la chaîne de valeur du manioc en Tanzanie

Organismes de ressources

Africare : Transformation et valorisation des produits dérivés du manioc. Directeur pays de la Tanzanie : Sekai Chikowero, P.O. Box 63187, Dar es Salaam. Téléphone : +255 22 266 6690 ou +255 22 266 7086. Courriel : schikowero@africacare.org
CARE : Transformation, valorisation et commercialisation du manioc. P.O. Box 10242, Dar es Salaam.
CAVA – http://cava.nri.org : Un projet qui soutient la production, la transformation, la valorisation et la mise en contact des agricultrices et des agriculteurs avec les marchés. Contact : Grace Mahende, directrice nationale (Tanzanie), Centre pour l’alimentation et la nutrition de la Tanzanie, 22 Ocean Road, P.O. Box 977, Dar es Salaam, Tanzanie. Téléphone : +255 75 487 2892 & +255 22 211 6713. Courriel : gngwasi@yahoo.com
CRS (Catholic Relief Services) : Production, multiplication et ravitaillement de matières végétales saines. M. Marandu. Téléphone : + 255784531359. Courriel : eliawonimarandu@yahoo.co.uk
FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) : s’occupe de la multiplication et la commercialisation du manioc. M. Lazier, P. O. Box 2, Dar es Salaam. Téléphone : + 255 22 2664559. Fax : + 255 22 2667286. Courriel : FAO-TZ@fao.org
Farm Concern International : Transformation, valorisation et mise en contact des agricultrices et des agriculteurs d’exploitations agricoles familiales avec les marchés. Courriel : tanzania@farmconcern.org
IITA (Institut international d’agriculture tropicale) : travaille sur la recherche, la production, la transformation, la commercialisation et la valorisation. Il a un bureau en Tanzanie. Contact : Victor Manyong, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique centrale, Box 34441, Dar es Salaam. Téléphone : +255 22 270092. Fax : + 255 22 2775021.
Intermech Engineer : Fabrication des machines et du matériel de transformation du manioc. Ingénieur Peter Chisawilo. Téléphone : +255 756771182.
MUVI Tanzania. John Muta Karega. Téléphone (mobile) : +255 782272057 ou +255714272057. Courriel : jkarega@gmail.com
SIDO (MUVI) : Une initiative gouvernementale qui met en relation les acteurs de la production, la transformation, la valorisation et la commercialisation.
SUA (Sokoine University of Agriculture), y compris :
Département des sciences animales : recherche sur les formulations d’aliments destinés aux poules et aux chèvres. Prof. C. Chenyambuga, Box 30031, Morogoro. Téléphone : + 255 23 260 3511. Fax : + 255 023 2604651. Courriel : sua@suanet.ac.tz ou chenyas@yahoo.com M. Shayo. Téléphone : +255 784 542 102. Courriel : deogratiad@gmail.com ou Prof. Lekule lekulefp@yahoo.co.uk
Département des sciences de l’alimentation : enrichissement des produits alimentaires avec du manioc, du soja et du niébé. Prof. H. Laswai. Téléphone : + 255 23 260 4402. Fax : + 255 23 260 3718. Courriel : dfst@suanet.ac.tz
Service technique : modification des machines de transformation du manioc. Prof. Silayo, Box 30031, Morogoro, Tanzania. Courriel : sua@suanet.ac.tz
Département de l’agroentreprise et de l’économie de la SUA : Commercialisation. Dr Jeremiah Makindara. Téléphone : + 255 715272376. Courriel : makindarajeremia@hotmail.com
Institut de recherche agricole de Mikocheni : Travaille sur la maladie de la striure brune du manioc et le diagnostic de la maladie de la mosaïque. Dr J. Ndunguru. Courriel jndunguru2003@co.uk ou mari@mar.or.tz
Naliendele, Kibaha, Ukiriguru et Maruku (Instituts agricoles) : production, transformation et recherche sur le manioc après la récolte. Dr Geoffrey Mkamilo. Téléphone : + 255 784 795389. Fax : + 255 073 2934103. Courriel : utafiti@iwayafrica.com ou gmkamilo@hotmail.com Dr Kiddo Mtunda Téléphone : +255 754466201 Courriel : kmtunda09@yahoo.com
TFNC (Centre de l’alimentation et la nutrition de la Tanzanie) : un organisme gouvernemental qui travaille sur la transformation, l’utilisation, la valorisation et l’enrichissement du manioc. Dr Towo, P O. Box 977, Dar es Salaam. Fax : + 255 22 2117613. Courriel : eetowo@hotmail.com

Documents

Centre technique de coopération agricole et rurale de l’ACP-UE (CTA), 2007. Fabrication d’une farine de manioc de haute qualité. Télécharger à : https://publications.cta.int/media/publications/downloads/1469_full_text_smaller.pdf Centre technique de coopération agricole et rurale de l’ACP-UE (CTA), 2007. (1.7 MB)
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Acknowledgements

Contributions : Paddy Roberts, Rédacteur en chef, Agro Radio Hebdo, Radios Rurales Internationales; Vijay Cuddeford,Rrédacteur en chef, Radios Rurales Internationales
Révision : Mr. John Msemo, Kibaha Research Center, Ministry of Agriculture, Food Security and Cooperatives, Tanzania.

Programme réalisé avec l’appui financier du gouvernement du Canada fourni par l’entremise du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD)