Des agriculteurs multiplient par trois leurs récoltes de sorgho grâce à la culture sur paillis

Cultures agricoles

Notes au radiodiffuseur

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Au Sahel, les terres agricoles sont en dégradation continue depuis des décennies. Les raisons de cette dégradation sont multiples, y compris la disparition du couvert végétal, l’érosion des sols due aux eaux de ruissellement et aux vents violents. Tous ces facteurs contribuent à rendre les terres infertiles et à réduire la production agricole.

La moitié du territoire burkinabè est située dans la ceinture aride sahélienne, où il tombe moins de 650 millimètres d’eau par an. Depuis les années 70, les poches de sécheresse sont monnaie courante. En moyenne, les pluies sont insuffisantes une année sur quatre.

Pour survivre, les paysans innovent continuellement avec des méthodes visant à restaurer les sols et à les rendre plus fertiles.

Dans le présent texte radiophonique, vous aller découvrir une innovation dénommée « culture sur paillis ligneux. » Un agriculteur a inventé une méthode ingénieuse qui consiste à utiliser une plante localeen guise d’engrais. Grâce à cette méthode, les producteurs locaux augmentent considérablement leurs récoltes.

Le présent texte radiophonique s’inspire d’interviews réalisés avec des agriculteurs de la région du centre-nord du Burkina Faso.

Vous pourriez réaliser une émission sur la base ce texte dans votre station, en vous servant des voix de comédiens et de comédiens de doublage. Si tel est le cas, assurez-vous d’informer votre auditoire au début de l’émission qu’il s’agit de voix de comédiens et non celles des personnes avec lesquelles les interviews originales ont été réalisés.

Vous pourriez également utiliser le présent texte radiophonique comme document de recherche ou vous en inspirer pour créer vos propres émissions sur la culture de denrées dans un environnement aride. Entretenez-vous avec des agriculteurs, des agricultrices et des experts qui sont confronter à ces difficultés. Vous pourriez leur poser les questions suivantes :

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en matière d’agriculture dans votre région?

Avez-vous trouvez des solutions à ces difficultés?

Avez-vous essayé le paillis ou d’autres techniques de rétention de l’humidité dans le sol ? Si oui, quel a été le résultat?

Que pensent les agents de vulgarisation et d’autres experts de ces difficultés?

Durée estimée du texte : 10-12 minutes avec musique d’intro et de fin.

Texte

INDICATIF SONORE

Animateur:
Bonjour et bienvenue à l’émission de cette semaine.

Dans le Sahel burkinabè, le sorgho, depuis toujours, est la principale culture céréalière. Mais les récoltes sont en constante diminution depuis trois décennies. Cela contribue à la généralisation de la famine et la pauvreté dans les communautés rurales. Les techniques culturales anciennes ne sont plus adaptées à la nouvelle situation, surtout la pratique qui consiste à brûler des résidus de cultures. Celle-ci détruit les nutriments du sol.

Heureusement, les productrices et les producteurs ne baissent pas les bras. Ils innovent sans cesse afin de trouver de nouvelles techniques de fertilisation des sols. La culture sur paillis est l’une d’elles. Cette technique consiste en l’utilisation ingénieuse d’une plante locale, surnommée le bâagandéen langue locale ou connu sous le nom scientifique dePiliostigma reticulatum. Ils utilisent cette plante comme un paillis qui fertilise le sol. Grâce à cette méthode, de nombreux producteurs et productrices doublent voire triplent leurs rendements. Comme vous l’avez deviné, l’émission de ce jour traitera de la culture sur paillis.

EFFETS SONORES:
faire apparaître en fondu des sons provenant de la campagne pendand quelques secondes, puis diminuer le volume pour laisser entendre la voix des intervenants

Animateur:
Nous sommes dans le village de Yilou, au centre-nord du Burkina en compagnie de Harouna Sawadogo et sa famille. Aujourd’hui, Harouna et les sept membres de sa famille sont en pleine récolte. Les hommes déposent les tiges de sorgho au sol, les femmes coupent les épis et les enfants les portent jusqu’à une charrette tirée par un âne. Rien qu’en observant, vous savez que les récoltes sont bonnes. Allons-nous entretenir avec le chef de famille.

Bonjour, pouvez-vous vous présentez-vous à nos auditrices et nos auditeurs.

Harouna Sawadogo:
Je me nomme Harouna Sawadogo. Je suis cultivateur de sorgho résidant à Yilou.

Animateur:
À en croire ce que je vois, les récoltes s’annoncent bonnes.

H.Sawadogo:
Effectivement, les récoltes sont très bonnes malgré une pluviométrie moyenne. Nous avons connu une quinzaine de jours sans pluies alors que le sorgho était en train de mûrir. Heureusement, les cultures n’ont pas été trop affectées. Je compte récolter au moins trois tonnes de sorgho dans mon champ d’un hectare et demi. C’est largement suffisant pour couvrir les besoins de ma famille pour toute l’année.

Animateur:
Vos rendements sont extraordinaires pour la région au regard de la dégradation des sols. Sur les champs autour du vôtre, le sol est dur et rien ne pousse pratiquement. Quel est donc votre secret?

H.Sawadogo:
Mon champ était aussi dur que le sol qui l’entoure. Ici, nous appelons cette croute dure des zippélés. Ce qui signifie en langue mooré «sol nu». Grâce au paillage, je suis arrivé à rendre la terre meuble et fertile.

Animateur:
Vous avez parlé de culture sur paillis, qu’est-ce que c’est?

H.Sawadogo:
La culture paillis est une innovation personnelle. Il y a cinq ans, j’ai remarqué que les endroits les plus fertiles de mon champ étaient les endroits où des branches d’arbrisseaux légumineux appelésPiliostigma reticulatum recouvraient le sol. J’ai alors décidé de recouvrir tout le champ avec des branches de cet arbrisseauet des tiges de sorgho. La première année les effets étaient déjà visibles. La deuxième année mes récoltes avaient considérablement augmenté.

Animateur:
Je suis perplexe.Comment le simple fait de recouvrir le champ de branches et de tiges peut-il rendre un sol fertile?

H.Sawadogo:
C’est pourtant vrai! Les branches du Piliostigma reticulatum protègent le sol contre les vents. Elles retiennent aussi les eaux de ruissellement et leur permettent de s’infiltrer plus facilement dans le sol. Cela augmente l’humidité du sol et aide les plants à se développer. Pour augmenter la fertilité, j’ajoute de la fumure organique faite à base de bouse de vache.

Animateur:
Qu’est-ce que la culture sur paillis a changé dans votre vie d’agriculteur?

H.Sawadogo:
Tout. Avant je gagnais juste de quoi nourrir ma famille durant six mois de l’année. Présentement j’ai dans mes greniers du sorgho récolté il y a trois ans. J’ai aussi inscrit mes deux derniers enfants au collège. Ma famille vit bien.

Animateur:
Harouna n’est pas le seul agriculteur dont la vie a changé pour le meilleur. Nous avons rencontré un autre producteur qui est heureux depuis qu’il a commencé à pratiquer cette méthode. Pourriez-vous vous présentez à nos auditeurs?

Patènèma Sawadogo:
Je m’appelle Patènèma Sawadogo. Je suis agriculteur et éleveur à Yilou.

Animateur:
Comment en êtes-vous arrivé à utiliser la culture sur paillis?

P.Sawadogo:
Ça c’est fait de façon naturelle. Lorsque les autres agricultrices et agriculteurs ont vu les bons rendements enregistrés par Harouna, ils ont voulu suivre son exemple. Nous avons alors élaboré une approche champs écoles avec l’appui d’un projet de développement.

Animateur:
Quels sont les avantages de la culture sur paillis?

P.Sawadogo:
Ils sont multiples. En plus d’augmenter les rendements, l’utilisation de la végétation réduit le temps de travail. Nous n’avons plus besoin d’appliquer des méthodes plus laborieuses comme l’aménagement des trous dezaï et de cordons pierreux.

Animateur:
Chers auditeurs et auditrices, dans la première partie de notre émission, nous avons découvert le fonctionnement de la culture sur paillis et les avantages qu’elle procure. Dans cette seconde partie, nous aborderons les difficultés et les défis afférents à la culture sur paillis. Nous sommes toujours avec Harouna et Patènèma Sawadogo. Au regard de l’expérience que vous avez, en quoi consistentles difficultés?

H.Sawadogo:
La disponibilité de la végétationconstitue la principale difficulté. Nous en avons également besoin pour le bétail. De plus, les femmes ramassent les tiges pour en faire du bois de chauffe.

P.Sawadogo:
Pour augmenter la quantité de végétation dans les champs, nous avons planté des plants de Piliostigma reticulatum. Mais leur développement est lent et le besoin est immense. C’est pourquoi nous recouvrons aussi nos champs avec des tiges de sorgho.

Animateur:
Que pensent les experts agricoles qui encadrent les agricultrices et les agriculteurs de la culture sur paillis? Nous avons demandé l’avis de Georges Félix. M. Félix travaille à l’Université de Wageningen aux Pays Bas et collabore avec l’Institut de recherche pour le développement, ou IRD, à Ouagadougou, au Burkina Faso.

Veuillez-vous présenter.

Georges Félix:
Je ne nomme Georges Félix. Dans le cadre de ma thèse doctorale, à l’université, je travaille sur la restauration des terres agricoles en collaboration avec l’IRDet des familles paysannes au Burkina Faso.

Animateur:
Que pensez-vous de la culture sur paillis?

C’est une innovation intéressante. Le fait de répandre lavégétation sur le sol permet de maintenir l’humidité. Par exemple: lorsque les termitesmangentla végétation, celle-ci se transforme en humus et enrichit le sol. De plus, les termites creusent des tunnels souterrains qui permettent aux eaux de ruissellement de s’infiltrer dans le sol.

Animateur:
Quelles sont les limites de cette méthode?

Georges Félix :
Une des limites est la compréhension qu’ont les agricultrices et les agriculteurs de la démarche. Ce n’est pas aussi simple que l’application de l’engrais. Il faut savoir quand et où répandre la végétation.

Animateur :
Quel est le meilleur moment pour appliquer le paillis et le meilleur sol sur lequel l’appliquer?

Georges Félix :
La meilleure façon de tirer profit de la culture de paillis consiste à entamer la préparation du champ avant que la saison pluvieuse ne commence. Nous conseillons aux agricultrices et aux agriculteurs de recouvrir tout le champ de Piliostigma reticulatum ou de tiges de sorgho. Puis, dès qu’il commencera à pleuvoir, le champ sera prêt pour les semis.

Animateur :
Cette méthode est-elle adaptée à tous les types de sol?

Georges Félix :
Nous sommes en train d’examiner la question en ce moment. Mais, en général, les agriculteurs utilisent cette méthode dans des endroits où les sols sont revêtus d’une croûte dure. Ils n’appliquent pas cette méthode dans les bas-fonds.

Animateur:
Comment les agricultrices et les agriculteurs pourraient-ils améliorer la méthode?

Georges Félix:
Depuis trois ans, nous travaillons avec les cultivatrices et les cultivateurs en vue de standardiser et améliorer l’innovation. Nous avons des champs expérimentauxà Yilou.

Animateur:
Quels sont les résultats de cette expérimentation?

Georges Félix:
Nous avons remarqué qu’en appliquant une double dose de paillis, les rendements sontd’un tiers meilleur qu’avec une dose simple. Cela est sans doute dû au fait que le sol conserve mieux l’humidité et permet à l’eau de s’infiltrer, en plus de l’apport en matières organiques d’origine végétale.

Animateur:
Qu’est-ce qu’une dose simple et qu’est-ce qu’une double dose?

Georges Félix:
Un dose simple varie entre 800 kilogrammes et 1200 kilogrammes de végétation par hectare. La double dose varie de 1600 à 2000 kilogrammes par hectare.

Animateur:
Pensez-vous que cette méthode pourrait être utile aux agricultrices et aux agriculteurs de l’ensemble des pays sahéliens?

Georges Félix:
Si, cela est possible, car l’arbuste pousse partout dans cette zone. On trouve le Piliostigma reticulatum au Sahel et le Piliostigmathonningii(Note de la rédaction: surnommé bâaganyaanga en langue mooré)dans les zones plus humides.
Ce n’est pas une méthode importée, donc, elle est facile à reproduire. Il faut simplement convaincre les agricultrices et les agriculteurs qu’il existe une alternative au brûlis de la végétation. Ils peuvent utiliser cette méthode pour améliorer les sols, et s’inspirer des paysans novateurs de Yilou en utilisant les plantes locales pour améliorer la fertilité des sols.

Chers auditeurs et auditrices, lePiliostigma reticulatum augmente la quantité de carbone, de phosphore et d’azote dans le sol. Il favorise également l’activité des termites dans le sol. Tous ces facteurs accroissent la fertilité du sol.

Il est important de souligner que certains arbrisseaux appartenant à la même famille ont des propriétés similairesauPiliostigma reticulatumet seront également utiles pour vos sols et vos cultures. Il s’agit du Combretum micranthum surnommé randga en mooré et du Combretum glutinosum surnommé kutumpãgade en mooré.

Animateur:
Chers auditeurs et auditrices, aujourd’hui nous avons parlé de la«culture sur paillis.»Dans la région du Centre du Burkina Faso, les agriculteurs couvrent certaines parties de leurs champs avec des branches d’un arbrisseau surnomméPiliostigma reticulatum en vue d’augmenter la fertilité du sol afin de leur permettre de produire plus et mieux.

Ils commencent à pailler leurs champs dès la fin de l’hivernage. Vous devez couvrir tout le champ avec les branches. Si vous n’en avez pas suffisamment, vous pouvez utiliser des tiges de sorgho pour augmenter la surface du champ couverte avec de végétation. Lorsque vous recouvrez ainsi le champ, vous le mettez à l’abri du soleil, du vent et des eaux de ruissellement.

Pour augmenter la fertilité du sol, vous pouvez également épandre de la fumure organique ou du compost dans le champ.Vous pouvez ensuite semer des dès les premières pluies. Il est important de recommencer chaque année les mêmes opérations pour obtenir les bienfaits escomptés. En faisant cela, vos enfants hériteront des terres fertiles qui leur permettront de produire les aliments dont leurs familles ont besoin.

C’est tout pour notre émission d’aujourd’hui.Rendez-vous la semaine prochaine pour évoquer un autre sujet. Au revoir!

Acknowledgements

Rédaction : Nourou-Dhine Salouka, correspondant Barza Infos au Burkina Faso
Révision :Georges Félix, doctorant à l’Université de Wageningen, aux Pays-Bas.

Information sources

Interviews :
– Harouna Sawadogo, Paysan inventeur de la méthode, 26 novembre 2015
– Patènèma Sawadogo, Paysan converti à la culture sur paillis, 26 novembre 2015
– Fatima Belem, agent technique d’agriculture à Yilou, 26 novembre 2015
– Georges Félix,doctorant à l’Université de Wageningen, aux Pays Bas, travaillant sur la restauration des sols au Burkina Fasoen collaboration avecl’IRD, 30 novembre 2015

 

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