Les agricultrices et les agriculteurs utilisent des pratiques agroforestières pour restaurer les terres arables endommagées par le déboisement et l’érosion

Arbres et agroforesterieEnvironnement

Notes au radiodiffuseur

Les agricultrices et les agriculteurs d’exploitations familiales ne sont souvent que de simples cibles des effets néfastes d’actes dangereux posés par d’autres personnes. On pourrait citer en exemple la coupe massive d’arbres par les populations, en vue d’approvisionner les marchés urbains en bois de chauffe ou en charbon de bois, ou pour d’autres raisons commerciales. Lorsqu’on coupe les arbres de manière abusive, l’activité pluviométrique peut être bouleversée et cela peut avoir des répercussions sur la croissance des cultures. De plus, l’érosion peut influer sur la quantité des nutriments et d’eau nécessaires à la production des cultures. Ces actions occasionnent de mauvaises récoltes qui à leur tour sont source de faim et de pauvreté pour les agricultrices et les agriculteurs.

Le présent texte radiophonique raconte une histoire vraie qui est survenue à l’est de la Zambie, une région très boisée autrefois et au sol très fertile, mais qui plus tard a été occupée par des gens intéressés uniquement à se servir des ressources forestières pour gagner un revenu à court terme. Malheureusement, cela a provoqué le dépérissement de la forêt au point de provoquer une désertification, de mauvais rendements de culture, ainsi que la faim chez les agricultrices et les agriculteurs d’exploitations familiales de la région.

Par chance, les agricultrices et les agriculteurs ont décidé de résoudre ce problème au moyen de systèmes et de pratiques agroforestiers visant à améliorer leurs sols et leurs paysages terrestres.

Vous pourriez décider de présenter ce texte radiophonique dans le cadre de votre émission agricole ordinaire, en vous servant de voix d’actrices et d’acteurs pour représenter les intervenantes et les intervenants. Si tel est le cas, prenez le soin d’expliquer à votre auditoire que les actrices et les acteurs jouent le rôle de gens ordinaires qui utilisent les pratiques dont ils parlent.

Vous pourriez vous servir du présent texte comme document de recherche ou vous en inspirer pour réaliser votre propre émission sur le déboisement et la dégradation ou des thèmes connexes concernant votre pays.

 

Entretenez-vous avec des agricultrices, des agriculteurs, ainsi que des expertes et des experts qui utilisent quelques-uns des systèmes et des pratiques décrits dans ce texte radiophonique. Posez-leur les questions suivantes :

 

Comment les sols de votre région se sont-ils détériorés ou dégradés? Quelles sont les répercussions sur l’environnement, ainsi que les agricultrices et les agriculteurs de la localité?

 

Les agricultrices et les agriculteurs ont-ils pris des mesures pour régénérer ou restaurer les sols? Qu’ont-ils fait? Ont-ils réussi?

 

Ont-ils éprouvé de la difficulté à prendre des mesures pour revigorer les sols? Si oui, de quoi s’agit-il et comment peuvent-ils surmonter cette difficulté?

 

Durée estimée du texte radiophonique : 20 minutes, avec la musique d’intro et de sortie

Texte

NARRATEUR:
Il est l’heure d’écouter votre émission «Conservons et restaurons nos ressources naturelles», qui parle de l’importance des ressources naturelles pour les agricultrices et les agriculteurs d’exploitations familiales et des actions que nous devons mener pour profiter au maximum de l’agriculture.

Assurez-vous d’avoir un stylo et du papier pour prendre d’importantes notes.

FERMER L’INDICATIF EN FONDU

FILIUS:
Bienvenue à l’émission. Je m’appelle Filius Chalo Jere, et je suis votre animateur. Je suis sûr que le sujet dont je vais vous parler aujourd’hui concerne plusieurs d’entre nous, car nos moyens de subsistance sont influencés par notre capacité ou celle des autres à bien gérer nos ressources naturelles.

En tant qu’agricultrices et agriculteurs, nos principales ressources naturelles englobent la terre, les arbres et les autres végétaux naturels recouvrant nos sols. Par conséquent, nous devons bien entretenir nos terres à l’aide de méthodes agricoles destinées à reconstituer et améliorer nos sols, plutôt qu’à les dégrader et les détruire.

Aujourd’hui, je vais vous raconter l’histoire d’une famille dont la terre était très productive autrefois. Cette terre se trouvait à Mphomwa, une localité située à l’est de la Zambie, sur le chemin du célèbre Parc national de Luangwa.

La famille gagnait bien sa vie grâce à cette terre. Toutefois, la région a été envahie par des gens qui coupaient les arbres pour les vendre à des citadines et des citadins, tandis que d’autres produisaient du charbon. Plusieurs arbres ont été abattus et la région risquait de se transformer en un désert.

Dès lors, la pauvre famille n’arrivait plus à tirer le maximum de cette terre comme c’était le cas auparavant. Pour surmonter ce problème, elle a décidé de planter des arbres pour accroître la fertilité du sol et se sert d’autres meilleures pratiques de gestion pour avoir de meilleures récoltes.

J’ai avec moi dans le studio l’agent de la gestion forestière qui vient en aide à cette famille et d’autres agricultrices et agriculteurs de la région pour restaurer une partie de la fertilité et la productivité abondante de leurs terres.

Charlton:
Je m’appelle Charlton Phiri et je travaille au bureau des services techniques du ministère zambien de l’Agriculture. Je suis spécialisé dans la conservation des sols et la gestion des terres, y compris l’agroforesterie et la collecte des eaux de pluie.

Je connais bien le problème de Mphomwa. J’aide les agricultrices et les agriculteurs à résoudre le problème de dégradation des sols provoqué par la suppression des arbres. Je vais vous y conduire pour vous montrer en quoi consiste mon travail. Vous rencontrerez une des toutes premières familles à s’installer dans la région. Je propose que nous allions avec l’agente de vulgarisation forestière du district qui travaille avec moi pour aider les agricultrices et les agriculteurs.

FILIUS:
En général, les agents locaux utilisent des vélomoteurs auxquels je ne me suis jamais habitué. Mais, comme il est cadre supérieur, Charlton possède une Land Cruiser, et cela nous encourage à accepter son invitation de l’accompagner à Mphomwa.

EFFETS SONORES:
BRUIT D’UN VÉHICULE QUI S’ÉLOIGNE

FILIUS:
Nous sommes allés chercher l’agente de vulgarisation forestière du district à son bureau. C’est une jeune femme dynamique du nom d’Emma Sakala qui porte un uniforme vert.

Nous roulons sur une route très bien goudronnée. Je me rappelle avoir roulé sur la même voie il y a de cela plus de quarante ans, dans une voiture de service bancale alors que je venais tout juste de commencer à travailler comme réalisateur d’émissions agricoles. À cette époque-là, la route se limitait à un chemin broussailleux. Il y avait aussi beaucoup d’arbres géants. Il arrivait parfois qu’on croise un impala (antilope), un koudou ou même un léopard sur la route, et il y avait des serpents venimeux dans la zone. Aussi était-il plus sécuritaire de bien fermer les vitres.

On ne rencontrait personne dans cette région, jusqu’à ce qu’on arrive aux collines de Mphomwa où se trouvait un homme du nom de Yokoniya Mwale. Les gens le jugeaient excentrique parce qu’il vivait seul avec sa famille si loin de la civilisation. Cependant, nous avons effectué un arrêt à cet endroit, car il y avait une source naturelle où on pouvait se désaltérer.

Charlton:
C’est là que je vous amène en ce moment. Vous comprendrez pourquoi Yokoniya s’était installé à cet endroit et comment les terres se sont dégradées au fil des ans.

FILIUS:
Vous voulez dire qu’après toutes ces années Yokoniya vit toujours?

Charlton:
Oh non, il est mort il y a longtemps, mais son plus jeune fils, Abraham, et ses petits enfants s’y trouvent toujours. Il était presque sur le point de quitter les lieux quand je lui ai appris à réhabiliter la terre.

FILIUS:
Est-ce que cette jungle est peuplée maintenant?

Emma:
Si. Comme le savez certainement, le Parc national de Luangwa est l’une des plus célèbres réserves de chasse en Afrique. Les touristes viennent de partout pour voir les animaux sauvages. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a finalement construit cette bonne route.

FILIUS:
Tant de progrès ont été accomplis!

Emma:
En effet, mais ces progrès n’ont pas eu que des avantages. L’ouverture de la région au monde extérieur a entraîné la dégradation des sols et l’exploitation abusive des ressources. Il s’en est suivi également un braconnage commercial qui a entièrement décimé notre faune sauvage.

FILIUS:
Y a-t-il des chances que nous rencontrions des animaux en chemin?

Emma:
C’est très peu probable, à l’exception peut-être de quelques impalas et lièvres égarés. Tous ces aménagements se font faits au prix du déboisement de vastes étendues de terres. Entre 250000 et 300000 hectares de forêt sont déboisés en Zambie chaque année.

Étant donné que les arbres forment l’habitat naturel des animaux sauvages, ces derniers se sont déplacés ailleurs. La majorité du gros gibier se trouve maintenant à l’intérieur du parc, près de la rivière Luangwa où ils sont protégés par la loi. Toutefois, il y a encore plein de singes et de babouins dans la région.

Charlton:
Donc, comme vous pouvez le voir, nous sommes très occupés à essayer de protéger nos ressources. De plus, les malheureux agricultrices et agriculteurs sont ceux qui souffrent le plus. Le déboisement massif dénude la terre et expose les sols.

FILIUS:
Je peux voir des indices de ce dont sont en train de parler les deux agents. Il y a un village ou un petit peuplement à chaque kilomètre. Il y a de grands espaces ouverts où on ne voit aucune culture, mais sur lesquels sont disposés des fours à charbons fumants. Les collines ont été dépouillées de la majorité de leurs arbres. Je suis si choqué que j’en perds les mots.

Pendant que nous amorçons une courbe, Charlton ralentit. Il y a une falaise abrupte loin de la route, et des bananeraies sur le flanc droit. Plus loin, je vois un peuplement dense de vieux manguiers qui surplombent une vieille maison en briques cuites recouverte d’un toit de vieilles tôles ondulées rouillées.

Tout m’a l’air familier!

Charlton:
Nous sommes arrivés. C’est la maison de Yokoniya.

FILIUS:
Charlton quitte la route goudronnée et emprunte un court chemin de gravier qui mène à un verger de manguiers. Alors que nous arrivons dans la concession, les branches des manguiers sont si touffues qu’elles cachent presque les rayons du soleil et nous avons l’impression de rentrer dans une grotte sombre.

EFFETS SONORES:
DES VOIX D’ENFANTS QUI JOUENT, DE CHÈVRES ET DE POULES SE FONT ENTENDRE

FILIUS:
En dehors de la vieille maison en briques, il y a deux ou trois paillotes. On voit beaucoup de poules et de porcs fermiers, ainsi qu’un certain nombre de petits enfants qui jouent partout dans la concession. Un petit garçon se tient seul au bord de la cour, d’où il surveille des chèvres qui broutent près d’un petit boisé de jeunes arbres feuillus garnis de fleurs blanches et de gousses comme celles des haricots.

Assise sur une vieille natte, une femme d’âge mûr et de grande taille lavent des feuilles de citrouille fraîches. Je commence presque à croire aux fantômes lorsque mon regard croise celui d’un vieux monsieur qui tresse une nouvelle natte sous un manguier devant la vieille maison.

FILIUS:
(L’AIR ÉTONNÉ) Charlton, je pensais que vous aviez dit que Yokoniya était mort?

Charlton:
(RIRES) Je m’attendais à ce que vous me posiez cette question. Plusieurs de ceux qui connaissaient le vieil homme sont étonnés de la ressemblance. Mais il s’agit d’Abraham, son fils cadet, le seul survivant de la famille. Hodi, ba-Yokoniya (Note du rédacteur: «Hodi» est la méthode traditionnelle de demander respectueusement à quelqu’un de se présenter devant lui en langues chewa ou nyanja).

Abraham:
Hodini – ah c’est toi, ba-Phiri, Amai Emma (Note du rédacteur: Amai est le terme d’usage employé en signe de respect pour les femmes mariées). Soyez les bienvenus et vous arrivés à temps pour votre condiment préféré à base de feuilles de citrouille.

Tamara:
En effet, j’ai déjà préparé la poudre d’arachide, et le nsima ne prend pas beaucoup de temps à cuire. Alors, je suis certaine que vous resterez le temps nécessaire pour que le dîner soit prêt.

Emma:
J’espère que nous pouvons rester assez longtemps pour le dîner. Cependant, cela va dépendre du temps dont ont besoin nos visiteurs pour s’entretenir avec vous.

Tamara:
Au village, il n’est jamais permis à un visiteur de repartir l’estomac vide. Qui est-il, un nouvel employé du ministère?

Charlton:
Pas vraiment. Il s’appelle Filius Chalo Jere…

Abraham:
(SURPRIS) Est-ce vraiment votre voix qu’on entend à la radio?

FILIUS:
Plusieurs voix passent à la radio, M. Yokoniya … euh … (HÉSITANT SUR LE NOM)

Abraham:
Mwale. Mon nom est Abraham Mwale. Yokoniya était le nom de mon père.

FILIUS:
Excusez-moi, M. Mwale. Mais si, je parle aux agricultrices et aux agriculteurs à la radio.

Tamara:
C’est formidable! Soyez les bienvenus dans notre humble demeure. (À SON MARI) S’il te plaît, dis à Limbike de laisser les chèvres un moment et d’aller attraper un coq. Nous ne pouvons pas donner uniquement du nsima fait à base de feuilles de citrouille à notre éminent visiteur.

Abraham:
Non, mais où sont passées tes bonnes habitudes, Tamara? Comment peux-tu te mettre à jacasser comme une poule sans leur offrir d’abord des tabourets pour qu’ils s’asseyent? Je crois que tu vieillis!

Tamara:
(GLOUSSANT) Tu as peut-être raison. Mais n’oublie pas que tu avais sept ans de plus que moi lorsque tu m’as persuadée de m’enfuir avec toi! (APPELANT À HAUTE VOIX) Limbike! Limbike!

Limbike:
Qu’est-ce qu’il y a ambuya (Note du rédacteur: ambuya signifie «grand-mère»)?

Tamara:
Laisse les chèvres et vient attraper ce coq noir pour nos visiteurs. (PAUSE) Pendant que j’y pense, non, vient plutôt attraper cette poule qui a commencé à pondre hier!

EFFETS SONORES:
BRUITS DE POULES S’ENFUYANT

FILIUS:
Charlton et moi sommes assis sur des tabourets en bois tandis qu’Emma s’assoit sur une natte avec la femme d’Abraham, Tamara. Entre temps, Tamara nous a apporté une calebasse contenant une boisson sucrée locale appelée munkhoyo, qui est préparée avec des racines sauvages.

Pendant que nous buvons et causons avec son mari, Tamara essaie de faire plusieurs choses à la fois, y compris, participer à la conversation. Il est évident qu’elle veut s’assurer que nous ayons de quoi manger avant de partir.

FILIUS:
S’il vous plaît, parlez-moi de cet endroit.

Abraham:
Ce lieu ressemblait au Jardin d’Éden dans la Bible. Là-bas, derrière cette bananeraie délabrée, se trouve une source d’où s’écoule l’eau la plus fraîche, le long de ce chemin. C’est la raison qui avait poussé mon père à aménager un jardin là-bas.

FILIUS:
À quoi servait le jardin? Vous ne pouviez pas à vous tous seuls consommer tous les légumes, et la ville de Chipata se trouvait très loin de vous pour que vous puissiez aller y vendre vos légumes.

Abraham:
Vous avez raison. Les gens pensaient que mon père était fou de vouloir s’établir ici. Mais il avait vécu auparavant en Afrique du Sud et était très rusé: il avait flairé une grande opportunité à travers les cabanes et les camps safari aménagés dans le Parc national de Luangwa.

FILIUS:
Quelle opportunité avait-il flairée?

Abraham:
On ne trouvait pas de légumes dans le village à cause des animaux sauvages. Par conséquent, les exploitants des cabanes et des camps safari devaient parcourir 145 kilomètres jusqu’à Chipata pour s’approvisionner en légumes. L’état de la route était si mauvais que le voyage aller-retour nécessitait deux jours. Mon père a aménagé ce jardin, afin que les exploitants des camps n’aient pas à parcourir toute cette distance.

FILIUS:
Le jardin a l’air délabré. Est-ce parce que la bonne route facilite les déplacements à Chipata pour les ravitaillements?

Abraham:
Pas vraiment. Mais, dans un sens, la route est pour quelque peu à l’origine de la décrépitude de ce lieu.

FILIUS:
Comment? Je pensais que la route avait désenclavé la région et apporté le développement. Cela signifiait plus de trafic et de clients pour vous.

Abraham:
Vous avez raison pour ce qui du fait que la route amène plus de personnes. Mais la plupart d’entre elles ont causé de nombreux problèmes.

FILIUS:
Qu’est-ce que vous voulez dire?

Abraham:
Comme la ville de Chipata s’agrandissait, les gens avaient besoin de bois de feu. Au fil du temps, la demande s’est portée vers le charbon de bois.

Tamara:
En effet, les gens se sont installés autour de nous. Ils prétextaient le fait d’être des agricultrices et des agriculteurs pour couper les arbres, en vue de fabriquer du charbon de bois, qu’ils vendaient en ville. Ils cultivaient très peu. Lorsqu’il n’y avait plus d’arbres, ils s’en allaient vers une autre région.

Abraham:
Et récemment nous avons eu un problème avec les padouk (Note du rédacteur: le nom scientifique de cet arbre est Pterocarpus tinctorius.) Ces arbres fournissent du bois dur de haute qualité. Nous avons appris que les colons s’en servaient pour fabriquer des crosses de fusil et d’autres produits. Les étrangers viennent et proposent de l’argent aux populations locales pour pouvoir couper les arbres qu’ils ramènent chez eux.

FILIUS:
Quelles ont été les répercussions de telles actions?

Abraham:
(D’UNE VOIX TRISTE) La baisse des pluies et des sols ingrats. Nos récoltes ont diminué.

FILIUS:
Comment vous en sortez-vous face à cette situation?

Abraham:
Allons voir les champs pour que vous puissiez comprendre comment nous nous en sortons.

PAS DE PERSONNES QUI S’ÉLOIGNENT

FILIUS:
Nous marchons en file indienne comme des fourmis blanches. Abraham est devant, suivi de Charlton et moi, tandis que Tamara et Emma ferment la marche. Dès que nous quittons l’ombre des manguiers, nous sommes choqués de voir à quel point la terre est déboisée tout le long du chemin menant aux collines. Même les collines sont dépouillées de tout couvert à part quelques arbustes qu’on aperçoit ça et là.

Devant nous, j’aperçois des champs de maïs, d’arachides et d’autres cultures. Certaines cultures sont plantées en association avec les arbustes munis de cosses que nous avons vus au bord de la concession. Sinon, il n’y a aucun arbre géant en vue si ce n’est qu’à l’horizon, où une ligne de verdure indique la présence d’une rivière.

FILIUS:
Je suis surpris de voir que votre champ est si découvert. Pratiquiez-vous également le bûchonnage?

Abraham:
Non, bien sûr que non. Par contre, mon père s’intéressait seulement au petit lopin de terre qui entourait la source pour son jardin. Par conséquent, il a permis aux gens de s’établir autour de lui. C’était une bonne idée, car les sangliers avaient l’habitude de venir détruire les cultures du jardin. Le fait d’avoir plus de personnes autour de nous a réduit ce risque.

Cependant, nos nouveaux voisins étaient les prétendus agricultrices et agriculteurs dont je vous ai parlé. Dès qu’ils avaient fini d’abattre tous les gros arbres et produit leur charbon de bois, ils se déplaçaient ailleurs et laissaient la terre nue.

FILIUS:
Qu’avez-vous fait de la terre abandonnée?

Abraham:
Au fur et à mesure qu’on devenait grands, se mariait et avions nos propres maisons, les produits du jardin ne suffisaient plus à nous nourrir tous. Alors, nous avons commencé à produire des cultures pluviales dans les champs abandonnés.

FILIUS:
Comment êtes-vous arrivés à faire cela, vu que vous aviez été élevés dans le maraîchage?

Abraham:
(GLOUSSEMENTS) Au village, les enfants grandissent avec une houe dans la main. Outre le jardin, mon père cultivait du sorgho. Plus tard, il s’est tourné vers la culture du maïs.

Mais les cultures de maïs ont besoin de beaucoup plus de soins et le sol était devenu pauvre à la fin à cause de l’érosion. Nous utilisions également de mauvaises méthodes agricoles.

DES BRUITS DE FEMMES QUI CHANTENT, AINSI QU’UNE VOIX D’HOMME SE FONT ENTENDRE AU FOND ET SE RAPPROCHENT DU MICRO

Tamara:
Tiens, voici Anna et les femmes de notre groupement.

OUVRIR LE CHANT DES FEMMES EN FONDU, DIMINUER

Tamara:
(D’UNE VOIX EXCITÉE) Merci d’être venus très rapidement Anna, Sithembile, Bibian et toi aussi Ganizani.

Nous avons reçu un visiteur spécial qui a des tas de questions à vous poser. Et regardez, il a fait sortir son magnétophone! Nous allons passer à la radio, chères amies.

HULULEMENT DES FEMMES

Tamara:
Dis donc, vous allez percer les tympans de notre visiteur. Venez, il est temps de faire les présentations.

Anna:
Je m’appelle Anna, et je suis la secrétaire du groupement de conservation des terres Yokoniya. Je tiens un registre sur toutes les activités que nous menons. Mais, l’agriculture est notre principale activité.

FILIUS:
Merci. Donc, comme Tamara le disait, vous pourriez passer à la radio pour expliquer aux agricultrices et agriculteurs pourquoi l’abattage désordonné des arbres est une mauvaise chose, et comment vous gérez les effets néfastes. Quels sont les obstacles majeurs que vous avez rencontrés à cause du déboisement?

Anna:
Pour nous les femmes, cela signifiait qu’il fallait parcourir de très longues distances pour aller chercher du bois de chauffe. En saison sèche, il fallait également allez loin pour chercher l’eau de boisson, que nous utilisons aussi pour d’autres besoins.

Sithembile:
Je m’appelle Sithembile, et je suis la femme de Ganizani. Nous avons un jardin potager, mais, à l’heure actuelle, nous ne pouvons plus cultiver de légumes toute l’année, car notre dambo s’assèche rapidement (Note du rédacteur: «Dambo signifie «terre humide ou marais» en langue chewa). Cela a des répercussions sur nos revenus.

Bibian:
Mon nom est Bibian. J’habite loin, après la maison d’Anna. En effet, l’abattage désordonné des arbres n’est pas une bonne chose. Cela détruit nos sols et nos récoltes sont plus maigres.

C’est la raison pour laquelle nous avons accueilli favorablement la nouvelle méthode agricole de ba-Phiri qui ne mise pas sur les engrais chimiques pour augmenter les rendements. Au lieu de cela, nous plantons des arbres comme le musangu et le Gliricidia sepium qui augmentent la fertilité de nos sols (Note du rédacteur: le nom scientifique du musangu est Faidherbia albida).

Abraham:
Charlton nous a appris que ce système agricole s’appelait l’agroforesterie. Ce système exige que les hommes et les femmes travaillent ensemble. Les hommes aménagent les pépinières et défrichent les champs. Mais les femmes font plus attention lorsque vient le temps de procéder à la transplantation.

Anna:
Tu as raison, sauf lorsqu’il s’agit de transplanter les jeunes plants épineux de musangu. Nous devons attendre longtemps avant de pouvoir rentabiliser le musanga, et nous les femmes sommes impatientes la plupart du temps. Toutefois, une fois que les racines du musanga sont bien fixées, vous n’avez pas besoin d’utiliser d’engrais chimique pour avoir de bons rendements.

FILIUS:
Ce musangu doit être un arbre exceptionnel. Est-ce celui que j’ai vu derrière la maison, là où les chèvres sont en train de brouter?

Abraham:
Non, celui-là c’est le Gliricidia. Il ne procure pas autant d’avantages durables que le musangu. Mais lui il vous procure des résultats deux ans après que vous l’ayez planté.

Sithembile:
Le Gliricidia produit aussi plus de feuilles qui servent à fabriquer du compost et à accroître la matière organique dans le sol. Ses branches n’ont pas d’épines comme le musangu. Nous utilisons les petites branches comme bois de chauffe, surtout dans les fourneaux de cuisine économes en combustible. Nous n’avons plus à nous déplacer aussi loin pour aller chercher du bois.

Ganizani:
(RIRES) Les femmes parlent toujours de choses qui les concernent. N’oubliez pas que le déboisement a fait disparaître notre source de miel sauvage. Mais en créant les bosquets de Gliricidia, les abeilles commencent à revenir encore. Le miel est bon pour la santé et nous pouvons le vendre facilement en ville.

Abraham:
Les arbres nous procurent un toit. Ils protègent nos sols du soleil et de l’érosion éolienne et hydrique.

Ganizani:
Tu as raison Yokoniya. Nous avons également appris plusieurs modes de production agricoles, dont, par exemple, la culture minimale pour lutter contre l’érosion, la construction de bassins de plantation et le travail profond du sol pour la récupération de l’eau, ainsi que la culture en bandes avec le Gliricidia.

FILIUS:
Culture en bandes – de quoi s’agit-il?

Abraham:
La culture en bandes consiste à planter des Gliricidia ou d’autres arbustes fixateurs d’azote en association avec nos cultures vivrières dans le même champ. Outre l’ombre qu’ils procurent à nos cultures, nous coupons les branches et nous les déposons le long des bandes où elles pourrissent et fertilisent le sol. Elles permettent d’accroître la teneur en eau des sols indispensables aux plantes.

Dans un champ comme le mien, vous pouvez également voir des bandes végétales aménagées en travers de la pente à intervalles réguliers.

FILIUS:
Utilisez-vous également l’herbe dans la culture en bandes?

Abraham:
Pas exactement. Ça, c’est du vétiver. Il a des racines profondes qui retiennent la terre des champs. Cette herbe est également résistante et repousse même après qu’on l’a brûlée.

CHARLTON:
(GLOUSSEMENT) Je suis très heureux de voir à quel point vous êtes tous devenus des promoteurs de l’agroforesterie et vous êtes conscients des effets néfastes de la coupe désordonnée des arbres. J’espère que vous diffuserez ce message aux autres agricultrices et agriculteurs autour de vous!

Abraham:
En effet, ce sera fait. Nous n’avons pas besoin de le crier sur tous les toits. Les gens s’apercevront eux-mêmes des résultats en observant nos champs!

FILIUS:
Mes amis, Abraham a raison. La coupe désordonnée des arbres a des effets néfastes. Alors, si vous avez la chance d’avoir des forêts vierges autour de vous, faites en sorte de les conserver et d’en prendre bien soin. Mais, si votre champ est impropre à la culture et si vos sols sont pauvres et en proie à l’érosion, n’hésitez pas à recourir à l’agroforesterie comme le fait le groupement de conservation des terres Yokoniya.

Je vais rendre l’antenne à présent, mais je serai de retour la semaine prochaine avec un autre thème sur la manière dont nous pouvons conserver nos ressources naturelles pour notre propre bien et pour celui de toute la planète.

Si vous voulez en savoir plus sur le thème d’aujourd’hui, veuillez contacter Charlton Phiri au bureau des services techniques du ministère zambien de l’Agriculture, ainsi qu’Emma Sakala, la technicienne en foresterie.

Ou moi-même.

Nous serons ravis de vous aider.

Indicatif musical de fin

Acknowledgements

Rédaction : Filius Chalo Jere, réalisateur d’émissions radiophoniques agricoles, Breeze FM, Chipata, Zambie

Révision : Miguel Calmon, chargé principal, Restauration des paysages forestiers, Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)

Information sources

Entrevues :

Charlton Phiri, Bureau des services techniques, ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, P. O. Box 510046, Chipata, 13 et 16 février 2015

Emma Sakala, technicienne en foresterie du district, Chipata, 16 février 2015

Abraham Yokoniya Mwale, Mphomwa, Mfuwe, 16 février 2015

Membres du groupement de conservation des terres Yokoniya, Mfuwe, 16 février 2015

Onyx Msachiwa, Total Land Care Malawi

 

gac-logoProjet réalisé grâce à l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD)